Cette semaine dans "I-Média", Jean-Yves Le Gallou et Floriane Jeannin reçoivent Xavier Eman pour présenter son ouvrage “Formatage continu - Tour de France des quatorze principales écoles de journalisme”. L’occasion d’explorer l'origine même de la pensée dominante dans les médias ! Ce livre enquête révèle que l'uniformité du discours des journalistes mainstream trouve sa racine non pas dans les salles de rédaction, mais bien dès leur formation.
Xavier Eman, rédacteur en chef d'Éléments et de Livr’arbitre, souligne que ces écoles de journalisme, qu'elles soient à Paris ou dans le reste de la France, fonctionnent selon plusieurs principes : consensus avec les professeurs, endogamie sociale et cooptation favorisant un conformisme strict. S'écarter de la ligne, c’est risquer l’exclusion sociale ou l’exclusion de l’école et mettre en danger son avenir professionnel. Difficile dès lors de formuler une pensée objective et indépendante, un impondérable pourtant des qualités requises pour être un bon journaliste. Au sortir de ces grandes écoles, le piège s’est définitivement refermé : les élèves journalistes tiennent un discours déconnecté du réel et sont prêts à l’auto-censure pour façonner à leur tour l’opinion publique.
Liens utiles :
Le livre : https://nouvelle-librairie.com/boutique/editions-la-nouvelle-librairie/formatage-continu/
L’OJIM : www.ojim.fr
Polémia : https://www.polemia.com/
Xavier Eman, rédacteur en chef d'Éléments et de Livr’arbitre, souligne que ces écoles de journalisme, qu'elles soient à Paris ou dans le reste de la France, fonctionnent selon plusieurs principes : consensus avec les professeurs, endogamie sociale et cooptation favorisant un conformisme strict. S'écarter de la ligne, c’est risquer l’exclusion sociale ou l’exclusion de l’école et mettre en danger son avenir professionnel. Difficile dès lors de formuler une pensée objective et indépendante, un impondérable pourtant des qualités requises pour être un bon journaliste. Au sortir de ces grandes écoles, le piège s’est définitivement refermé : les élèves journalistes tiennent un discours déconnecté du réel et sont prêts à l’auto-censure pour façonner à leur tour l’opinion publique.
Liens utiles :
Le livre : https://nouvelle-librairie.com/boutique/editions-la-nouvelle-librairie/formatage-continu/
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NewsTranscription
00:31Générique
00:34...
00:53Bonjour à tous et bonne année sur Immedia.
00:56Cette semaine, on se retrouve pour un numéro spécial.
00:59Bonjour Jean-Yves.
01:00Bonjour Floriane.
01:01On est côte à côte cette semaine parce qu'on a un invité avec nous pour ce numéro.
01:06C'est Xavier Aimant. Bonjour Xavier.
01:08Bonjour à vous.
01:09Vous êtes ici pour présenter votre livre.
01:11Il est issu de la collection Désintox, de la nouvelle librairie.
01:14Formatage continu, Tour de France, des 14 principales écoles de journalisme.
01:20On est ravi de vous recevoir sur ce plateau.
01:22On parle très souvent dans les médias des journalistes et de leur formation.
01:26Cette fois-ci, on va pouvoir cibler plus particulièrement les écoles.
01:30Avant toute chose, vous le savez, pour garantir le succès de cette émission,
01:34nous sommes sur Youtube.
01:35Donc, il y a la petite promo, le petit pouce en l'air, les commentaires s'il vous plaît.
01:39Et puis, n'hésitez pas à partager cette émission.
01:41Si vous avez, je ne sais pas moi, un neveu qui veut devenir journaliste,
01:45si vous connaissez un journaliste aussi, vous-même,
01:48vous pouvez lui demander quelle école est-ce qu'il a fait.
01:50Ou alors, vous pouvez le partager à votre voisin
01:53qui s'intéresse particulièrement au mode de financement,
01:56à tout un tas de choses liées aux écoles de journalisme qui pourraient les intéresser.
02:00Donc, le pouce en l'air, les commentaires, c'est très important.
02:03Xavier Aimant, on a compris qu'on va parler des écoles de journalisme.
02:06Votre livre s'intitule Formatage en continu.
02:11Si je vous suis bien, les écoles formatent les élèves,
02:14mais finalement, ça continue plus loin encore que dans les écoles.
