Avec Olivier Lepick, chercheur associé à la Fondation de la recherche stratégique (FRS)
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NewsTranscription
00:00Le Grand Matin Sud Radio, 7h-9h, Jean-Jacques Bourdin.
00:04Olivier Lepic est avec nous, chercheur associé à la Fondation de la Recherche Stratégique.
00:08Olivier Lepic, bonjour.
00:09Bonjour.
00:10Merci d'être avec nous, ça fait longtemps qu'on ne s'était pas eus.
00:13Nous avions réalisé ensemble de nombreuses interviews sur RMC.
00:18Je suis content de vous accueillir sur Sud Radio.
00:20Le prix Nobel de la paix a été décerné hier au Nyon Hidankyo.
00:25Est-ce que je prononce bien, non ?
00:27Non, pas tellement, mais ce n'est pas grave.
00:31Groupe japonais de survivants de la bombe atomique d'Hiroshima et Nagasaki.
00:38Je rappelle les bombardements américains sur ces deux villes japonaises
00:41les 6 et 9 août 1945 qui ont fait 214 000 morts et précipitaires.
00:47Je ne parle pas des survivants estropiés ou des survivants qui ont mal vécu,
00:53très mal vécu la suite.
00:55Ça a précipité la capitulation du Japon ainsi que la fin de la seconde guerre mondiale.
01:00Bien, le prix Nobel de la paix décernait donc à ce groupe japonais de survivants,
01:05ce groupe qui demande, qui exige de la part des gouvernements
01:11l'objectif d'une planète débarrassée de ses armes de destruction massive.
01:16Mais je vous pose la question,
01:18est-ce que la bombe nucléaire n'est pas justement le meilleur moyen de se défendre ?
01:23Alors oui, dans une certaine mesure on peut affirmer que
01:26l'apparition de l'arme nucléaire après la seconde guerre mondiale
01:29a permis une certaine stabilisation et une période relativement...
01:33relativement, parce qu'il y a eu quand même un certain nombre de conflits,
01:36mais pas de conflits entre les grandes puissances nucléaires
01:38puisque effectivement la notion de dissuasion nucléaire
01:41et la capacité d'autodestruction réciproque des belligérants
01:44a fait que pendant une certaine période,
01:47qui peut être d'ailleurs en train de toucher à sa fin,
01:50l'arme nucléaire a été un facteur de stabilité plus qu'un facteur de guerre.
01:54Vous venez de dire, pendant une certaine période
01:58qui est peut-être en train de toucher à sa fin,
02:01c'était une arme de dissuasion et non pas une arme de guerre.
02:04Vous pensez qu'aujourd'hui le monde est en équilibre,
02:08instable, avec la possibilité qu'un pays ou qu'un dirigeant
02:14tout à coup utilise l'arme nucléaire ?
02:18Alors, je pense que ce prix n'arrive pas à un moment...
02:22Par hasard ?
02:24Ah par hasard !
02:26L'Académie Nobel est dans son rôle,
02:28elle a déjà décerné en 2017 un collectif d'ONG
02:31qui milite contre la disparition des armes nucléaires ce prix,
02:35mais effectivement il arrive, et d'ailleurs on l'a vu dans les discours hier,
02:38que les récipiendaires ont stigmatisé notamment l'attitude de la Russie
02:43et de M. Vladimir Poutine, qui depuis le début du conflit en Ukraine
02:47agitent de manière assez régulière le spectre d'utilisation de l'arme nucléaire,
02:52cette fois-ci pas dans un cadre de dissuasion,
02:54mais dans un cadre tactique, de théâtre,
02:57et effectivement on constate, de part ses gesticulations,
03:03je pense que M. Poutine n'utilisera pas l'arme nucléaire,
03:05mais un certain nombre de facteurs qui pourraient contribuer
03:08non seulement à une prolifération supplémentaire,
03:10aujourd'hui il y a neuf puissances nucléaires,
03:12huit officielles et une non officielle, qui est Israël,
03:15mais on constate au fil de ces gesticulations
03:19qu'un certain nombre de pays pourraient,
03:21on pense à l'Iran, on pense même à l'Ukraine,
03:23qui s'est débarrassée de son arsenal nucléaire en 1994
03:26au terme d'un traité signé avec la Russie,
03:29contre des engagements de protection de son intégrité territoriale,
03:32un certain nombre de pays pourraient se dire
03:34la seule façon de me protéger et de garder ma souveraineté territoriale
03:38c'est de me doter de l'arme nucléaire.
03:40C'est exactement la logique dans laquelle est l'Iran aujourd'hui,
03:43dans laquelle d'ailleurs l'Ukraine réfléchit,
03:45même si ce serait très compliqué pour l'Ukraine
03:47de se doter de l'arme nucléaire.
03:49Et donc on a une modification de la doctrine nucléaire russe
03:54qui a été annoncée il y a quelques jours par Vladimir Poutine
03:58qui pourrait effectivement modifier cet équilibre
04:01qui a été celui de la guerre froide, de la dissuasion
04:03et du non-emploi de l'arme nucléaire.
04:05Olivier Lepic, et puis il y a un pays menaçant,
04:08un pays qui inquiète beaucoup de monde, c'est la Corée du Nord.
04:11La Corée du Nord qui multiplie les tirs de missiles balistiques.
04:15Ça veut dire quoi ?
04:16Ça veut dire que si par hasard, par un hasard effroyable,
04:20la Corée du Nord tirait un missile balistique
04:22en direction des États-Unis pour viser par exemple Washington,
04:26la Maison-Blanche ou le Pentagone,
04:28ce serait le déclenchement d'une guerre nucléaire mondiale
04:31et donc la fin de l'humanité.
