Écoutez "On refait le monde" avec Noémie Sitbon, survivante de l'Hyper Casher, Jérémy Peltier, co-directeur général de la Fondation Jean Jaurès, Christian Prouteau, fondateur et ancien chef du GIGN, Christine Guimonnet, secrétaire générale de l'association des professeurs d'histoire-géographie, et Hortense Crépin, journaliste à RTL.
Regardez On refait le monde avec Yves Calvi du 06 janvier 2025.
Regardez On refait le monde avec Yves Calvi du 06 janvier 2025.
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00:00« L'envie de rire ne disparaîtra jamais » affirme nos confrères de Charlie Hebdo dans un numéro spécial.
00:12Il paraît demain, mardi 7 janvier, et il y a dix ans, une attaque terroriste faisait huit victimes au sein de sa rédaction.
00:17Ce soir dans On refait le monde, nous allons nous demander ce qui a changé dans notre pays, si des choses ont changé d'ailleurs.
00:22Depuis ces attentats sans précédent, la laïcité a-t-elle reculé depuis dix ans ?
00:26Où en est la liberté d'expression ?
00:28Et finalement, qu'est-ce qui a changé en matière de lutte antiterroriste avec ces épreuves ?
00:32Avec nous ce soir, Christian Proteau, qui est fondateur et ancien chef du GIGN, le groupement d'intervention de la Gendarmerie Nationale.
00:38Soyez le bienvenu, Christian Proteau.
00:40Jérémy Pelletier, co-directeur général de la Fondation Jean Jaurès.
00:42Vous publiez demain une étude intitulée « Aimons-nous encore la liberté d'expression ? »
00:47à retrouver demain notamment dans Charlie Hebdo.
00:49Soyez le bienvenu, Christine Guimonnet, secrétaire générale de l'Association des Professeurs d'Histoire et de Géographie.
00:54Vous aussi, bienvenue Madame Guimonnet.
00:55Bonsoir.
00:56Et nos hémicycles non-survivantes de l'attaque de l'hypercachère qui a eu lieu le 9 janvier 2015, deux jours après Charlie.
01:07Le siège du journal Charlie Hebdo a été pris pour cible à Paris des tirs d'armes automatiques.
01:12Des hommes cagoulés, vraisemblablement vêtus de noir, deux ou trois hommes selon les témoignages,
01:18auraient pénétré dans le siège du journal avant à ce moment-là d'ouvrir le feu.
01:23On rejoint tout de suite Cindy Hubert. Cindy, vous êtes sur place.
01:26Oui, c'est très confus ici, l'atmosphère est vraiment…
01:29Au moment où je vous parle, des brancards, des personnes sur des brancards, tout en train de défiler dans la rue.
01:36On entend maintenant François Hollande.
01:37Cette fusillade d'une violence extrême a tué 12 personnes et en a blessé plusieurs.
01:42Des dessinateurs de grands talents, des chroniqueurs courageux.
01:46Ils avaient marqué par leur influence, par leur insolence, des générations et des générations de Français.
01:53Le 7 janvier est donc le jour J d'une série d'attentats qui va toucher le pays pendant une année complète.
01:58Le 8 janvier dans les rues de Montrouge, en région parisienne.
02:01Et le 9, l'attaque du magasin Hyper Cacher, porte de Vincennes.
02:04Christian Proutot, des attaques terroristes coordonnées comme celles de janvier 2015
02:09peuvent-elles se reproduire aujourd'hui en 2025 dans notre pays ?
02:13Tout a été mis en place pour que ça ne se reproduise pas.
02:16Mais malheureusement, on sait que la sécurité à 100% ça n'existe pas.
02:20Alors la sécurité, il faut bien se rendre compte que c'est avant tout du renseignement.
02:24Il faut pouvoir anticiper.
02:26Quand vous êtes surpris par un événement, vous n'avez pas les moyens tactiques et techniques.
02:31Et par définition, voire déjà trop tard.
02:33Voilà. Après, malheureusement, on compte les blessés et malheureusement souvent les morts.
02:38Les services sont toujours aussi actifs et en quête avec, je dirais, la même conscience contre la menace terroriste ?
02:44Je dirais qu'encore plus. Parce qu'il faut bien vous dire que tout a été pris à la fois comme un échec.
02:51Mais un échec douloureux d'un pays qui se veut libre et qui n'a pas été capable de protéger ses citoyens.
02:58De quelque chose qui couvait et dont on avait quelques bribes.
03:03Mais dont on n'a pas pu cerner l'ampleur.
03:06Et je crois que la réforme des services de renseignement qui ont été faites quelques années auparavant
03:11a malheureusement conduit à ce qu'on ait une partie de la réponse mais pas totalement.
03:16Cette menace reste donc un enjeu permanent ?
03:18Oui, absolument. De toute façon, la sécurité, d'une manière générale, à travers le renseignement, est un enjeu permanent.
03:25La géopolitique change en permanence.
03:27Donc la menace change elle aussi.
03:30Et ce qui est le pire, c'est qu'elle peut être également, et on s'est malheureusement rendu compte un peu trop tard de cela,
03:37elle peut être endogène. C'est-à-dire venir de chez nous, de l'intérieur.
03:41C'est la principale inquiétude d'aujourd'hui ?
03:44Moins qu'avant. Parce qu'on a réformé les renseignements, en particulier avec les renseignements territoriaux.
03:52On s'était beaucoup appuyés. C'était un choix qui avait été fait.
03:56On n'était pas tous d'accord là-dessus.
03:58Mais il y a un choix technique qui a été fait, pour ce qu'on appelle les moyens techniques, les écoutes, les systèmes informatiques,
04:06en croyant que c'était la solution.
04:08Or, le renseignement humain, c'est la base du renseignement.
04:12Et être sur le terrain, c'est connaître, savoir, écouter, savoir ce qui s'y passe.
04:17Et voir, surtout.
04:18Et si vous n'êtes plus sur le terrain, malheureusement, vous êtes à moitié aveugle, à moitié sourd.
04:25Mais surtout, ce qui est important, c'est que quand vous êtes sur place, que vous pouvez anticiper, en voyant ce qui se passe,
04:33il y a un contact qui se fait, qui, à mon avis, amène à ce qu'il y ait moins de personnes qui se sentent à l'écart.
