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00:00– De retour dans votre émission Angle de vue, en compagnie de Fabrice Di Falco.
00:09Nous allons maintenant nous intéresser à votre carrière.
00:12Alors vous avez une voix qu'on associe souvent à celle des castrats.
00:15Pour rappel, il s'agissait des garçons que l'on châtrait avant leur puberté
00:19afin qu'ils conservent une voix de femme ou d'enfant.
00:22Aujourd'hui, on parle de falsettistes, j'ai appris ça en préparant l'émission.
00:26Une typologie vocale qui était aussi utilisée pour chanter la musique sacrée au Moyen-Âge.
00:31Est-ce que vous avez particulièrement travaillé votre voix pour ça,
00:33justement pour trouver cette pureté du timbre ou est-ce que vraiment ça s'est imposé à vous ?
00:38– Ça s'est imposé à moi, ce timbre est venu tout seul
00:41parce que tous les garçons en général ont cette voix.
00:44Il n'y a pas que Fabrice Di Falco, tous les garçons ont une voix de tête.
00:47Tous les garçons peuvent imiter leur maman, leur grand-mère, leur copine,
00:51même pour faire des plaisanteries.
00:53Donc à partir de ce moment-là, tout le monde a une voix de tête.
00:56Après, tout le monde a cette possibilité d'avoir une voix de tête mélangée à une voix de poitrine
01:01qui donne une voix de contre-ténor.
01:02Donc une voix de contre-ténor, c'est une voix d'alto masculin,
01:05parce qu'on connaît bien les altos féminins,
01:08ou des garçons qui ont cette possibilité d'avoir un timbre de soprano dont on dit sopraniste.
01:13Mais en réalité, quand vous avez découvert cette voix, comme moi je l'ai découvert,
01:17c'est le travail vocal qui va vous permettre d'homogénéiser les graves de votre voix,
01:22le médium de votre voix, les aigus de votre voix.
01:25Exemple.
01:26Iiiiiiiiiiii
01:28Ça, c'est ma voix grave.
01:30Iiiiiiiiiii
01:32On commence à avoir une voix aiguë.
01:33Iiiiiiiiiiiii
01:36On essaie, si vous voulez, d'avoir comme une construction,
01:39premier étage, deuxième étage, troisième étage.
01:41C'est ça que le travail fait pour que la voix reste là.
01:43Vous n'avez pas besoin d'être castré pour...
01:46Oh là là, heureusement !
01:47Heureusement, plus maintenant, on n'a plus besoin d'être castré pour avoir cette voix-là.
01:51Mais il faut savoir qu'à l'époque des castrats,
01:54où en effet on castrait les garçons pour qu'ils gardent cette voix d'enfant,
01:58c'est que la technique ne imaginait pas du tout
02:02qu'un garçon pouvait, après la puberté, garder cette voix d'enfant.
02:05Donc qu'est-ce qu'on a fait ?
02:06Comme les femmes étaient interdites dans les églises,
02:09les femmes étaient interdites dans les opéras.
02:11Donc il y avait bien des opéras avec des rôles féminins et des rôles masculins.
02:15Dans les églises, il y avait bien des chœurs de voix aigus, sopranos,
02:19ou altis, ou baritons ou ténors.
02:22Donc en réalité, ça a créé ces castrats comme Farinelli.
02:26Mais heureusement, grâce à Dieu, à un moment donné,
02:28on a arrêté cette castration et on prouve qu'il y a plein de personnes
02:32qui chantent avec une voix d'opéra.
02:33Je rebondis, vous êtes d'ailleurs surnommé le Farinelli créole par certains.
02:37C'est bien ça ?
02:38Oui, alors en fait, ça m'a toujours fait rigoler.
02:40On a beaucoup dit le chevalier de Saint-Georges et le Mozart noir.
02:44Moi, on dit que je suis le Farinelli créole.
02:46Vous avez remarqué, il y a toujours un côté de nous rappeler le côté exotique.
02:51L'un est noir, l'autre est créole.
02:53Mais en réalité, est-ce que si j'étais breton, on aurait dit le Farinelli breton ?
02:57Vous voyez ce que je veux dire ?
02:58Mais est-ce que c'est une reconnaissance malgré tout ?
02:59En même temps, c'est une reconnaissance.
03:01Mais en même temps, la voix n'a pas de couleur.
03:04Et nous pouvons, nous sommes censés pouvoir chanter, surtout quand on est noir,
03:08tous les rôles et va voir même des opéras qui ont été créés pour des rôles noirs.
03:12Quand vous arrivez au conservatoire, que vous bouclez en cinq ans,
03:15comment ça se passe ?
03:16Comment vous arrivez ?
03:16Comme vous dites, vous n'avez pas de technique vocale,
03:19vous ne prenez pas de cours de chant.
