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00:00Europe 1 Soir Week-end, 19h21, Charles Huillier.
00:04Bonsoir, ou re-bonsoir si vous êtes ici, à l'écoute d'Europe 1 depuis quelques heures déjà, Vincent Roy.
00:13Voilà, cette fois-ci vous avez bien dit, Nathan Dever, merci à vous deux d'être ici.
00:17Alors, on le disait en préambulant, dans trois semaines, Donald Trump sera investi à la Maison Blanche,
00:23un deuxième mandat après une année, quoi qu'on en dise, couronnée de succès pour le milliardaire de 78 ans.
00:30Année couronnée de succès, mais pas de tout repos non plus, campagne hors normes,
00:34où tous les coups étaient permis face à Kamala Harris et même face à Joe Biden,
00:39sans oublier cet été la tentative d'assassinat lors d'un meeting en Pelsine Valley.
00:43Alors, bref, 2024 aura été l'année de Trump, mais quelle est réellement, sur le fond et sur la forme,
00:50la signification de cette victoire ? Pour en parler avec nous, eh bien, Jean-Claude Beaujour,
00:56avocat et spécialiste de la politique intérieure des États-Unis.
01:00Alors, c'est passé un peu sous les radars ici chez nous, mais Trump a été désigné personnalité de l'année 2024 par le magazine Times.
01:08La renaissance politique de Trump est sans équivalent dans l'histoire des États-Unis, explique le magazine.
01:13Jean-Claude Beaujour, êtes-vous d'accord avec ce constat ?
01:16C'est la première fois qu'un candidat, du moins pour la période récente, qui en avait déjà eu un,
01:21mais qu'un président battu, est réélu après avoir quitté la Maison-Blanche.
01:26Ensuite, la personnalité de Donald Trump faisait penser, imaginer qu'il ne pouvait absolument pas revenir,
01:34c'est ce que certains s'étaient dit, d'autant que le parti républicain ne lui était pas complètement acquis.
01:38Il est arrivé à faire deux choses. La première, c'est qu'il a phagocyté le parti républicain,
01:43il a expulsé, en tout cas mis à l'écart, tous ceux qui n'étaient pas favorables à Donald Trump,
01:48y compris les classiques du parti républicain, je pense à la famille Bush,
01:52qui n'a eu aucun impact en disant, non, non, ce Donald Trump n'est pas comme il faut.
01:57Il a su, au cours des quatre dernières années, faire campagne sur une thématique,
02:01on reviendra sur des thématiques qui ont préoccupé les Américains.
02:05Troisièmement, il a su finalement, c'est un homme de médias,
02:11il sait utiliser les médias, mais c'est un formidable, j'ai envie de dire, animateur, communicant,
02:18il vient de... on vient de tenter de l'assassiner, il se réveille avec ce point, il dit,
02:24ce point levé, on va continuer à se battre, c'est juste du Donald Trump.
02:29Bon, alors, il faut reconnaître que les dernières années, slash mois, slash semaines, slash jours,
02:35n'ont pas été de tout repos pour Trump, largement condamné suite à l'assaut du Capitol,
02:41c'était en 2021, je crois, de mémoire, brocardé de toutes parts, moqué parfois, conspué,
02:47et surtout victime de cette tentative d'assassinat, c'était cet été en Pennsylvanie,
02:52vous en parliez à l'instant, Jean-Claude Beaujour, je vous propose d'écouter ce qui s'est passé,
02:57c'était donc en juillet dernier lors de ce meeting.
03:00Je me suis dit, waouh, qu'est-ce que c'était ?
03:04Bon, peut-être qu'une balle.
03:07J'ai porté ma main droite à mon oreille, et je l'ai abaissée, ma main était couverte de sang,
03:14du sang partout.
03:17J'ai immédiatement compris que c'était très grave, que nous étions attaqués.
03:23D'un seul mouvement, je me suis laissé tomber au sol.
03:28Bon voilà, alors ça c'était...
03:30Nous étions attaqués, il n'a pas dit j'étais, nous étions attaqués.
03:34Le nous, c'est tout ce, il le revendique bien, c'est cet électorat, entre guillemets, populaire,
03:39ce sont tous les soutiens...
03:40Est-ce que c'est un tournant dans la campagne ça, Jean-Claude Beaujour ?
03:42Oui, parce que vous êtes aussi homme de média, le poids des photos, le poids des mots, le choc des photos,
03:48c'est effectivement cette photo où on le voit qu'il vient de manquer un assassinat,
03:54c'est quand même pas rien, y compris sur le plan personnel, humain,
03:58ça n'est pas rien de se dire je viens de faillir, j'aurais pu mourir,
04:01et il se relève automatiquement.
04:03Et c'est vrai que le fait de dire nous avons été attaqués, c'est une façon de dire...