04:43Parce que la sécurité, elle est pour tout le monde.
04:46Et dans une zone sensible, si vous n'avez pas de forces de police en place,
04:52quand on a supprimé la police de proximité, on a laissé libre cours à beaucoup de choses.
05:00On va revenir sur ces questions avec vous, parce qu'elles sont importantes.
05:02Noémie Sidbon, vous êtes l'une des rescapées de l'attaque de l'Hypercacher à la Porte de Vincennes, le 9 janvier 2015,
05:09deux jours après l'attaque de Charlie Hebdo.
05:11Le terroriste Hamedi Koulibaly s'y retranche pendant près de quatre heures.
05:15Il y fait quatre victimes avant d'être éliminé par le GIGN.
05:19Quel est le sentiment ou la première image qui vous revient à l'esprit de ce moment absolument épouvantable ?
05:24La première image qui me revient, c'est surtout les cris et les personnes qui courent à l'intérieur du magasin
05:30au moment où elles comprennent ce qui est en train de se passer.
05:33La peur dans les yeux de tout le monde, la peur de ce qui est en train de se produire.
05:39Donc, très rapidement, vous comprenez ce qui se passe, je veux dire la notion notamment d'une attaque terroriste ?
05:46Oui, assez rapidement, ça met quelques secondes, peut-être une minute ou deux,
05:50mais on comprend rapidement ce qui est en train de se passer.
05:52Je pense qu'on a tous suivi, les deux derniers jours, les différents attentats à Montrouge et à Charlie Hebdo.
05:58Donc, c'est assez rapide à comprendre.
06:00Que vous dit l'attaquant ? Il donne des explications ?
06:02Non, absolument pas. Moi, en tout cas, je ne l'entends absolument pas parler.
06:06Je suis le mouvement de foule et je descends me cacher, mais je ne l'ai jamais entendu parler.
06:11Vous avez pu le voir arriver, le regarder ?
06:16Je l'ai aperçu, j'ai aperçu sa soulette en essayant de remonter les allées du magasin et en essayant de sortir.
06:22Je ne l'ai pas vu distinctement, mais j'ai aperçu quelqu'un d'imposant à l'entrée du magasin.
06:26Avez-vous craint vraiment pour votre vie ?
06:28Absolument, oui, j'étais persuadée qu'on allait tous y rester.
06:31Et les regards, je t'allais dire, entre tous ceux qui sont là au même moment,
06:36qui sont réfugiés dans une chambre froide ?
06:39Vous venez de nous rappeler, comment ça se passe ?
06:42C'est des moments compliqués parce qu'on essaye de faire le moins de bruit possible.
06:46On a un bébé avec nous, qu'on essaye de divertir aussi le plus possible,
06:50mais ça reste un bébé de dix mois et il y a besoin de jouer, il y a besoin d'être occupé.
06:55Et il a été d'un courage exceptionnel.
06:58Et c'est très long, c'est quatre heures dans le noir,
07:03quatre heures à essayer de faire le moins de bruit possible,
07:05quatre heures à essayer d'avoir des informations de l'extérieur,
07:08parce qu'on ne sait rien de ce qui se passe.
07:10Et c'est quatre heures d'attente et d'angoisse.
07:13Je suis extrêmement surpris, pour ne pas dire stupéfait,
07:16de la simplicité naturelle avec laquelle vous en parlez.
07:20Vous en rêvez parfois ?
07:23Vous en cauchemardez, si je puis dire ?
07:26Ça m'arrive beaucoup moins aujourd'hui.
07:28Ça a été le cas ?
07:29Oui, ça a été le cas dès les suites de l'attentat,
07:32oui, ça a été le cas pendant plusieurs mois.
07:34Ça s'est estompé par la suite,
07:36et ça revient à chaque anniversaire un petit peu.
07:39Dix ans plus tard, comment vous sentez-vous ?
07:41Dix ans plus tard, ça va quand même beaucoup mieux dans l'ensemble.
07:44Je peux dire qu'il y a eu beaucoup de progrès qui ont été faits,
07:47qu'il y a du mieux, c'est sûr.
07:49Mais il y a des séquelles qui resteront toujours présentes,
07:52et c'est une histoire de vie qu'on ne peut pas effacer.
07:55Mais ça veut dire que vous n'avez pas une vie normale.
07:58C'est ce que je comprends,
08:00parce que je suis partagé par votre sourire dans cette interview,
08:03votre présence, et ce que vous êtes en train de nous décrire.
08:06J'ai envie de vous dire une brûlure éternelle.
08:08Oui, bien sûr, parce que c'est une vie à laquelle je me suis faite.
08:11J'ai l'impression que c'est devenu ma vie normale pour moi,
08:13donc c'est vrai que parfois j'oublie que ce n'est pas la normalité.
08:17Vous étiez au moment de l'attentat infirmière dans un service d'urgence.
08:20Là aussi, cela a eu un impact sur votre vie professionnelle.
08:23Il y a des choses que vous pouviez faire avant et que vous ne pouvez plus faire aujourd'hui ?
08:27Oui, avant je travaillais dans un service de réanimation digestive.
08:31Il y avait beaucoup d'urgence vitale,
08:33beaucoup d'hémorragie digestive,
08:35de marre de sang assez importante,
08:38et c'était quelque chose dont j'avais l'habitude.
08:40Oui, c'était votre métier.
08:41C'était mon métier, oui.
08:42Et à la suite de ça, la vue du sang est devenue très difficile,
08:46et j'ai dû arrêter de travailler dans le service où j'étais.
08:51Vous avez participé à un documentaire qui sera diffusé ce soir,
08:54à 21h10, sur M6, sur la 6,
08:57et qui a été tourné dans les murs de ce qui devait devenir
08:59le musée mémorial du terrorisme à Suresnes, dans les Hauts-de-Seine.
09:03On a appris que le projet était abandonné pour raisons budgétaires.
09:06Quelle est votre réaction ?
09:08J'ai appris ça, je trouve ça très dommage d'avoir coupé ce mémorial dans le budget.