04:34Alors écoutez, je n'irai pas jusque là.
04:35Je pense qu'aussi fou que puisse paraître le régime nord-coréen,
04:39il entend se doter de l'arme nucléaire pour protéger son régime.
04:44On l'espère.
04:46Encore une fois, il faut compter,
04:48même si l'apparence est parfois trompeuse
04:51et les actes du régime sont parfois irrationnels,
04:54on est dans une logique très rationnelle au contraire
04:56de protection du régime.
04:59Malgré les tirs, malgré les essais,
05:01je ne pense pas que la Corée du Nord,
05:03qui signerait immédiatement la fin de son existence
05:06si elle menait une initiative nucléaire
05:08contre un pays de la région ou même les États-Unis,
05:11n'ira vers ce genre de folie.
05:14Ceci dit, de voir des régimes assez instables
05:18comme le Pakistan, comme la Corée du Nord,
05:20comme l'Iran, comme d'autres
05:22qui entendraient se doter de l'arme nucléaire,
05:24c'est particulièrement inquiétant
05:26et c'est pour ça qu'un certain nombre d'associations,
05:29d'ONG, militent contre la disparition de ces armes.
05:33Oui, de ces armes.
05:35Le président du comité Nobel est inquiet quand même.
05:38Une nouvelle ère nucléaire plus instable.
05:41Il parle d'une nouvelle ère nucléaire plus instable.
05:44Il rappelle qu'une guerre nucléaire
05:46pourrait détruire notre civilisation.
05:48Ça c'est évident, Olivier Levy.
05:50Oui, bien sûr, bien sûr.
05:52Même si du temps de la guerre froide
05:54on était monté jusqu'à 70 000 ogives nucléaires,
05:56aujourd'hui il y en a à peu près 14 000
05:58sur la planète.
06:0092 % sont dans les mains
06:02des forces nucléaires russes et américaines.
06:04Mais effectivement,
06:06on a largement de quoi détruire
06:08totalement la planète
06:10avec cet armement d'une puissance absolument phénoménale.
06:13Et effectivement, un certain nombre
06:15de commentateurs et d'experts
06:17pensent que nous sommes
06:19à un moment charnière
06:21où on pourrait basculer
06:23dans une autre ère
06:25qui ne serait plus seulement l'ère de la dissuasion nucléaire
06:27mais l'ère d'une doctrine d'emploi,
06:29c'est-à-dire d'utilisation, qu'elle soit tactique
06:31sur le champ de bataille
06:33qui modifierait complètement
06:35la donne et qui instillerait
06:37une instabilité effectivement particulièrement
06:39dangereuse dans les relations internationales.
06:41Instabilité qu'on constate, je dirais,
06:43en dehors de toute considération nucléaire.
06:45On voit bien que le monde est en train
06:47de s'agiter
06:49et que les conflits se multiplient ici et là.
06:51Olivier Lepic,
06:53parlons de la Syrie. Vous avez beaucoup travaillé
06:55sur les armes chimiques, vous êtes un spécialiste.
06:57Après le renversement
06:59de Bachar al-Assad, l'organisation
07:01pour l'interdiction des armes chimiques est inquiète
07:03et a demandé aux autorités syriennes
07:05de s'assurer que les stocks d'armes chimiques
07:07employées, on s'en souvient,
07:09par Assad, étaient en sécurité.
07:13Oui, oui, c'est évidemment la perspective.
07:15On sait que la Syrie n'a pas
07:17déclaré la totalité de son arsenal
07:19qui a été très largement démantelé, mais il y avait
07:21des trous dans la raquette dans les déclarations
07:23syriennes. L'OAIC a enquêté
07:25et n'a pas obtenu les réponses satisfaisantes.
07:27Donc, il est très probable qu'il y ait
07:29aujourd'hui encore des stocks résiduels
07:31d'armes chimiques en Syrie. La perspective de
07:33voir tomber ces armes dans les mains
07:35d'une coalition islamique qui, certes,
07:37essaie de se donner une bonne
07:39figure, mais je dirais, à l'image des talibans,
07:41il est urgent d'attendre
07:43pour voir quelle nature va prendre ce régime.
07:45Et donc, la communauté internationale
07:47est évidemment très inquiète
07:49de voir ce type d'armes
07:51particulièrement puissantes
07:53tomber dans les mains de ce mouvement.
07:55Israël a affirmé avoir frappé
07:57un certain nombre de sites chimiques hier,
07:59bien que je pense que les armes chimiques
08:01sont apparemment
08:03très habiles
08:05pour justifier les 300 frappes
08:07effectuées au cours des derniers jours.
08:09On voit bien qu'Israël entend surtout
08:11détruire le reste
08:13de l'armée syrienne
08:15puisqu'elle a frappé essentiellement
08:17des cibles conventionnelles.
08:19Mais encore une fois, ces armes font très peur,
08:21à juste titre dans cette affaire,
08:23bien que je ne pense pas que les Syriens
08:25aient conservé des stocks très importants.
08:27Néanmoins, ce serait une catastrophe
08:29si effectivement des entités islamiques
08:31mettaient la main sur des substances toxiques
08:33ou des armes chimiques militarisées.
08:35Merci Olivier Lepic,
08:37chercheur associé à la Fondation de la Recherche Stratégique.
08:39Merci beaucoup d'être venu
08:41sur l'antenne de Sud Radio ce matin,
08:43il est 7h49.