Dans Destins de Femmes, Judith Beller reçoit Élise Boghossian, fondatrice de l’ONG EliseCare et auteure de "Les Sacrifiés. Au coeur de la tragédie arménienne" - Ed. Plon
"Destins de Femmes" nous raconte les parcours des femmes extraordinaires qui tissent le lien de notre République. Nous explorons des thèmes universels tels que la lutte pour l’Egalité des genres, la liberté d’expression, la diversité culturelle, le droit à disposer de son corps. Emission tirée du livre de Valérie Perez-Ennouchi, "Destins de Femmes", sorti chez Ramsay, prix Edgard Faure 2021.
Une émission de Judith Beller.
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##DESTIN_DE_FEMMES-2025-01-04##
"Destins de Femmes" nous raconte les parcours des femmes extraordinaires qui tissent le lien de notre République. Nous explorons des thèmes universels tels que la lutte pour l’Egalité des genres, la liberté d’expression, la diversité culturelle, le droit à disposer de son corps. Emission tirée du livre de Valérie Perez-Ennouchi, "Destins de Femmes", sorti chez Ramsay, prix Edgard Faure 2021.
Une émission de Judith Beller.
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00:00SimpliCicar, la vente de votre auto servi sur un plateau avec plus de 90 concessions près de chez vous.
00:07SimpliCicar.com vous présente
00:09Sud Radio, Destin de Femmes, Judith Beller
00:12Eh oui, Destin de Femmes sur Sud Radio, vous le savez, c'est votre rendez-vous du samedi à 13h30
00:17avec les femmes françaises qui parlent en incarnation.
00:19Attention, le lien républicain, c'est une idée tirée du livre de Valérie Perez.
00:23Le destin que vous allez découvrir aujourd'hui est celui d'Elise Boghossian
00:27qui est docteure en médecine chinoise, fondatrice de l'ONG Élise Kerr
00:30reconnue de qualité publique évidemment
00:32et puis acupunctrice en zone de guerre, comme elle aime se définir.
00:36Elise, vous publiez chez Plon Les Sacrifiés, c'est un livre bouleversant
00:39que je vous recommande toutes et tous
00:41dans lequel vous explorez l'histoire de l'Arménie à travers celle de votre famille
00:44ou l'histoire de votre famille à travers celle de l'Arménie.
00:47C'est un peu la même chose, vous allez nous raconter cela évidemment
00:50et puis c'est encore bienvenue sur Sud Radio, Elise Boghossian.
00:52Merci, merci beaucoup.
00:54Sud Radio, destin de femmes, Judith Beller.
00:57Alors, nous avons des questions usuelles dans cette émission, Elise.
01:00Donc je commence par la première.
01:02Comment définiriez-vous votre féminisme à vous ?
01:05Alors, j'ai toujours eu du mal avec ce mot
01:10parce que pour moi, quel que soit le sexe, qu'on soit un homme ou une femme
01:15je le définis comme une forme d'ardeur, comme une forme de passion de la vie
01:19l'envie de se réaliser, de faire ce qu'on aime, de se sentir libre
01:24d'assumer aussi nos choix.
01:26Donc c'est un peu comme ça que je me définis, que je définirais du coup le féminisme.
01:31D'accord. Donc pour vous, ce n'est pas une histoire de genre ?
01:34Non.
01:35Ok.
01:36Non, parce que peut-être de par ma culture et mes origines orientales
01:43Les hommes sont très puissants, on peut le dire.
01:46Les hommes sont très puissants, mais aussi nous sommes protégés par les hommes
01:49et puis j'ai été très entourée par mon père
01:52et qui m'a en même temps jamais empêchée d'aller vers mes rêves.
01:57Du coup, ce n'est pas quelque chose que j'ai vécu comme quelque chose qui m'empêche
02:01ou un obstacle à ma...
02:03Plutôt l'inverse du coup ?
02:04Oui, quelque chose qui m'élève, mais dans les deux sens en fait.
02:07Parce qu'on s'apporte mutuellement, donc je ne le ressens pas comme quelque chose de clivant
02:11alors que ce terme-là, j'ai l'impression qu'il peut être très vite clivant.
02:17Et du coup pour vous, les hommes de fait sont féministes aussi ?
02:21Ah bah oui, ils adorent, ils vénèrent les femmes.
02:24Donc aimez la femme cette féministe ?
02:27Oui, aussi, oui, oui.