09:15Peut-être qu'il y avait d'autres choses à voir avant,
09:17surtout au moment des 10 ans, c'est vraiment assez symbolique pour moi,
09:20et je trouve ça vraiment dommage.
09:22Et c'est un peu passé inaperçu, je pense, pour beaucoup de gens.
09:25Donc vous nous dites que pour vous c'était important,
09:28pour toutes les victimes, d'avoir un lieu qui existe,
09:31qui nous parle, et vers lequel on puisse accessoirement se tourner.
09:35Bien sûr.
09:36Vous percevez la même chose, Jérémy Pelletier ?
09:38On a besoin d'un lieu physique vers lequel on doit pouvoir se tourner
09:43quand on parle de ces questions et de ces drames.
09:45Oui, je pense, et notamment parce que ça a été un moment traumatique.
09:49Effectivement, on fête les 10 ans, et encore plus j'imagine pour vous,
09:52mais je pense que pour l'ensemble de la population française,
09:55on a quand même le sentiment que c'était hier,
09:57et effectivement, ce traumatisme-là, ce moment qui a changé
10:02un certain nombre de représentations des Français sur un certain nombre de choses.
10:06On le voit dans tout un tas d'enquêtes d'opinion.
10:09Ce moment qui a changé l'appréciation des Français sur ce qu'était leur pays,
10:13sur ce que devenait leur pays,
10:15sur les transformations qu'il fallait en tout cas avoir en tête,
10:19sur le logiciel aussi qu'il fallait actualiser quand on s'intéresse à notre pays.
10:23En effet, ce moment-là était un moment un peu charnière.
10:25Ça avait déjà démarré en 2012 au moment de la fermera.
10:28Je pense que c'était peut-être l'élément déclencheur de toute cette séquence-là,
10:32mais effectivement, 2015, moment traumatique.
10:35En effet, ce n'est pas inutile sans doute d'avoir des lieux fixes,
10:38des lieux situés géographiquement pour se recueillir d'une part,
10:42mais surtout pour ne pas oublier.
10:44Parce que là, on est 10 ans après,
10:46donc c'est encore dans les mémoires,
10:48c'est encore dans les représentations.
10:49Vous avez passé tout à l'heure des flashs infos qui nous semblent
10:52des flashs infos extrêmement contemporains.
10:54Qu'en sera-t-il dans 20 ans, dans 30 ans, dans 40 ans ?
10:57Donc, je pense que l'importance des lieux,
10:59c'est surtout quand on va s'intéresser à 10, 15, 20 ou 30 ans.
11:03Est-ce qu'on se souviendra encore ?
11:04Et là, les lieux auront leur utilité.
11:06On reprend ce débat dans quelques instants.
11:07Je ne vous oublie pas, Christine Guybonnet,
11:09je rappelle que vous êtes secrétaire générale
11:10de l'Association des professeurs d'Histoire-Géographie.
11:12Point d'actu dans un instant, et ensuite, on reprend notre débat.
11:16Jusqu'à 20h, Yves Calvi refait le monde sur RTL.
11:31Prochaine audience prévue après-demain pour Nicolas Sarkozy,
11:34l'ancien président dont le procès s'est ouvert aujourd'hui
11:36au tribunal correctionnel de Paris.
11:38Il est jugé aux côtés de trois de ses anciens ministres
11:41pour le financement libyen présumé de sa campagne de 2007.
11:44A la veille des 10 ans des attentats de Charlie Hebdo et de l'hypercacher,
11:47deux jours plus tard, on n'apprend ce soir que des étoiles de David
11:50ont été taguées sur des bâtiments de Saint-Mandé et Vincennes
11:53à proximité du magasin.
11:55Une enquête est ouverte.
11:56C'est dans ce contexte et après les attaques à la voiture-bellier
11:59en Allemagne et aux Etats-Unis que Bruno Retailleau,
12:02ministre de l'Intérieur, a demandé aujourd'hui au préfet
12:05de renforcer la sécurité des grands rassemblements.
12:08Bruno Retailleau qui sera l'invité de RTL le matin.
12:11Demain, il répondra aux questions de Thomas Autorendez-vous
12:13à partir de 7h40.
12:15Et puis l'Est des Etats-Unis, touché par une tempête hivernale
12:18d'une rare ampleur.
12:1950 millions de personnes impactées, 300 000 privées de courant.
12:22Les deux aéroports de Washington ont été contraints
12:25d'annuler 500 vols, plus de 2000 au niveau national.
12:28L'état d'urgence est déclaré dans les états du Missouri,
12:31de la Virginie et du Maryland.
12:33Alban le prince.
12:34Et dans moins de 30 minutes sur RTL, on retrouve Faustine Bola
12:36pour son émission Héros Allemande.
12:38Un combat bouleversant ce soir.
12:39Celui de Vincent, ce français installé au Japon,
12:42a vu sa femme kidnapper ses deux enfants du jour au lendemain.
12:45Et cela en toute légalité, puisque le droit japonais l'autorise.
12:48Rendez-vous à 20h pour Héros avec Faustine Bola sur RTL.
12:51Et on vous retrouve également à 20h, Faustine,
12:53pour un point sur l'actualité à tout à l'heure.
13:02Je ne sais pas si des millions de personnes défileraient dans la rue.
13:05C'était quand même quelque chose d'absolument abominable.
13:08Cet janvier, les gens sont descendus dans la rue
13:11pour des tas de raisons.
13:13Mais enfin, de tous les gens qu'on croise,
13:16des jeunes qui se mettent au dessin,
13:18des soutiens qu'on reçoit.
13:20Oui, j'ai l'impression que les gens sont beaucoup plus charlis
13:23qu'on peut le penser, oui.
13:25On refait le monde consacré ce soir
13:27aux 10 ans de la vague d'attentats de 2015.
13:29On vient d'entendre la dessinatrice de Charlie Hebdo, Coco.
13:32Nous sommes avec Christine Guimonet, qui est secrétaire générale
13:34de l'association des professeurs d'histoire et géographie.
13:36Christian Proutot, fondateur et chef du GGN,
13:39le groupement d'intervention de la gendarmerie nationale.
