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00:00Merci beaucoup d'être avec nous pour la suite de Culture Média. Dans un instant, nous recevrons Daniel Russo pour la pièce On aurait dû aller en Grèce, c'est au Théâtre du Gymnase.
00:08On est toujours avec Philippe Val qui se raconte dans un podcast européen, qui nous raconte tout ce qui s'est passé il y a dix ans, l'attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo.
00:20On en vient donc à ce fameux 7 janvier 2015, puisqu'au matin, vous racontez que vous constatez en sortant de chez vous que votre maison a été taguée.
00:30Philippe, c'est une forme d'alerte pour vous, vous dites qu'il se passe quelque chose et c'est un ami qui vous appelle pour vous dire qu'il y a eu un attentat à Charlie Hebdo.
00:40Oui, j'étais dans un quartier où aucune maison n'était taguée, aucun mur d'enceinte, et le mien, oui, en sortant de chez une voisine, je me rends compte de ça et je ne suis pas du tout parano.
00:57Il y avait marqué quoi sur ces tags ?
00:59C'était un tag, un gros gros tag noir, et je ne suis pas du tout craintif.
01:08Vous étiez quand même sous protection policière à l'époque ?
01:12Non, il y avait une parenthèse où je ne me souviens plus si j'étais sous protection ou pas d'ailleurs.
01:18Parce que vous aviez quitté Charlie Hebdo, il faut le rappeler.
01:23Je n'étais plus à Charlie Hebdo.
01:25Voyant ce tag, j'étais inquiet, je me suis dit tiens, je vais appeler le commissariat, chose qui n'est pas du tout dans mes habitudes.
01:35Et au moment où j'allais appeler le commissariat, mon téléphone a sonné et un ami m'a appelé pour me dire qu'il y avait une fusillade dans l'immeuble de Charlie.
01:48J'ai appris ça comme ça et je ne savais rien d'autre.
01:51Jusqu'au moment où le ministère de l'Intérieur m'a appelé pour me dire de rester chez moi et de me barricader.
01:59Vous vous demandez d'aller sur place et vous arrivez à Charlie Hebdo en même temps que Manuel Valls, le premier ministre de l'époque.
02:08En même temps que Manuel Valls.
02:14On rentre dans l'immeuble, c'est une scène où on voit qu'il y a des traces de sang partout, c'est horrible.
02:24Et il me dit attend.
02:27Il vous dit de rester là.
02:28Il me dit de rester là, je monte voir.
02:31Il est monté et il est redescendu livide et il m'a dit ne monte pas.
02:36Ne monte pas, on est sorti.
02:41Et vraiment je suis reconnaissant à Manuel de m'avoir empêché de monter parce que j'ai pas cette image imprimée dans ma mémoire.
02:53Il a eu un bon réflexe.
03:00Et c'est d'ailleurs le moment du podcast où Caroline Garnier qui est journaliste de la rédaction d'Europe 1 prend votre relais dans la narration,
03:09Philippe Valls, pour raconter l'horreur de la tuerie ces douze personnes abattues en quelques minutes dans les locaux du journal.
03:15Et on comprend bien que pour vous, même dix ans après les faits, ça reste impossible à formuler.
03:22C'est presque impossible à imaginer.
03:24Je l'imagine, je vois passer une espèce de film dans ma tête.
03:30Et j'essaye de me mettre dans la peau de mes camarades.
03:36Quelle peur ils ont dû ressentir, quel sentiment ils ont eu.
03:40Il y a cette espèce de scène qui revient en boucle parfois.
03:46Soit dans mes rêves, soit dans ma vie consciente.
03:50Mais j'essaye de ressentir.
03:54J'espère que ça n'a pas duré longtemps.
03:58J'espère qu'ils n'ont pas souffert.
04:00Mais je vois bien quel rapport ils avaient à la vie.
04:04Certains d'entre eux étaient des amis très proches.
04:08J'imagine ce qu'ils ont ressenti.
04:12J'essaye de savoir à quoi ils ont pensé.
04:14C'est irréparable.
04:19C'est impardonnable.
04:21Je ne crois pas au pardon dans ces cas-là.
04:23On fait ce qu'on peut avec ça, le souvenir.
04:25On ne va pas passer son temps à haïr des assassins qui sont morts.
04:29Parce qu'on y passerait notre vie.
04:31Et finalement, on leur donnerait un bénéfice.
04:35Mais moi, toutes ces histoires de pardon, ça m'échappe complètement.
04:39Il n'y a pas de pardon.
04:41Je ne sais pas ce que ça veut dire.
04:43Il n'y a pas de réparation possible.
04:45Ça n'existe pas.
04:48Je pense que c'est le fond de l'horreur et de la connerie humaine.
04:52C'est impardonnable de la saloperie.
04:56Il n'y a aucune dignité là-dedans.