02:19C'est une empreinte qui perdure, en somme ?
02:21– Alors, tout à fait.
02:22En fait, ce petit livre, qui est un livre d'enquête,
02:26a pour origine une réflexion que nous avions eue avec Claude Chollet
02:29qui s'occupe de l'Observatoire du journalisme.
02:32On s'interrogeait justement sur les raisons profondes du consensus idéologique
02:38qui règne dans les médias dominants, dans les médias centraux.
02:42Et surtout, le caractère immuable de ce consensus.
02:46C'est-à-dire, quelles que soient les transformations dans la société,
02:49les résultats électoraux, les changements au sein de l'opinion,
02:54le consensus, par contre, journalistique, ne bouge pas d'un iota, d'un pouce.
02:59On a l'impression d'une sorte de fort à la mot idéologique des journalistes entre eux.
03:04Et on s'étonnait de cette imperméabilité, finalement, du monde journalistique
03:09aux changements d'opinion et aux évolutions des mentalités,
03:12des résultats électoraux, etc.
03:14Et c'est pour ça qu'on s'est dit que ça doit venir de leur formation
03:18et de la façon dont ils sont recrutés.
03:21Donc, on s'est penchés sur ces écoles en choisissant les 14
03:24qui sont reconnues par la profession.
03:26Donc, celles qui sont censées être les plus sérieuses, les plus réputées
03:32et celles qui fournissent le gros des troupes des médias les plus importants,
03:37en tout cas en termes de puissance de frappe idéologique.
03:41Et on n'a pas été déçus de ce qu'on a trouvé en se penchant sur ces différentes écoles.
03:46– Alors, il y a trois chapitres, ça m'a amusé.
03:48Il y a les écoles parisiennes, il y a les écoles en province
03:51et puis le troisième chapitre qui est plus court.
03:54Il est consacré aux alternatives en construction
03:57qu'on abordera à la fin de cette émission, si vous le voulez bien.
04:00Jean-Yves, peut-être, est-ce que vous avez déjà un commentaire à faire
04:04sur ces écoles de journalisme et leur manque de pluralisme ?
04:07– Je crois qu'il y a eu…
04:09Le Figaro a fait une expérience très malheureuse.
04:11Il y a 7 ou 8 ans, quand il a créé le Figaro en ligne,
04:14où ils ont recruté massivement des jeunes journalistes
04:18dans les écoles de journalisme.
04:20Évidemment, ils ont obtenu le résultat qu'on pouvait attendre,
04:23c'est-à-dire quelque chose d'encore plus conformiste que le Figaro papier.
04:28Ce qu'ils ont corrigé après, en créant le Figaro Vox,
04:33qui ouvre, lui, la parole à de vrais intellectuels
04:37et à des gens qui ne sont pas passés par les écoles de journalisme.
04:40Mais ça continue quand même, on continue d'en voir,
04:44nous le dénonçons d'ailleurs régulièrement,
04:46on continue de voir des titres tout à fait abracadabrantesques,
04:50parce que c'est sans doute la doxa qu'ils ont appris et qu'ils le recrutent.
04:54– Les jeunes journalistes recrutés au Figaro.
04:56– Oui, la doxa, le terme est tout à fait bon, tout à fait pertinent,
05:00parce que c'est vraiment un formatage idéologique qui a d'une grande pesanteur,
05:06et on le voit parce qu'on a réuni, justement, dans ce petit livre,
05:09de témoignages d'anciens élèves de ces écoles,
05:12donc des gens qui pensaient un peu différemment,
05:15et qui nous ont expliqué comment ils avaient vécu, entre guillemets,
05:18cette différence au sein de ces écoles,
05:20et ça a été très difficile en général pour eux.
05:23En fait, grosso modo, il y avait deux solutions qui s'offraient à eux,
05:27soit c'était insupportable et ils ont quitté la formation avant-terme,
05:31soit ils ont dû faire profil bas, accepter les règles du jeu,
05:37et finalement dire et écrire contre ce qu'ils pensaient profondément.
05:42Sinon, ils étaient mis à l'écart, voire exclus,
05:46et en tout cas, ils voyaient toutes les portes
05:48et les opportunités professionnelles futures se fermer à eux.