13:41Jérémy Pelletier, co-directeur de la fondation Jean Jaurès
13:44et Noémie Sidbon, qui est une survivante de l'attaque
13:47de l'hypercachère le 9 janvier 2015.
13:50Christine Guimonet, est-ce que vous parlez
13:54en cours d'histoire et de géographie
13:57de ce drame qui a eu lieu dans notre pays
13:59à vos élèves ?
14:01Bien sûr, et 10 ans après,
14:04on se rappelle tous
14:08où nous étions dans nos salles de classe
14:10le 7 janvier.
14:12Le 7 janvier, c'était un mercredi.
14:14Et lorsqu'on reprend les cours le jeudi matin,
14:17il y a tout de suite des questions
14:19qui viennent des élèves.
14:21Il y a ceux qui connaissaient Charlie Hebdo
14:23par leur culture familiale, d'autres qui ne le connaissaient pas du tout.
14:26Et il faut à la fois essayer d'expliquer
14:28ce qui peut sembler insensé, inexplicable,
14:32gérer les émotions des élèves,
14:35donner des clés de compréhension de ce qui se passe.
14:38Et très vite, en fait,
14:40on s'est rendu compte que,
14:42d'une classe à l'autre,
14:44des élèves qui avaient une grande maturité
14:46étaient extrêmement choqués de ce qui s'était passé,
14:49même s'ils ne lisaient pas Charlie Hebdo.
14:52Et j'ai le souvenir
14:54d'élèves du lycée qui sont allés
14:57spontanément demander à l'administration
14:59de faire des photocopies.
15:01Et ils ont affiché
15:04le petit dessin Je suis Charlie
15:07sur toutes les portes des salles de classe.
15:09Ça, c'était un souvenir marquant.
15:11Vous n'avez jamais été confronté à ce que j'appellerais des contestataires
15:14qui disaient, vous savez qu'on a beaucoup de nos professeurs,
15:16et notamment d'histoire géographique,
15:17qui nous ont dit que parfois il avait été difficile pour eux
15:19dans leurs établissements d'aborder ces questions
15:21sans qu'il y ait des gamins qui disent
15:22non, non, moi je ne veux pas entendre ça, je ne veux pas participer à ça.
15:25À titre personnel, non.
15:27Mais personne n'est à l'abri.
15:29Personne n'est à l'abri.
15:31Ce qui est important, c'est d'avoir un dialogue constructif
15:33avec les élèves,
15:35de leur permettre de poser des questions,
15:37de se poser des questions,
15:39et d'essayer de comprendre dans la discussion qu'on a avec eux
15:41d'où peuvent venir les réticences,
15:43d'où peuvent venir
15:45les propos
15:47parfois décalés
15:49ou choquants que certains pourraient
15:51tenir.
15:53Parce que si on renonce à notre
15:55mission explicative,
15:57et si on dit non, non, ça on ne doit pas en parler,
15:59on ne dit pas, on renonce à notre mission d'éducateur
16:01ce qui veut dire que l'élève va rester
16:03avec ses préjugés, souvent avec ses ignorances
16:05et on n'aura pas avancé d'un tas.
16:07Enfin, surtout lui.
16:09Donc on doit toujours entrer dans une dynamique d'explication
16:11qui, bien sûr,
16:13lorsque c'est nécessaire, doit
16:15aboutir à un rappel ferme de la loi,
16:17de ce qui se dit, de ce qui ne se dit pas,
16:19la différence entre
16:21un propos d'une simple opinion
16:23et de ce qui est délictuel.
16:25La fondation Jean Jaurès
16:27est sollicitée par les établissements
16:29parfois pour des interventions ?
16:31Un petit peu.
16:33Beaucoup par les professeurs.
16:35Beaucoup par les professeurs.
16:37Les professeurs nous demandent
16:39peut-être un certain nombre d'études
16:41pour voir si ce qu'ils observent sur le terrain
16:43correspond aussi à une réalité nationale.
16:45Nous, ce qu'on essaie de faire,
16:47à travers nos travaux, à travers
16:49ce poste d'observation privilégié qui est le nôtre,
16:51c'est d'essayer de donner un peu des tendances générales.
16:53Qu'est-ce qui se passe dans les classes ?
16:55Que pense une partie de la jeune génération
16:57sur la liberté d'expression ?
16:59Que pense la jeune génération
17:01vis-à-vis de questions comme la laïcité,
17:03vis-à-vis de questions comme le blasphème,
17:05vis-à-vis de questions comme la caricature ?
17:07Les professeurs, en l'occurrence, peuvent nous solliciter.
17:09Ça peut nous arriver, en effet,
17:11d'aller parfois dans des classes pour,
17:13je dirais, animer un certain nombre de débats,
17:15animer un certain nombre de conférences
17:17et essayer de faire un peu de pédagogie sur des sujets.
17:19Alors, je vous souhaiterais accueillir
17:21dans ce studio Hortense Crépin. Bonsoir Hortense.
17:23Bonsoir à tous. Vous êtes spécialiste d'éducation à RTL
17:25et vous avez voulu savoir si les enseignants
17:27ont changé leur façon de travailler après 2015.
17:29Absolument. Christine Guémonnet, vous en parliez,
17:31vous disiez que personne n'est à l'abri.
17:33La question qu'on s'est posée,
17:35c'est de savoir si, en 10 ans,
17:37des professeurs, alors je me suis concentrée sur les professeurs
17:39d'histoire-géographie, continuent
17:41ou pas aujourd'hui de montrer des caricatures à leurs élèves.
17:43J'en ai contacté une vingtaine.
17:45Sur une vingtaine, il y en a trois qui m'ont
17:47expliqué qu'ils avaient arrêté ou en partie
17:49sur certains sujets, notamment celui
17:51de la religion, évidemment, de montrer
17:53des caricatures à leurs élèves. Je vous propose
17:55qu'on écoute l'une de ces professeurs qui travaille
17:57dans un établissement des quartiers nord de Marseille.