03:20Et vous arrivez, comment vous faites pour boucler ce cursus de dix ans en cinq ans ?
03:25Comment on fait pour boucler ce cursus en cinq ans ?
03:27Parce qu'on a une prof qui croit en vous, on a une chef de chant qui croit en vous.
03:31Et puis aussi, vous-même, vous vous dites, mes parents croient en moi.
03:34Mes parents financent mes études.
03:36Donc, quand j'ai fini mon cours de chant, quand j'ai fini mon cours de piano ou de solfège,
03:41qu'est-ce que je vais faire ?
03:42Je vais rentrer à l'appartement et je vais regarder la télé ?
03:44Non, je vais justement, on n'était pas encore dans l'époque des réseaux sociaux.
03:48Donc, qu'est-ce que je fais ?
03:49Je vais attendre, écouter d'autres chanteurs, écouter d'autres musiciens et me former.
03:55Et pendant les cinq ans, pendant que j'étais en train de prendre des cours au conservatoire,
03:58j'avais la chance que ma prof de chant, gratuitement, me donne des cours en parallèle.
04:03Ce qui fait que, je peux vous assurer, je bouffais de la musique tout le temps.
04:07Et la petite anecdote, c'est que j'ai eu comme membre du jury, président du jury,
04:11une star internationale qui s'appelle Maddy Mespley,
04:13qui était l'une des plus grandes chanteuses d'opéra au monde.
04:17Et qui, quand j'ai passé mon prix, tout le monde m'a dit,
04:19alors Maddy Mespley, attention, elle n'aime pas les voix de contre-tenors ni sopranistes.
04:23Et en plus, elle voit bien sous ton planning, sous ta biographie, qu'il y en a cinq ans de chant.
04:27Donc, elle ne va jamais te donner le prix.
04:28Elle me l'a donné, ce prix.
04:30Et après, elle m'a dit, je vous ai donné ce prix pour vous donner encore un coup de pied,
04:33pour que vous alliez encore plus loin.
04:35Vous êtes un amoureux de la musique religieuse baroque.
04:38Qu'est-ce qui vous saisit particulièrement dans ce style musical ?
04:42Oh, la voix des anges.
04:45La voix qui va résonner dans ces acoustiques majestueuses
04:48que les architectes, à l'époque, ont construits.
04:51On est en train de parler de la reconstruction de Notre-Dame de Paris.
04:55Justement, quand on regarde Notre-Dame de Paris
04:57et que vous partez dans une vocalité sans micro,
05:00parce qu'à l'époque, il faut rappeler que les cathédrales, les églises,
05:03il n'y avait pas de sonorisation.
05:05Donc, tout était fait pour que la voix soit pure et magique.
05:08Et en cela, je crois que c'est cela qui m'a guidé vers cette voix
05:12d'ange, cette voix qui rappelle celle des castrats,
05:16mais aussi cette voix qui rappelle le petit garçon
05:19que tout un chacun, ou la petite fille,
05:21on restera jusqu'à la fin de notre vie.
05:23Alors, Händel, Monteverdi, Britten, Kafka,
05:26vous avez incarné les grands personnages de l'histoire et de la littérature
05:30aux quatre coins du monde.
05:31On l'a dit en Danemark, à Oman, en Argentine.
05:35Est-ce qu'il y a un personnage en particulier que vous n'avez pas joué
05:38et que vous auriez souhaité justement incarner sur scène ?
05:41Alors, le personnage que j'aurais adoré jouer et chanter,
05:45interpréter, incarner, c'est Carmen.
05:47Carmen de Georges Bizet.
05:48Alors, vous allez trouver ça étrange.
05:50Carmen est un opéra écrit par Georges Bizet.
05:53D'après des textes de Prosper Mérimée et Alevi, c'est une femme.
05:57C'est une femme, c'est une gitane.
05:59C'est une vraie femme.
06:00Et en réalité, je me dis comment pendant des années,
06:04les castrats ont interprété des rôles de femmes
06:06parce que les femmes étaient interdites sur les scènes de théâtre et d'opéra.
06:09Maintenant, nous les contretenants, nous chantons essentiellement
06:12quelques fois des rôles féminins parce que c'est écrit dans le baroque.
06:16Et voilà-t-il pas qu'il y a quelques années,
06:19Guy Touvron, qui est un trompettiste hallucinant,
06:21est une star, paix à son âme, malheureusement, il est parti,
06:24m'a donné le rôle de Carmen avec orchestre.
06:26Et la petite chose qui m'a plu, c'est que tout le monde
06:28attendait Carmen avec orchestre et tout le monde attendait une femme.
06:31Et quand toute la distribution est arrivée et que je suis arrivé du fond du théâtre
06:36en tant qu'homme habillé en homme pour chanter Carmen,
06:38j'ai vu la réaction de toutes ces personnes métropolitaines avec des yeux comme ça.