05:52Il y a vraiment des exemples qui sont à la fois amusants,
05:54mais aussi qui peuvent paraître un peu terrifiants,
05:57d'élèves qui ont été dénoncés par leurs propres camarades
06:02pour des propos politiquement incorrects tenus,
06:05mais en dehors des cours, à la cafétéria ou dans les couloirs.
06:09Il y a des élèves qui ont été convoqués par la direction de leur établissement
06:14parce qu'ils avaient l'intention de faire des stages
06:18dans des médias qui n'étaient pas considérés
06:21comme faisant partie de l'arc républicain, si je puis dire.
06:25Et ça va très loin, parce qu'on a eu un témoignage d'une jeune femme
06:29qui a expliqué avoir été convoquée de cette façon
06:32parce qu'elle avait l'intention de faire son stage à Famille Chrétienne.
06:36Famille Chrétienne qui n'est pas vraiment un brûlot d'extrême droite,
06:40mais c'était déjà…
06:41– C'est l'extension du domaine de la diabolisation.
06:43– Exactement, même Famille Chrétienne apparaissait,
06:46comme c'était catholique revendiqué,
06:48comme quelque chose qui n'entrait pas dans, justement,
06:51cette doxa bien pensante imposée par ces écoles.
06:54– Ce qui est intéressant dans ce manque de pluralisme que vous décrivez,
06:57c'est que finalement il y a une pression plus importante des élèves,
07:00parfois même que de la part des professeurs,
07:03sur ces petits camarades qui sortent du droit chemin, n'est-ce pas ?
07:07Comme vous étiez en train de le souligner.
07:09Comment est-ce que vous expliquez ça finalement ?
07:11Est-ce que la jeunesse a intégré finalement
07:13cette forme de censure d'opinion, du délit d'opinion ?
07:17– Alors pas toute la jeunesse, en tout cas je l'espère
07:19et je le constate quand même dans d'autres circonstances,
07:22mais cette jeunesse-là qui se retrouve dans les écoles de journalisme,
07:26certainement, parce qu'en fait ce formatage intellectuel et idéologique,
07:30il commence même avant leur entrée dans l'école,
07:33car à quelques exceptions près,
07:36il y a quand même une forte endogamie sociale dans ces écoles,
07:40c'est-à-dire que ce sont plutôt, en résumant à gros traits,
07:44mais c'est quand même à peu près ça,
07:47les gens qui se retrouvent dans ces écoles ce sont des filles de la bourgeoisie
07:51et notamment de la bourgeoisie citadine des centres-villes.
07:54Ils ont déjà un prêt-à-penser commun,
07:59ce sont des gens qui ont fréquenté souvent les mêmes établissements scolaires,
08:02qui se fréquentaient déjà avant les écoles
08:04et qui partagent cette idée en fait de l'entre-soi
08:07et une sorte de supériorité intellectuelle et morale sur le reste de la population.
08:12– Oui, ils éclairent le monde.
08:13– Voilà c'est ça, ce sont les vigies de la morale républicaine
08:19et donc ils sont déjà en entrant persuadés
08:21d'avoir une sorte de prima morale
08:24qui justifie leur éloignement des réalités,
08:30des considérations et des problèmes de la plèbe.
08:33– Est-ce que vous diriez qu'un parcours dans les grandes écoles,
08:36ça garantit ensuite un parcours professionnel dans les grands médias ?
08:40Est-ce que vous distinguez vraiment la province
08:42et les grandes écoles parisiennes ?
08:44– Alors il y a des grandes écoles en province,
08:46l'ESG Lille qui est une des plus connues,
08:49même si d'un point de vue idéologique, c'est sans doute l'une des pires.
08:53Mais ces 14 écoles peuvent être considérées comme 14 grandes écoles.
08:58C'est quand même, on va dire, le haut du panier
09:00parce qu'il y a des dizaines d'autres écoles de journalisme.
09:02– Vous citez beaucoup d'exemples de grands journalistes qui sont sortis…
09:05– Oui, parce qu'en fait, c'est ce qu'il faut voir,
09:08c'est qu'au-delà de la formation, ce que vendent ces écoles,
09:11ce sont aussi un carrière dresse.
09:13C'est-à-dire, c'est une aptitude justement à placer ensuite
09:17ces anciennes élèves dans les médias.
09:19C'est d'ailleurs pour ça que certaines personnes,
09:23même qui ne pensent pas comme la DOXA,
09:25acceptent de se soumettre pendant 2 ou 3 ans à celle-ci
09:31pour espérer ensuite avoir accès à ces médias
09:34parce que sans ce passage obligé, c'est beaucoup plus difficile.