17:59Ce n'est pas vraiment de la peur, mais c'est plutôt
18:01l'idée de ne pas chercher
18:03des problèmes dans un contexte où on a déjà
18:05beaucoup de problèmes. C'est évident que le climat
18:07s'est tendu sur les questions idéologiques et religieuses
18:09et qu'on a beaucoup plus de revendications
18:11du contenu des programmes, des parents
18:13qui sont capables de venir nous remettre
18:15en question sur nos pratiques et sur les contenus
18:17qui nous demandent de nous censurer
18:19sur certaines questions. Alors après,
18:21on ne répond pas à la demande des parents, mais par contre
18:23on cherche à garder
18:25une relation favorable,
18:27agréable avec les élèves. Alors, cette enseignante
18:29a arrêté d'utiliser des caricatures pour ce
18:31qui concerne la religion. Il faut bien
18:33appliquer le programme. Évidemment, je me souviens, Christine Guimaudet,
18:35qu'on avait eu l'occasion d'en parler ensemble
18:37il y a quelques mois. À la place,
18:39elle utilise des textes ou des
18:41vidéos, puisque je pense que vous allez pouvoir
18:43confirmer, les caricatures, c'est aucunement
18:45une obligation, c'est un support pédagogique comme un autre
18:47pour aborder la laïcité, la liberté
18:49d'expression. Oui, puisque
18:51si on travaille sur
18:53les manifestations, les représentations du pouvoir,
18:55on a des dessins
18:57qui remontent au XVIIIe siècle,
18:59il y en a énormément au XIXe siècle.
19:01Si on travaille sur la contestation
19:03de la religion, il y a énormément
19:05de ressources qu'on peut utiliser
19:07dès le XVIe siècle.
19:09J'ai déjà montré aux élèves,
19:11on a des dessins, en fait,
19:13protestants qui critiquent le catholicisme,
19:15catholiques qui critiquent le protestantisme,
19:17et il y a une petite gravure
19:19dans la pierre
19:21qui se trouve dans la cathédrale Saint-Cernin
19:23à Toulouse, qui représente
19:25Calvin dessiné sous la forme d'un porc.
19:27Donc,
19:29c'est quelque chose
19:31qui est assez ancien.
19:33Il faut aussi que les élèves arrivent
19:35à comprendre que
19:37des dessins cléricaux,
19:39anticléricaux, sont
19:41d'une violence extrême
19:43et que tout doit être décrypté,
19:45contextualisé. Montrer un dessin pour un dessin,
19:47c'est d'un non-sens pédagogique.
19:49Ça n'a pas d'utilité.
19:51Il faut choisir les bons supports qui sont adaptés
19:53à ce qu'on veut faire travailler aux élèves,
19:55à ce qu'on veut leur faire comprendre.
19:57Christian Poteau, est-ce que vous trouvez que
19:59les tensions dans notre pays aujourd'hui autour de ces questions
20:01restent fortes, importantes,
20:03et notamment chez une partie de la jeunesse française ?
20:05Oui, elles restent
20:07d'autant plus fortes qu'on n'a toujours pas
20:09su, en particulier sur
20:11l'influence d'un certain
20:13d'un certain extrémisme
20:15religieux musulman.
20:17Il fait la provocation.
20:19Il peut être autre. On l'a vu
20:21à une certaine époque avec la tentation
20:23du Christ où un
20:25extrémisme catholique
20:27avait attaqué un cinéma.
20:29Les extrêmes, quels qu'ils soient, de
20:31quelques bords qu'ils soient, ne sont pas plus
20:33malins que les autres, et pas
20:35forcément moins dangereux. Mais,
20:37effectivement, je crois qu'on
20:39ne s'est pas encore maîtrisé ça,
20:41d'autant qu'on fait preuve
20:43dans le monde, on est dans le monde,
20:45une exception, avec à la fois la laïcité
20:47et
20:49surtout la notion de blasphème.
20:51Les pays anglo-saxons
20:53ne comprennent pas du tout l'approche
20:55que nous avons sur la notion
20:57de blasphème. C'est sûr que c'est un particularisme
20:59français. On va en parler et en débattre dans un instant.
21:01A tout de suite avec nos invités.
21:07RTL Soir, on refait le monde
21:09avec Yves Calvi.
21:11Dix ans après Charlie, qu'est-ce qui a changé ?
21:13Noémie Sigbon est survivante de l'attaque
21:15de l'hypercachère le 9 janvier 2015.
21:17Elle est l'une de nos invitées. Jérémy Pelletier
21:19co-dirige la fondation Jean Jaurès,
21:21Christian Proutot, fondateur et ex-chef
21:23du GIGN, et Christine Guimonais qui est secrétaire
21:25générale de l'association des professeurs
21:27d'histoire-géographie. Alors, vous publiez, Jérémy
21:29Pelletier, demain une étude intitulée
21:31« Aimons-nous encore la liberté
21:33d'expression ? ». C'est une provocation
21:35cette question ou vous la posez
21:37vraiment ? Et vous pensez qu'elle devait être posée ?
21:39Je pense qu'elle devait être
21:41posée justement dix ans après.
21:43C'est le titre de votre émission, « Dix ans après, que reste-t-il
21:45de Charlie ? ». Et finalement
21:47ce qu'on va essayer de montrer demain
21:49à travers ce qu'on publie, c'est que
21:51on se rend compte qu'une grande majorité
21:53de la population française est davantage
21:55Charlie qu'elle ne l'était il y a dix ans.
21:57On a une majorité de la population française
21:59qui est dans une
22:01quantité importante, beaucoup plus en défense
22:03de ce qu'est la liberté d'expression,
22:05beaucoup plus en défense de ce qu'est
22:07le blasphème, qui assume
22:09beaucoup plus se moquer d'une
22:11religion, que ce soit
22:13l'islam, que ce soit le catholicisme,
22:15que ce soit la religion juive, etc.
22:17En gros, on a une majorité de la population
22:19qui, par rapport à ce qu'on mesure en 2006,
22:21par rapport à ce qu'on mesure en 2012,
22:23par rapport à ce qu'on mesure en 2015,
22:25et par rapport à ce qu'on mesurait en 2020,
22:27est beaucoup plus « offensive »
22:29pour défendre, en effet, ce bien sacré
22:31qu'est la liberté d'expression.
