Aujourd'hui dans le grand entretien, nos invités sont Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT et Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre.
Retrouvez tous les entretiens de 8h20 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-du-week-end
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00:00France Inter, Alibadou, Marion Lourdes, le 6-9.
00:07Et dans le grand entretien ce vendredi, il y a d'un côté l'attente, le temps long
00:11de la politique et l'urgence sociale avec Marion Lourdes, nous avons voulu croiser
00:17les regards, celui de la secrétaire générale de la CFDT et celui du délégué général
00:23de la fondation Abbé Pierre, ils sont tous les deux membres du pacte du pouvoir de vivre
00:29dans une plateforme qui défend des mesures d'urgence pour changer, améliorer la vie
00:34des français et beaucoup de questions en découlent.
00:37Si vous voulez intervenir, chers auditeurs, le 01 45 24 7000 ou l'application France
00:43Inter.
00:44Marie-Lise Léon, Christophe Aurobert, bonjour à tous les deux.
00:46Bonjour.
00:47Bonjour.
00:48Et bienvenue dans quel état est-on lorsqu'on est à la tête du premier syndicat de France,
00:53Marie-Lise Léon et qu'on attend le nom du prochain premier ministre ? Est-ce que vous
00:58êtes impatiente ? Est-ce que vous y êtes indifférente ?
01:02Non, certainement pas indifférente.
01:03Impatiente, c'est sûr et notamment parce qu'il y a énormément d'attentes, vous l'avez
01:09évoquée, des attentes sociales, des attentes sur la question des transitions écologiques,
01:14numériques.
01:15Le monde du travail est en train complètement d'être bouleversé, les inégalités se
01:19creusent donc nous sommes extrêmement impatients à la CFDT mais je crois que c'est le cas
01:23de toutes les organisations du pacte du pouvoir de vivre.
01:26Vous êtes impatiente et vous avez une idée, une préférence ?
01:28Non, pas de préférence parce qu'en fait la question du « qui » n'est pas tellement
01:32mon problème.
01:33La question c'est le « pourquoi faire ? »
01:35Christophe Robert, même question, est-ce que vous vivez ce moment suspendu ou latent
01:40de la nomination d'un premier ministre avec impatience ?
01:44On le vit plutôt mal, nous les organisations du pacte.
01:47Mal ?
01:48Oui.
01:49Parce que l'immobilisme dans lequel s'installe la France pose un énorme problème à tous
01:54ceux qui souffrent, à tous ceux qui ne savent pas où on va, à tous ceux qui ont des inquiétudes,
02:00parfois sont en colère, franchement, sur les questions écologiques dont parlait Marie-Elise,
02:06tous ceux qui souffrent de difficultés dans le logement, pour se soigner, pour se déplacer.
02:10Tout cela que nous nous voyons avec les organisations du pacte, plus 60 organisations, c'est les
02:15centaines de milliers de personnes, de bénévoles, de salariés, d'organisations aussi économiques.
02:20De dire « mais écoutez, pendant ce temps-là, on ne bouge pas ». C'est une forme d'immobilisme
02:24qui est préoccupant, et je crois que nos concitoyens, certains commentateurs peuvent
02:27peut-être trouver ça sympathique, ça les amuse peut-être, mais je ne crois pas que
02:30ça amuse beaucoup nos concitoyens.
02:31On entend votre colère, pour le coup, Christophe Robert.
02:33Écoutez, on serait dans un épisode unique, mais il se succède ces épisodes.
02:38En fait, à une crise démocratique, on rajoute une crise politique, mais les urgences sont
02:42là, et donc la nécessité d'agir concrètement pour les gens, pour le développement économique,
02:46pour les territoires, elle est là.
02:48Et qui a la responsabilité de piloter ça ? Le politique, si vous voulez.
02:53On le disait tout à l'heure, Marie-Lise Léon, dans le débat ECHO, la France n'a pas de budget
02:56pour 2025, c'est une loi spéciale qui est en place, et ça, ça a des conséquences
03:01concrètes aussi, mais très concrètes pour les salariés, par exemple les chèques restaurants,
03:04les titres de transport.
03:05Oui, exactement.