09:38– Et vous pensez que c'est plus particulièrement à Paris
09:44qu'il y a ce conformisme qui est vendu ?
09:47– Alors, je l'espérais un peu en commençant cette enquête,
09:51mais finalement, il n'y a pas de très grande différence
09:55que j'ai pu constater entre les écoles de province et les écoles parisiennes.
10:02Le côté peut-être un peu entre-soi bourgeois
10:04est peut-être un peu plus marqué à Paris qu'en province
10:06où il y a peut-être un poil de plus grande diversité sociale,
10:10mais c'est quand même très marginal.
10:14On retrouve quand même grosso modo le même climat et le même schéma
10:18que ce soit à Paris, à Toulouse, à Strasbourg, etc.
10:22– On l'a compris, cet entre-soi social, c'est un fort marqueur de ces écoles.
10:27Est-ce que vous pensez que les grandes écoles
10:30ont trouvé la parade en instaurant des quotas sur la diversité sociale ?
10:34Parce que ça se fait, à Sciences Po, désormais, il y a…
10:38– La diversité sociale ou la diversité ethnique ?
10:42Vous parlez de politiquement correct, Thomas ?
10:45– Je citais le terme de quota social,
10:48celui employé par les écoles, mais qui est intéressant.
10:52Est-ce que c'est une parade ?
10:53Est-ce que ça a marché cette stratégie d'abord ?
10:55Ou est-ce que c'est une parade habile
10:57pour masquer un peu toute cette bourgeoisie finalement sous-jacente ?
11:02– Alors, il y a quelques différences entre les écoles,
11:05pour ça j'invite les téléspectateurs à se plonger,
11:09mais grosso modo, c'est quand même un peu de la poudre aux yeux.
11:14En effet, la plupart de ces écoles mettent en place
11:16des programmes dits de diversité, d'encouragement à la diversité.
11:20Ça reste assez marginal dans leur recrutement,
11:23et en effet, là je rejoins Jean-Yves,
11:26c'est souvent plus une diversité ethnique qui est recherchée
11:31que véritablement sociale.
11:35C'est un peu pour se donner bonne conscience justement,
11:38pour ne pas apparaître comme ces écoles pour fils de bourgeois,
11:41qu'elles sont quand même de façon assez large.
11:44– Elles sont chères ?
11:46– Alors ça, ça dépend, parce qu'il y a des écoles
11:48qui sont des écoles publiques, des établissements publics,
11:51donc là, l'écolage est celui grosso modo
11:55de l'équivalent à celui de l'université.
11:58Elles peuvent être relativement chères,
12:02mais celles-ci ne sont curieusement pas les plus chères.
12:06Il y a des écoles privées qui ne sont pas reconnues par l'État,
12:09qui sont beaucoup plus onéreuses.
12:12Mais en effet, c'est aussi un critère,
12:15même si également elles proposent souvent des bourses
12:18pour justement essayer d'encourager cette diversité.
12:22Mais de ce qu'on a pu constater en tout cas aujourd'hui,
12:26ce n'est pas encore le cas de façon très large.
12:29– Vous dites même qu'il y a des systèmes mis en place
12:32qui permettent de contourner les bourses
12:36et qu'elles ne reviennent pas à des étudiants
12:38qui sont particulièrement dans le besoin,
12:40mais qu'elles reviennent à des étudiants
12:42qui souhaitaient particulièrement rentrer dans cette école.
12:45– Oui, ça s'appelait des petits arrangements,
12:48parfois avec les réglementations,
12:50pour faire rentrer telle ou telle personne.
12:54Mais en fait, ce qu'il faut voir,
12:56c'est que cette diversité ne fonctionne pas non plus,
12:58parce que justement, comme on l'a vu d'ailleurs
13:02dans d'autres grandes écoles qui ont essayé
13:04de faire rentrer des gens de ZEP, etc.,
13:06il y a un problème de confrontation sociale qui se passe
13:10et en fait, les gens n'ont pas les mêmes codes.
13:13Et les gens qui viennent par ces filières-là
13:15se sentent rapidement exclus et pas du tout à l'aise
13:19au milieu de ces gens qui sont d'un autre monde qu'eux.
13:23Et en fait, on s'aperçoit souvent que ça ne se mélange pas du tout.