22:33Voilà, et qui réclame l'usage
22:35et l'exercice de cette liberté d'expression,
22:37parce qu'on a eu le sentiment, parfois,
22:39notamment à gauche, que certaines voix n'hésitaient plus
22:41à relativiser, dire qu'il ne faut pas
22:43stigmatiser, faire le trait
22:45entre les dessins publiables et ceux qui ne
22:47méritaient pas de l'être.
22:49C'est derrière nous ?
22:51Non, ce n'est pas derrière nous. Ce qui est devant nous, c'est qu'il y a un énorme
22:53décalage entre ce que pense une grande partie
22:55de la population française, de ce que pense le corps
22:57central de la société française, avec une partie
22:59de ses élites, sans doute, et avec une partie aussi
23:01de ses élites politiques. Ceux qui sont les plus frileux
23:03vis-à-vis de ces sujets, c'est beaucoup
23:05les élites politiques, c'est beaucoup les gens
23:07qui animent ce qu'on appelle le débat public,
23:09beaucoup plus qu'une grande partie de la population française
23:11qui, en effet, revendiquent le droit
23:13de caricaturer, revendiquent le droit
23:15de rire de tout, revendiquent le droit
23:17de se moquer de telle ou telle religion,
23:19revendiquent le droit à Charlie Hebdo de publier
23:21en 2006 les caricatures de Mahomet,
23:23et ce qui est très intéressant, c'est qu'on voit
23:25qu'il y a eu un effet. Charlie, il y a eu un effet
23:27attentat 2015. C'est-à-dire que ce qu'on mesurait
23:29avant 2015, c'était, en effet, une population
23:31qui était assez frileuse vis-à-vis de ces sujets-là.
23:33On ne devait pas trop se moquer des religions,
23:35on ne devait pas trop offenser.
23:37Globalement, ce qu'on mesure depuis 2015,
23:39c'est assez enthousiasmant,
23:41finalement, c'est que les Français, peut-être en 2015, se sont rendus
23:43compte que cette liberté d'expression,
23:45il s'agissait de la défendre, il ne s'agissait pas juste
23:47de la déclamer comme une valeur
23:49un peu vide de sens, il s'agissait de la défendre,
23:51il s'agissait de la faire vivre, et que c'était un bien
23:53qui était fragile et qui pouvait disparaître si on ne la défendait pas.
23:55Et donc, ce qui est très frappant
23:57vis-à-vis de ce que vous évoquez
23:59s'agissant d'un certain nombre de responsabilités de gauche,
24:01c'est qu'en effet, il y a un décalage.
24:03Il y a un décalage entre une majorité importante
24:05de la population française et
24:07en effet, ce que peuvent avoir
24:09en tête, ce que peuvent proclamer
24:11certains responsables politiques, qui est peut-être en phase avec
24:13une part de l'électorat, certaines catégories
24:15de la population, mais pas avec le corps central
24:17de la société française.
24:18Comment vous percevez-ça, vous, qui avez
24:20vécu ces moments si
24:22terribles et violents d'un hémicycle au sein
24:24de l'hypercachère, est-ce que vous
24:26trouvez que la société française, aujourd'hui,
24:28parle normalement de ces questions, en débat
24:30sereinement, et avec une
24:32liberté absolument nécessaire ?
24:34Non, je trouve
24:36que c'est devenu beaucoup plus compliqué
24:38de parler avec les autres
24:40sur beaucoup de sujets, notamment la religion.
24:42Moi, je me rends compte aussi au travail
24:44que la situation est devenue plus compliquée
24:46en ce qui me concerne.
24:48C'est vrai qu'avant,
24:50quand j'évoquais les attentats de
24:522015, autour de moi,
24:54à mon travail, mes collègues comprenaient,
24:56étaient plutôt dans l'empathie, dans la
24:58compassion, et puis
25:00je me rends compte, ces derniers temps,
25:02que quand j'évoque les attentats de
25:042015, autour de moi, c'est
25:06autre chose. Peut-être que le temps
25:08est passé et que les gens ont oublié,
25:10mais on me dit, ah oui,
25:12bon, oui, alors, c'était un attentat,
25:14oui, il y en a eu d'autres après.
25:16Ce qui est une façon de normaliser
25:18ces attentats a posteriori.
25:20Oui, complètement.
25:22Vous le vivez, vous le partagez, chez des
25:24consœurs ou des confrères, qui initialement
25:26étaient proches de vous et de ce que vous avez vécu,
25:28et qui maintenant reprennent une certaine
25:30liberté de leur point de vue pour
25:32aborder cette question-là ?
25:34Non, c'est dans un autre contexte de travail.
25:36En changeant de travail, dans un autre
25:38contexte de travail, les nouvelles personnes
25:40que je rencontre, avec le temps, je trouve
25:42qu'elles sont beaucoup moins compatissantes
25:44par rapport à ce qui s'est passé.
25:46Nous avons interviewé souvent des professeurs,
25:48ici, Christine Guimonais,
25:50qui nous disaient qu'ils trouvaient qu'aujourd'hui,
25:52il y avait une remise en cause qui était repartie
25:54et qui leur semble plus importante
25:56qu'elle ne l'était avant, c'est-à-dire que
25:58des gamins, il ne fallait surtout pas parler,
26:00je ne vous parle même pas de l'islam, mais parler de religion,
26:02ça donnait un lieu, enfin,
26:04un thème en tant que tel
26:06brûlant, et donc
26:08d'une certaine façon dangereux.
26:10Il y a toujours eu des questions qu'on va appeler
26:12socialement vives, qu'on aborde
26:14dans nos programmes d'histoire-géographie
26:16d'AGGSP au lycée et d'EMC.
26:18En fait,
26:20aucun champ de
26:22la connaissance ne doit être
26:24exclu. Nous avons des programmes
26:26à respecter, nous avons une liberté
26:28pédagogique dans la mise en œuvre des programmes
26:30et dans les supports que nous utilisons.
26:32L'histoire des religions,
26:34l'histoire politique,
26:36elle se trouve au cœur des programmes.