06:43Et je me suis dit, ça, c'est un vrai challenge.
06:45Je l'ai fait en concert.
06:47Donc, s'il y avait quelque chose à faire en scène, ce serait Carmen de Georges Bizet.
06:51Alors, vous aimez le chant lyrique, bien sûr, mais pas seulement,
06:54puisque vous avez aussi rendu des hommages musicaux à d'autres grandes figures
06:58de la musique à travers des enregistrements très éclectiques.
07:01J'aimerais d'ailleurs que l'on écoute un extrait du morceau
07:04« Mon ange », hommage à l'une des plus grandes voix caribéennes, Edith Lefel.
07:07On écoute.
07:29Vous êtes sorti un peu de votre zone de confort sur ce morceau.
07:32C'est vrai que c'est assez éloigné de ce qui vous a fait connaître.
07:35Oui, alors, c'est vrai que ce n'est pas simple pour un chanteur d'opéra
07:38de prendre une voix pop, une voix dite naturelle.
07:41Mais comme je suis né en Martinique, né avec tous les rythmes martiniquais traditionnels,
07:47tous les zouks, etc.
07:48Donc, cette voix grave, si vous voulez, je l'ai.
07:51Donc, quand j'ai rendu hommage à celle que j'aimais beaucoup, beaucoup, beaucoup,
07:55parce que pour moi, c'est la diva des Outre-mer, Edith Lefel,
07:59il est évident que prendre cette voix grave pour lui rendre hommage
08:02avec un moment donné des voix aiguës pour rappeler les anges.
08:05Vraiment, je dirais que je sur-kiffe.
08:07Et donc, ça m'arrive quand, comment dirais-je,
08:12j'ai envie de le faire, de prendre des airs carrément autres
08:16où on m'attend avec une voix lyrique sur des airs de musique traditionnelle
08:20ou avec Jacob Desvarieux qui était, quand il était vivant,
08:24on rigolait parce que je prenais des airs de zouk.
08:28Là, c'est Sel Médicament Nouni en lyrique ou en pop.
08:32Je crois que quand on est chanteur de Martinique,
08:37on peut aussi bien faire de l'opéra comme tous les autres styles de musique.
08:40Vous revendiquez à cet ancrage martiniquais vos racines créoles.
08:44Justement, quelle est la place du créole dans votre art ?
08:48La place du créole dans mon art, en réalité,
08:51ça va beaucoup, beaucoup m'apporter sur la projection de la voix.
08:54Le français, en général, n'utilise pas assez de consonnes,
08:57alors que notre créole utilise beaucoup plus de consonnes.
09:01On remarque souvent que les pays comme l'Allemagne,
09:04qui utilisent beaucoup de consonnes, la voix se projette.
09:07Donc, moi déjà, rien qu'en tant que chanteur,
09:10je ne parle même pas de chanteur lyrique,
09:12le créole nous permet de bien prononcer toutes les consonnes,
09:15toutes les voyelles afin qu'on soit intelligible.
09:18La place du créole dans ma vie est aussi un créole
09:22où je ne pouvais pas parler à la maison
09:24parce qu'à l'époque, les parents nous interdisaient de parler le créole,
09:28mais je remercie beaucoup mes parents
09:30qui m'ont laissé apprendre le créole avec des copains et des copines de la rue,
09:34des copains et des copines au collège, au lycée.
09:37Et en réalité, même quand je fais maintenant mes masterclass dans tous les Outre-mer,
09:40figurez-vous que devant des réunionnais ou devant des maorais,
09:43des fois, je leur parle le créole en leur disant
09:46« tu ne vas peut-être pas comprendre tout ce que je te dis,
09:48mais tu vas sentir ce dont je te parle ».
09:53Et comme par hasard, ils me répondent dans leur langue,
09:56et là, je trouve ça extraordinaire.
09:58Et pourquoi le créole est important ?
09:59Je chante au Bermude, je ne parlais pas bien anglais,
10:02je pars à Hamilton,
10:04et il se trouve que je me retrouve dans une situation où il me faut parler anglais.
10:08Je me dis « mon Dieu Seigneur, je ne sais même pas dire vraiment deux mots parfaitement ».
10:13Une idée me dit au Bermude de parler créole.
10:15Je demande à un homme de Bermuda, d'Hamilton, en créole,
10:18il me donne mon chemin.
10:19Et Seigneur, je me suis dit « merci que je parle créole »,
10:22car je ne parlais pas bien français, anglais,
10:25mais en tout cas, le créole m'a sauvé au Bermude.
10:28Revenons au chant lyrique.