13:27C'est-à-dire que même quand il y a quelques élèves
13:29qui viennent d'autres horizons,
13:31ils ne se sont pas intégrés parce qu'ils n'ont pas l'école,
13:33ils ne font pas partie de cette caste sociale particulière.
13:39– Même avec des élèves qui sont majoritairement de gauche,
13:42voire même d'extrême-gauche majoritairement aujourd'hui ?
13:45– Oui, alors ça c'est assez classique, c'est le fameux
13:47faites ce que je dis, faites pas ce que je fais.
13:49En général, je pense qu'il y a beaucoup de gens de droite
13:52et notamment des électeurs du RN qui fréquentent
13:54beaucoup plus de diversité que les classiques
13:56de la gauche et de l'extrême-gauche.
13:58– Vous dites qu'il y a un entrisme assez fort
14:02justement de cette extrême-gauche aujourd'hui dans les écoles
14:05et que c'est peut-être eux qui ont le plus le droit de citer
14:11en tout cas dans cette emprise qui a lieu ?
14:13– Alors, de l'entrisme, je ne sais pas si c'est le bon terme
14:15parce que c'est fait de façon tout à fait officielle et affichée.
14:19C'est-à-dire que c'est plus dans la façon dont les établissements
14:21choisissent par exemple leurs intervenants.
14:23Donc ils sont en effet issus de médias qui vont, on va dire,
14:28du centre-gauche à l'extrême-gauche.
14:31Vous allez avoir beaucoup de représentations de Mediapart,
14:35de Streetpress, Streetpress qui est quand même un organe
14:38de délation policière et un organe militant et extrêmement virulent
14:43mais qui est présenté comme un exemple aux jeunes journalistes
14:46de certaines de ces écoles.
14:48Par contre, vous pouvez chercher longtemps un journaliste de valeur actuelle
14:52ou du JDD qui serait professeur ou intervenant dans ces fameuses écoles.
14:59C'est ça qu'on peut leur reprocher.
15:01C'est-à-dire que ce n'est pas d'inviter éventuellement des gens de Mediapart
15:05parce que par exemple Mediapart est un vrai exemple de réussite journalistique
15:08mais c'est d'exclure les autres.
15:10Voilà, c'est toujours ça le problème.
15:12– Et alors ça crée quand même un ensemble économique finalement
15:15parce que le journaliste de Mediapart, il va avoir son traitement, son salaire
15:19puis il va avoir les ménages qu'il fait dans les écoles de journalistes.
15:22– Bien sûr, ça participe aussi.
15:24– Alors que le journaliste de valeur actuelle, il va être peut-être
15:26un peu moins bien traité, quoi.
15:28– Oui, oui, bien sûr, ça fonctionne relativement en vase clos.
15:32C'est-à-dire que, comme vous le dites, le journaliste va pouvoir
15:37gagner quelques sous en faisant des masterclass, comme on dit maintenant.
15:42– Ah, c'est quand même plus chic que Ménage.
15:44C'est quand même plus chic que Ménage.
15:46– Ça passe mieux en société.
15:48– Masterclass, oh là là, oui.
15:50– Et en échange, il prendra dans son média des stagiaires,
15:54il offrira des stages, etc., éventuellement des postes par la suite.
15:58Donc tout ça crée un univers un peu de copinage.
16:03– Copinage, réseautage.
16:05– Oui, réseautage, voilà.
16:08– Quels sont les éléments…
16:10Alors vous dites malgré tout que ces écoles,
16:12parce que depuis le début, on vient de les cibler particulièrement
16:16sur leur uniformité politique et de ce qu'on leur transmet aux élèves,
16:21mais vous dites aussi qu'elles transmettent un bon socle commun,
16:24malgré tout, pour faire des bons GRIs,
16:27des GRIs, c'est des journalistes, reporters, images.
16:30Donc il n'y a que du mauvais ou il y a vraiment à boire et à manger ?
16:35– Il n'y a rarement que du mauvais, ça peut arriver.
16:39Mais là, en tout cas, il est sûr que la partie technique
16:43de l'enseignement est plutôt bien faite.
16:45C'est-à-dire qu'en effet, pour apprendre à faire un journal, un montage,
16:49même sur les structures narratives pour des articles,
16:52tout ça, techniquement, je pense que c'est un vrai apport, ça existe
16:57et c'est d'ailleurs, à mon sens, le seul intérêt de ces écoles.