02:29D'accord.
02:30Mais là vous nous parlez presque au sens du charnel ou de la sensualité ?
02:33Non, mais aussi au sens de l'inspiration, du respect, des valeurs qu'elles portent
02:42de la fidélité à leurs valeurs.
02:45Mais je parle fidélité au sens, voilà, quand on ne change pas d'avis
02:49ou quand on est... Oui, au sens valeurs.
02:52Moi je suis sensible à ça, aux valeurs, à ma parole, la parole que je donne,
02:58la confiance que je fais, mais dans les deux sens.
03:01Donc vous avez envie de parler d'humanité et pas d'hommes ou de femmes quoi ?
03:04Voilà, et de liens, et de ce qui nous lie, et de ce qui nous rend beau,
03:09et de ce qui nous permet de faire et de construire.
03:12Bien sûr.
03:14Qu'est-ce qui fait que ça avance pas le droit des femmes selon vous ?
03:17Ou que ça avance ? Les deux d'ailleurs.
03:21Mais là, au moment où je vous écoute, j'ai un flash.
03:24Forcément ce sont les images des femmes syriennes,
03:28mais aussi de toutes les femmes au Moyen-Orient ou dans des pays
03:31où leurs droits sont bafoués parce qu'elles sont soumises à des régimes totalitaires.
03:38C'est l'Afghanistan, l'Iran.
03:40L'Irak, la Syrie, ce sont des régions où finalement le droit des femmes
03:46régresse de plus en plus.
03:48Oui, je pense que les femmes font tellement peur dans le fantasme de ces hommes-là
03:54qu'il faut les rabaisser, les soumettre, les détruire,
03:58leur faire perdre confiance en elles.
04:01Et ça, oui, ça fait mal.
04:06Après, en Occident, je trouve que c'est le contraire.
04:09Les femmes sont quand même libres, assumées.
04:11Elles assument de faire des enfants seules, de vivre seules,
04:15de partir seules à l'autre bout du monde,
04:16ce qui n'est pas du tout le cas dans certaines régions du monde.
04:20Et alors du coup, quand vous entendez les féministes françaises
04:23dire qu'il y a un problème de droit sur notre territoire,
04:27après ce que vous venez de nous dire,
04:30qu'est-ce que vous avez envie de leur répondre ?
04:33Moi, j'essaie d'écouter individuellement chaque blessure
04:36et chaque douleur de chaque femme.
04:38Et je suis évidemment très sensible à la violence et à la douleur
04:41et aux traumatismes qu'elles peuvent vivre.
04:44Et c'est ce que j'essaie de porter comme combat
04:47auprès des femmes victimes de violences sexuelles.
04:50Maintenant, c'est vrai que le discours peut-être un peu commun
04:55que j'entends parfois là où il me fait peur,
04:57c'est que j'ai l'impression que maintenant c'est devenu presque une...
05:00Alors autant, c'est normal et c'est bien de libérer la parole.
05:04Parfois, j'ai l'impression que ça tourne presque à la guerre des sexes.
05:07Donc, je suis quand même prudente.
05:10Et puis, dans l'autre sens aussi,
05:14j'ai aussi des histoires d'hommes autour de moi qui ont été détruits.
05:18En fait, c'est difficile de se positionner.
05:20J'essaie de prendre ça au cas par cas.
05:24Simone de Beauvoir, elle nous disait...
05:26Parlons de vous un petit peu d'ailleurs, Élise Boghossian.
05:30Elle nous disait, on ne naît pas femme, on le devient.
05:33Est-ce que vous, vous savez s'il y a un moment en particulier
05:36où vous vous êtes sentie femme tout d'un coup, pour toujours ?
05:45Il y a un changement avec la maternité, ça c'est sûr.
05:51Quand on commence à gagner son propre argent,
05:53ça je l'ai senti.
05:55Donc, l'indépendance financière ?
05:56L'indépendance financière.
05:58Peut-être le premier voyage que j'ai fait seule.
06:00Là, j'ai senti ma propre force.
06:03La liberté ?
06:04Oui, voilà.
06:05Parce que j'étais partie à l'autre bout du monde, c'était en Chine.
06:07Parce que vous partez dans certaines conditions aussi.
06:08Oui, voilà.
06:09Et puis, je ne sais pas forcément...
06:11T'es dans des territoires compliqués souvent en plus.
06:13Voilà.
