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Renoncer à vendre des produits pour attirer des clients. Ça paraît contre-intuitif et pourtant, c’est une technique marketing qui peut fonctionner quand on communique dessus. Thomas Parouty, fondateur de l’agence de communication Mieux, aide les entreprises à mieux communiquer sur leurs actions en faveur de la RSE. Il nous explique comment rendre ce sujet plus attractif.

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Transcription
00:00L'invité de Smart Impact, c'est Thomas Parouty, bonjour.
00:09Bonjour.
00:10Vous retrouvez sur ce plateau le fondateur de l'agence MIEUX, agence de conseil en communication
00:14qui est experte de ces enjeux RSE, responsabilité sociale, sociétale et environnementale des
00:19entreprises.
00:20Vous l'avez créée en 2009, 15 ans, j'imagine que vous n'étiez pas très nombreux sur ce
00:25créneau.
00:26On n'était pas nombreux côté agence, on n'était pas très nombreux non plus côté
00:30des annonceurs, il n'y avait pas beaucoup d'entreprises qui parlaient de ces sujets-là.
00:33Moi j'ai commencé à travailler sur ces problématiques à peu près en 2005-2006, j'avais lancé
00:39une grande enquête pour un de nos clients sur la gestion de flotte et les enjeux de
00:43développement durable et ça avait passionné tout le monde, ça avait passionné les équipes
00:47de mon client, ça avait passionné mon équipe et on avait eu plein de retours et c'était
00:53une sorte d'effervescence et tout le monde se disait tiens on peut faire du business
00:56peut-être autrement et du coup je me suis dit en 2009, il faut absolument qu'il y ait
01:00une agence experte sur ces sujets-là, donc j'ai créé en 2009, j'ai essayé de trouver
01:05des clients plutôt sur des sujets énergie ou bâtiment au départ et ça s'est développé
01:10petit à petit mais c'est vrai que les dix premières années c'était plutôt calme.
01:13Alors aujourd'hui tout le monde s'engage, ce qui est une très bonne nouvelle, sauf
01:17que c'est pas si simple de faire le tri entre les actions réelles et le greenwashing, est-ce
01:22que ça vous arrive de refuser des clients ou alors est-ce que vous vous dites non il
01:25y a toujours moyen de les pousser, de les accompagner ?
01:28Alors par principe on essaie de travailler avec tout le monde, avec tous les secteurs
01:33et ce qui est intéressant quand on est du côté conseil c'est qu'on voit certains
01:36secteurs arriver, on a vu le luxe arriver il y a trois, quatre ans, on a vu la pharma
01:41arriver il y a deux ans à peu près, aujourd'hui il y a un sujet sur le textile prêt à porter
01:45qui vit une vraie crise et qui se dit tiens est-ce que je ne peux pas shifter, me repositionner
01:50donc on voit de plus en plus de secteurs et globalement aujourd'hui tous les secteurs
01:54d'activité sont engagés, évidemment traditionnellement il y a l'immobilier, il y a l'énergie,
01:58la mobilité des sujets comme ça, mais là on voit à peu près tous les secteurs qui y vont.
02:01Mais je vous pose la question parce que la pub a parfois, et je ne dis pas que c'est
02:05certainement moindre aujourd'hui, mais a parfois été l'outil du greenwashing.
02:09Clairement et globalement j'ai envie de dire que tous ceux qui ont raconté des histoires
02:14depuis 70 ans, on a quand même créé une culture qui est une culture de la consommation.
02:19Quand on parle de notre société, c'est qu'est-ce que tu fais ce week-end, je vais aller chez
02:23Westfield acheter un truc, t'as besoin de quelque chose, non mais je vais bien trouver
02:26un truc à acheter, donc en fait la volonté de chacun c'est d'aller acheter.
02:30Et pour revenir sur la question du renoncement, oui on renonce à des clients, soit parce
02:37qu'ils ne peuvent pas changer, je fabrique des OGM et je fabriquerai encore des OGM
02:41dans 10 ans, mais il y a d'autres clients qui nous posent des questions où on voit
02:45bien que ce n'est pas leur enjeu principal, c'est-à-dire la recyclabilité du packaging
02:49alors qu'en fait il y a un problème en amont sur les relations avec le monde agricole
02:53par exemple.
02:54Donc on refuse des clients comme ça, ou alors on refuse des clients qui ont un éléphant
02:59dans la pièce.
03:00Je suis une entreprise de BTP, j'ai un projet qui est devenu une ZAD et je veux faire une
03:06communication sur la marque employeur parce que j'ai du mal à recruter, et donc est-ce
03:12que je peux faire une communication de marque employeur ? Mais là on leur dit non, ce
03:15n'est pas possible.