04:08Il embarque l'électorat.
04:10Mais oui, il embarque l'électorat en disant tous ceux que je combats,
04:13tous ceux qui ne veulent pas que nous revenions aux responsabilités,
04:16tout cela tente de nous empêcher, nous ne nous laisserons pas arrêter.
04:21Jean-Claude Beaujour, également, et bien Vincent Roy, Nathan Devers,
04:25j'aimerais quand même qu'on attaque le dur, parce que là, dernièrement,
04:30Donald Trump s'est positionné, alors je n'aime pas ce terme, mais contre l'idéologie dominante,
04:36il s'est ouvertement positionné contre le transgenreisme,
04:40il souhaite interdire la transition pour les mineurs,
04:43et réserver les sports féminins aux femmes, pardonnez-moi, aux femmes biologiques.
04:47Je vous propose de l'écouter à ce sujet.
04:50D'un simple coup de silo, dès le premier jour, nous mettrons fin au délire transgenre.
04:58Je signerai des décrets pour mettre fin aux mutilations sexuelles des enfants,
05:03pour exclure les transgenres de l'armée et de nos écoles primaires,
05:07de nos collèges et de nos lycées.
05:11Voilà, alors ça a le mérite d'être clair.
05:14Jean-Claude Beaujour, est-ce que vous êtes choqué par ça ou pas ?
05:18Est-ce que ce n'est pas ça qui l'a fait gagner d'ailleurs ?
05:22Oui, parce qu'il est clivant, il ne prend pas de position, il est clivant,
05:25il était à l'opposé des démocrates, vous vous souvenez que les démocrates se demandaient
05:29est-ce qu'on devait faire financer les opérations pour les personnes
05:34qui souhaitaient changer de sexe et qui étaient en prison, est-ce qu'on devait financer ?
05:37Vous comprenez qu'à un moment donné, la manière dont ils se posent la question,
05:40tout le monde s'est dit, mais beaucoup se sont dit,
05:42attendez, notre argent, on veut qu'il soit utilisé autrement.
05:45Il se dit, je suis opposé à cela, il est dans une ligne de polarisation,
05:52il n'y a pas de demi-mesure.
05:53Pour autant, il a été élu, et c'est évident que ce type de thématique...
05:59Mais ça ne vous choque pas ça sur le fond, ce type de sorties médiatiques ?
06:02Non, mais attendez, on n'en est plus, vous savez, on est en 2024, bientôt 2025,
06:07vous savez la campagne de Donald Trump, les sorties de Donald Trump,
06:11on les suit depuis 2015-2016, et ça fait 30 ans, 40 ans que j'entends Donald Trump,
06:17donc je peux vous dire qu'il est clivant, il est comme ça, il organise le rapport de force,
06:21quitte à revenir, de manière, je vais vous citer juste une phrase,
06:25ce n'est pas très longue, sur les transgenres, il dit que finalement,
06:29il dit récemment qu'il s'agit d'une question importante,
06:32mais qui ne concerne qu'un tout petit nombre, et qu'il y a des questions plus importantes.
06:39D'accord, mais ce qu'il a dit, il l'a dit.
06:41Oui, oui, mais attendez, mais bien sûr, mais c'est Donald Trump,
06:45et il a dit beaucoup de choses avant.
06:47Nathan Devers, Vincent Roy, Nathan Devers, alors sur cette, pardonnez-moi,
06:50je mets de gros guillemets, je marche sur des oeufs,
06:52cette lutte contre le transgenrisme, alors, parce que ça va à rebours de ce qui se passe,
06:58par exemple en France, où la Haute Autorité de Santé, pour rappel,
07:02veut un accès gratuit à la transition de genre pour tous à partir de 16 ans,
07:05voilà, là, c'est vraiment deux salles, deux ambiances.
07:08La lutte, la haine contre les personnes trans, parce que c'est de ça qu'il s'agit,
07:13bien sûr, quand on dit qu'une transition sexuelle, c'est une mutilation,
07:16c'est les mots qu'il emploie, quand on dit qu'on va purifier l'armée des personnes trans,
07:21quand on parle de délire trans, c'est une phrase éologique qui a toujours été employée
07:26dans les régimes qui se fondent sur la stigmatisation d'une partie de la population
07:30dont il s'agit de purifier la société.
07:32Ça peut être parfois les juifs, parfois les immigrés,
07:35parfois, comme on les appelait jadis, les métèques, les noirs, etc.
07:38Aujourd'hui, ce sont les trans qui suscitent une vague de haine.
07:40— Non, mais attendez, pardonnez-moi.
07:41Trump part d'un principe qui n'est peut-être pas si aberrant que ça.
07:44Une jeune fille de 15 ans est-elle en responsabilité de...
07:49Bon, de... — Non, non, non.