06:14Donc là, c'est vrai qu'on puise notre force dans quelque chose de très archaïque.
06:20C'est notre intuition, notre force première.
06:24Et chez moi, c'est en lien avec la féminité.
06:28Et c'est ça le secret, c'est juste son intuition pour vous ?
06:34L'intuition, mais aussi l'inspiration,
06:36qui peut faire peur aussi à notre entourage,
06:38parce que ça peut s'assimiler à de la folie.
06:40Mais en fait, c'est juste de l'inspiration.
06:42Moi, c'est vrai que rien ne me prédisposait au départ à aller créer mon ONG,
06:47à aller sur des zones de guerre.
06:49J'avais mon métier à Paris.
06:52J'étais mariée, j'avais des enfants.
06:54Je ne me posais pas du tout ces questions-là.
06:55Puis ça m'est un peu tombée dessus.
06:57Ça s'est imposé à vous ?
06:58Oui, au moment de la guerre en Syrie, en 2013.
07:01Et puis après, c'est devenu une cause que j'ai portée,
07:04un combat qui m'anime et dans lequel j'essaie de faire engager d'autres gens.
07:12Pour moi, les voyages, le fait de gagner son argent,
07:18le fait d'être devenue mère, tout ça, ça m'a fait sentir femme.
07:23Peut-être qu'avant, je l'étais aussi.
07:26Avec moins de conscience, peut-être ?
07:28Oui, plutôt dans le genre de rêve de la personne qu'on aimerait être
07:33quand on est étudiant ou quand on est ado.
07:37Alors, vous avez sorti un livre, on l'a dit, qui s'appelle Les Sacrifiés.
07:41C'est sorti chez Plon et Lisbeau-Caussion.
07:43J'avais envie de lire votre page de garde.
07:46Je vais la dire aux auditrices, aux auditeurs.
07:49Vous nous dites,
07:50« À ma famille, issue des restes de l'épée. »
07:52Déjà, c'est très beau.
07:54« Que nos histoires célèbrent la force de vivre
07:56et rendent hommage à ceux qui ont donné leur souffle
07:58pour que le nôtre perdure. »
07:59C'est une ode à la vie, en fait.
08:01Oui, à l'amour et à la vie.
08:04C'est une affaire de famille, l'exil dans votre famille ?
08:07Oui.
08:08Et puis, je ne voulais pas la raconter en étant victime.
08:12De toute façon, de façon générale,
08:14je n'aime pas porter l'histoire d'un vaincu,
08:17mais je voulais raconter la guerre actuelle en Arménie
08:21et les purations ethniques des Arméniens.
08:23Oui, parce que vous êtes d'origine arménienne, effectivement.
08:25Et ça, ça dure depuis longtemps, les Arméniens.
08:27Oui, depuis plus d'un siècle.
08:28Et je voulais raconter cette histoire à la lumière de 1915
08:31et de mon grand-père qui a rescapé le génocide
08:33et qui est un héros et qui est celui,
08:35ce qu'on appelle un reste de l'épée,
08:37celui grâce à qui nous sommes tous,
08:40mes cousins et moi aujourd'hui vivants.
08:42Et c'est vrai que je voulais raconter cette histoire.
08:45Oui, nous sommes des exilés, des enfants d'exilés
08:49depuis trois générations.
08:50Et puis, aujourd'hui, on a évidemment la chance
08:52d'être en France, d'avoir été accueillis,
08:54de nous être intégrés.
08:55Et je voulais raconter...
08:57Ça a été au moment de la guerre en Arménie en 2020.
08:59Et puis, depuis quatre ans,
09:00la descente aux enfers que vit l'Arménie.
09:02Je voulais raconter cette histoire
09:04parce qu'on vit dans un monde habitué aux guerres.
09:06Finalement, la notion de génocide,
09:08elle est presque banalisée aujourd'hui.
09:10Quand vous regardez n'importe quel pays,
09:11en fait, ce sont des génocides qui continuent
09:14parce que ceux qui sont aux commandes
09:16de ce génocide ne sont pas punis.
09:18Donc, ils s'en nourrissent,
09:19ils inspirent des nouveaux dictateurs,
09:21des nouveaux criminels.
09:22Et puis, vous avez les guerres anciennes,
09:24les guerres silencieuses, les conflits oubliés
09:27comme l'Ethiopie, le Yémen, l'Arménie.
