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00:00Europe 1 Soir, 19h, 21h, Stéphanie Demuru.
00:05Et on va revenir à présent sur ce premier déplacement de l'année à Marseille sur le thème du narcotrafic pour Gérald Darmanin,
00:13le garde des Sceaux qui dit vouloir taper au portefeuille les narcotrafiquants.
00:17On va en parler dans quelques instants avec nos deux débatteurs de la soirée, Nathan Dever et Victor Hero.
00:23Bonsoir à tous les deux.
00:24Bonsoir Stéphanie.
00:25Mais avant tout on va recevoir Frédéric Ploquin, grand reporter, documentariste, écrivain, spécialiste de ces questions.
00:34Il est notamment l'auteur des Narcos français qui brisent l'omerta aux éditions Albain Michel.
00:39Bonsoir Frédéric Ploquin.
00:41Bonsoir à vous.
00:43Vous avez suivi cette visite et ces annonces de Gérald Darmanin, vous qui connaissez le sujet.
00:49Quelle a été votre première réaction ?
00:52D'abord concernant le ministre lui-même, il grille la politesse à tout le monde.
00:56Il nous rappelle que c'est un animal politique dynamique et réactif.
01:03Il grille tout le monde.
01:05C'est lui le premier qui passe à l'acte.
01:09Ensuite, il y a une deuxième pensée, une deuxième réflexion que je me suis faite,
01:14c'est qu'il a un peu de mal à oublier qu'il a été ministre de l'Intérieur.
01:20C'est-à-dire qu'il porte un discours collectif Place Beauvau-Place Vendôme
01:32qui devrait probablement être validé par la suite par le ministre de l'Intérieur lui-même.
01:40Ce qu'il propose ne relève pas exclusivement,
01:46quand on dit qu'il intervient pour taper au portefeuille,
01:50c'est fixer la ligne des services de répression.
01:54Est-ce que ça relève encore de lui ?
01:57Avant de vous laisser poursuivre, je vais vous proposer d'écouter Gérald Darmanin
02:02sur cette annonce, son intention de taper au portefeuille, comme vous le disiez.
02:07Il faut taper au portefeuille.
02:09On sait que les peines de prison ne sont pas totalement dissuasives pour les plus grands délinquants.
02:14Des gens sont parfois condamnés à des dizaines d'années de prison
02:17sans pour autant arrêter leur trafic, ce qui pose la question du nettoyage des prisons
02:20et surtout de la confiscation des biens qui ont été mal acquis.
02:24L'argent, les voitures, les biens immobiliers,
02:28mais aussi cet argent, ces voitures et ces biens immobiliers qui sont à l'étranger.
02:31Donc ça Frédéric Ploquin, vous vous dites que ce n'est pas forcément
02:35les prérogatives uniques du garde des Sceaux.
02:38Il aurait peut-être pu faire l'annonce aux côtés de Bruno Retailleau.
02:42Absolument, mais en même temps, c'est aussi un message envoyé aux magistrats.
02:47Cette idée de confiscation des biens mal acquis n'est pas une idée très française.
02:52C'est une idée qui est installée dans le paysage, les lois sont là depuis longtemps.
02:56Mais à chaque fois qu'on consomme des magistrats, on les sent souvent réticents.
03:02Réticents parce qu'en gros, confisquer des biens avant un jugement,
03:09c'est d'abord s'exposer au risque de devoir restituer les biens si la personne est relaxée.
03:15Par hasard, ça peut arriver.
03:17C'est le don d'avocat si les preuves ne sont pas...
03:19Donc ça pose un problème technique de gestion.
03:22C'est bien, si vous confisquez un appartement, il faut vous l'entretenir.
03:25Si vous confisquez une fermerie, il ne faut pas que vous la laissiez dehors.
03:28Il faut que vous paissiez le garage.
03:30Donc tout ça, ce sont des petits soucis techniques, mais qui font que c'est d'ailleurs dommage.
03:36Parce que c'est vrai que ça leur fait plus mal aux trafiquants de stupéfiants
03:40de perdre ce dans quoi ils ont investi, plutôt que de perdre du produit.
03:45Il faut le rappeler, parce que le produit lui-même,
03:47quand on leur saisit une tonne de drogue par-ci, une tonne par-là,
03:51à la limite, ils font avec, ça passe par pertes et profits.
03:55Et finalement, le produit, je le rappelle quand même, au niveau de sa production,
03:59a un coût très faible, en réalité, dans les pays d'origine.
04:02Frédéric Poquin, je parle sous votre contrôle,
04:05mais quand on parle de ces biens mal acquis, et notamment aussi de l'immobilier,
04:10pour certains, ce parc s'élève en plusieurs millions d'euros,
04:14et notamment à l'étranger, comment fait-on ?
