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Elle a suivi le procès historique de Mazan et celui d’Adèle Haenel contre Christophe Ruggia. Dans la presse et sur les réseaux, ses croquis d’audience sont devenus incontournables : la journaliste et dessinatrice-aquarelliste Marion Dubreuil est ce matin l'invitée de Mathilde Serrell. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes/nouvelles-tetes-du-mardi-17-decembre-2024-7417518

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00:00Les Nouvelles Têtes avec vous, Mathilde Serrel, ce matin, votre invitée à 36 ans et témoigne
00:05pour l'histoire, la dessinatrice judiciaire Marion Dubreuil est dans notre studio.
00:11Bravo Gisèle ! Bonjour Marion Dubreuil ! Bonjour ! Ce qu'on entend ce sont les applaudissements
00:20pour Gisèle Pellicot au procès dit des viols de Mazan, procès historique suivi par le
00:25monde entier qui a pris fin hier, vous l'avez suivi, vous, en tant que journaliste pour
00:28RMC mais aussi en tant que dessinatrice aquarelliste, qu'est-ce que vous avez senti hier quand
00:33vous avez sorti votre carnet de croquis, après 4 mois en apnée dans la salle d'audience
00:38? Ce qui était difficile hier c'est de se dire que c'était probablement la dernière
00:41fois que je dessinais cette cour criminelle et puis ces accusés et il y a toujours comme
00:47une urgence de documenter jusqu'au bout, donc j'ai fait beaucoup de croquis sans pour le
00:52coup les peindre, sans les colorer parce que j'avais envie de saisir des instants un accusé
00:57à la barre qui arrive avec un énorme dossier pour faire valoir sa défense en dernier recours
01:05et puis ceux qui se lèvent pour venir à la barre les uns après les autres, ceux qui
01:10disent qu'il n'y a rien à ajouter, ceux qui se tournent vers Gisèle Pellicot pour
01:15s'excuser, enfin ces moments d'audience qu'on peut capter à la fois en notant les
01:18débats et puis dans des regards en les dessinant.
01:21Hier les accusés, donc 50 plus, Dominique Pellicot, l'ex-mari de Gisèle qui l'a
01:26livrée sexuellement à des inconnus, recrutée sur internet, enlacée d'attente chimiquement
01:30pendant une dizaine d'années, a eu un dernier mot sur les soupçons de complicité qu'elle
01:34a dû endurer.
01:35L'un des accusés dont vous en parliez à l'instant, un infirmier libéral, a remis
01:38à nouveau en doute le fait qu'elle était inconsciente et vous, vous avez suivi ça
01:44avec évidemment une acuité particulière parce que vous êtes spécialiste des violences
01:47sexuelles et sexistes, vous avez suivi aussi le procès d'Adèle Haenel contre Christophe
01:50Ruggière, on en parlera tout à l'heure, comment vous l'avez reçu vous cette parole
01:53des hommes ?
01:54Elle est multiple cette parole des hommes mais je pense que sur ce procès, il y a quand
01:58même une ligne directrice pour la majorité des accusés, les deux tiers qui contestent
02:03les faits, qui leur sont reprochés, c'est de refuser le qualificatif de violeur comme
02:08si c'était le dernier tabou, ce qui était le plus humiliant pour eux alors qu'ils reconnaissent
02:15les faits, les relations sexuelles qu'ils ont imposées à Gisèle Pellicot, qu'ils
02:19reconnaissent désormais qu'elle était inconsciente et donc en incapacité de leur
02:24donner son consentement et je pense que c'est toute cette variation autour du viol involontaire,
02:29du viol physique.
02:30Le viol de politesse, on a vu aussi ? Le viol de politesse, c'était oui, et puis
02:34le viol physique mais pas du cerveau, c'est vrai qu'on a eu une déclinaison de défense
02:40pour ne pas accepter les faits qui sont des relations sexuelles imposées à une femme
02:46inconsciente.
02:47On a vu hier à l'antenne de France Inter, Adèle Haenel, elle a eu ce mot qui fait
02:52le pont entre Mazan et son propre procès.
02:54Ils se racontent l'histoire qu'ils veulent, monsieur Ruggia lui il était trop content
02:57tant qu'il pouvait se pavaner en disant « oui j'ai une histoire sulfureuse avec une actrice
03:01bon c'est un peu jeune mais c'est sulfureux » mais quand moi je dis non, ça s'appelle
03:04des agressions sexuelles, et là il est dégoûté, ils sont dégoûtés qu'on mette les termes
03:08en fait, c'est comme à Mazan, ils sont dégoûtés qu'on mette les termes, ils s'en foutent
03:12de commettre les crimes, ce qu'ils ne veulent pas c'est que nous on parle pour nous-mêmes
03:14et qu'on mette les termes dessus et qu'on dit que c'est des agressions sexuelles.