09:29Moi, je voulais parler de mon pays cette fois-ci
09:31parce que j'ai fait d'autres livres,
09:32mais là, je voulais parler du mien.
09:34Il y a aussi, quand même,
09:36juste avant qu'on fasse une petite pause,
09:39ça vous est venu, en fait, ce livre,
09:42il y a quatre ans,
09:43parce qu'au moment, justement,
09:45où l'Arménie a été attaquée par la Zerbaïdjan
09:47et où cette histoire a été rentrée
09:49dans son éternel recommencement.
09:51La roue ne s'est pas arrêtée, quoi.
09:53C'est ça qui vous a donné envie
09:55de faire un témoignage pour peut-être adoucir aussi.
09:58La roue ne s'est pas arrêtée.
10:00La communauté internationale est restée silencieuse.
10:03D'ailleurs, il y a une mécanique de déni,
10:05de négationnisme, de réécriture de l'histoire
10:08avec des inversions accusatoires
10:10de la part de la Turquie, de la Zerbaïdjan
10:12qui nous rend presque coupables
10:14de ce qui nous arrive.
10:15C'est vraiment la perversité poussée jusqu'au bout.
10:19Avec une réécriture de l'histoire
10:22pour presque expliquer
10:23que les Arméniens n'ont jamais été présents
10:25dans cette région,
10:26que c'était des Albanais christianisés,
10:27que finalement, nous, nous sommes des squatteurs de passage.
10:31Et ça, c'est vrai qu'en plus d'un génocide,
10:33en plus d'une guerre,
10:34en plus d'une épuration ethnique,
10:36quand en plus il y a ça,
10:37en plus il y a un nettoyage de tout le patrimoine
10:40qui est un patrimoine trimillénaire
10:42parce que l'Arménie est le premier royaume chrétien du monde
10:45et qu'on se dit mais jusqu'où va ça en fait ?
10:48Parce que ça ne s'arrête jamais.
10:49Plus c'est gros, plus ça passe
10:50de la part du camp opposé,
10:53la Turquie, la Zerbaïdjan.
10:55Et effectivement, pour moi, c'était insupportable.
10:57Il y a un moment où on était tous dans la diaspora arménienne
11:01du monde entier.
11:02Je ne parle pas que de la France.
11:03Aux Etats-Unis, il y a 10 millions d'Arméniens
11:04qui vivent en diaspora.
11:06Ça a été un choc terrible
11:08parce qu'on a perdu la totalité du Haut-Karabakh.
11:11Aujourd'hui, l'Arménie est menacée.
11:13Elle est mutilée, grignotée de tous les côtés
11:16depuis ces quatre années, depuis 2020.
11:19Et je voulais témoigner de ça.
11:23Restez avec nous sur Sud Radio.
11:25On est avec Élise Boghossian.
11:27C'est Destin de Femmes.
11:28Élise Boghossian qui est docteure en médecine chinoise,
11:30fondatrice de l'ONG Élise Kerr
11:32et auteure de son quatrième ouvrage,
11:34Les Sacrifices et Chez Plon.
11:35Je vous le recommande.
11:36Restez avec nous surtout.
11:49Vous êtes bien dans l'émission du féminisme autrement
11:51femmes et hommes ensemble pour le droit des femmes.
11:53Aujourd'hui, pour vous et avec vous.
11:56La docteure en médecine chinoise fondatrice de l'ONG Élise Kerr.
12:00Élise Boghossian qui nous vient avec son très bon livre,
12:02Les Sacrifices et Chez Plon.
12:04Dans votre livre, vous avez un héros
12:06que vous avez nommé Zadig.
12:08Zadig, évidemment, c'est en hommage
12:10au célèbre personnage de Voltaire.
12:12C'est mon grand-père.
12:14Incroyable.
12:15Vous avez un grand-père qui est philosophe.
12:18De nom, quoi.
12:20Oui, c'est ça.
12:22Ce que j'ai trouvé intéressant,
12:24c'est que le personnage de Voltaire,
12:26il traverse les épreuves liées aux conflits armés,
12:28aux injustices en faisant le pont.
12:30C'est un peu ce qu'il fait, votre grand-père.
12:31Il fait le pont entre l'héritage de l'Arménie
12:34et ce qui vous a permis de devenir vous,
12:38comme vous le faites aussi,
12:40puisque vos combats contemporains
12:42viennent sur votre ONG Élise Kerr
12:45et vous engagez.