07:51— Voilà, une inflation, c'est ça, je ne suis pas sûr.
07:53— Tous ces milieux transphobes instrumentalisent la question...
07:57Toutes les questions scientifiques posent des questions bioéthiques.
07:59Donc la question de la transition de genre pour les enfants,
08:01c'est une question bioéthique.
08:02Il y a des scientifiques qui travaillent là-dessus, évidemment.
08:03Mais ils instrumentalisent cette question
08:05pour créer une haine générale contre les personnes trans.
08:08Quand vous parlez d'exclure de l'armée des personnes trans,
08:11on ne parle pas d'enfants.
08:12Quand on dit que la transition sexuelle, c'est une mutilation,
08:15on ne parle pas d'enfants.
08:16Tous les cercles transphobes idéologiques
08:19et dont Trump assure la traduction dans le langage politique,
08:24ce ne sont pas des cercles qui se cantonnent
08:26à la question de la transition dans l'enfance,
08:28qui est une question qu'on peut discuter, évidemment.
08:29Mais quand Donald Trump dit vouloir combattre le wokisme,
08:32je rappelle le terme,
08:34les minorités sexuelles, raciales, religieuses,
08:38j'en oublie,
08:39c'est quand même un pied de nez à l'idéologie dominante.
08:44Je regarde Netflix, certaines séries,
08:46il y a sans arrêt, ça nous est rabâché,
08:49des minorités sexuelles, ethniques, religieuses,
08:53plus que de raison, surreprésentées.
08:56Vincent Roy, je ne sais pas ce que vous en pensez.
08:58L'idéologie dominante, c'est tout le problème de Trump.
09:01C'est qu'à mon avis, il a compris quelque chose à la société américaine.
09:05Sans doute, d'ailleurs,
09:07on a parlé d'une victoire du trumpiste,
09:10d'une victoire des républicains,
09:13moi je pense que c'est plutôt une défaite des démocrates.
09:15En tous les cas, c'est ainsi que je le lis.
09:19Et dans son combat contre le wokisme,
09:22dont vous dites idéologie dominante,
09:24il a compris que ça n'était plus l'idéologie dominante.
09:26Vous pensez que le wokisme perd du terrain aujourd'hui dans le monde ?
09:29Je pense que manifestement...
09:31Jean-Claude Beaujour, n'hésitez pas à réagir.
09:33Je pense que le wokisme a perdu du terrain.
09:35La preuve, c'est que Trump a été réélu.
09:37Vincent Roy, j'allume ma télévision,
09:39je suis abreuvé de wokisme.
09:41Bientôt, Pierre Dinet jouera le rôle de Malcolm X.
09:45C'est ça aussi le wokisme.
09:47Vous êtes en France, on parlait des Etats-Unis.
09:49Mais ça n'est pas pour autant
09:51que ces messages-là
09:53sont réceptionnés de manière aussi massive.
09:56Parce qu'en réalité,
09:58le problème des démocrates,
10:00et je partage l'idée suivant laquelle il y a une défaite des démocrates,
10:02c'est l'absence finalement,
10:04ils se sont situés au cours de cette campagne
10:06contre la personne de Donald Trump,
10:08avec un certain nombre de sujets
10:10qui ne touchaient pas finalement la majorité.
10:12Prenons l'exemple du transgenre.
10:14Je partage avec vous l'idée de se dire
10:16qu'il y a une volonté de stigmatiser,
10:18d'organiser, etc.
10:20Mais ça touche au fond,
10:22ça touche une minorité.
10:24Or, dans l'esprit de Donald Trump,
10:26Donald Trump, lui, s'adresse à une majorité.
10:28L'inflation, ça touche une majorité de gens.
10:30Le pouvoir d'achat, ça touche une majorité.
10:32Au fond,
10:34ce que me disait une femme démocrate qui a fait campagne,
10:36elle me disait, vous savez, au fond,
10:38l'avortement, on ne se réveille pas tous les matins
10:40en pensant à l'avortement.
10:42Donc, même si l'avortement est un vrai sujet,
10:44est un vrai combat politique,
10:46pour autant, lorsque vous parlez à un électorat
10:48dans sa globalité,
10:50les femmes qui sont concernées,
10:52même les femmes vous disent, on ne se réveille pas tous les matins.
10:54Alors que le panier de l'aménagère,
10:56on analyse la situation politique telle qu'elle est.
10:58Le panier de l'aménagère, c'est
11:00tous les jours, et c'est comme ça que Donald Trump
11:02résonne.
11:04Je pense qu'il y a une clé centrale de la victoire
11:06de Donald Trump.
11:08Il avait dit une phrase, une fois,
11:10qui était très juste, pour le coup,
11:12au tout début de sa carrière politique. Il avait dit,
11:14je pourrais aller sur la 5ème avenue,
11:16prendre un pistolet, tirer sur un piéton
11:18au hasard, je ne perdrai pas un point dans les sondages.