03:16Il faut d'abord traiter ce problème-là qui est le problème premier et essentiel.
03:20Et alors ce qui est intéressant Thomas Parouty, c'est que ça va finalement au-delà de
03:24la communication, c'est-à-dire que vous finissez par rentrer un peu dans le modèle
03:27des entreprises que vous accompagnez, peut-être même de les inciter à le faire évoluer
03:32ce modèle ?
03:33Tout à fait.
03:34Par exemple là en ce moment on est en train de faire une mission qui est la création
03:37d'un éco-score pour l'industriel, donc on va regarder quels sont les éléments qui
03:43font la durabilité du produit et quelle est l'importance de chaque critère, on va pondérer
03:47chaque critère etc.
03:48On arrive avec un éco-score à la fin, une note de 0 à 100, on coupe en cinq tranches
03:54A, B, C, D, E.
03:55Et en fait les directeurs marketing qui ont des produits D et E, en fait ils voient bien
04:00qu'il y a un problème et ils vont transformer leurs produits, ils vont innover pour décarboner
04:04par exemple certains produits parce qu'ils ont 5% de leur chiffre d'affaires qui fait
04:0920% de leur GES, donc ça il faut vite arrêter.
04:12C'est aussi l'exemple assez connu maintenant de Mustela qui a dit on arrête les lingettes
04:17en 2027 parce qu'il y a un problème de recyclabilité et le fait de renoncer, et c'est ça ce qui
04:22est intéressant, c'est qu'en fait ça crée un coup de projecteur sur la marque, ça amène
04:28des nouveaux clients, ça crée de la rentabilité, donc arrêter des produits, de vendre certains
04:33produits, ça augmente le chiffre d'affaires, ce qui est totalement contre-intuitif.
04:36Alors on se pose la question, c'est ce que je disais dans les titres, comment rendre
04:40cette transition environnementale désirable ? Ça passe par quoi ? Ça passe par des
04:44nouvelles idées, par de l'innovation ?
04:46Alors ça passe par des nouveaux récits, ça passe par de l'exemplarité du comité
04:54de direction, il y a de plus en plus de collectifs dans les entreprises et on voit bien qu'il
04:59y a des collectifs d'entreprises, de salariés qui ont envie de pousser à la transformation
05:04de l'entreprise.
05:05Et pour revenir sur les nouveaux récits, en fait c'est des nouvelles façons de raconter
05:09les histoires, c'est-à-dire que pendant très longtemps il y avait un problème, heureusement
05:13il y avait une solution qui était le produit, les pubs Procter des années 80-90, mon t-shirt
05:18est dégueulasse parce qu'il y a à la fois de la boue, du Nutella, etc. et en fait on
05:23le met à la machine et oh magie, ça y est, c'est résolu.
05:26Là aujourd'hui, il faut casser les formats, il faut casser les codes, il faut être beaucoup
05:30plus disruptif, il faut inventer des nouvelles histoires, faire intervenir une plus grande
05:35diversité de personnes et il faut aller à l'encontre des intuitions aussi, c'est-à-dire
05:40qu'une façon de raconter les histoires maintenant c'est de s'appuyer sur des collectifs, des
05:46gens exemplaires, etc. mais s'appuyer aussi sur des nouveaux leviers, les gens ont envie
05:52de partager des moments et je crois qu'en fait quand on interroge les gens, ils n'ont
05:57pas envie de consommer, ils ont envie d'être heureux, d'être ensemble, d'être heureux,
06:01d'être amoureux et maintenant dans les études on commence à apercevoir un certain pourcentage
06:08de la société qui est fière de moins consommer, donc on voit bien qu'on ne peut pas être
06:12dans la consommation permanente et donc il faut raconter des nouvelles histoires, moi
06:16je suis un fan de documentaires, je pense qu'il y a plein d'entreprises pour faire la pédagogie
06:20de ce qu'elles font qui devraient faire plus de documentaires, un peu long format et je
06:24pense qu'il faut dire la vérité en fait et la pub a toujours un peu transformé la
06:28vérité et je crois qu'il faut qu'on revienne à voilà ce que je suis, voilà les défauts
06:33que j'ai.
06:34Oui, assumer ses défauts, montrer qu'on est finalement sur une tendance, un chemin et
06:38ça peut suffire.
06:39On travaille par exemple avec Decathlon, on a fait une campagne avec eux qui disait on
06:43n'est pas parfait mais on essaie de faire de notre mieux et en fait ils expliquaient
06:47leur point d'amélioration, alors ils n'ont pas tout raconté mais en fait aujourd'hui
06:52je crois qu'il est venu le temps de dire voilà on est bon là-dessus, là-dessus, là-dessus,
06:56on est moins bon là-dessus et la franchise est l'honnêteté et la première des qualités.