26:38Donc, à partir
26:40du moment où des parents
26:42et des élèves
26:44refuseraient, en raison de
26:46leur religion réelle ou supposée,
26:48de leur sensibilité personnelle,
26:50d'étudier tel texte,
26:52de travailler sur tel tableau,
26:54des tableaux
26:56de nus,
26:58toute la statuaire antique se compose
27:00d'hommes et de femmes qui sont nus,
27:02une grande partie de la céramique
27:04grecque se compose
27:06de personnages qui sont nus,
27:08dans toutes les cultures, vous trouvez
27:10de la nudité, vous trouvez
27:12des dessins érotiques,
27:14vous trouvez des textes érotiques,
27:16quand vous avez de la poésie...
27:18A partir du moment
27:20où on doit tout le temps avoir une sorte
27:22de garde-fou qui nous dit « Ah non, mais ça, il ne faudrait pas le montrer ! »
27:24Mais dans ce cas-là, on n'enseigne plus rien.
27:26Et nous,
27:28ce n'est pas notre rôle
27:30de nous censurer. On n'est pas là pour ça.
27:32Il y a quand même
27:34un chiffre qui témoigne un peu
27:36de ce sentiment, c'est un chiffre
27:38d'un sondage IFOP de 2022.
27:4064% des professeurs
27:42d'histoire géographique disent être déjà
27:44auto-censurés pour éviter un incident
27:46sur une question de
27:48religion. C'est quelque chose
27:50d'assez fort quand même. C'est une des
27:52justifications qu'on a eues dans l'enquête qu'on a menée pour savoir ce qui a pu
27:54changer en disant « Il y a une autre justification
27:56que j'ai entendue
27:58de la part
28:00d'un professeur d'histoire géographique
28:02qui enseigne dans le privé, un établissement privé
28:04catholique dans une ville de banlieue aisée
28:06où a priori il n'avait
28:08pas de difficultés. Mais il m'a dit
28:10« Moi j'ai arrêté les caricatures au lendemain
28:12de Charlie Hebdo ». Il n'a pas voulu parler au micro. C'était très
28:14compliqué d'ailleurs de faire parler des enseignants
28:16sur ce sujet. On sent que c'est vraiment très sensible.
28:18Il m'a dit « J'ai arrêté au lendemain de Charlie
28:20pour la simple et bonne raison que je me disais
28:22s'il m'arrive quelque chose, j'aurai aucun
28:24soutien de ma hiérarchie, aucun soutien de l'éducation
28:26nationale ». Alors aujourd'hui les choses ont quand même un peu changé
28:28mais voilà ce qui a été expliqué.
28:30On poursuit ce débat dans un instant.
28:32RTL, on refait le monde.
28:34On refait le monde.
28:36Avec Yves Calvi.
28:38On refait le monde jusqu'à 20h sur RTL.
28:40On va écouter une question d'auditeur.
28:42Il s'agit de Nicolas Devendais qui a appelé
28:44tout simplement le répondeur d'RTL.
28:46J'avais une question moi vraiment qui
28:48me chafouine. C'est où est la
28:50liberté d'expression ? Où est la France de Charlie
28:52quand on voit le sort du pauvre Boulême
28:54Sansalle ? Quand on voit des députés
28:56de la République ou même des élus
28:58appeler à boycotter certaines chaînes de
29:00télévision, certains médias
29:02en raison de leurs lignes éditoriales
29:04ou même quand on voit certains élus
29:06mettre une cible sur le dos
29:08de votre métier de journaliste.
29:10Bonne soirée.
29:12Je vous ai vu abonder
29:14de la tête vous qui êtes responsable
29:16de la... qui êtes co-directeur général
29:18de la Fondation Jean Jaurès, Jérémy Pelletier.
29:20Oui mais je pense que c'est très représentatif en effet
29:22de ce que pense une grande partie
29:24de la population vis-à-vis en effet de
29:26certains responsables politiques, vis-à-vis de l'attitude en effet
29:28de certaines formations politiques,
29:30vis-à-vis de l'expression en effet publique
29:32de ceux qui une nouvelle fois, eux, bénéficient
29:34justement de ce que permet la liberté d'expression
29:36grâce au plateau télé, etc.
29:38Oui en effet, on peut se poser
29:40les questions. On est en train de parler gentiment de la France insoumise ?
29:42En partie, oui, en partie.
29:44Mais il n'y a pas
29:46que les responsables politiques d'ailleurs
29:48de ce courant-là et il y a d'autres
29:50individus qui ne sont même pas responsables politiques
29:52qui animent aussi tout ce type de propos.
29:54Mais oui, en partie
29:56et je pense que oui, ça accable
29:58en effet beaucoup de Françaises
30:00et de Français qui une nouvelle fois
30:02sont moins frileux,
30:04sont moins dans la retenue,
30:06sont beaucoup plus
30:08en tout cas en phase avec
30:10ce qui est une partie
30:12de ce qui fait le charme et de la force
30:14de ce pays. La loi
30:16de 1880 sur la liberté de la presse,
30:18la loi de 1905
30:20sur la laïcité
30:22et la séparation de l'Église et des États.
30:24Donc oui en effet,
30:26ce à quoi on semble assister
30:28depuis un certain nombre d'années, les faits divers
30:30qui viennent structurer une partie
30:32de l'actualité chaque semaine,
30:34nous accable parce qu'on a le sentiment qu'en effet
30:36une partie sans doute des élites ne défend pas
30:38ce que les Français voudraient voir
30:40être défendu en permanence.
30:42Vous ressentez ce que vient de nous dire Jérémy Pelletier ?
30:44Moi qui ai quelques heures de vol...
30:46En fait c'est un manque de courage qu'on est en train d'écrire
30:48sur notre système de valeurs.
30:50Effectivement, vous avez raison, oui,
30:52c'est un manque de courage mais
30:54pas tout à fait comme ça. Je pense quand même
30:56qu'il y a des supports qu'on ne maîtrise pas beaucoup
30:58et qui finissent par dire
31:00n'importe quoi et ce qui va à l'encontre
31:02je dirais de la bonne information.
31:04Parce qu'il y a quand même
31:06sur les réseaux sociaux
31:08des choses qui tournent, qui sont
31:10au niveau des
31:12propos tenus et tout
31:14et qui donnent le sentiment que l'information
31:16c'est devenu ça. Alors effectivement
31:18il y a des gens qui sont, entre guillemets,
31:20on pourrait dire censurés
31:22ou du moins qui n'ont pas la liberté d'expression
31:24que l'on voudrait ou auxquelles on reproche
31:26justement d'avoir cette liberté d'expression
31:28mais il y a en parallèle
31:30une forme d'expression
31:32qui elle est débridée,
31:34sans contrôle et je pense
31:36qu'elle nuit à la véritable information.