12:47Tout ça, c'est lié à votre histoire.
12:49S'il n'y avait pas cette histoire-là,
12:50peut-être que vous seriez engagée différemment.
12:53C'est certain.
12:54Je pense qu'il y a une prédisposition.
12:56C'est dingue, votre grand-père s'appelle Zadig.
12:58Dans le transgénérationnel.
13:00J'ai creusé son histoire.
13:02Les Arméniens, la plupart,
13:04ont été déportés de toute cette région d'Anatolie.
13:08Une partie a été déportée
13:10dans les déserts de Mésopotamie.
13:12Il y avait des camps de travail
13:14avec tout ce projet de construction
13:16de lignes de chemin de fer,
13:18c'était à l'époque l'alliance entre les Turcs
13:21et les Turcs de l'Empire Ottoman
13:23et les Allemands,
13:25pour construire cette ligne de chemin de fer
13:27qui traverserait, qui irait de Berlin
13:29jusqu'au Golfe du Persique
13:31pour le pétrole.
13:33Les Arméniens ont été ceux
13:35qui ont été utilisés comme main-d'oeuvre
13:37pour construire cette ligne de chemin de fer.
13:39Il y a eu énormément de déportations jusqu'à Alep.
13:41Après, il y a eu des chrétiens partout.
13:43Ils ont été en Égypte, en Palestine, partout.
13:46Ce qui est drôle,
13:48c'est que cent ans après,
13:50je me retrouve à créer mon ONG,
13:52à intervenir en Irak.
13:54Et puis, forcément,
13:56à Mossoul, j'ai visité des cimetières,
13:58j'ai trouvé des tombes
14:00qui s'appelaient, il y avait des noms
14:02bogossiens dessus, ça bouleverse
14:04parce que, en fait,
14:06c'était des Arméniens
14:08rescapés qui sont arrivés là
14:10puis qui se sont implantés, ils sont restés.
14:12Mon grand-père a fait le chemin inverse,
14:14après, il a fait le chemin inverse
14:16de retourner dans sa ville d'origine
14:18pour retrouver des membres de sa famille.
14:20Et ce sont
14:22ces minorités chrétiennes
14:24qui ont vécu, c'est d'immis,
14:26ils ont vécu comme des citoyens
14:28de seconde zone, avec des identités
14:30cachées, ils avaient des noms et des prénoms
14:32turcs.
14:34C'est un peu comme des marranes, en fait.
14:36C'est portugais qui continuait à pratiquer
14:38le judaïsme en étant catholique pendant l'Inquisition.
14:40Absolument. Et mon père
14:42est né dans ces conditions-là et c'est
14:44plus tard, dans les années 40,
14:46dans les années 60,
14:48quand il a été
14:50mobilisé pour la guerre
14:52contre Chypre, que les Turcs utilisaient
14:54les chrétiens comme chair à canon,
14:56c'est comme ça que mon père a déserté
14:58l'armée et qu'il est arrivé
15:00au Liban, puis jusqu'à la guerre du Liban
15:02puis ensuite en France.
15:04Et, en fait,
15:06ça c'est vous qui le dites aussi,
15:08finalement, c'est aussi
15:10cette histoire-là qui vous donne
15:12le sens du devoir et qui
15:14donne aussi à votre héros
15:16l'envie de
15:18s'en sortir, quoi.
15:20Il y a un sens de l'honneur
15:22aussi, j'ai envie de dire. Il y a le sens de l'honneur,
15:24il y a le sens du devoir. Je parle aussi beaucoup
15:26du syndrome du survivant,
15:28du stress post-traumatique et on le voit
15:30beaucoup auprès de nos victimes qu'on soigne
15:32dans des zones de guerre, mais vous avez aussi ça
15:34en France, chez des victimes
15:36des attentats.
15:38C'est un survivant qui vit
15:40alors que d'autres, qui est le seul
15:42rescapé, ce qu'on appelle le syndrome du survivant,
15:44il survit et il vit
15:46avec des images horribles
15:48de tous ceux qui sont partis,
15:50qui étaient peut-être plus jeunes, plus aimés,
15:52plus vigoureux et finalement,
15:54ils ont du mal, ces gens-là,
15:56à vivre et vivre avec une espèce
15:58de mélancolie et avec
16:00une culpabilité intense d'être en vie
16:02et pas les autres. Ils ont du mal à s'approprier
16:04leur vie et c'est vrai que, quand on
16:06analyse, on a ça aussi
16:08avec les migrants et
16:10tous les génocides d'ailleurs,
16:12vous avez la première génération qui se tait, la deuxième
16:14s'intègre, la troisième répare
16:16et je voulais raconter aussi à travers
16:18là, c'est le cas de l'Arménie mais
16:20en fait, ça se généralise, vous avez
16:22dans le profil des victimes
16:24et des rescapés, des survivants
16:26comment
16:28je remets de la vie dans un
16:30cauchemar.