04:17C'est ça le problème, c'est tâter au portefeuille, c'est bien gentil.
04:20Encore faut-il savoir où est le portefeuille.
04:23On voit très bien qu'il y a des difficultés d'entraide judiciaire énormes
04:29entre la France et un certain nombre de pays prisés des narcotrafiquants,
04:33que ce soit le Maroc, l'Algérie, Dubaï, ça bouge un peu.
04:37Il y a des efforts qui sont faits, mais on voit bien qu'il y a des blocages.
04:40D'ailleurs, il s'y rend à Dubaï et à Abu Dhabi.
04:43Absolument, il y a raison, il faut essayer de mettre les choses...
04:46Mais en même temps, il suffit de vous promener dans certaines...
04:49Par exemple, dans la banlieue de Tonger au Maroc,
04:51vous vous rendez compte que ces immeubles qui poussent comme des champignons
04:56ne prennent pas le bénéfice, le réinvestissement de l'argent de la drogue,
05:02et que le Maroc, à partir du moment où le trafiquant...
05:06Le fait d'investir, mais ne trafique pas sur place,
05:09ferme les yeux sur l'origine de cet argent.
05:11Donc, si vous voulez, après, si la justice française arrive,
05:14fait une démarche en disant « Oui, mais nous, on veut aller saisir la tour,
05:17tel tour, tel immeuble, tel appartement », ça va être très compliqué.
05:20Donc, c'est vrai que ça...
05:22Au Maroc, moi je sais que je me suis entretenue avec la ministre de l'économie sur ce sujet,
05:27bon, ils ne montent pas de blanche.
05:30Ils disent « Mais nous, on coopère à 100% avec les services français ».
05:34C'est pas vrai ?
05:35Oui, mais si vous amenez...
05:36C'est vrai, et en même temps, très concrètement,
05:39si vous débrouillez pour amener un million d'euros sur la table dans une banque,
05:44la banque le passe en compte et vous l'investissez dans l'immobilier,
05:48c'est du moment que vous vous tenez bien au Maroc.
05:50Ce qui les dérange, c'est dès lors qu'il y a des...
05:52Je veux dire, si un jour il y a un règlement de compte
05:54entre des trafiquants de stupéfiants franco-marocains au Maroc,
05:58là, ils s'éviscent.
05:59Effectivement, ils s'éviscent très fort.
06:01Mais si c'est calme, ça ne les dérange pas.
06:04Donc, voilà, c'est toutes les limites, en fait, de cette traque de l'argent sale
06:10qui a quitté le territoire depuis longtemps.
06:12Frédéric Poquin, il y a Victor Hérault qui souhaite vous poser une question.
06:16Bonsoir, monsieur Gérard Darmanin est le troisième garde des Sceaux
06:20à avoir porté le costume du ministre de l'Intérieur
06:23après François Mitterrand et Michel Alliaud-Marie.
06:25Je voulais savoir, par rapport au début de votre intervention,
06:29comment vous le voyez ?
06:30Est-ce que vous le voyez comme un avantage,
06:31l'avantage d'une expérience complète entre police et justice
06:34ou comme un curieux mélange des genres ?
06:36Vous en parliez tout à l'heure dans sa communication.
06:38Sur le papier, c'est un avantage,
06:41parce que quand son collègue de la Place Beauvau, Bruno Retailleau,
06:45va lui parler, il sait de quoi il s'agit.
06:47Après, ça peut poser des problèmes,
06:48parce que quand tout d'un coup, il nous sort le fait que,
06:51voilà, on va...
06:53Donnez-moi, dit-il, la liste des 100 plus gros trafiquants de stupéfiants en France
06:57et on va les isoler.
06:59Il ne peut pas demander ça à ses services,
07:01au service de la justice.
07:04Il doit se tourner vers le ministre de l'Intérieur
07:07qui lui-même doit demander à l'OFAS,
07:09qui est le service de répression en matière de trafic de stupéfiants,
07:12pour lui fournir cette liste.
07:13Ce n'est pas à la justice de la fournir.
07:15Donc là, il y a peut-être un petit glissement.
07:18Alors, soit ils s'entendent à merveille et ça se passe bien,
07:20soit...
07:21On sent à votre ton que vous en doutez un peu.
07:23Mais c'est vrai qu'on ne voit pas beaucoup Bruno Retailleau
07:25et Gérald Darmanin occupe un petit peu le terrain médiatique depuis sa nomination.
07:30C'est vrai que ça interroge.
07:31Absolument, mais je pense que Bruno Retailleau ne se laissera pas faire
07:35et qu'à un moment donné, les choses seront clarifiées.