17:01Parce que le reste, c'est en effet du bourrage de crâne et du formatage
17:04et d'apprendre aux gens comment devenir le plus politiquement correct.
17:07Mais on ne peut pas leur reprocher cet aspect-là, c'est sûr.
17:10Et c'est ce que recherchent, je pense, les gens quand ils vont dans ces écoles,
17:14même en sachant qu'ils vont subir les fourches codines de la bien-pensance
17:19et d'apprendre quand même techniquement, pratiquement, leur métier.
17:24– Pourtant, dans chacune de ces grandes écoles,
17:27sur les fiches d'inscription que vous allez consulter
17:30et que vous citez régulièrement tout au long de l'ouvrage,
17:33vous dites qu'on leur apprend à avoir une information impartiale,
17:38à distribuer une information impartiale, objective.
17:41Finalement, c'est quoi ce qu'on devrait leur apprendre à ces étudiants journalistes ?
17:45Quels sont les impondérables de la formation d'un bon journaliste ?
17:50– Ce serait déjà l'objectivité, la recherche, en tout cas,
17:56tendre à la vérité et à l'honnêteté.
18:00L'impartialité, on sait bien que ça n'existe pas,
18:03donc ça, ce n'est pas la peine de rêver d'avoir des journalistes impartiaux
18:07puisque chacun, nous sommes porteurs de notre vision du monde.
18:10Mais l'honnêteté, la recherche des faits,
18:13de ne pas travestir les faits au nom, justement, de ses présupposés idéologiques.
18:18Ça devrait être la base.
18:19Et l'autre base, ça devrait être la curiosité intellectuelle
18:22et ça devrait être le fait de questionner les pouvoirs.
18:25– Les pouvoirs.
18:27– Les pouvoirs.
18:28Le rôle des médias, c'est aussi ça, c'est d'être un contre-pouvoir
18:32et pas d'être la chambre d'enregistrement et d'écho de tous les pouvoirs.
18:37– Et la schlag du pouvoir.
18:39– Et la schlag, en plus, du pouvoir, ce qu'ils sont très largement actuellement.
18:43Et c'est ça qui manque, parce que qu'ils soient de gauche, c'est une chose,
18:48on dirait que c'est leur choix,
18:50mais qu'il manque totalement de recul par rapport à leur idéologie.
18:54On le voit dans les sujets qu'ils choisissent pour leurs exercices,
19:00pour les journaux internes qu'ils produisent,
19:03c'est fascinant de conformisme, de banalité, c'est ça.
19:06– Vous avez des exemples ?
19:07– Ils ont 20 ans et c'est vraiment tout ce qu'on peut déjà entendre ailleurs,
19:11c'est-à-dire la difficulté d'intégration des migrants,
19:16les violences policières en banlieue,
19:19comment une jeune femme ne peut pas vivre son islam
19:23de façon tout à fait apaisée en France, etc.
19:26C'est que ça, quasiment.
19:29C'est assez fascinant de se dire que, dès leur entrée,
19:32ils sont déjà totalement calibrés pour tenir une rubrique de surveillance à libération.
19:41– Jean-Yves, vous avez un grand principe
19:44que vous réexpliquez régulièrement sur les médias,
19:46mais peut-être qu'au début de 2025, avec des explications à nouveau,
19:51vous dites qu'il y a plusieurs sortes de désinformation journalistique,
19:55est-ce que vous pouvez nous les rappeler ?
19:57– La meilleure désinformation, c'est l'occultation.
20:00La deuxième meilleure désinformation, c'est l'amplification de petits faits,
20:05c'est la pondération en fait.
20:07Alors, on peut d'ailleurs faire cette désinformation-là
20:13sans falsifier les faits.
20:15– Oui, ça dépend de l'importance que l'on donne à tel ou tel…
20:18– Ça dépend, le simple fait, la simple pondération est importante.
20:22Mais je pense qu'il y a aussi de la falsification.
20:25– Il y a de la falsification et il y a du détournement.
20:28Il y a les fameux changements de prénom qui sont…
20:32– Oui, ça c'est de la falsification.
20:34– C'est beaucoup couramment pratiqué par les journaux
20:38et notamment par le Parisien qui est grand spécialiste de ça.
