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74 % des Français assurent tenir compte des critères de durabilité au moment de leurs achats. C’est un des enseignements principaux du baromètre du retail responsable 2024 du cabinet Bearing Point. Elisabeth Denner, associée pour le retail du cabinet et Pierre Galio, chef du service consommation responsable de l’ADEME font l’état des lieux du rapport aux Français aux achats durables.

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Transcription
00:00On parle consommation responsable dans notre débat avec Elisabeth Denner, bonjour.
00:11Bonjour Thomas, merci de nous recevoir.
00:13Bienvenue, vous êtes associée au cabinet Bearing Point, responsable mondial de l'ensemble des marchés, avec nous en duplex également Pierre Galliau, bonjour, bienvenue à vous.
00:22Vous êtes le chef du service consommation responsable à l'ADEME, on va analyser ensemble les résultats de ce premier baromètre du retail responsable,
00:32réalisé par Rodoxa pour Bearing Point, études françaises et européennes déjà, Elisabeth Denner, on peut faire un peu de méthodologie ?
00:39Oui absolument Thomas, en fait on a choisi pour ce premier baromètre qui a vocation à se pérenniser dans le temps, de retenir cinq pays,
00:47donc évidemment la France mais aussi on voulait évidemment avoir des bases de comparaison avec d'autres pays clés en Europe, donc l'Angleterre, les Pays-Bas, l'Allemagne et l'Italie,
00:55donc on a fait, on a interrogé 4000 consommateurs, la moitié en France et 500 sur les quatre autres pour avoir le résultat de ce baromètre et avoir un petit peu des points de comparaison entre la France et le reste de l'Europe.
01:04Déjà est-ce qu'on peut dire que la consommation responsable, la consommation durable, elle progresse ? Est-ce qu'on est dans une tendance de progression assez régulière ?
01:12Alors absolument, on a voulu de manière générale mesurer évidemment sur l'ensemble des pratiques cette progression, ce que l'on peut dire c'est que notre étude montre déjà qu'il y a une forte prise de conscience en fait des consommateurs aussi bien français et européens
01:25de l'impact de leur comportement sur évidemment sur la planète, à peu près trois quarts des français et des européens sont parfaitement conscients de ces impacts.
01:34Là où la France se différencie c'est que 74% des français, là on est 10 points de plus que le reste de l'Europe, intègrent vraiment les critères de durabilité dans leurs décisions d'achat.
01:44Oui on peut voir ce chiffre, les trois quarts des français effectivement qui assurent tenir compte des critères de durabilité, 74%.
01:50Mais alors ce qui est intéressant c'est qu'ils font aussi partie des plus sceptiques les français, c'est-à-dire qu'ils disent on veut consommer plus durable, plus responsable mais on a quand même des doutes, attention au greenwashing.
02:02Alors absolument, c'est vrai que les défiances qu'on trouve finalement sur la scène politique et sociale depuis quelques années, on les retrouve aussi finalement dans cette défiance vis-à-vis des marques.
02:12Et là le consommateur français est décalé par rapport au reste des consommateurs européens parce qu'en gros un français sur deux fait confiance aux marques, je dirais seulement en Europe deux consommateurs sur trois font confiance aux marques.
02:24Donc il y a une vraie défiance et je pense que c'est une des vraies surprises de l'étude et c'est un des vrais freins je pense aussi au développement de cette consommation durable notamment en France.
02:32Pierre Galliot sur le modèle circulaire on va dire sortir du modèle linéaire produire, consommer, jeter pour passer à la circularité.
02:42Comment vous le ressentez ça ? Moi j'ai quand même l'impression que nos habitudes elles sont encore ancrées sur la consommation de produits neufs.
02:52Vous avez parfaitement raison et je pense qu'il faut se mettre d'abord d'accord sur ce qu'est la définition de consommation responsable.
02:58C'est en effet orienté vers des produits à moindre impact environnemental et social mais ceci réduit ses flux et donc entrer dans des démarches de sobriété.
03:06On ne pourra pas répondre aux enjeux de transition uniquement avec de la circularité qui est indispensable évidemment.
03:12Pour ceux qui peuvent se le permettre, j'excuse mon propos évidemment, les millions de personnes malheureusement qui vivent sous cette pauvreté qui ne peuvent pas répondre à une consommation de base,
03:20même pas forcément responsable et donc rentrer dans cette démarche de sobriété.