07:38Mais c'est vrai que cette demande, moi, m'a surpris pour cette raison-là.
07:42Le top 10, le top 20 des traficants de stupéfiants,
07:45ce ne sont pas les services de la justice qui l'établissent.
07:50Pour autant, les deux hommes, tout de même, ont une forme de cohérence idéologique.
07:54On va tenter d'être optimistes.
07:57Si c'est le cas, est-ce que, selon vous, ils ont des chances de réussir ?
08:01Alors, évidemment, après, il y a une question politique qui se pose dans un second temps,
08:05celle du maintien du gouvernement et celle du budget, bien sûr.
08:08Mais sur l'idée, est-ce que ça pourrait marcher ?
08:11Moi, je ne suis pas pour, à l'avance, condamner tout ce qui va être fait.
08:15Au contraire, je veux dire qu'ils le fassent.
08:17Au moins, ce que moi, je trouve intéressant, c'est cette prise de conscience
08:21que la prison n'est pas seulement un endroit où on envoie les trafiquants de stupéfiants
08:26et on les oublie en se disant, bon, allez, c'est bon, ils sont punis,
08:29ils vont faire leur 10 ans, puis on les récupérera à la sortie.
08:31On a pris conscience, notamment avec l'affaire Mohamed Merah,
08:36Amra, pardon.
08:38On a pris conscience qu'il se tramait des choses en prison qui devaient nous intéresser,
08:45qu'il fallait développer les services de renseignement inter à l'administration pénitentiaire.
08:48Ça, ça peut relever, effectivement, du garde des Sceaux.
08:52Et qu'il fallait s'intéresser au fait qu'une grande partie du trafic,
08:58en gros, aujourd'hui, on le sait, on l'a compris,
09:00était gérée par des caïds qui sont sous les verrous.
09:04Donc, essayer de leur mettre des bâtons dans les roues, c'est plutôt une bonne idée.
09:07D'ailleurs, vous parlez de Mohamed Amra,
09:10ça me fait penser qu'il a été sauffé hors de ma part sur écoute, justement, en prison.
09:15Aujourd'hui, il y a une autre bataille, celle de mettre des brouilleurs,
09:20d'enlever les téléphones portables des prisons.
09:22Est-ce qu'on ne va pas se priver d'une aide utile, justement ?
09:25Ah ben ça, c'est le couteau à double lame.
09:30C'est-à-dire qu'effectivement, les services de police ont toujours considéré
09:34qu'à partir du moment où ils détenaient,
09:36ils avaient en main le numéro de téléphone d'un détenu,
09:39ils pouvaient l'écouter et obtenir des informations précieuses.
09:42Mais le problème, c'est que les détenus se débrouillent
09:46pour avoir deux, trois, quatre, cinq, dix numéros de téléphone,
09:49et on ne les a pas toujours.
09:50Donc, l'autre solution, c'est de tout bloquer.
09:52C'est de tout bloquer, mais ils vont revenir,
09:54ne vous inquiétez pas, à d'autres moyens de communication.
09:56Je ne rappelle que les mafieux siciliens.
09:58Ils communiquaient avec des petits papiers
10:01enfoncés entre deux cailloux, etc.
10:03Je veux dire, ils peuvent revenir à des moyens de communication plus archaïques,
10:06mais pour l'instant, on n'en est pas là.
10:09Nathan Devers, vous vouliez poser une question ?
10:12Oui, bonsoir, je voulais vous poser une question.
10:14Est-ce que vous ne pensez pas que,
10:16quel que soit son avenir et ses enjeux,
10:18la politique de Gérald Darmanin et de Bruno Retailleau
10:21sont toutes deux condamnées à une forme d'échec ?
10:24Ce que je veux dire par là, c'est que quand on parle de la question de la drogue,
10:27il y a la perspective de l'offre,
10:29que vous avez élaborée, développée, décrite,
10:32mais il y a aussi la perspective de la demande.
10:35Et quand on est dans un pays où on a 5 millions de consommateurs
10:38occasionnels de drogue,
10:402 millions de consommateurs réguliers,
10:42voire très réguliers de drogue,
10:44vous pouvez casser toutes les têtes de réseau,
10:46vous pouvez faire comme ce que faisait M. Darmanin
10:48quand il était à Beauvau,
10:50à savoir faire des opérations place nette,
10:52démanteler tous les points de deal que vous voulez,
10:54faire une sorte de guerre aux dealers
10:56et emprisonner tous les dealers que vous voulez,
10:58il n'en demeure pas moins que vous avez
11:00au bas mot 2 millions de personnes
11:02qui veulent avoir leur dose régulière de drogue en France
11:05et à partir de là, le trafic s'adaptera,
11:07trouvera d'autres moyens.