20:41C'est-à-dire qu'en fait, en changeant le prénom,
20:44mais un prénom on va dire afro-maghrébin par exemple,
20:47par un prénom typiquement français, là, il n'y a plus…
20:50on ne masque pas, on ne protège pas juste l'anonymat,
20:54on change la vision du fait et on est induit en erreur
20:58sur la nature exacte de ce qui s'est passé.
21:01Ça c'est vraiment de la falsification, pur et simple.
21:05Ce genre de pratique devrait être strictement interdite.
21:09De la même façon, si c'est Jean-Edouard, il faut dire que c'est Jean-Edouard.
21:13– C'est le journalisme responsable.
21:15Si c'est Jean-Edouard, on va dire que c'est Jean-Edouard.
21:17– Oui, en général, ça il n'y a pas de problème.
21:19– Mais c'est du journalisme responsable, Xavier Aimant.
21:22– Et c'est ça qui est terrible.
21:24Et on a eu des échos de ce genre, alors là ce n'est pas dans les écoles,
21:28mais dans des gens qui ont justement fait des stages, etc.,
21:32des conférences de rédaction, où l'interrogation sur le traitement
21:36de tel ou tel fait n'est pas, est-ce que c'est important,
21:39est-ce qu'il faut en parler en première page ou en deuxième, etc.,
21:43c'est-à-dire, est-ce que ça fait le jeu ou non de l'extrême-droite ?
21:47– De l'extrême-droite, oui. C'est le journalisme responsable.
21:50– Et en fait, c'est ça qui va éclairer et faire qu'on va peut-être
21:54le mettre en une ou le traiter en deuxième ligne.
21:57La préoccupation première, c'est-à-dire les éventuelles conséquences politiques
22:01d'un article, ce n'est pas le travail d'un journaliste de faire ça.
22:06Il doit traiter l'information en dehors de ses fantasmes
22:11de récupération ou d'interprétation.
22:14Il faut faire confiance aussi à l'intelligence du lecteur.
22:18Arrêtez de le prendre pour plus crétin qu'il n'est en disant que,
22:23voilà, si on lui montre le réel, il va faire ceci ou cela.
22:27Il faut montrer le réel quand on est un journaliste.
22:29– Heureusement, il y a des forces alternatives aujourd'hui
22:32qui s'élèvent et qui s'érigent contre ce genre de pratiques.
22:35Et je le disais en début de cet entretien,
22:38votre troisième chapitre est consacré aux alternatives en construction
22:42et vous mentionnez l'Institut libre de journalisme, par exemple.
22:46– Oui, alors malheureusement, ce chapitre des alternatives,
22:49il est beaucoup plus court que le reste du livre,
22:55mais on espère que ces alternatives vont se développer de plus en plus.
23:03Pour l'instant, on en a en effet mis en avant une seule, c'est l'ILDJ,
23:08qui en effet offre une alternative à ce formatage
23:15avec une vision, on va dire, un peu plus conservatrice,
23:18libérale-conservatrice, on pourrait dire,
23:20même si pour moi c'est un peu un oxymore cette expression,
23:23mais c'est au moins une première petite incise dans ce monopole.
23:28Pour l'instant, c'est un monopole absolu de la gauche,
23:31on va dire libérale-libertaire sur la formation des journalistes.
23:34– Et sinon, c'est les stages dans les médias alternatifs.
23:37– Et sinon, c'est les stages dans les médias alternatifs,
23:39mais il faut pouvoir les imposer à sa formation,
23:43parce que je pense que si vous êtes dans une de ces écoles
23:45et que vous annoncez que vous faites un stage à TV Liberté,
23:49ça risque de passer.
23:51– Vous pouvez aussi devenir journaliste,
23:53en commençant par un stage à TV Liberté, ou à Boulevard de Terre,
23:56ou à Valeurs Actuelles, vous êtes bien placé.
23:59– Je suis bien placé pour le savoir,
24:00je pense qu'il y a une vie en dehors des écoles de journalisme.
24:03D'ailleurs, les écoles de journalisme, à de très rares exceptions près,
24:06sont assez récentes, c'est un phénomène qui est né après la Seconde Guerre mondiale.
24:11Il y a quand même toute une histoire du journalisme et de grands journalistes…
24:13– Sans école.
24:14– Sans école de journalisme.