03:25Donc on a aussi une difficulté de consommation à plusieurs vitesses entre différents groupes sociaux, entre des gens qui ne peuvent pas arriver à cette consommation responsable
03:33qui peut avoir un coût puisqu'un produit qui répond à des enjeux environnementaux sociaux a forcément un coût.
03:38Et là, je suis d'accord avec Elisabeth, les gens ont conscience évidemment qu'avoir un produit à coût extrêmement bas, il y a un problème quelque part.
03:45Mais on a envie de consommer puisque la consommation c'est évidemment un moment agréable, mais elle doit être aussi utile et juste.
03:51Là je reprends les propos de Philippe Moiti.
03:53Donc on a cet enjeu, cette dichotomie souvent entre en effet cette conscience qu'on constate également dans nos enquêtes et puis un passage à l'acte qui est évidemment complexe
04:01parce qu'on a souvent envie de se faire plaisir et on a des sirènes publicitaires et un système économique en volume qui pousse à toujours acheter.
04:08Et donc en fait on a une sorte de schizophrénie sur ce système là.
04:11– Vous parlez de sobriété, est-ce qu'il est encore difficile à comprendre ou à accepter par beaucoup de consommateurs ce concept ?
04:19– Oui, parce que la sémantique elle renvoie malheureusement parfois à des images négatives.
04:24Pourquoi ? Parce qu'on a des imaginaires qui considèrent que la réussite, le bien-être passe par une accumulation de biens.
04:29Et donc qui dit sobriété dit réduction des biens notamment matériels et donc possiblement un mal-être.
04:35Donc on a un vrai travail à faire sur cette sémantique, sur les imaginaires, sur la représentation qu'on a
04:40et considérer qu'on peut encore une fois s'épanouir autrement par cette accumulation de biens matériels.
04:44Encore une fois la sobriété ça peut être reprendre en main sa consommation,
04:48on a fait des opérations témoins avec des consommateurs et consommatrices qui montraient qu'on peut regagner de l'espace,
04:53on peut mieux gérer son budget également et puis encore une fois avoir cette liberté finalement
04:59qui permet de reprendre en main sa consommation.
05:03Donc la sobriété elle peut avoir une image négative mais encore une fois c'est source de biens,
05:07c'est source de bien-être quand encore une fois on peut se permettre de réfléchir à sa consommation
05:12et qu'on répond à ses besoins premiers.
05:14– Il y a un autre constat Élisabeth Dehner qui concerne les comportements alimentaires.
05:1944% des consommateurs français veillent à acheter en circuit court
05:24et alors là on est à 8 points au-dessus de nos voisins européens.
05:28Comment vous l'analysez ça ?
05:30– Alors c'est en fait ce comportement-là il est lié surtout aux seniors.
05:34En fait la difficulté c'est que sur les comportements de manière générale
05:37que ce soit sur l'alimentaire ou non alimentaire,
05:39on a des comportements qui sont très différents, très segmentés selon l'âge,
05:43selon la localisation géographique, le métier etc.
05:47Donc le circuit court a un gros succès surtout chez les seniors
05:50alors que les jeunes vont plébisciter le bio,
05:53que les cadres urbains vont plutôt plébisciter le frac.
05:56– Ça c'est un constat européen que vous faites ou c'est plutôt le constat français ?
06:00– Sur les comportements face à la transition alimentaire,
06:03l'évolution des comportements, 75% des européens et des français
06:07ont modifié leur comportement sur l'alimentaire.
06:10Par contre il y a des petites différences entre les comportements d'un pays à l'autre.
06:14Le bio, la France est hors tard sur le bio par rapport aux autres pays,
06:18la star du bio c'est la Suisse.
06:20Par contre la France est en avance sur d'autres sujets
06:22et notamment les circuits courts effectivement,
06:24c'est ce qu'on retrouve dans le cadre de l'étude.
06:26– Avec un effet de deux années d'inflation,
06:30c'est-à-dire que le coup d'arrêt sur le marché du bio,
06:33on l'a ressenti très clairement ici en France,
06:36en même temps il y a eu de l'inflation un peu partout en Europe.
06:38– Absolument, mais c'est vrai que la France est probablement plus sensible au prix,
06:42mais c'est aussi ce que montre notre étude.