11:09Est-ce que vous ne pensez pas que là-dessus,
11:11il y a un véritable impensé ?
11:13Si vous voulez, il y a deux chiffres
11:15qui sont assez convaincants à ce sujet,
11:17c'est celui du prix de vente des produits
11:19qui ne bouge pas depuis 10 ans,
11:21c'est-à-dire que pour tous les autres biens de consommation,
11:23ça augmente, ce qui signifie qu'il n'y a pas
11:25loin de là une raréfaction du produit,
11:27ça c'est le premier point.
11:29Il n'y a pas d'inflation pour le chiite, la cocaïne,
11:31il n'y a pas d'inflation, ça ne bouge pas.
11:33Et le deuxième indice, c'est le développement
11:35du chiffre d'affaires global
11:37du trafic de supéfiants en France
11:39qui est passé en gros
11:41de 2 milliards
11:43il y a une dizaine d'années
11:45à aujourd'hui, moi je disais
11:47dans mon livre 4 milliards,
11:49mais aujourd'hui il y a des sénateurs qui parlent de 6 milliards
11:51ça c'est l'autre point
11:53qui montre qu'on est plutôt dans un développement exponentiel
11:55du marché. Une fois que vous avez dit ça
11:57je vais vous dire, pour l'instant
11:59aucun pays au monde n'a réussi
12:01à remporter la manche
12:03et la guerre contre l'avance, aucun
12:05que ce soit ceux qui
12:07déploient l'armée face aux trafiquants
12:09que ceux qui légalisent
12:11aucun pays pour l'instant
12:13n'a réussi, donc
12:15c'est pas pour autant qu'il faut se condamner à rien faire.
12:17Absolument, merci Frédéric Ploquin
12:19grand reporter, documentariste, écrivain
12:21auteur de Les Narcobres
12:23français, Brise Lomerta aux éditions
12:25Albin Michel, merci beaucoup d'avoir été
12:27avec nous.
12:33Et nous sommes toujours en compagnie de Victor Hérault
12:35et Nathan Devers
12:37on continue à commenter cette visite
12:39de Gérald Darmanin à Marseille
12:41avec un tas de bonnes intentions, n'est-ce pas ?
12:43On les commentait avec Frédéric
12:45Ploquin, qui mettait
12:47l'accent sur la communication, qui avait
12:49l'air sceptique sur l'efficacité
12:51alors c'est vrai Victor Hérault
12:53j'en parlais un petit peu tout à l'heure
12:55pour l'instant c'est un gouvernement
12:57sursis, qui n'a pas de budget
12:59alors Gérald Darmanin
13:01a beau montrer ses muscles, c'est pas encore
13:03gagné cette affaire. Oui, d'autant plus que
13:05contrairement au ministère de l'Intérieur, le ministère de la Justice
13:07a une vraie contrainte temporelle
13:09devant lui, c'est-à-dire que les mesures
13:11qui peuvent être appliquées pour
13:13remettre en marche le système judiciaire
13:15de ce pays qui est
13:17patraque, si on peut le dire comme ça, c'est des
13:19années, c'est des années, des années. Alors il peut
13:21entamer le mouvement, mais c'est vrai qu'on va lui
13:23demander en tous les cas
13:25d'obtenir des résultats directement
13:27c'est un petit peu fort de café, c'est pas comme ça
13:29que ça marche du côté de la Justice, de l'Intérieur c'est beaucoup plus
13:31visible rapidement. Il faut beaucoup
13:33d'argent, Nathan Devers
13:35il faut un budget pour ça
13:37comment va s'y prendre Gérald Darmanin ?
13:39Est-ce que c'est pas peine perdue effectivement ?