11:20Et il est vrai que depuis son entrée
11:22en politique, tout ce qu'il a fait,
11:24normalement, pour n'importe quel autre homme politique,
11:26ça lui aurait tué sa carrière,
11:28ça l'aurait condamné à une sorte de mort sociale définitive.
11:30Trump a un totem d'immunité, c'est ça ?
11:32Un totem d'immunité qui est dû à quoi ?
11:34Qui est dû, je pense, à plusieurs choses, mais notamment une,
11:36c'est qu'il dit toujours,
11:38et encore une fois, il a objectivement raison,
11:40il dit, ce que je dis en privé,
11:42je le dis en public. Je suis,
11:44objectivement, le même homme en privé et en public.
11:46Exactement, et on le voit,
11:48moi je ne le connais pas personnellement,
11:50mais on le voit quand il y a des enregistrements de lui qui fuit en privé,
11:52etc., on voit bien qu'on a un individu
11:54qui ne fait pas cette division
11:56entre la parole privée et la parole publique.
11:58Par opposition,
12:00quelqu'un comme Barack Obama a construit
12:02toute sa carrière sur une sorte de coolitude,
12:04dans l'image. Or, évidemment, on le voit bien
12:06quand on lit ses mémoires, et je pense que les Américains
12:08l'ont bien compris, on n'a pas affaire à quelqu'un de
12:10particulièrement cool. On a affaire à un représentant
12:12des élites,
12:14intellectuel, culturel, politique,
12:16très guindé, très sérieux, qui,
12:18avec une distinction, je crois que toute la démocratie
12:20bourgeoise, représentative,
12:22s'est fondée sur la distinction
12:24parole privée-parole publique, et que le propre
12:26des populistes d'aujourd'hui, on pourrait parler de Trump,
12:28on pourrait parler d'autres populistes
12:30ailleurs dans le monde, c'est qu'ils veulent couper cette
12:32séparation, et en effet, ça peut être très séduisant pour l'opinion
12:34publique, parce que vous vous dites, je sais que c'est
12:36cet homme, et ce plat,
12:38quand il est dans sa cuisine, quand il est dans sa chambre à coucher,
12:40ou quand il est dans un débat télévisé, c'est le même.
12:42Il est comme nous.
12:44Mais ce serait loin d'expliquer.
12:46Mais c'est dangereux.
12:48Absolument, c'est-à-dire que non seulement
12:50on le retrouve dans
12:52sa salle de bain, mais tel que nous
12:54y sommes, d'une certaine façon.
12:56Et pour en revenir à cette affaire
12:58de wokisme, c'était son combat.
13:00Mais son combat, pourquoi ? D'abord, parce qu'effectivement,
13:02il fait peu de cas
13:04des minorités, pour lui,
13:06une minorité reste une minorité, or, il ne s'adresse
13:08qu'à une majorité.
13:10Une majorité qui, de surcroît, lui ressemble.
13:12Car il connaît très bien les États-Unis.
13:14Les wasps, white,
13:16protestants, c'est ça ?
13:18Au-delà de la couleur de peau,
13:20on a beaucoup vu que les
13:22africains et américains étaient présents
13:24à ces meetings.
13:26Les femmes ont voté en masse
13:28pour lui, donc
13:30il faut bien comprendre
13:32dans quel segment il se positionne.
13:34On peut appeler ça populisme,
13:36effectivement, mais le combat
13:38contre le wokisme, c'est d'abord et avant tout
13:40le combat contre des minorités
13:42dont il fait peu de cas, parce qu'il pense
13:44et il a eu raison, au moins, dans
13:46le calcul électoral, il pense
13:48qu'elles pèsent peu. Elles pèsent dans les médias,
13:50elles pèsent dans l'intelligentsia,
13:52elles pèsent dans un certain nombre de domaines,
13:54elles pèsent pour des intellectuels,
13:56pour la high class,
13:58si vous voulez, et pour le reste,
14:00elles ne pèsent pas, ils en font peu de cas,
14:02et ils vont continuer.
14:04Donald Trump a bien compris, et il est parvenu
14:06à faire croire qu'il n'était pas
14:08issu de l'establishment, alors qu'évidemment,
14:10il est issu de l'establishment,
14:12c'est un magna de l'immobilier
14:14new-yorkais, et il a toujours été,
14:16à 30 ans, il était déjà immensément riche.