24:15Et il y avait peut-être d'ailleurs plus de liberté à ce moment-là,
24:18qu'on peut très bien, en effet, surtout aujourd'hui,
24:20avec la multiplication des médias alternatifs, etc.,
24:23devenir un journaliste très sérieux et même vivre de son travail
24:29sans passer par ces écoles et donc par ce formatage.
24:32– Oui, alors l'avantage quand même, effectivement, de l'école,
24:34vous l'avez dit, c'est, au fond, quelques recettes, en quelque sorte,
24:40pour faire un reportage d'images ou pour un narratif dans un article.
24:44– Ça permet de gagner du temps.
24:46– Ça permet peut-être de gagner du temps, oui.
24:48– Parce que ça, on peut l'apprendre sur le terrain, on peut l'apprendre par la pratique,
24:50ça prend juste sans doute un peu plus de temps
24:52que quand on a une formation spécifique sur ces domaines-là.
24:55Mais on peut s'en passer, à mon avis, très bien.
24:57– Mais à terme, je me demande, moi, si j'étais père ou grand-père de famille,
25:02si j'avais un descendant qui voulait faire journaliste,
25:05je pense qu'aujourd'hui, je le pousserais plutôt à aller vers un stage sur le tas
25:11dans un média alternatif que dans une école de journalisme,
25:15tout simplement parce que le marché politiquement correct se rétrécit
25:20et que le marché politiquement incorrect s'étend.
25:23Et donc, je me demande, tous ces garçons et filles
25:26qui vont dans les écoles de journalisme,
25:29ils risquent de finir chômeurs d'ici 5 ans ou 10 ans, ça me peine beaucoup.
25:35– Mais c'est sûr qu'il y a une évolution récente
25:37qui permet d'avoir quand même quelques espérances
25:40avec à la fois la multiplication des médias vraiment alternatifs
25:44comme TV Liberté ou d'autres,
25:47et aussi, on va dire, la multiplication des organes un peu plus conservateurs,
25:54CNews, etc., qui offrent des perspectives professionnelles
25:58à des gens qui ne sont pas totalement politiquement corrects.
26:02Même si le risque, c'est de remplacer un politiquement correct par un autre…
26:06– Mais ça fait du pluralisme.
26:08– Mais ça fait au moins du pluralisme,
26:09ce qui est déjà une première étape tout à fait intéressante.
26:11– Je pense d'ailleurs qu'il y a peut-être une filière de carrières.
26:16On démarre dans le média alternatif,
26:18et puis on passe dans le média, moi que j'appelle, de transition,
26:22type CNews, par exemple.
26:24On a des exemples, par exemple, quelqu'un comme Charlotte Dornelas,
26:29ont commencé plutôt dans des médias alternatifs,
26:31ont maintenant leur rond de serviette dans un média de transition comme CNews.
26:36– Oui, c'est d'ailleurs encourageant et ça montre,
26:39parce que le problème pendant longtemps, c'était d'arriver à se nourrir,
26:44d'une certaine façon, quand on décidait d'être dans l'information alternative.
26:49Aujourd'hui, heureusement, il y a quelques opportunités qui s'ouvrent
26:53et j'espère qu'elles ne cesseront de se développer.
26:56– Eh bien écoutez, on va rester sur cette note d'espoir.
26:58Xavier Human, on vous connaissait pour vos chroniques,
27:00on vous connaissait pour vos romans.
27:02Maintenant, les guides pour garder les yeux ouverts,
27:04c'est dans la collection Désintox,
27:06en partenariat avec l'Observatoire du journalisme
27:09et aux éditions de la Nouvelle Librairie.
27:11Merci beaucoup d'être venu parmi nous.
27:13Je rappelle votre ouvrage, quand même,
27:15Formatage continu, Tour de France,
27:17des 14 principales écoles de journalisme,
27:19préfacées par Claude Cholet.
27:21C'est un ouvrage à 9 euros, alors n'hésitez pas à vous le procurer.
27:24Chers téléspectateurs.
27:26Et puis, n'oubliez pas, je vous l'ai dit en début de cette émission,
27:29on clique sur le pouce en l'air, vous nous laissez un commentaire,
27:32n'hésitez pas à nous dire quelle école vous appréciez,
27:35quelle école vous détestez, si vous en venez,
27:37si vous voulez y mettre vos enfants,
27:39si vous ne voulez pas y mettre vos enfants.
27:41Et puis, on se retrouve la semaine prochaine, à très vite sur TVL.