13:41Oui mais encore une fois, je rebondis
13:43sur ce que disait notre invité tout à l'heure
13:45aucun pays
13:47n'a réussi à vaincre le problème
13:49de la drogue et de toute la
13:51criminalité et de toute la délinquance
13:53que charrie le trafic de drogue en suivant
13:55la méthode de Gérald Darmanin
13:57il me semble que tout est dit. Gérald Darmanin
13:59quand il était à Beauvau, quand il est
14:01aujourd'hui Place Vendôme, fait de la communication
14:03à l'instar de Nicolas Sarkozy dont
14:05il s'inspire quand il dit nettoyer les prisons
14:07c'est quasiment une référence directe
14:09Je vous propose de l'écouter Nathan Devers
14:11avant de vous redonner la parole
14:13Quand on dit que les gens sont à
14:15l'isolement en prison, personne
14:17ne comprend que ces personnes peuvent communiquer
14:19à l'extérieur. Nous allons donc multiplier
14:21tous azimuts des opérations de nettoyage
14:23des prisons, alors c'est déjà
14:25en partie fait puisque plus de 40 000 téléphones portables
14:27ont été saisis lors de l'année
14:292024, je pense qu'on peut faire davantage
14:31Deuxième chose, nous devons améliorer
14:33les sujets, les problématiques techniques
14:35pour faire du brouillage, il n'y a pas
14:37l'intégralité des moyens technologiques aujourd'hui
14:39à notre disposition pour le faire, il faudrait
14:41par exemple 500 millions d'euros
14:43en plus du budget que nous avons
14:45pour pouvoir mettre des brouilleurs en imaginant
14:47qu'il y en ait disponible partout
14:49dans les prisons françaises, donc évidemment
14:51il faut qu'on soit plus ingénieux
14:53Nathan Devers vous parlait de la communication de Nicolas Sarkozy
14:55c'est vrai que ça nous rappelle un certain nettoyer
14:57au Karcher. Exactement, ce qui est profondément
14:59gênant dans l'emploi de cette métaphore
15:01de nettoyer les prisons
15:03c'est qu'avant d'être une métaphore, donc là en gros
15:05on nous dit nettoyer les prisons
15:07des téléphones qui peuvent être dedans
15:09des prisonniers qui peuvent
15:11continuer à gérer leur trafic depuis la cellule
15:13etc. Bon, moi je veux bien qu'on fasse
15:15de la littérature et des métaphores
15:17on pourrait réfléchir au sens littéral du mot nettoyer
15:19les prisons aujourd'hui sont dans un état
15:21lamentable. Quand vous avez
15:23un ministre de la justice qui vous parle de nettoyer les prisons
15:25et qui ne parle pas par exemple de la question
15:27de la présence des rats en prison
15:29des cafards, du fait que
15:31les prisonniers qui sont dans une surpopulation
15:33on n'a jamais eu autant de prisonniers en France
15:35de toute l'histoire de France, jamais eu autant
15:37on a une surpopulation dans les prisons qui est calamiteuse
15:39ce qui fait que même dans la prison de la santé
15:41qui a été très récemment rénovée, les conditions
15:43d'incarcération, sauf au carré VIP
15:45sont déjà vraiment
15:47catastrophiques. Et vous avez un ministre de la justice
15:49qui adopte si vous voulez
15:51un langage, une terminologie super répressive
15:53on va nettoyer les prisons, les mettre à l'isolement
15:55rendre en gros
15:57encore plus dures les conditions des prisons
15:59donnant l'impression que la prison c'est un peu
16:01le clock made pour l'instant, c'est un peu ça
16:03la petite musique si vous voulez qu'il y a derrière ce que dit Gérald Darmanin
16:05moi je pense que...
16:07Il parle d'en construire, il nie pas le fait
16:09qu'elle soit pleine
16:11Alors que la France est aujourd'hui
16:13montrée du doigt par toutes
16:15les associations et les organisations
16:17non gouvernementales liées aux droits de l'homme, aux droits des prisonniers
16:19pour les conditions indignes de détention
16:21qui sont aujourd'hui, qui existent
16:23aujourd'hui dans les prisons françaises
16:25et qu'il ne commence pas par parler déjà de ce nettoyage
16:27concret, c'est déjà quelque chose je pense
16:29qui est problématique. Et deuxièmement, je reviens là-dessus
16:31vous pourrez faire tomber toutes les têtes de réseau
16:33vous pourrez démanteler
16:35tous les gangs et toutes les mafias de drogue
16:37du monde, vous ne
16:39parviendrez jamais à résoudre
16:41la question du fait qu'il y a 2 millions de personnes
16:43qui sont en lien de grande dépendance vis-à-vis de la drogue
16:45et qui n'arrivent pas à s'en prendre
16:47C'est vrai que la majorité des français, il y avait un sondage
16:49il y a quelques semaines
16:51veulent s'en prendre aux consommateurs
16:53mais ça je crois que vous êtes contre
16:55Mais c'est pas forcément s'en prendre, c'est en tout cas poser la question
16:57depuis la perspective de la consommation
16:59C'est le ministre de la Santé qu'on devrait l'assumer
17:01plus que celui de la justice ou de l'intérieur
17:03Alors, là c'est compliqué pour moi
17:05parce que Nathan m'oblige à me faire
17:07l'avocat de Gérald Darmanin
17:09qui n'est pas exactement sur mes lignes politiques