14:18Pour autant,
14:20il parle aux américains,
14:22l'américain du coin vous dit, il parle comme moi,
14:24il est comme moi, ça, il y est parvenu,
14:26et les thématiques, c'est pour ça,
14:28écoutez bien ce qu'il dit, les thématiques
14:30qu'il aborde, vous l'entendez,
14:32il est incapable de suivre complètement le compteur,
14:34il va, il vient,
14:36et c'est comme ça, effectivement,
14:38il a cet avantage, pour lui,
14:40par rapport aux démocrates,
14:42qui, faute d'une ligne
14:44politique très claire, ne sont pas
14:46parvenus à parvenir.
14:48On va marquer une courte
14:50page de publicité,
14:52je garde Jean-Claude Beaujour avec moi,
14:54si vous êtes d'accord, vous êtes intarissable
14:56et passionnant, je rappelle que vous êtes
14:58avocat spécialiste
15:00de la politique aux Etats-Unis,
15:02merci Jean-Claude Beaujour,
15:04vous restez là, et Vincent Rouen,
15:06un tour de verre, évidemment, vous êtes
15:08dans les parages, et n'hésitez pas à participer
15:10au prochain échange, qui concernera
15:12les rapports avec Elon Musk,
15:14entre Trump et Elon Musk, apparemment
15:16il y a du rififi dans l'air, à tout de suite.
15:18Europe 1 soir, week-end,
15:2019h, 21h,
15:22sur Europe 1. Allez,
15:24on retourne, et on revient
15:26à nos moutons, avec ce débat
15:28passionnant d'ailleurs, je rappelle qu'autour de la table
15:30nous avons Jean-Claude Beaujour,
15:32avocat spécialiste
15:34de la question des Etats-Unis,
15:36de la politique intérieure aux Etats-Unis,
15:38et je rappelle nos deux débatteurs,
15:40plutôt sociétaires que débatteurs,
15:42les deux même,
15:44Vincent Rouen et Nathan Devers,
15:46merci messieurs d'être ici parmi nous.
15:48Alors on le disait tout à l'heure, juste avant
15:50que Brandon Warhead nous rejoigne,
15:52il y a du rififi dans l'air tout de même,
15:54entre Elon Musk et
15:56Donald Trump, Elon Musk qui était
15:58inévitablement l'homme fort
16:00de la campagne de Donald Trump,
16:02c'est vrai qu'il y a eu beaucoup de livres
16:04très éclairants qui l'ont
16:06démontré. J'aimerais vous demander,
16:08Jean-Claude Beaujour, votre avis
16:10sur l'évolution de la relation
16:12entre Musk et Trump ces
16:14derniers mois, et surtout ces
16:16dernières semaines avec les premières tensions
16:18qui fleurissent. Alors, la
16:20première chose c'est qu'il faut bien comprendre
16:22que dans le système institutionnel
16:24américain, il y a
16:26un ticket, Donald Trump
16:28et J.D. Vance.
16:30Il ne nous aura pas échappé
16:32qu'au cours de ces derniers mois,
16:34au cours des trois derniers mois, le vice-président
16:36a quasiment disparu, au profit
16:38d'un homme qui n'est
16:40pas sur le ticket, Elon Musk,
16:42qui est un milliardaire dont on connaît
16:44le passé, ça c'est la première chose, et c'est surprenant
16:46puisque habituellement le président
16:48fait campagne, c'est un trio, il faut savoir
16:50que J.D. Vance pourrait
16:52être appelé à remplacer le président
16:54dans cas de problème, ça c'est la première chose.
16:56Le deuxième inconvénient, c'est
16:58qu'Elon Musk était
17:00effectivement un milliardaire
17:02avec des entreprises qui
17:04ont des contrats avec le
17:06gouvernement américain, ce qui pose un problème
17:08de conflit d'intérêts,
17:10en sachant que nos amis américains sont
17:12quand même très forts pour
17:14pouvoir nous imposer,
17:16élaborer des règles de prévention des conflits
17:18d'intérêts, ça c'est la deuxième chose.
17:20Et puis la troisième chose, c'est que
17:22Elon Musk évidemment a une vision
17:24extrêmement
17:26guerrière je dirais
17:28de la politique économique,
17:30de la gestion d'entreprise,
17:32c'est il y a des emplois,
17:34il y a trop de salariés, il faut supprimer,
17:36on coupe les salaires. Vous voyez,
17:38autant de réactions qu'on peut avoir lorsqu'on a,
17:40et je m'arrête là-dessus, on a une entreprise,
17:42autant lorsqu'on est un homme politique
17:44ou une femme politique,
17:46ce sont des décisions qui sont difficiles à prendre
17:48parce que derrière, vous avez une opinion publique,
17:50parce que derrière, vous avez des hommes et des femmes
17:52qui peuvent être sans emploi et donc sans ressources,
17:54surtout aux Etats-Unis.
17:56Les tensions
17:58qu'on observe aujourd'hui entre Donald Trump
18:00et Elon Musk sont passionnantes.