16:31Et je vous coupe parce qu'il nous reste très peu de temps, il y a 2-3 choses
16:33que je voulais voir avec vous avant qu'on soit obligés
16:35de se quitter. La première chose, c'est que
16:37Éliscaire, c'est une ONG où vous mettez votre expertise
16:39en médecine chinoise notamment,
16:41au service des populations les plus vulnérables.
16:43Vous l'avez dit, vous êtes partie en Irak, vous êtes
16:45partie en Arménie, dans d'autres terrains ravagés
16:47par la guerre
16:49et vous faites de l'acupuncture comme un
16:51outil qui apaise, alors les douleurs
16:53physiques, ok, mais surtout les traumatismes
16:55psychologiques. Vous jouez
16:57là-dessus et ça, c'est quelque chose que
16:59c'est une mission que vous vous donnez, de
17:01réparer justement.
17:03Au début, l'acupuncture servait dans
17:05des régions où on n'avait pas accès à la morphine,
17:07les chirurgiens l'utilisaient beaucoup parce qu'il manquait
17:09de morphine pour traiter la douleur.
17:11Mais très rapidement, on s'est diversifié,
17:13maintenant on a des pédiatres, des généralistes, on fait
17:15du dépistage, on a des psychologues.
17:17Et c'est vrai que dans la prise en charge du stress
17:19post-traumatique, on utilise l'acupuncture
17:21mais chez les enfants, on utilise beaucoup
17:23l'arthérapie, on utilise d'autres techniques.
17:25Le yoga, on a mis en place
17:27dans les centres pour les survivants qu'on a créés
17:29des thérapies alternatives
17:31complémentaires pour aider les victimes
17:33qui ne peuvent pas parler
17:35ou qui ont été déscolarisées longtemps
17:37ou qui ont été victimes.
17:39Ça marche pour ceux qui sont rescapés
17:41de gros conflits internationaux mais aussi
17:43par exemple des rescapés d'attentats.
17:45Oui, bien sûr.
17:47Parce que vous avez
17:49un espèce de mécanisme de dissociation
17:51comme c'est le syndrome du stress
17:53post-traumatique, vous avez
17:55une coupure avec le réel,
17:57vous avez un mécanisme de survie
17:59qui se met en place où vous refermez,
18:01vous vous coupez de tous les souvenirs
18:03de réminiscence et des flashbacks
18:05et tout ça.
18:07Souvent la victime tombe
18:09dans des addictions et pour l'aider
18:11il y a bien sûr les thérapies de psychologie classique
18:13mais à côté il y a les thérapies complémentaires
18:15comme l'hypnose, l'EMDR,
18:17l'acupuncture, l'arthérapie
18:19tout ça, ça fonctionne très bien.
18:21Est-ce que vous conseilleriez à quelqu'un qui souffre de ce genre de symptômes ?
18:23Il faut une approche globale.
18:25Ce n'est pas une seule chose.
18:27Il y a un autre truc que vous avez fait,
18:29c'est le bus des femmes.
18:31C'est dédié aux victimes de violences sexuelles
18:33ou aux enfants traumatisés aussi
18:35par les conflits.
18:37C'est remarquable.
18:39Comment vous est venue cette idée ?
18:41Lorsque les premières femmes yézidis
18:43en Irak ont été enlevées
18:45par Daesh pour servir
18:47de tout le trafic sexuel des femmes,
18:49on avait entendu parler
18:51des femmes qui commençaient à s'échapper
18:53à l'automne 2014.
18:55On a eu envie de mettre en place
18:57un process médical dédié
18:59parce que ces femmes-là étaient victimes de nettoyage
19:01de crimes d'honneur.
19:03Elles étaient rejetées par leur famille
19:05comme elles étaient souillées et violées.
19:07On a mis en place pour ces femmes
19:09notamment celles qui étaient enceintes
19:11et qui revenaient enceintes
19:13un endroit, un espace dédié à elles
19:15pour leur prise en charge.