17:11mais je vais le faire, je vais faire un effort
17:13mes études de droit me reviennent
17:15Déjà Gérald Darmanin a abordé
17:17quand même cette question-là, lorsqu'il était ministre de l'intérieur
17:19il disait que c'était notamment le petit bourgeois
17:21du 16ème arrondissement qui consommait le plus de cocaïne
17:23qu'il mettait l'accent sur le consommateur
17:25comme Bruno Retailleau le fait aujourd'hui d'ailleurs
17:27quand il parle de la culture du petit joint
17:29c'est aussi ça qu'il dit, il faut le voir des deux côtés
17:31et vous avez parfaitement raison de le souligner
17:33Concernant les prisons
17:35c'est pas le terme de nettoyage
17:37je comprends parfaitement le parallèle
17:39avec le Karcher de Nicolas Sarkozy
17:41Gérald Darmanin étant un Sarkoziste convaincu
17:43c'est évident qu'il puisse en inspirer son Nicolas Sarkozy
17:45dans la communication également
17:47le terme que j'ai retenu c'est plutôt celui de
17:49mieux discriminer les prisonniers
17:51et ça je suis vraiment d'accord avec Gérald Darmanin
17:53j'espère que ce n'est pas que de la communication
17:55que l'esbroufe et qu'il va le faire
17:57mais la question de la discrimination
17:59déjà j'aime bien quand on réhabilite ce mot de discrimination
18:01parce que je trouve que c'est un beau mot
18:03ça s'appelle distinguer les choses et faire un choix
18:05et discriminer le grand criminel
18:07du petit délinquant, séparer ces deux là
18:09parce qu'on sait les problèmes de radicalisation
18:11d'engrainage qu'il y a
18:13dans ces prisons là, parce qu'on mélange des genres
18:15de prisonniers qui ne sont pas du tout les mêmes
18:17et qui ne devraient pas être mélangés
18:19ça je trouve que c'est une très belle initiative
18:21il souhaite qu'il veuille isoler les narcotrafiquants
18:23mais alors pour les mettre où ? Parce qu'il n'y a plus de cellules
18:25c'est tout le problème
18:27et Gérald Darmanin se trouve confronté
18:29en tant que ministre de la justice
18:31au même problème qu'il avait face à lui lorsqu'il était ministre de l'intérieur
18:33c'est-à-dire le manque de place
18:35le manque de moyens à louer
18:37les problèmes de manque de place en centre de rétention administrative
18:39les cras sont exactement les mêmes que vis-à-vis des prisons
18:41c'est-à-dire il faut de l'argent pour financer tout ça
18:43vous avez entendu la nouvelle
18:45aujourd'hui, ces deux
18:47QTF algériens
18:49qui avaient été attrapés, pincés
18:51en train de braquer une pharmacie le 24 décembre
18:53ils avaient été relâchés, faute de place
18:55en centre de rétention administrative
18:57et là ils ont été repincés pour un vol
18:59à la roulotte, ils vont être jugés
19:01mais enfin c'est ça la réalité de notre pays
19:03c'est qu'il n'y a plus de place en prison
19:05donc vous les mettez où tous ces gens ?
19:07Effectivement Nathan Devers, on fait quoi ?
19:09On construit des prisons
19:11mais ça aussi on sait qu'on se confronte
19:13à des problèmes de budget, des problèmes
19:15de consentement des élus locaux
19:17C'est une vraie question
19:19et c'est une question à la fois technique
19:21est-ce qu'on construit davantage de places de prison ?
19:23Et c'est une question aussi
19:25je dirais de principe, à quoi sert la prison ?
19:27Et à cette question tout simple
19:29vous avez des réponses différentes dans l'échiquier politique
19:31il y a des gens qui estiment que le but de la prison c'est de punir
19:33il y a des gens qui estiment que le but de la prison
19:35c'est de protéger la société d'individus dangereux
19:37vous avez des gens qui estiment
19:39que le but de la prison c'est d'empêcher
19:41la récidive, de favoriser la réinsertion
19:43sociale, etc.
19:45et selon les buts que vous allez invoquer
19:47vous n'allez pas avoir la même réaction
19:49si vous estimez que le but de la prison c'est de punir
19:51entre guillemets aveuglément
19:53vous allez mettre en prison beaucoup plus de gens
19:55même des gens qui ont fait des choses pas forcément archi-graves
19:57ou en tout cas qui ne présentent pas un danger physique
19:59pour les autres
20:01donc face à cela on pourrait remarquer
20:03et je suis d'accord avec vous sur ce que vous disiez tout à l'heure
20:05séparer les gens
20:07qui présentent un profil de dangerosité
20:09que ce soit islamistes, que ce soit
20:11des super trafiquants, que ce soit des grands criminels
20:13d'individus qui sont
20:15un peu moins dangereux. On pourrait aussi
20:17remarquer que pour ces individus là
20:19qui sont moins dangereux, donc qui sont en prison
20:21ça peut être des petits trafiquants de drogue
20:23qui sont en bas de l'échelle, ça peut être des gens
20:25qui ont été en
20:27récidive mais qui ne sont pas des grands criminels
20:29on pourrait se poser la question de savoir
20:31s'il n'y a pas d'autre solution que la prison
20:33telle qu'elle existe aujourd'hui.