03:06On est un peu en stand-by, on parle d'immobilisme, moi je parle de paralysie, c'est-à-dire qu'on
03:12voit qu'on est complètement à l'arrêt, et qu'il y a un certain nombre de conséquences
03:16extrêmement concrètes pour les travailleurs et les citoyens en général, et donc c'est
03:21encore reporté à plus tard, parce qu'il y aura bien un budget, il y aura bien un débat
03:25en début d'année prochaine.
03:26En attendant, on voit que les attentes sont fortes, les difficultés sont croissantes
03:31pour un certain nombre de citoyens et de citoyennes.
03:33Les chefs d'entreprise s'inquiètent, le patron des patrons dit qu'il va avoir un
03:38recul de l'investissement, avec des conséquences possibles pour les salariés.
03:40Alors, il y a effectivement un signal qui est donné au monde économique, et qui paralysie
03:45aussi un certain nombre d'investissements, c'est vrai, mais ça paralyse aussi la
03:51question des négociations salariales.
03:53Les entreprises sont extrêmement prudentes, et donc ça bloque véritablement un certain
03:58nombre de discussions et d'avancées qui sont pourtant urgentes pour beaucoup de travailleurs.
04:04Quand on dit vivre dignement de son travail, pouvoir boucler les fins de mois, être hébergé
04:09dignement, ça ce sont des questions extrêmement concrètes, et on évoque la question de la
04:14crise politique et démocratique.
04:16Moi, ce que je crains, et ce qui m'inquiète profondément, c'est la distance qui est
04:22en train de s'installer entre les citoyens et les responsables politiques.
04:25Christophe Robert, vous la ressentez cette rupture entre les politiques, et puis d'un
04:29côté, et puis de l'autre côté, des citoyens qui vont avoir des difficultés de vie quotidienne ?
04:32Ah oui, on la ressent très fort, on la ressent très fort du côté des travailleurs, du
04:38côté des agriculteurs, des professionnels de santé, des professionnels de l'action
04:42sociale, qui se retrouvent face à une misère, face à des difficultés, et pas de réponse
04:48en face.
04:49Des personnes à la rue, par exemple, pour lesquelles le nombre de personnes sans domicile
04:53a doublé en dix ans, tous ceux qui interviennent auprès de ces personnes, ils le font pour
04:57aider ces personnes.
04:58Les chiffres sont sidérants, les nombres de sans-domiciles fixes, rappelez-nous…
05:02Chaque soir, des personnes appellent le 115, ce numéro d'urgence, et c'est à peu près
05:076-7000 personnes à qui on ne propose pas de solution, dont 2000 enfants.
05:10Et on dit dans certains départements « Ah, mais vous avez des enfants de plus de 3 ans ! »
05:14Ah ben non, nous on ne prend que les enfants de moins de 3 ans, parce que l'hébergement
05:16d'urgence est saturé.
05:18C'est un exemple parmi d'autres.
05:19Sur la rénovation thermique des logements, dont on sait par exemple que c'est une mesure
05:22qui justement est très pâque du pouvoir de vivre.
05:25Pourquoi ? Parce qu'elle redonnerait du pouvoir d'achat aux ménages en baissant
05:27les consommations d'énergie, mais en même temps, elle créerait du développement économique
05:31et elle limiterait les effets de gaz à effet de serre.
05:32On a eu des « stop and go » pas possibles, on va rajouter un milliard, on va enlever
05:36un milliard.
05:37Pourquoi voulez-vous que tous les acteurs qui sont dans la recherche de la réponse
05:41aux côtés, dans les territoires ruraux, dans les territoires urbains, les quartiers
05:44populaires, pour apporter des solutions, puissent se projeter, puissent se développer dans
05:49cet esprit-là ? Maintenant, le président de la République a dit « Le maître mot
05:54du futur gouvernement, ça sera l'intérêt général ». Et ça tombe bien, parce que
05:58c'est exactement ce que nous portons, nous, au sein du pacte du pouvoir de vivre, donc
06:01nous lançons un appel.
06:02Dire écoutez, nous, on veut prendre notre part dans cette histoire-là, parce qu'on
06:06voit des gens tous les jours, dans tous les territoires du pays.