07:01Mais on l'a bien vu aux dernières élections européennes, tous les électeurs français
07:05ou européens ne sont pas fans des sacrifices et là je reste sur l'ancien discours lié
07:11à la transformation écologique ou environnementale, il y a ceux qui ne veulent rien changer à
07:15leurs habitudes donc ça suppose pour des marques d'accepter de renoncer à certains
07:21clients aussi quitte à en gagner d'autres, plus nombreux ou en tout cas plus fidèles.
07:26Oui mais il y a un exemple par exemple, il y a une banque en Australie qui s'appelle
07:32Bank Australia qui est une coopérative et qui a décidé d'arrêter de financer l'achat
07:39de véhicules thermiques donc évidemment ils ont perdu quelques clients mais certains
07:44de leurs clients sont passés sur le hybride ou l'électrique et il y a plein de nouveaux
07:47clients qui sont arrivés donc ça veut dire que les renoncements sont positifs et les
07:52nouvelles histoires comme ça sont hyper intéressantes parce qu'elles apportent un coup de projecteur
07:56vachement intéressant.
07:57Alors vous êtes au cœur de ces enjeux de RSE et donc j'imagine de la CSRD, de ce
08:03bilan extra-financier qui s'impose petit à petit aux entreprises des plus grandes
08:07aux PME cotées, vous y voyez un accélérateur de ce changement mais peut-être aussi du
08:14récit ?
08:15Aujourd'hui le problème de la CSRD c'est que c'est vu comme une réglementation imposée,
08:19beaucoup de comex la voient comme ça et pas tellement comme une opportunité extraordinaire
08:24d'avoir 1176 data points qui vont nous permettre de mesurer et d'innover, c'est-à-dire
08:29qu'à partir du moment qu'on a tous ces chiffres-là, en fait on sait comment progresser,
08:33un peu comme Youka nous a donné des infos sur les produits et que du coup Intermarché
08:38a changé 850 formules agroalimentaires, mais de la même façon la CSRD va nous permettre
08:43de faire de l'innovation produit et ça c'est une super bonne nouvelle parce qu'on va pouvoir
08:48mesurer le point de départ et les différentes étapes qui auront après et d'ailleurs nous
08:53on voit bien qu'on travaille de moins en moins sur des sujets comme Camporet et de
08:57plus en plus sur des sujets comme produits.
08:59Là récemment on a lancé un produit Safforel, un produit d'hygiène qui était au départ
09:04en plastique avec beaucoup d'eau et un peu de formule magique et petit à petit ils sont
09:08passés sur une gourde en alu qu'on peut garder 10 ans avec un peu de formule magique
09:12qu'on met dans la gourde, on met de l'eau du robinet et du coup ça évite de déplacer
09:16du plastique et de l'eau et tout le monde est content donc il y a de plus en plus d'innovation
09:20produit et donc de comme produit et ça c'est quand même la bonne nouvelle c'est qu'on
09:23est vraiment sur le dur, sur le modèle d'affaires, il va falloir faire des lancements comme ça
09:28fréquemment et c'est comme ça qu'on va réussir à transformer petit à petit, on
09:33ne réussira pas tout le temps mais c'est ces lancements qui vont permettre de changer
09:36un peu le business.
09:37Un dernier mot sur ce qu'on appelle une entreprise à visée régénératrice parce que parfois
09:42quand je parle de RSE j'ai face à moi des gens qui me disent c'est un peu vieillot
09:46ces trois lettres RSE il faut inventer autre chose, est-ce qu'on est dans la com quand
09:49on parle d'une entreprise à visée régénératrice ou est-ce qu'il y a vraiment du fond ?
09:52Alors la RSE c'est souvent limiter les impacts négatifs, avec le régénératif ce qu'il
09:58y a d'intéressant c'est qu'on va vers du positif pendant très longtemps, les dernières
10:01années on disait je veux être net zéro, je veux décarboner, on était dans le négatif.
10:06Il y a des chercheurs de l'université de Maastricht en sociologie qui ont parlé de
10:11l'asymétrie de l'anticipation, c'est-à-dire je veux quelque chose de positif donc ça
10:15c'est le premier point c'est hyper positif.
10:17Après le régénératif qu'est-ce que c'est ? En fait c'est comment on va dans le donut
10:22tous, on connaît le donut à titre individuel et les entreprises aussi doivent se rapprocher
10:27du donut, se limiter à ce qui existe, donc c'est un nouveau projet, c'est hyper intéressant,
10:35on aura peut-être l'occasion d'en reparler.
10:36Écoutez pourquoi pas, merci beaucoup Thomas Parouty et à bientôt sur BeSmart, 4change
10:41on passe tout de suite à notre débat, la précarité étudiante au programme.

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