06:44Je pense que le marché du bio a connu son pic à peu près en 2020 avant le Covid,
06:48c'était un marché qui pesait 12,8 milliards,
06:50donc beaucoup de distributeurs alimentaires
06:52ont voulu intégrer le bio dans leur stratégie
06:54parce qu'en plus c'est plus rentable,
06:56mais depuis le marché a un petit peu décru,
06:58on était autour de 12 milliards en 2023,
07:00donc marché flat qui n'a pas tenu ses promesses
07:03et notamment parce que la France est un pays particulièrement sensible
07:06au prix, au pouvoir d'achat et c'est ce que montrent les résultats de notre étude.
07:10– On parlait du modèle consumériste, on va dire, classique, ancestral,
07:16on n'en est pas loin, pour le faire s'en détacher,
07:20je veux bien vous entendre, je reposerai la même question à Pierre Galliot après,
07:23sur le rôle, il parlait d'imaginaire,
07:25mais le rôle de la communication, le rôle de la publicité,
07:28comment vous l'abordez cette question-là ?
07:30– Sur la question de la sobriété,
07:32alors c'est vrai que ce que disait Pierre était intéressant
07:34et qu'on est aujourd'hui dans un énorme paradoxe,
07:36à la fois on sort du Black Friday qui a été un record…
07:39– Un record qui est le symbole de la consommation…
07:41– Le symbole de cette non-sobriété, de cette consommation non-responsable,
07:45donc à la fois le Black Friday a été le Black Friday
07:48historiquement le plus successful que la France ait jamais connu,
07:52c'est d'ailleurs vrai aussi aux Etats-Unis.
07:54– C'est dingue de voir la rapidité à laquelle cette tradition
07:57qui vient des Etats-Unis s'est imposée en France.
07:59– Absolument et c'est devenu aujourd'hui le premier pic de consommation
08:03devant Noël, devant les soldes, donc le paradigme a complètement changé
08:07et à la fois ce que montre notre étude c'est qu'il y a un très fort
08:10désengagement des produits neufs, je pense que c'est peut-être
08:12l'élément qui nous a le plus surpris dans le cadre de l'étude.
08:15Une femme sur trois en France nous dit acheter moins de produits neufs
08:18que l'année dernière, un homme sur quatre nous dit la même chose
08:21et là aussi on est très au-dessus finalement des autres pays européens.
08:25Donc le consommateur français est vraiment très schizophrénique
08:28entre je consomme, je me fais plaisir au Black Friday
08:32et finalement j'achète moins de neufs, donc c'est tout à fait paradoxal.
08:35– Et avec aussi le Black Friday c'est souvent des achats d'anticipation
08:38et ça rejoint les enjeux de prix dont on va parler,
08:42mais je voudrais Pierre Galliou vous entendre sur cette question
08:45de l'imaginaire, le rôle de la publicité, de la communication
08:49mais même de la fiction dans cette perception d'une transition
08:56ou d'une transformation environnementale qui soit sympa
08:58et pas juste anxiogène et culpabilisatrice.
09:01– Vous avez parfaitement raison, on a un enjeu d'expliquer
09:05qu'on peut vivre correctement et bien différemment.
09:08Nos modes de vie, nos modes de consommation
09:11et nos modes de promotion actuels ne sont pas durables,
09:14c'est simple que ça, je ne vais pas refaire le discours
09:16sur l'atteinte des limites planétaires et des problématiques sociales,
09:19donc on a besoin de changer et changer ce n'est pas forcément négativement,
09:23il faut qu'on ait des récits qu'on ait en capacitant,
09:26c'est-à-dire qu'on les explique et qu'on explique ce que pourrait être
09:29un mode de vie en 2030, en 2040, en 2050 qui répond aux besoins,
09:33j'insiste là-dessus, qui sont toujours incréables
09:35mais qui nous permettent encore une fois de répondre à ces enjeux.
09:38Donc là-dessus, on a besoin d'emmener en effet la publicité,
09:42on a besoin d'emmener l'ensemble aussi des marques,
09:44Elisabeth l'a rappelé, pour lesquelles il y a une énorme défiance,
09:47on a aussi besoin qu'elles fassent évoluer leurs offres,
09:49parce qu'on a quand même l'offre qui drive la consommation
09:52de manière majoritaire et si on n'avait pas une offre
09:54qui permet d'avoir des produits plus responsables
09:56sur un plan environnemental et social à un coût certes accessible,
10:01il y a toujours un coût minimum pour ça,
10:03on va avoir une difficulté pour leur permettre l'accès à cette consommation,
10:06les études le montrent, et d'ailleurs pour tous les publics,
10:08il faut pouvoir permettre aussi à des publics qui ont moins de moyens
10:11d'accéder à cette consommation responsable,
10:13ils ne doivent pas être les dindons de la farce.