05:00Il n'y a pas de cause qui vaille ça.
05:04Ça ne vaut rien.
05:06C'est des lâches.
05:08Il y avait des gens avec des feuilles de papier et des stylos.
05:12Ils arrivent avec des kalachnikovs.
05:14C'est des sous-merdes.
05:16Vous en parliez tout à l'heure.
05:18Ces 4 millions de personnes qui sont allées dans la rue.
05:20Qui ont défilé.
05:22Les dizaines de chefs d'Etat.
05:24Dont à Paris, on se souvient aussi de Benyamin Netanyahou.
05:26Marc Moudabas qui était le leader palestinien.
05:28Ils étaient dans la manifestation au premier rang.
05:32En repensant à cette image, on se dit que depuis 10 ans,
05:36il n'y a pas vraiment eu de sursaut.
05:38Mais la situation a empiré.
05:40La situation a empiré.
05:42Mais ce n'est pas seulement la situation a empiré.
05:45Oui, parce qu'il y a eu d'autres attentats.
05:47Je pense que les gens qui étaient ces 4 millions de personnes
05:51qui sont descendus dans les rues.
05:53Vous savez, c'est bizarre.
05:55On aime bien le pays où on vit.
05:57À une époque, j'ai fait beaucoup de reportages lointains.
06:01Et quand je revenais en France,
06:03je me suis rendu compte,
06:05j'ai pris conscience à quel point j'étais content
06:07de revenir à Paris, de revenir en France.
06:09Même si j'ai adoré certains pays.
06:11Et quand j'ai vu ces 4 millions de personnes,
06:13on ne peut pas ne pas se dire
06:15je vis dans un beau pays,
06:17les gens sont dignes,
06:19ils ne sont pas haineux,
06:21ils ne font pas de chasse aux musulmans.
06:23Ils sont vraiment super.
06:25On est touché par le pays dans lequel on vit.
06:29Je pense que les personnalités politiques,
06:31l'année suivante,
06:33quand il y a une campagne présidentielle,
06:35auraient dû parler à ces gens.
06:37Ils auraient dû s'adresser à ces 4 millions de personnes.
06:39C'est hallucinant qu'ils ne l'auraient pas parlé.
06:42Parce qu'ils auraient tellement eu envie
06:44qu'on leur parle.
06:46Ils avaient raison, ces gens, d'être là.
06:48C'était très fort,
06:50leur présence était magnifique.
06:52Moi, j'ai toujours aimé mon pays,
06:54mais depuis ce jour-là, je l'aime encore plus.
06:56Mais il reste quoi
06:58du slogan
07:00« Je suis Charlie » aujourd'hui en France ?
07:02On a l'impression que c'est retombé depuis 2015.
07:04Non, je ne pense pas que ce soit retombé.
07:06Je pense que c'est médiatiquement retombé.
07:08Je pense que
07:11certains grands journaux,
07:13les chaînes d'info,
07:15les radios,
07:17c'est rentré dans leur culture,
07:19d'être vigilant,
07:21de dénoncer
07:23l'islam politique,
07:25de dénoncer
07:27l'antisémitisme.
07:29On peut leur faire confiance,
07:31ça marche beaucoup mieux qu'avant.
07:33Mais il y a
07:35des médias prescripteurs,
07:37une partie de l'élite intellectuelle,
07:39la façon dont le journal Le Monde
07:41traite les événements du Moyen-Orient,
07:43tout ça,
07:45ça, par contre, ils n'ont rien compris.
07:47C'est sûr qu'ils n'ont rien compris.
07:49Et comme eux, ils parlent aux profs,
07:51ils parlent aux enseignants,
07:53ils parlent aux étudiants en journalisme,
07:55il y a un effet de loupe.
07:57On croit encore que c'est eux les vrais détenteurs
07:59de la morale. Mais non, la morale,
08:01elle est ailleurs. Elle est partie ailleurs.
08:03Et je pense que cette morale,
08:05cette morale républicaine,
08:08elle n'est pas très médiatique,
08:10mais elle existe très fortement.
08:12Écoutez ce podcast
08:14« Il y a dix ans, l'attentat de Charlie Hebdo »
08:16raconté par Philippe Vall.
08:18C'est vraiment trois épisodes
08:20qui font une trentaine de minutes,
08:22qui sont absolument passionnants à suivre.
08:24Et c'est important aussi de les faire écouter
08:26aux plus jeunes qui ont peut-être oublié,
08:28qui n'ont jamais connu cette page de notre histoire.
08:30Au cœur de l'actu, sur le site
08:32l'application Europe 1, toutes les plateformes d'écoute,
08:34bien sûr. Merci beaucoup Philippe Vall
08:36et on vous retrouve aussi dans la matinale.
08:38Oui, Europe 1 Matin, tous les lundis à 8h30
08:40avec vous, Philippe Vall.
08:42A lundi prochain.