06:09Ça tombe bien parce qu'on voit aussi des signaux faibles, quand les difficultés s'amoncèlent,
06:14quand on voit des choses nouvelles qui se reproduisent.
06:15NICOLAS ROCHEFORT « Lesquelles par exemple ? »
06:16Écoutez, il y a la difficulté de se soigner, très fortement, la difficulté de pouvoir
06:21se déplacer.
06:22Beaucoup de gens n'ont pas de solution, ils sont très inquiets, par exemple, parce
06:25qu'ils n'ont pas accès à la voiture électrique.
06:26Il faut absolument accroître le leasing social, vous voyez, une mesure comme celle-ci.
06:30Aujourd'hui, par exemple, le chèque énergie qui aide les personnes à se chauffer.
06:35Il y a un changement, parce qu'avec l'administration, c'est compliqué, je vous explique, c'est
06:38technique, on va dire.
06:39Ils ne sont pas sûrs de recevoir leur chèque énergie, pour payer leur facture d'énergie,
06:43parce que la plateforme n'est pas opérationnelle, ou les modalités ne sont pas réunies.
06:47Pendant ce temps-là, c'est 150 euros qu'on ne va pas avoir pour pouvoir se chauffer.
06:51Donc, on pourrait multiplier ces exemples-là, et nous, on dit, on peut vous dire où en
06:56est l'état du pays, où sont les besoins, où sont les souffrances, mais aussi on peut
07:00le mettre en œuvre.
07:01Ce n'est pas la société depuis le perron de l'Elysée, de Matignon, de tel ou tel
07:05ministère.
07:06Et nous, on peut, nous, les organisations du Pacte, comme d'autres, mettre en œuvre
07:09un vrai projet de société autour de cette notion d'intérêt général.
07:13Mais il faut le faire concrètement, il ne faut pas que ça soit des mots, les gens
07:15n'y croient plus autrement.
07:16Vous parliez depuis tout à l'heure du Pacte du pouvoir de vivre, en fait, c'était
07:19une initiative qui avait été lancée par 19 organisations, dont la vôtre, et les
07:23deux vôtres d'ailleurs, avec notamment Laurent Berger à l'époque, c'était il y a 5
07:28ans.
07:29Pourquoi est-ce qu'il serait appliqué maintenant ? Parce que quand on lit la presse, par exemple,
07:31on voit qu'il y a des mesures de salaire qui sont prévues dans le Pacte du pouvoir
07:34de vivre.
07:35On voit qu'en fait, les patrons prévoient d'augmenter moins les salaires pour l'année
07:38qui vient.
07:39Ça ne prend pas le chemin de l'application de ce pacte.
07:41Pourquoi maintenant ?
07:42Parce que l'urgence est là, l'urgence sociale, l'urgence écologique, l'urgence
07:47démocratique.
07:48Nous, on a fait notre boulot, nous, on a fait la démonstration à plus de 60 organisations
07:51que la construction de compromis, elle est possible.
07:54On n'est pas dans le Yaka Faucon, on n'est pas là pour donner des leçons aux responsables
07:58politiques.
07:59On est là pour faire la démonstration que c'est possible, que c'est possible.
08:02Et moi, ma question n'est pas de savoir qui va être Premier ministre, c'est quoi le
08:06projet ?
08:07Quelle est la possibilité de tracer un chemin entre des formations politiques qui brandissent
08:14des dogmes et qui sont plutôt intéressées pour savoir qui sera candidat à telle et
08:19telle élection, donc à telle et telle échéance ?
08:21Et donc, comme le dit Christophe, nous, l'enjeu aujourd'hui, c'est de dire qu'il faut que
08:25la société civile soit de cette construction de nouveaux équilibres qui nous permettent
08:32à la fois de sortir de l'ensemble des urgences et de pouvoir faire en sorte que ce soit mis
08:37en œuvre.
08:38On ne peut pas transformer la société avec des slogans.
08:41Il faut pouvoir véritablement avoir des propositions concrètes et savoir de qui on parle.
08:47Et en fait, ce qui est aujourd'hui au cœur de la crise démocratique de mon point de
08:50vue, c'est que les citoyens ne se sentent pas écoutés et se sentent invisibles dans
08:57l'ensemble des discussions qu'il peut y avoir dans la période.