18:02Il y a eu un moment lune de miel,
18:04pendant la campagne,
18:06où je pense qu'Elon Musk n'est vraiment pas pour rien
18:08dans la réélection de Donald Trump, notamment
18:10par X.
18:12Depuis l'élection, il y a eu notamment un appel
18:14avec Zelensky, président ukrainien,
18:16avec Donald Trump,
18:18Donald Trump a passé le téléphone avec le Notre-Dame,
18:20vous vous rendez compte qu'Elon Musk se met à gérer
18:22les affaires géopolitiques
18:24sur le dossier le plus brûlant qui soit,
18:26à savoir le dossier ukrainien,
18:28mais là, il y a depuis une semaine,
18:30des tensions très très fortes sur un sujet
18:32majeur, qui est la question des immigrés
18:34qualifiés.
18:36C'est pas les médias qui créent cette tension ?
18:38Objectivement, il y a eu une opposition
18:40et Donald Trump a tranché en faveur d'Elon Musk,
18:42Elon Musk a demandé
18:44qu'on puisse réintégrer
18:46des immigrés très qualifiés,
18:48notamment des ingénieurs,
18:50notamment pour ses propres entreprises,
18:52mais de manière plus globale, pour sa vision
18:54de l'économie, qui viennent notamment d'Asie.
18:56En fait, il y a eu une opposition
18:58avec les partisans
19:00un peu de la ligne dure du mouvement
19:02MAGA, Make America Great Again,
19:04qui estiment que
19:06les immigrés, c'est non,
19:08qu'ils soient qualifiés ou pas qualifiés, parce qu'ils volent
19:10les postes des américains. Pourquoi c'est intéressant ?
19:12Donald Trump a fini par trancher en faveur d'Elon Musk,
19:14mais c'est intéressant parce que ça montre bien
19:16que Donald Trump a été élu sur...
19:18Qui est le président ? Je ne comprends pas.
19:20On dirait que c'est Elon Musk.
19:22Non, mais comme tout président
19:24a des électorats
19:26qui se recoupent et qui se
19:28cumulent, mais qui ne sont pas toujours d'accord.
19:30Donald Trump a été élu. Vous parlez de lutte contre le wokeisme.
19:32Mais derrière ce vocable-là,
19:34il y a deux choses un peu différentes.
19:36Il y a, d'une part, des gens
19:38qui sont sur un refus massif
19:40total de l'immigration.
19:42Souvent, c'est des gens qui appartiennent
19:44au milieu les plus défavorisés
19:46de son électorat.
19:48Et puis, vous avez eu aussi, et Elon Musk n'est pas le seul,
19:50des membres des élites économiques,
19:52soit de la très haute bourgeoisie,
19:54soit clairement les grands héros
19:56du capitalisme américain, ou en tout cas certains
19:58de ces grands héros, qui eux, évidemment,
20:00ne sont pas dans cette logique-là. Et ce qui est
20:02intéressant à souligner, c'est que Donald Trump
20:04n'est même pas revenu au pouvoir, qu'il a déjà tranché
20:06en faveur de la
20:08ligne des milliardaires.
20:10Et peut-être, il faut se poser la question
20:12de savoir si ça ne va pas décevoir, à long terme,
20:14ces électeurs. J'aimerais qu'on écoute, Nathan Devers,
20:16un extrait de ce qu'a dit
20:18Elon Musk, il y a,
20:20je crois, quelques heures,
20:22deux heures, très exactement. Écoutons Elon Musk.
20:26Je pense qu'il est important que les gens
20:28aient suffisamment d'enfants pour soutenir la civilisation.
20:30Et que nous ne nous
20:32épuisions pas. Parce qu'ils disent que la civilisation
20:34pourrait mourir avec fracas ou avec
20:36un gémissement. Si nous
20:38n'avons pas assez d'enfants, nous mourrons en
20:40gémissant dans des couches pour adultes. Et ce serait
20:42déprimant. Il faut faire
20:44plus d'enfants. Au moins, faire suffisamment
20:46d'enfants pour subvenir aux besoins de la population.
20:50Voilà, Elon Musk, à l'instant,
20:52on a toutes les
20:54cases, ici, qui sont
20:56cochées, finalement, de cette droite
20:58très conservatrice,
21:00faite des enfants, pour
21:02assurer, finalement, nos vieux jours.
21:04Il faut faire attention à quelque chose
21:06que vient de dire Nathan.
21:08Pour le connaître, je sais
21:10comment il l'a dit et pourquoi il l'a dit. Mais il ne faudrait
21:12pas
21:14tout ensembliser. C'est-à-dire
21:16penser que les gens qui sont contre l'immigration,
21:18par exemple, aux Etats-Unis,
21:20vous disiez, sont les plus défavorisés.
21:22C'est une réalité, Vincent Roy.