19:17Ça a été le bus des femmes qui allaient dans les villages,
19:19dans les montagnes reculées.
19:21On a soigné 3500 femmes victimes de trafic sexuel.
19:23– Quand vous voyez tous ces gens
19:25et que vous pensez à tout ce que vous avez déjà fait,
19:27qu'est-ce que ça vous fait ?
19:29Est-ce que vous vous rendez compte
19:31que sans vous, il y en a plein
19:33qui ne s'en seraient pas sortis ?
19:35– J'ai toujours envie de faire plus.
19:37– Vous avez l'impression que ça suffit ?
19:39– Non, c'est une goutte.
19:41C'est une goutte dans l'océan de malheur.
19:43Après, je sais aussi avoir de la gratitude
19:45et être reconnaissante
19:47de tout ça,
19:49mais j'aimerais tellement faire plus.
19:51– Écrire, c'est une action aussi pour vous ?
19:53Parce que là, vous parlez de l'Arménie,
19:55mais ça résonne aussi
19:57à cause de tous ces conflits
19:59où vous avez pu intervenir.
20:01C'est-à-dire que c'est une globalité tout ça.
20:03– Écrire, c'est une action, c'est aussi une réparation.
20:05Parce qu'on a besoin aussi
20:07d'un moment de pause
20:09pour se couper et puis
20:11juste écrire et accoucher les mots,
20:13les poser, parce que ça permet
20:15de les graver, ça permet de transmettre.
20:17Et puis j'ai aussi très envie de transmettre ça
20:19à mes enfants et puis à tous les enfants.
20:21Et donc, oui,
20:23l'écriture, c'est mon moment
20:25de méditation, c'est ma prière.
20:27– Si vous aviez un souhait,
20:29vous aviez un petit génie
20:31comme ça qui apparaît devant vous et qui vous dit
20:33j'exhauste votre souhait,
20:35Élise Boghossian, qu'est-ce que ça serait ?
20:41– J'aimerais
20:43que tous les enfants soient pris en charge.
20:45Je trouve que c'est pas normal qu'un enfant
20:47n'ait pas accès à la santé,
20:49à la nourriture. Un enfant qui n'a pas
20:51accès à l'eau, je trouve ça dingue.
20:53La famine, je trouve ça
20:55dingue dans un monde où on a justement
20:57toute cette mondialisation
20:59qui était censée
21:01renforcer et puis démocratiser.
21:03En fait, ça n'a pas
21:05réglé ce problème-là.
21:07Je parle pas de paix dans le monde, parce que c'est
21:09pas ça que je pense dans l'immédiat
21:11même si c'est essentiel.
21:13– Et ça fait pas idiot
21:15de dire la paix dans le monde, on a le droit.
21:17Parce que c'est vrai que ça fait un peu Miss France.
21:19– Oui, et puis au moment où vous me posez la question,
21:21c'est le visage des enfants que je vois.
21:23– Vous avez un petit mot
21:25à transmettre à nos auditrices
21:27et à nos auditeurs.
21:29– N'ayez pas peur de vivre vos rêves.
21:31C'est vrai que parfois le parcours peut être long
21:33et scarpé, avec des obstacles.
21:35Parfois il faut aussi faire des choix,
21:37des sacrifices, mais
21:39moi je pense que
21:41dans la grande aventure
21:43de notre vie,
21:45déjà de donner,
21:47de ne pas avoir peur de donner,
21:49puisque ça nous enrichit et ça contribue beaucoup
21:51à notre bonheur. – Merci Élise Boghossian.
21:53Merci pour cette belle leçon d'humanité.
21:55– Merci.
21:57– Le livre Les Sacrifiés de
21:59Élise Boghossian que je vous recommande
22:01est sorti chez Plon, je vous rappelle
22:03qu'Elise Boghossian elle est quand même acupunctrice en zone de guerre
22:05et qu'elle est fondatrice de l'ONG
22:07Élise Care.
22:09Nous on a rendez-vous bientôt
22:11pour un nouveau Destin de Femme, en tout cas je vous embrasse en attendant
22:13et puis vous pouvez tout retrouver
22:15sur sudradio.fr, la chaîne YouTube de Sud Radio
22:17sans oublier les réseaux sociaux. Merci à Julien
22:19qui réalise pour vous aujourd'hui
22:21et je vous fais une grosse bise, bye.