20:35C'est déjà le cas Nathan Devers, d'ailleurs je vais vous faire
20:37aussi écouter Gérald Darmanin
20:39sur les peines de prison qui ne sont pas
20:41forcément appliquées. Écoutez.
20:43Lorsqu'on dit que l'on connaît quelqu'un à la prison, il faut qu'il
20:45en fasse de la prison.
20:47Et il y a trop de peines de prison qui sont prononcées
20:49qui ne sont pas exécutées et dont jamais
20:51la personne ne va une journée en prison.
20:53Quand on dit que les gens sont à l'isolement en prison
20:55personne ne comprend
20:57derrière son écran de télévision en lisant son journal
20:59que ces personnes peuvent communiquer à l'extérieur
21:01commander des assassinats
21:03corrompre des fonctionnaires
21:05ou pouvoir faire continuer leur point de deal.
21:07Donc si je devais
21:09résumer en un mot ce que je crois
21:11on attend du ministre de la justice
21:13c'est que les mots prononcés par
21:15les magistrats correspondent à la réalité.
21:17Nathan Devers, vous avez coupé.
21:19Oui, mais justement
21:21là Gérald Darmanin, il veut aller encore
21:23plus dans cette logique d'incarcération
21:25maximale qui existe
21:27déjà en France puisque je le rappelle
21:29on a vraiment des prisons qui n'ont jamais contenu autant
21:31de personnes. Il y a d'autres régimes
21:33de punition qui sont intéressants.
21:35Le régime de la semi-liberté, c'est un régime
21:37où l'individu dort en prison
21:39et travaille en dehors de la prison
21:41tous les jours, il sort le matin, il rentre le soir.
21:43Il continue à dealer la journée, c'est ça ?
21:45Non, il travaille, il a un vrai métier dans une entreprise, etc.
21:47Il doit montrer des garanties
21:49d'emploi, pointer, etc.
21:51Badger comme tout salarié.
21:53Pourquoi c'est plus intéressant peut-être ce modèle-là
21:55sauf pour les gens qui présentent un modèle de dangerosité ?
21:57C'est que vous avez là la question de la réinsertion
21:59elle est d'emblée non seulement posée
22:01mais en un sens
22:03résolu. Puisque vous avez
22:05le problème de la prison, c'est que
22:07quand vous sortez de prison, aujourd'hui
22:09il y a plus d'un tiers des prisonniers qui récidivent
22:11dans les 18 mois de leur libération et qui récidivent en pire.
22:13Autrement dit, la prison participe
22:15de l'engrenage de la
22:17récidive et de la délinquance. Moi je ne suis pas...
22:19Nathan Demers, je veux bien sur certains
22:21types d'infractions, mais là
22:23vous parlez des narcotrafiquants de haute
22:25voltage qui gagnent des millions
22:27franchement la réinsertion, vous y croyez ?
22:29Entre vous et moi, vous n'êtes pas un petit peu idéaliste sur ce cas-là ?
22:31Vous avez raison sur les narcotrafiquants
22:33de toutes les manières,
22:35il faut juste être lucide. Il n'y aura pas
22:37d'arrêt du narcotrafic, puisqu'il y a
22:392 millions de consommateurs en France. Point final.
22:41Il n'y a pas besoin d'ergoter là-dessus pendant 3 heures
22:43et M. Darmanin peut dire ce qu'il veut,
22:45ça ne s'arrêtera pas. Et tous les dealers
22:47qui sont interrogés dans différents
22:49médias, dans différents reportages disent
22:51tous, de toutes les manières, vous pouvez mettre
22:53un individu en prison, il sera remplacé
22:55le lendemain matin par quelqu'un d'autre, vous démantelez
22:57un point de deal dans un point A,
22:59il va être mis dans un point B quelques heures plus tard,
23:01etc.
23:03Comme au Salvatore, donc on fait quoi ?
23:05Donc je pense qu'il faut poser la question
23:07des drogues sérieusement, et ce n'est pas forcément
23:09le ministre de l'Intérieur et le ministre de la Justice qui ont le monopole
23:11sur cette question, et qu'il faut aujourd'hui poser
23:13à mon avis une distinction très claire.