21:24Non, non, mais il ne faudrait pas
21:26aller jusqu'à dire que ceux qui
21:28refusent l'immigration en bloc seraient
21:30les moins cultivés.
21:32Un peu à l'instar de ce qu'on fait en France.
21:34Les fachos, les petits,
21:36les sans-grades...
21:38C'est vrai que c'est la petite musique.
21:40Oui, c'est la petite musique qu'on entend. Elle est moins simple que ça,
21:42la petite musique. Alors, il y aurait
21:44des intellectuels
21:46new-yorkais... Non, je parlais d'intérêt économique.
21:48Non, mais justement, je voulais reprendre
21:50là-dessus un peu plus loin. Il y aurait des intellectuels new-yorkais
21:52comme il y a des intellectuels parisiens,
21:54qui trouveraient absolument formidable, qu'on accueille
21:56absolument la Terre entière, au nom de
21:58je ne sais quel ultra-civisme
22:00généralisé,
22:02tout cela peinturluré
22:04en moraline, parce qu'il ne faut pas...
22:06Et puis, il y aurait
22:08des défavorisés, qui sont aussi
22:10les sans-grades, et qui refuseraient qu'on vienne leur piquer
22:12leur travail, etc. Ça, c'est quelque chose que
22:14Trump a très bien compris, à mon sens.
22:16Il a très bien compris ça, et c'est la
22:18raison pour laquelle toute une partie
22:20de son discours anti-immigration,
22:22alors même qu'il sait que...
22:24Est-ce que ce qu'on vient d'entendre est un discours anti-immigration ?
22:26Faites des enfants, plutôt que
22:28de nous ramener éventuellement...
22:30C'est quand même
22:32un discours, à tout le moins,
22:34si ce n'est anti-immigration, à tout le moins
22:36hyper-protectionniste, on est d'accord.
22:38Et c'est particulièrement
22:40un discours anti-woke.
22:42Particulièrement.
22:44Mais oui, c'est ce qu'il faut entendre.
22:46Je vais répondre sur ce point.
22:48En réalité, vous avez quoi ?
22:50Vous avez un discours de campagne,
22:52et on dit ce qu'il faut dire pour que
22:54le plus grand nombre vote pour vous.
22:56Et puis après, vous avez des réalités. C'est-à-dire que d'une même
22:58personne, vous pouvez avoir des comportements,
23:00des réactions qui sont contradictoires. D'un côté,
23:02il faut dire que je suis contre l'immigration
23:04parce qu'effectivement, ce que vivent...
23:06Je passe un peu de temps dans le sud des États-Unis,
23:08il y a des gens qui sont très bien, qui me disent
23:10qu'il y a trop d'immigrés qui passent
23:12la frontière.
23:14C'est ce qu'ils disent, c'est ce qu'ils vivent, et il faut
23:16l'entendre. Et puis,
23:18il y a tout ce qu'on dit autour.
23:20Et de l'autre côté,
23:22vous pouvez être pas très loin,
23:24on vous dit qu'on a besoin de gens pour pouvoir
23:26travailler dans les jardins d'Ancy.
23:28Parce que je vais vous dire, l'été,
23:30quand vous êtes au Texas, les types qui par 40°
23:32font le jardin, c'est pas
23:34des gens qui parlent l'anglais de
23:36Cambridge. Donc, on voit
23:38bien qu'il y a une réalité économique
23:40parce que les États-Unis ont aussi besoin
23:42de cette masse de population.
23:44Et donc, toute la difficulté, c'est
23:46de trouver le bon équilibre entre les promesses
23:48de campagne que certains entendent
23:50et puis une réalité économique.
23:52Il n'y a pas que les milliardaires. Il y a tous ceux
23:54qui ont besoin
23:56de ce personnel et ces personnes.
23:58Est-ce que ce discours, cette situation
24:00est transposable
24:02à la France, finalement ?
24:04Elle a en tous les cas plein de points communs.
24:06La victoire,
24:08la victoire,
24:10la possible victoire
24:12des populistes,
24:14y compris en France, de ce qu'on nomme les populistes,
24:16évidemment,
24:18on peut l'imaginer dans
24:20un futur, après on peut la critiquer,
24:22mais enfin, écoutez le discours
24:24de Marine Le Pen.
24:26Marine Le Pen sera peut-être conviée à l'investiture
24:28de Trump avec Mélanie, je crois.
24:30Vous avez des gens aujourd'hui dans ce pays
24:32qui sont quand même capables de vous dire
24:34faites plus d'enfants plutôt
24:36que d'importer une population immigrée.
24:38Nathan Devers.
24:40Personne n'est devin, bien sûr, mais en tout cas, on peut constater
24:42ce qui existe déjà. La réalité
24:44du trumpisme a été transposable
24:46avec des différences, bien sûr.