09:00C'est un sujet que vous suivez de près à la CFDT avec l'un de nos grands intellectuels
09:05qui est proche de votre organisation, Pierre Rosanvalon.
09:08Cette question de la défiance démocratique, elle s'incarne par les manifestations par
09:13exemple, par tous les contre-pouvoirs.
09:16Pourquoi ne pas avoir défilé hier pour l'emploi et l'industrie avec d'autres organisations ?
09:21Je pense à la CGT pour en appeler à l'État pour qu'il agisse et intervienne pour que
09:28les plans sociaux à Auchan, à Michelin, etc. ne se multiplient pas et que la casse
09:33sociale ne soit pas trop violente.
09:35On a fait le choix d'être aux côtés des salariés directement concernés.
09:40Moi j'étais samedi avec les salariés de Decathlon par exemple, qui voit une négociation
09:46salariale avec une proposition à zéro alors qu'on a un groupe qui fait un milliard et
09:51qui distribue un milliard de dividendes.
09:53Donc l'enjeu de cette justice sociale, elle se vit avec les salariés sur les lieux de travail.
09:58Et vous évoquiez Auchan, Michelin, on est aussi nous mobilisés pour des entreprises
10:05comme Vancorex, une usine de la chimie.
10:08Le travail syndical il se fait bien, il se fait par des mobilisations mais pas toujours
10:15dans le cadre de défilés dans la rue.
10:17L'attente aujourd'hui des salariés c'est surtout d'avoir des réponses concrètes.
10:21Et donc c'est ce à quoi nous on travaille avec eux dans les entreprises.
10:25Christophe Robert, vous faites le même constat sur ces piliers essentiels de la démocratie
10:31qui devraient être le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, la société civile.
10:34Finalement les deux premiers sont en crise, donc vous êtes là pour pallier ?
10:38Non, je pense que c'est complémentaire.
10:40Mais le problème c'est que, je vais prendre un exemple, le Président de la République
10:44avait lancé le Conseil National de la Refondation.
10:48Nous avions participé à ce Conseil National avec Marelis, des organisations du Pacte
10:52du Pouvoir de Vie, des mutuelles, d'autres associations dans le domaine de la santé,
10:56du logement, des mobilités, de la question écologique.
10:59On s'y était engagé.
11:00Et voilà.
11:01Mais la question elle est là.
11:03Après moi on m'a proposé par exemple de piloter le CNR Logement.
11:06On a travaillé pendant six mois avec tous les acteurs.
11:08On a fait ce travail de consensus, transpartisan en quelque sorte, où on oublie un peu qui
11:13on est et on se préoccupe un peu des territoires et des gens.
11:16Six mois de boulot.
11:17Six mois de boulot.
11:18Et quelle conclusion ?
11:20De conclusion, nous, hyper intéressante, sincèrement, parce que la commande qu'on
11:25avait faite avec Véronique Bédague, avec qui on a piloté ce CNR, c'était de dire
11:29« oublions d'où nous parlons et pensons territoire et besoin des gens et développement
11:33économique ».
11:34Les propositions du coup étaient fascinantes pour relancer, vous savez que la question
11:38du logement aujourd'hui elle est à l'arrêt, on n'a jamais aussi peu construit, la baisse
11:41du logement social, des coûts budgétaires colossales depuis 2018 et bien sûr derrière
11:45des souffrances très importantes et des territoires en difficulté.
11:48C'est là où, dans ce triptyque dont vous parliez, le gouvernement, le parlement et
11:54la société civile organisée, oui, il faut les articuler.
11:58Nous, on est prêts à prendre notre part, on tend la perche, pour le premier ministre
12:01qui va être nommé, peut-être aujourd'hui…
12:03Tendre la perche ou construire un rapport de force ?
12:05Tendre la perche, trait d'union, en amont, en aval, pour dire quels pourraient être
12:10les besoins et comment on va les mettre en œuvre, à condition de partager évidemment
12:13les orientations, sur le plan démocratique, sur la politique sociale, écologique, sur
12:18la solidarité dans notre pays, sur la lutte contre la discrimination, vous voyez ces sujets
12:21qui sont majeurs.