10:14Donc ça prouve aussi qu'il y a aussi une question,
10:16alors à la fois de bonus, le bonus réparation
10:19permet de limiter les coûts d'une réparation,
10:21par exemple, Elisabeth a évoqué l'enjeu de la durée des produits,
10:23mais ça pose aussi la question de la réparation de richesses,
10:25comment on fait pour que l'ensemble de la population
10:27puisse acheter un produit plus cher à l'achat,
10:30initialement, mais qui sera plus durable, qui sera réparable,
10:32et on aura moins besoin d'acheter des produits par la suite
10:34et d'accumuler des biens neufs.
10:36On y reviendra sur cette question du prix avec vous Pierre Galliou,
10:39mais que dit le baromètre là-dessus ?
10:41Est-ce que les Français et les Européens sont prêts à payer plus cher ?
10:44Et à quel niveau ?
10:47Alors c'est là, ce que dit notre baromètre,
10:50c'est que 70% des consommateurs sont prêts à payer plus.
10:54Est-ce qu'ils le feront vraiment quand ils sont au marché ?
10:59Beaucoup moins, c'est-à-dire que quand on regarde plus précisément,
11:0246% sont prêts à payer entre de 1 à 10% de plus,
11:06et seulement 24% sont prêts à payer une vraie prime durable au-delà de 10%.
11:11Donc il y a encore le prix et l'accessibilité des produits durables,
11:15je pense que c'est un vrai défi pour les entreprises,
11:17et en tout cas en France, le prix évidemment,
11:20compte tenu du contexte de pouvoir d'achat particulièrement difficile,
11:23et clairement le défi numéro un.
11:26Mais cet argument du prix, il pousse aussi des plateformes
11:31qui sont un peu emblématiques de l'économie circulaire.
11:34Absolument, et c'est vrai que quand on voit le marché en France,
11:40il y a deux plateformes, si tout ci très emblématiques,
11:42qui sont aujourd'hui dans le top 3,
11:44évidemment aujourd'hui le top 1 c'est Amazon,
11:46derrière il y a Leboncoin, et la troisième c'est évidemment Vinted.
11:50Pour vous donner une idée, le trafic quotidien sur Amazon,
11:53c'est à peu près 8 millions de personnes,
11:55c'est 7 sur Leboncoin, 5 sur Vinted,
11:57mais ils ont un niveau de croissance exponentiel,
11:59donc je pense que Vinted va probablement en devenir la deuxième
12:02dans un horizon de temps assez court.
12:04Et ça c'est aussi une vraie spécibilité française,
12:06puisque comme il y a cette défiance par rapport aux entreprises,
12:08il y a un engouement très fort sur ces plateformes, si tout ci,
12:12qui sont aussi un moyen finalement pour les consommateurs
12:15de revendre, de compléter leur pouvoir d'achat de manière finalement assez facile.
12:19C'est un enjeu pour les marques d'être présentes sur ces plateformes ?
12:23Alors absolument, on commence à voir des entreprises qui le sont,
12:26et du coup ça me rappelle un petit peu finalement
12:28le développement du modèle de l'e-commerce il y a une vingtaine d'années.
12:31On se retrouve un petit peu dans des problématiques similaires,
12:33c'est-à-dire qu'au départ les marques ont vu l'e-commerce avec beaucoup de défiance,
12:36c'est d'abord des plateformes tiers qui se sont emparées du sujet,
12:39et puis ensuite évidemment des sites comme Amazon ont énormément grossi.
12:44Là on a le Vinted qui est le nouvel Amazon de la seconde main,
12:47et les marques sont en train de regarder ça évidemment avec beaucoup d'attention,
12:51mais aujourd'hui je ne connais aucune marque, aucune entreprise
12:54qui a réussi à passer à l'échelle et avoir intégré dans son modèle économique
12:58à la fois la première main et la seconde main,
13:01même s'il y a des secteurs les plus matures qui sont l'automobile et la téléphonie,
13:04mais c'est encore assez rare.
13:07Merci beaucoup, merci à tous les deux,
13:09et à bientôt sur Be Smart For Change, on passe à notre rubrique.
13:13Prêt pour l'impact, un grand patron face à ces enjeux de transformation.

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