31:38Vous pensez la même chose madame la professeure
31:40d'histoire-géographie ?
31:42Oui parce que nous souffrons
31:44avant tout d'un débat public
31:46qui est devenu depuis quelques années extrêmement médiocre.
31:48On oublie trop souvent
31:50que la liberté d'expression
31:52est consubstantielle à la démocratie,
31:54que la démocratie ce n'est pas uniquement
31:56le droit de vote, c'est tout un écosystème
31:58qui doit être vertueux
32:00et c'est aussi le débat,
32:02y compris dans le désaccord, sans se jeter
32:04à la tête
32:06des insultes et des anathèmes
32:08et qu'on doit
32:10être capable dans une société démocratique
32:12d'argumenter
32:14vis-à-vis de son contradicteur
32:16dont on ne partage pas les points de vue
32:18d'une manière raisonnée
32:20sans s'insulter. Et de notre côté
32:22ce qui est très inquiétant
32:24c'est la prolifération
32:26non pas de l'information
32:28mais de l'intoxication et de la
32:30désinformation sur les réseaux sociaux
32:32mais pas que sur les réseaux sociaux, y compris
32:34sur certains plateaux télé et radio
32:36avec ce que j'appelle
32:38des bavasseurs
32:40de plateaux qui parlent
32:42de sujets qu'ils ne maîtrisent pas,
32:44qui racontent absolument n'importe quoi
32:46avec la caisse de résonance
32:48et dévastateur.
32:50Vous avez entendu parler de ça
32:52en faisant votre enquête
32:54et votre travail
32:56pardonnez-moi...
32:58Hortense. Non, oui, Hortense Crépin, excusez-moi.
33:00Pas de problème. Oui, oui,
33:02c'est quelque chose en tout cas
33:04c'est qu'il y a un changement aussi dans la société
33:06vous parliez tout à l'heure Christine Guimonais
33:08de l'obligation maintenant d'expliquer
33:10d'expliquer et moi
33:12dans l'enquête c'est ce que j'ai ressenti en échangeant
33:14avec les professeurs d'histoire géographie
33:16c'est que maintenant il faut vraiment expliquer beaucoup plus
33:18en profondeur, c'est-à-dire qu'on ne dit pas
33:20on va montrer une caricature
33:22c'est pourquoi on va vous montrer cette caricature
33:24pourquoi elle existe, comment elle a été construite
33:26Mais ça veut dire que ce qui allait de soi ne va plus
33:28quand même tout à fait de soi
33:30on doit rentrer dans une...
33:32Est-ce que l'explication devient une forme de justification ?
33:34La pédagogie a changé
33:36en tout cas. Disons que
33:38on est à la fois lucide
33:40et prudent
33:42parce qu'on ne fait pas ce métier pour être
33:44injurié, insulté
33:46pris à partie, agressé
33:48physiquement et encore moins
33:50assassiné en pleine rue par des terroristes
33:56L'explication elle est aussi
33:58consubstantielle à la pédagogie
34:00avec laquelle on travaille avec les élèves
34:02mais montrer
34:04un document uniquement pour le montrer
34:06ça n'a aucun sens. Par contre
34:08on veut avoir la certitude
34:10que ce qu'on a dit aux élèves
34:12ce qu'on a expliqué, ça a été bien compris
34:14et pas compris autrement
34:16que ce qu'on a expliqué
34:18de manière à ce qu'il n'y ait pas de malentendu
34:20de confusion
34:22et ensuite de mensonges
34:24par rapport à ce qu'on aurait dit en classe
34:26C'est surtout à ça qu'on est
34:28beaucoup plus attentif qu'avant
34:30Ce qui me frappe c'est que vous nous expliquez qu'à un moment ou à un autre
34:32on est quand même un peu obligé de se justifier
34:34à expliquer des choses
34:36qui allaient de soi
34:38il y a encore quelques années
34:40à l'école
34:42On avait la figure de Pagnol
34:44la figure très Pagnolesque de l'enseignant
34:46qui était la personne respectée
34:48à la même titre que le maire
34:50il faut beaucoup plus se justifier
34:52Noémie, sur votre club de travail
34:54aujourd'hui
34:56comment ça se passe ?
34:58Je vous ai senti tout à l'heure, j'ai eu l'impression que vous me disiez
35:00à un moment
35:02en dehors du fait que c'est lourd ce que vous avez vécu
35:04devoir l'exprimer n'est pas facile
35:06et j'ai surtout l'impression que c'est
35:08de moins en moins facile pour vous d'en parler
35:10non pas avec nous aujourd'hui
35:12mais dans votre vie professionnelle et quotidienne
35:14C'est de moins en moins facile d'en parler
35:16aussi depuis
35:18les événements du 7 octobre 2023
35:20c'est devenu beaucoup plus compliqué
35:22depuis
35:24l'attentat islamiste en Israël
35:26c'est une partie
35:28de notre judaïsme qu'on essaie de cacher
35:30et de ne pas dévoiler aussi sur son lieu de travail
35:32et du coup l'attentat
35:34hyper cachère fait partie
35:36du judaïsme. Je n'ai rien à ajouter
35:38merci infiniment les uns les autres
35:40dans un instant toute l'actualité à 20h avec Alban Leprince
35:42et vous retrouverez ensuite Faustine Bollard
35:44pour son émission Héros. Bonsoir Faustine
35:46qui est votre invitée ce soir. Bonsoir Yves
35:48on se retrouve dans un instant pour écouter une histoire
35:50qui va vous bouleverser. Vincent habité au Japon
35:52avec sa femme, il avait deux enfants
35:54un matin il est parti travailler
35:56et quand il rentre le soir sa maison a été
35:58vidée, il ne reverra plus jamais ses enfants
36:00et le pire c'est que là-bas
36:02c'est légal, c'est absolument stupéfiant
36:04à tout de suite