12:22Mais après, il faut prendre au sérieux cette histoire-là.
12:25Quand on fait bosser 6 mois les acteurs du logement, les associations, les syndicats,
12:29les mutuelles ou d'autres, eh, il faut en tenir compte !
12:32Ça n'a pas été le cas ?
12:33Ça n'a pas été le cas.
12:34A charge donc, peut-être, au prochain premier ministre, de se pencher sur ses différents
12:39dossiers.
12:40Bonjour Agnès, et bienvenue sur France Inter.
12:42Bonjour, alors, je voulais vous remercier d'inviter des gens aussi inspirants que
12:49les deux personnes que vous avez ce matin et dont j'ai oublié le nom.
12:53Alors, il s'agit de Marylise Lebranchu qui dirige le Prénom de l'État.
12:56Léon, Léon !
12:57Marylise Léon, bah oui !
12:58Lebranchu, pardon pour le lapsus.
13:00Oui, merci de me rappeler aussi qui est en plateau avec nous ce matin.
13:04Marylise Léon à la tête de la CFDT et Christophe Robert à la terre de la Fondation Abbé Pierre.
13:10Voilà, alors, je vous ai entendu parler d'intérêt général et tout le monde a effectivement
13:16ce mot à la bouche.
13:17Moi, mon questionnement c'est où place-t-on le curseur de l'intérêt général ?
13:23Est-ce que vous ne redoutez pas que les gouvernants placent l'intérêt général plus à un niveau
13:32économique et financier plutôt qu'à un niveau humain qui semble être plutôt votre
13:37combat et que je défends aussi, moi ?
13:40Merci Agnès pour votre intervention et votre question, Christophe Robert.
13:44Je pense qu'Agnès pose la question qui est au centre des enjeux d'aujourd'hui.
13:48Nous avons un modèle de protection sociale en France qui est performant, en tout cas
13:53si on le compare, à l'échelle de bien d'autres pays sur d'autres continents.
13:56Néanmoins, il est en train de baisser de voilure, en quelque sorte.
14:02Un peu comme on l'a vu, vous voyez, dans le domaine de la santé.
14:04Parce que c'est difficile à apprécier ça dans le temps.
14:06De décision en décision, on a vu la santé, les urgences, les hôpitaux être moins en
14:12capacité de répondre aux besoins de nos concitoyens.
14:15Et bien dans le domaine de la protection sociale, c'est le débat que nous devons avoir dans
14:19le pays.
14:20Qu'est-ce que nous voulons ?
14:21Est-ce que nous voulons rester à un niveau très haut ?
14:23Celui qui protège, celui qu'on vante quand il y a des crises, par exemple, pendant la
14:27période Covid ou quand il y a des crises financières, comme en 2008, on dit « oui
14:30mais la France, on est plus protégé que les autres parce qu'on a ce modèle social
14:34». Pourquoi ne serait-il pas performant tout au long de l'année, tout au long des
14:38mois ? Vous voyez ce que je veux dire ? Et ce débat-là, nous ne l'avons pas eu.
14:42Or, ce que j'entends d'un certain nombre de responsables politiques, ce qu'on entend
14:45dans le pacte du pouvoir du vide d'un certain nombre de responsables politiques, c'est
14:48que, finalement, il faudrait peut-être baisser un peu la voilure, rattraper le niveau moyen
14:52européen.
14:53Nous pensons, nous, que c'est une erreur.
14:56Et nous voulons avoir ce débat dans la société, nous voulons faire partie de la solution et
15:00partie du débat.
15:01D'autres auditeurs ont d'autres points de vue, évidemment.
15:04Marie-Lise Léon, c'est Franck, par exemple, qui dit que s'il comprend bien, l'intérêt
15:08général, c'est payer, payer, payer, donner des chèques, donner des aides, mais en bout
15:13de chaîne, qui ?
15:14Pas du tout.
15:15Va payer.
15:16Pas du tout, dit Christophe Robert.
15:17Pas du tout.
15:18Non, bien sûr que non.