23:15Un consommateur de drogue en l'état du droit français,
23:17aujourd'hui quand il achète un joint,
23:19en effet il achète du sang. En effet,
23:21parce que de facto, il finance des mascarades
23:23qui font couler du sang, etc. Cette phrase est vraie.
23:25En revanche, un consommateur de drogue
23:27qui achète un joint dans un pays
23:29où ce serait dépénalisé ou légalisé,
23:31il se met en danger lui-même.
23:33Et ça c'est son problème. Et si on a une vision un peu libertaire
23:35ou un peu même libérale de la question de la santé publique,
23:37ce qui est mon cas, quelqu'un qui se met
23:39en danger, c'est son problème.
23:41Vous n'arrêtez pas les trafics, hein, derrière.
23:43Vous les légalisez, vous arrêtez les affaires.
23:45Victor Hérault, n'est-ce pas ?
23:47Est-ce que vous êtes aussi pour une forme
23:49de légalisation de la drogue ?
23:51Non, non, non, parce qu'encore une fois,
23:53d'un point de vue de la santé publique, je suis contre,
23:55mais cette question de la drogue...
23:57Ce qui est le coupable, c'est la poule.
23:59C'est la question interminable, même presque philosophique
24:01de est-ce que c'est le consommateur ou le producteur
24:03qui est le coupable ? Moi, il y a un point de raisonnement
24:05avec lequel je suis vraiment en désaccord avec vous.
24:07Qui est de dire, comme vous l'avez dit
24:09tout à l'heure,
24:11la réponse carcérale de Gérald Darmanin ne marche pas
24:13et on le voit bien puisqu'il n'y a jamais eu autant de monde
24:15en prison, en France. Ce qui est vrai.
24:17C'est factuel, il n'y a jamais eu autant de monde
24:19en prison en France. C'est peut-être qu'il n'y a jamais eu autant
24:21de délinquants en France aujourd'hui. Là, c'est enlever
24:23complètement la variable du nombre
24:25de délinquants qu'il y a sur le territoire. Et moi, je vais
24:27à ce moment-là faire le parallèle avec l'immigration,
24:29la passerelle avec l'immigration,
24:31puisque l'immigration étant... On parlait tout à l'heure
24:33de ces OQTF qui ont
24:35récidivé, pardonnez-moi,
24:37après avoir
24:39cambriolé une pharmacie le soir de Noël,
24:41ils récidivent le jour de l'an.
24:43Ces deux personnes ont des profils typiques
24:45de ce genre d'actes, puisque ce sont
24:47des étrangers en situation régulière sous OQTF
24:49et sans domicile fixe. C'est un profil
24:51qui tend à la délinquance.
24:53La gauche pourra me rejoindre là-dessus. C'est effectivement un cadre
24:55socio-économique qui tend, du coup, à vous propulser
24:57vers la délinquance pour subvenir à vos
24:59besoins, si vous le voulez. Mais cette question-là de
25:01l'immigration de personnes en situation
25:03irrégulière, massivement
25:05venues sur le territoire et sans
25:07domicile fixe,
25:09booste, entre guillemets, j'aime pas trop ce mot,
25:11propulse le nombre de délinquants sur le territoire. Et donc, il est
25:13normal de multiplier à ce moment-là les places en prison
25:15puisqu'il y a plus de délinquants. On ne va pas dire
25:17il y a toute une marge de délinquants qu'on n'enferme
25:19pas et qu'on garde avec nous.
25:21Sur ce point, je ne suis pas en désaccord avec vous.
25:23Mon argument, c'était moins le nombre de gens en prison
25:25que le fait que la prison n'empêche pas la
25:27récidive dans plus d'un tiers des cas.
25:29Et à mon avis, c'est ça l'argument clé.
25:31On peut mettre tous les gens qu'on veut en prison, ça n'empêche pas
25:33le problème de la récidive. Maintenant, réponse
25:35en tout cas d'un homme de gauche qui n'engage que
25:37moi. Moi, des individus
25:39qui récidivent, qui sont sous
25:41OQTF, les OQTF,
25:43je suis légaliste sur ce sujet, doivent être
25:45appliqués. Et ça, ça engage le problème.
25:47Et là, c'est la tréfecture, le ministre de l'Intérieur.
25:49Exactement. Et puis, nos places en CRA. Et puis,
25:51surtout, nos relations diplomatiques avec l'Algérie,
25:53qui, tout le monde le sait, ne sont pas forcément
25:55dans les meilleures étapes.
25:57Pour rester avec moi, Victor Hérault, Nathan Devers,
25:59on reviendra dans quelques instants sur
26:01cette attaque qui s'est produite aux Etats-Unis avec
26:03de nouvelles informations ce soir.