03:17C'est ce qu'elle dit, ce sont les mots en fait, c'est ça qui ne peut pas être
03:21entendu, qui ne peut pas être reçu, qui est refusé en tout cas.
03:24Qui est refusé par les accusés, qui est refusé aussi par leur famille parce que c'est
03:27un déni qui est partagé en fait, ils ne sont pas seuls dans ce déni-là, ils ont
03:31eu aussi des avocats qui leur ont assuré que cette ligne de défense d'avoir commis
03:37des attouchements sexuels sur une femme endormie pouvait se défendre, pouvait valoir un acquittement
03:42si on disait qu'au moment des faits on n'avait pas l'intention de violer et du
03:46coup c'est un déni que j'ai vu aussi se construire pour certains, se renforcer au
03:51fur et à mesure de l'audience.
03:52Il y en a qui ont reconnu les faits, il faut quand même parler de cela aussi, et qui présentent
03:58des excuses à Gisèle Pellicot qui sont pour le coup sincères, après elle les reçoit
04:02ou non c'est autre chose, mais c'est vrai que pour d'autres on a vu comme un déni
04:06qui s'est renforcé, qui s'est construit au fil de l'audience et c'est très déroutant
04:10en fait d'assister, alors qu'on a vu les vidéos des faits, d'assister à cette carapace
04:16qui se construit autour de ces hommes.
04:18Vous avez surtout aussi eu le besoin de dessiner pour encaisser le procès, ce sont vos mots,
04:26vous et vos consoeurs, parce que vous êtes la seule aussi parmi les autres qui live-tweet
04:30le procès pour les autres chaînes à dessiner en même temps, vous êtes vraiment devenue
04:33dessinatrice aquarelliste au fil du temps, vous dites que ça vous a permis de le supporter
04:38au fond ce procès ?
04:39Oui parce que déjà il y a des moments où c'est trop dur, très honnêtement, moi je
04:44dessine quelqu'un qui n'a rien à voir avec les débats, ça me permet juste de m'extraire,
04:47j'ai dessiné par exemple un autre dessinateur à un moment où je pense que j'avais plus
04:52de capacité d'absorption et du coup ça me permet de m'évader, ça arrive très
04:56peu mais c'est arrivé.
04:57Et sinon c'est vrai que ça me permet de regarder ces hommes même quand ils disent
05:01ce qu'il y a de pire, même quand ils me heurtent moi en tant que femme finalement
05:06parce qu'ils ont une misogynie qui est latente, quand on découvre quand même qu'il y en
05:11a un qui dit que s'il adore les femmes mais qu'il n'a pas payé de pension alimentaire
05:15à ses enfants pendant plus de dix ans, qu'un autre a refusé le divorce pendant huit ans
05:18alors qu'il avait lui-même reconstruit sa vie, il y a énormément d'éléments comme
05:22ça de marqueurs de la haine des femmes, il faut le dire pas pour tous mais pour certains.
05:26Vous dites vous-même que vous avez lutté contre la misandrie au quotidien, parce qu'il
05:29y avait une haine des hommes qui montait chez vous ?
05:31Oui parce que forcément les cinquantaient accusés c'est des hommes en fait, c'est
05:35pas des femmes, il n'y a que des hommes et ils tiennent des propos parfois qui sont
05:39vraiment heurtants donc il faut lutter contre ce sentiment qui pourrait être en miroir
05:45de haine.
05:46Moi je suis journaliste aussi donc je veux être objective et finalement les dessiner
05:50parfois ça me permettait de recréer un pont avec eux.
05:52Vous les avez regardés autrement à travers ces dessins ? Un des dessins célèbres, des
05:57croquis que vous avez fait pendant le procès de Mazan, c'était une masse un peu informe
06:01d'accusés en noir et blanc alors que vous êtes toujours en couleur, comme si on avait
06:06une meute.
06:07Face à nous, vous les avez regardés individuellement ?
06:09Je les ai regardés individuellement, je les ai tous dessinés, chacun des accusés.
06:14J'ai pris le temps aussi de dessiner une rie, d'une expression, un regard, une posture.
06:18Ils n'ont pas tous le même comportement à la barre et ça parfois dans un papier
06:22on ne peut pas le traduire mais dans un dessin ça saute aux yeux tout de suite et c'est
06:26aussi ça qu'apporte le croquis d'audience.
06:29C'est aussi de restituer une ambiance, une scénette des postures des uns et des autres
06:34en un regard.
06:35Et votre modèle, on peut le dire, pour conclure, c'est notamment les dessins de Ries au procès
06:39Papon qui vous ont guidé dans votre chemin et puis les conseils de Zieg, un grand dessinateur
06:43judiciaire.
06:44Longue route à vous Marion Dubreuil, vous avez encore beaucoup de procès, je le sais,
06:48en 2025.
06:49Merci.
06:50Merci beaucoup.
06:51Et merci Mathilde.

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