15:19La question n'est pas de distribuer sans compter, d'une part, mais c'est de tenir
15:23compte de la situation réelle des plus éloignés de l'emploi, des personnes qui sont en grande
15:28difficulté.
15:29Je pense qu'au cœur de l'intérêt général, notre ciment, c'est la question de la solidarité.
15:34Est-ce qu'on veut vivre dans une société où c'est chacun pour soi ou est-ce qu'on
15:38est sur un projet de société où on se dit on fait attention et on prend soin les uns
15:43des autres ?
15:44C'est ça le cœur du réacteur.
15:45Et pour compléter ce qui a été évoqué sur les questions économiques et financières,
15:50je pense que ce qui est mortifère quand on va aborder les questions d'intérêt général,
15:55c'est de regarder les questions économiques en 2024 comme on le faisait il y a 40 ou
15:5950 ans.
16:00Aujourd'hui, on ne peut plus regarder les questions économiques sans changer de lunettes
16:04et sans se dire à un moment quel est l'impact économique de mon activité sur la nature
16:09et sur l'écologie.
16:10Je pense que c'est fondamental.
16:12Oui, juste un petit point, si vous permettez, parce que par rapport à votre auditeur, on
16:15a conscience du déficit du pays.
16:17Nous avons vu deux semaines avant la destitution de M.
16:19Barnier, ses conseillers, pour proposer au nom du pacte du pouvoir de vivre, un budget
16:23beaucoup plus équilibré mais beaucoup plus équitable aussi.
16:26Et donc il y a des dépenses néfastes que l'on peut réduire et on peut aussi peut-être
16:30contribuer davantage quand on a plus de ressources.
16:32Je vous donne un exemple, il a été décidé de supprimer la taxe d'habitation.
16:35Alors pour 80 des ménages, on peut dire que c'est une mesure de pouvoir d'achat.
16:40Mais après, on l'a supprimée pour les 20% les plus riches.
16:43Ça a rajouté 10 milliards d'euros en moins qui rentrent dans les caisses de l'État.
16:46Mais ces gens-là, ils peuvent payer cette taxe d'habitation pour financer cette protection
16:50sociale dont vient de parler Marie-Lise et aussi les investissements, nous en avons besoin
16:55pour la transition écologique, accompagner les secteurs économiques dans ces transitions
16:59écologiques, dans l'agriculture, dans l'automobile, dans le logement.
17:02Vous voyez ce que je veux dire.
17:03Donc on a bien conscience par rapport à l'action de votre auditeur de la situation, ce n'est
17:07pas d'échec d'échec, c'est partager les richesses davantage et aller faire la
17:11chasse aux dépenses néfastes.
17:13Alors dans ce contexte, Christophe Robert, il y a quand même une bonne surprise dans
17:17le journal La Croix.
17:18Les Français disent qu'ils donnent de plus en plus, plus de 9 milliards d'euros en 2022.
17:23Alors les chiffres datent d'il y a deux ans, 8% de plus, est-ce que ça vous surprend ? Des
17:28montants qui ont doublé pour les particuliers.
17:30Ça ne surprend pas, je vais vous dire pourquoi.
17:31Nous ce qu'on voit dans le pacte, avec tous les bénévoles, avec tous les salariés,
17:34les associations, les mutuelles, les fondations, l'économie sociale et solidaire, c'est
17:38des engagements de personnes en bénévolat énormes, du don qui est vraiment important,
17:43de la volonté de partager, la solidarité de proximité quand une personne est en difficulté.
17:48Vous voyez ce que je veux dire.
17:49Je pense que la société française est solidaire et qu'elle n'est pas à l'image de ce
17:54que donne à voir le spectacle politique d'aujourd'hui.
17:56Alors il y a une question particulière pour vous qui êtes à la fondation Abbé Pierre.
18:00On sait qu'il a été accusé, l'Abbé Pierre qui est aujourd'hui décédé, de viols,
18:03d'agressions sexuelles récemment.
18:04Ça, ça n'a pas un impact sur la générosité des Français envers votre association ?
18:08Si, parce que nous avons choisi de créer une cellule d'écoute à partir d'un premier
18:13témoignage avec le mouvement Emmaüs et à cette occasion-là, on a découvert d'autres
18:18témoignages de personnes victimes des graves agissements de l'Abbé Pierre.