24:48Au Brésil, à la Pologne,
24:50à l'Italie, à l'Angleterre, à Israël,
24:52à l'Argentine,
24:54pas à la France. De la même manière
24:56qu'à l'époque
24:58du siècle passé, la réalité
25:00du fascisme a été portée
25:02dans beaucoup de pays. La France,
25:04par le suffrage universel, Vichy a été élu,
25:06enfin, a été porté au pouvoir par les députés,
25:08le suffrage universel français
25:10n'a jamais porté au pouvoir le fascisme
25:12au XXème siècle, et là, il semble
25:14pour l'instant, ne pas avoir
25:16toujours refusé de porter au pouvoir
25:18le populisme. Ce n'est évidemment pas les deux phénomènes,
25:20historiquement, il y a des différences.
25:21Vous ne pensez pas que c'est l'idéologie dominante,
25:23Nathan Devers, ce dont on parle ?
25:25Non, je crois que c'est une forme, quand même,
25:27de lucidité française
25:29sur le fait que
25:31aussi bien, c'est deux siècles
25:33différents, mais au XXème siècle,
25:35le peuple français, ce n'était pas son langage,
25:37ce n'était pas son histoire, ce n'était pas pour parler
25:39en hégélien son esprit, son génie,
25:41et je crois que, enfin, j'ose
25:43espérer que ça continue d'ailleurs, mais que
25:45au XXIème siècle, il y a quelque chose
25:47dans la manière dont on a construit
25:49une démocratie. En fait, le grand clivage
25:51aujourd'hui, c'est ceux qui pensent que la démocratie,
25:53c'est le vote, uniquement le vote.
25:55Et ceux qui pensent que la démocratie, c'est le vote,
25:57plus la construction d'une société démocratique
25:59par une qualité du débat public. Et ça, c'est la
26:01situation française d'aujourd'hui, ce qui fait qu'à mon avis,
26:03on résiste quand même, pour l'instant,
26:05à cette vague mondiale du populisme.
26:07J'espère que vous avez raison, mais je crois
26:09très honnêtement que vous faites
26:11fausse route. Mais j'espère que vous avez raison.
26:13Pourquoi ? Illustrez.
26:15Je comprends ce que dit Nathan, c'est-à-dire
26:17qu'on a été un peuple
26:19tellement enraciné
26:21qu'il était effectivement
26:23difficile de nous couper de nos racines.
26:25C'est quoi le fascisme en Italie ?
26:27C'est un homme, c'est un
26:29Italien qu'on essaie de couper de ses racines.
26:31Ce qu'a en partie réussi pendant
26:33une période, quelqu'un comme Mussolini.
26:35Fascisme,
26:37en Espagne, le cas est très différent.
26:39Mais si on prend le mot fascisme, c'est-à-dire
26:41c'est vraiment quelqu'un qu'on veut
26:43couper de ses racines. En France,
26:45les racines françaises étaient tellement
26:47enracinées qu'il n'est pas passé
26:49par nous, à mon sens,
26:51en raison de cela, et uniquement en raison
26:53de cela, de cet enracinement
26:55très fort, et qui pour part est religieux.
26:57Vincent Roy,
26:59Nathan Demers, merci beaucoup.
27:01Jean-Claude Beaujour,
27:03il y a de la publicité, mais je vous garde après
27:05si vous voulez, on aura le temps. Il n'y a pas de soucis,
27:07vous aurez tout votre temps, Jean-Claude Beaujour,
27:09pour nous donner vos éclairages
27:11extrêmement instructifs, puisque
27:13Europe 1, soir, week-end,
27:15c'est jusqu'à 21h,
27:17donc il nous reste 17 minutes, on aura le temps
27:19de tout se dire, à tout de suite.
27:21Europe 1, soir, week-end,
27:2319h21, sur Europe 1.
27:27Ne pas attendre. Où qu'il soit,
27:29les enfants gravement malades ne devraient pas
27:31attendre pour se faire opérer.
27:33Surtout quand leur vie ne tient qu'à un fil.
27:35Aidez la chaîne de l'espoir à les sauver.
27:37Plus vous donnez, moins ils attendent.
27:39Donnez à la chaîne de l'espoir,
27:41sur chaine de l'espoir.org.
27:4375% du don déductible
27:45des impôts.
27:47Europe 1, soir, week-end, 19h21,
27:49Charles Huillier. Nathan Devers,
27:51Vincent Roy, nos deux
27:53débatteurs du jour, et puis notre invité
27:55dont on remercie
27:57la présence, c'est
27:59Jean-Claude Beaujour, avocat et spécialiste
28:01de la politique intérieure aux Etats-Unis.
28:03Merci encore, Jean-Claude Beaujour,
28:05d'être parmi nous. Alors, y a-t-il un
28:07Trump à la française
28:09que vous pourriez voir
28:11poindre ?