18:22Nous les avons rendus publics avec le mouvement Emmaüs.
18:25Nous avons pensé que c'était nécessaire de le faire et en même temps, il y a des
18:29personnes qui nous disent « oui, mais l'Abbé Pierre, il est mort depuis 14 ans, il ne peut
18:32pas se défendre ». Donc voilà, il y a du débat dans cette société, mais ces choix,
18:36on les a faits.
18:37Là, on est en train de parler du pacte du pouvoir de vivre, on a déjà beaucoup communiqué
18:39sur cette histoire de l'Abbé Pierre.
18:40Oui, mais c'est mal pris sur la question des dons.
18:41Je vous comprends évidemment, c'est une situation dure et grave.
18:45Mais le monde, le journal aujourd'hui révèle des lettres de l'Abbé Pierre qui voit remettre
18:53ses pulsions, ses origines, les origines de son parcours de prédateur sexuel.
19:00Vous deviez changer de nom, vous en êtes où ?
19:01C'est en cours, mais il y a des démarches administratives, ministère de l'Intérieur,
19:05conseil d'État, parce qu'on est une fondation reconnue d'une unité publique.
19:07Donc la demande a été faite.
19:08C'est pour bientôt.
19:09Moi je pense que quand on parle d'engagement aussi, et vous évoquiez la générosité
19:15en dons, moi je voulais aussi pointer l'envie d'engagement, l'envie d'être bénévole,
19:21de prendre sa part, de monter des projets.
19:23Nous on voit au cœur des plus de 60 organisations qu'on représente, une envie d'engagement.
19:29C'est-à-dire que nous ne constatons pas du tout le repli sur soi.
19:33Il y a envie de faire, il y a envie de s'investir, de voir des actions concrètes menées.
19:37Le pacte c'est aussi plus de 40 groupes locaux avec des projets extrêmement concrets.
19:42Et c'est ça aussi qu'il faut pouvoir sentir et dont il faut tenir compte.
19:48Tout ne passe pas au prisme d'un tableau Excel où on va compter en euros.
19:52Il y a aussi cet investissement humain qui est extrêmement important.
19:56Et je pense que c'est vraiment une chance pour notre pays et la situation dans laquelle
20:00on se trouve aujourd'hui.
20:01Christophe Robert, est-ce que votre association peut constater justement la mobilisation de
20:07nombreux bénévoles ? L'hiver approche, le froid s'installe, comme chaque année.
20:12Évidemment, est-ce que vous manquez de moyens ou est-ce qu'aujourd'hui on est dans une
20:16situation peut-être plus favorable, plus efficace que l'année passée ?
20:20Non, on est dans une situation très très dure.
20:22Sur le front des personnes sans domicile, je l'ai dit tout à l'heure, on a doublé
20:26le nombre d'enfants à la rue en 10 ans, si vous voulez.
20:28On se rappelle de la promesse d'Emmanuel Macron avant son élection ? Plus personne
20:32à la rue.
20:33Oui.
20:34Et aujourd'hui, qu'est-ce qu'on fait ? On trie les personnes, les ultra-prioritaires
20:36parmi les prioritaires et on manque de moyens pour aider.
20:39C'est-à-dire que nous on finance 900 projets par an de 500 associations grâce à la générosité
20:43du public.
20:44C'est pour ça que les associations nous appellent, elles sont en difficulté énorme.
20:47Mais vous voyez le débat qu'on a sur l'action publique ? Parce qu'on avait fait prendre
20:51conscience à l'époque au ministre du Logement, Patrice Vergrit, de cette situation catastrophique
20:56pour les personnes à la rue, qui appellent le 115 et à qui on ne propose aucune solution.
21:00Au bout de 4 mois, il avait dit « mais effectivement, c'est trop grave, on va débloquer 120 millions ».
21:04Et puis il y a eu un changement de ministre, et puis on nous a dit « là, il y a deux
21:08mois, ah ben non, c'est oublié ». Alors qu'on avait félicité l'action gouvernementale
21:11parce qu'on sait aussi dire quand c'est bien, dans les organisations du pacte.
21:15Vous vous rendez compte ? Vous m'avez dit « allez, c'est bon, on aura 120 millions,
21:18on va pouvoir augmenter les capacités de mise à l'abri ou de solution de logement
21:22pour les personnes ». Cette promesse de l'État, aujourd'hui, elle n'est plus là.
21:26Et ça, on ne peut pas.
21:27On ne peut pas travailler dans ces conditions.
21:29Dans un pays comme le nôtre, on a besoin de perspectives, on a besoin de savoir où
21:32on va et on a besoin de protéger.
21:34Là, vous parlez des avantages de l'instabilité actuelle, mais en même temps, par exemple,
21:39la question des retraites, elle va peut-être être remise en cause, la réforme des retraites.
21:44Le parti socialiste, en tout cas, l'a demandé.
21:46Il a demandé qu'elle soit gelée.
21:47Peut-être qu'il pourrait y avoir une conférence sur le financement.
21:49Ça, c'est plutôt une bonne nouvelle pour les organisations syndicales.
21:51Oui, parce que c'est aussi une forte attente sociale.
21:53On a connu un mouvement historique de mobilisation contre cette réforme de report de l'âge
22:00légal.
22:01Voilà, pour la CFDT, les opportunités, s'il y a des opportunités, il faut les saisir
22:05maintenant.
22:06La question aujourd'hui, c'est aussi de pouvoir trouver un compromis.
22:10C'est-à-dire qu'on a d'un côté ceux qui nous disent « c'est la réforme avec la
22:14réforme ». Nous, on est sur l'abrogation de ces 64 ans en disant « c'est profondément
22:19injuste, il y a beaucoup de salariés qui ne peuvent pas aller jusqu'à cet âge ».
22:23Qu'est-ce qu'on trouve comme chemin pour pouvoir continuer d'avancer et répondre
22:28à cette question sociale ? Donc ça, c'est effectivement, ça sera un des sujets à ouvrir
22:34avec le nouveau Premier ministre.
22:36Et Christophe Robert, dans les avantages peut-être de cette instabilité, il y a aussi le fait
22:40que les pensions retraites, qui devaient cesser d'être indexées en partie l'année prochaine
22:45dans le budget, finalement elles vont suivre l'inflation comme prévu.
22:49Oui, pour les petites retraites, ce serait vraiment important.
22:52Je crois qu'il y avait déjà eu un recadrage sur les petites retraites, jusqu'à 2,5.
22:56S'il reste un tout petit moment, par rapport à ce que disait Marie-Elise tout à l'heure,
23:01je voudrais quand même, par rapport au futur Premier ministre, au futur gouvernement, toutes
23:04ces actions solidaires, tout ce qui tourne autour de l'intérêt général dans l'économie
23:07sociale et solidaire, les fondations, les syndicats, les mutuelles, etc.
23:10C'est des centaines de milliers d'emplois, c'est des centaines de milliers d'actions,
23:15partout sur les territoires ruraux, périurbains, les quartiers populaires, les métropoles.
23:20Aujourd'hui, on empêche leur démultiplication.
23:25On rend difficile la continuité de leur action.
23:30Sur le plan de la santé, des mobilités, du logement, du travail.
23:34Il faut les écouter, ces réalités-là, et il faut les démultiplier.
23:39Et nous, on a cette capacité-là, nous comme d'autres, pour pouvoir le faire.
23:43Encore une fois, les gouvernements parlent souvent du dernier kilomètre.
23:47On disait tout à l'heure, on ne change pas la société par décret, ni depuis le
23:52perron de l'Elysée.
23:53Faites-le avec les gens, faites-le avec les Français, faites-le avec les organisations
23:57du pacte.
23:58C'est peut-être une petite lueur d'espoir, à condition d'être entendu dans cet esprit-là.
24:01Ça, c'est vraiment le plus grand souhait.
24:02Le message est passé, en tout cas, pour le prochain Premier ministre, ou la prochaine
24:07Première Ministre.
24:08On attend l'annonce par l'Elysée dans quelques minutes, heures, jours, on ne sait pas.
24:14Merci infiniment, en tout cas, Marylise Léon et Christophe Robert d'avoir été les invités d'Inter.