10:30Actuellement, encore peu de chanteurs noirs se tournent vers la musique classique,
10:33encore considérée par beaucoup comme une musique de blanc.
10:37Un argumentaire qui repose aussi notamment sur le manque de représentation
10:41des artistes noirs dans l'opéra,
10:43que ce soit au niveau des musiciens de la fosse ou sur scène.
10:46Est-ce que vous-même, vous avez dû batailler plus que d'autres pour vous faire votre place ?
10:51Je dirais que quelle que soit sa couleur de peau,
10:53quel que soit le lieu d'où on vient, il faut se battre.
10:57Car en réalité, ma couleur de peau ni mes origines n'ont pas été un frein pour moi,
11:02car il était impensable que je laisse à l'étranger me barrer la route.
11:07Il était impensable que je laisse à des personnes
11:09imaginer que le côté exotique aurait été une barrière.
11:14La persévérance et la rigueur, leur montrer que j'étais professionnel,
11:18leur montrer que j'avais tout à fait la possibilité d'avoir le rôle principal
11:21et non pas le dernier rôle,
11:23si vous voulez, ça m'a toujours animé par Gisèle Aubéryc,
11:27par Maurice Alcindor, par mes professeurs de chant et mes parents.
11:29C'est-à-dire, quel que soit ton nom et tes origines,
11:33on doit te faire travailler, te donner le poste que tu mérites parce que tu as travaillé.
11:37Donc je n'ai même pas laissé entendre dans un esprit qu'il y avait un certain racisme,
11:41car je n'ai pas voulu.
11:43Cependant, j'ai remarqué avec d'autres chanteurs,
11:46quand j'ai fait Les Nègres, que j'étais le seul Français dans une production française,
11:50le seul Français autour de 13 rôles principaux.
11:54Les 12 étaient afro-américains ou sud-africains.
11:56À ce moment-là, ça me posait une question.
11:58Je me suis dit, comment il n'y a pas d'autres Français noirs
12:00qui étaient aussi dans cette production ?
12:02Et je me suis rendu compte qu'en réalité,
12:05il ne faut pas avoir peur de sa couleur.
12:07Il ne faut pas se poser la question si l'autre est raciste ou pas.
12:09Il faut aller droit.
12:10Et je crois que le fait que dans le métro,
12:13les gens me regardent, me prennent pour un hindou,
12:15me prennent pour un Omanais, un homme d'Arabie saoudite,
12:18ou un Afrique, etc.
12:20En réalité, le regard que l'autre me porte,
12:24c'est à moi de lui faire changer mon regard.
12:26Parce que sinon, je resterais toujours un étranger.
12:29Donc, il faut que je sois qui je suis.
12:32Et que quand l'autre me regarde par peur,
12:33parce qu'il ne connaît pas ma tradition,
12:36par peur parce qu'il ne sait pas réellement d'où je viens,
12:38par peur de tout,
12:40je dois le rassurer en lui disant,
12:41je suis peut-être différent, bien sûr.
12:44Mais on peut être différent alors qu'on est de la même couleur.
12:47Vous avez joué dans Les Nègres.
12:48Il n'y a que trois opéras écrits pour des personnes noires.
12:53Qu'est-ce que ça a fait ?
12:54Comment vous avez dégoté ce rôle ?
12:56Alors, quand Mickaël Lévinas me propose d'être le rôle principal
12:59des Nègres de Champgenay,
13:00la première chose que je fais, c'est que j'appelle Jenny Alpha,
13:03la comédienne martiniquaise qui avait, elle,
13:05fait la création des Nègres de Champgenay au théâtre.
13:08Et je lui dis, écoute Jenny, qu'est-ce que tu en penses ?
13:11Elle me dit, bien sûr, vas-y.
13:12Donc, j'ai fait.
13:13J'étais très content de jouer un nègre parce que je viens de Martinique.
13:16Aimé Césaire nous a dit que nous étions des nègres.
13:18Le chanteur de la négritude, de la créolité.
13:20Donc, je n'ai pas honte d'être un nègre.
13:22D'ailleurs, des fois, je leur dis aux autres dans l'international,
13:25je suis un nègre et je suis fier de l'être.
13:28Et pour répondre à votre question,
13:30fier aussi que d'autres opéras,
13:32comme Scott Joplin a créé Trémonisha.
13:35Souvenez-vous, George Gershwin a composé Porgy and Bess,
13:38d'où sort le fameux
13:39« Summertime, and the living is easy ».
13:43Ça aussi, mais j'étais content de faire un opéra de mots vivants
13:47avec un personnage noir écrit pour des Noirs.
13:49Donc, il y a des opéras pour les Blancs et des opéras pour les Noirs.
13:52Alors, c'est normal qu'il y ait des opéras beaucoup plus pour les Blancs
13:55parce qu'en réalité, les Italiens ont créé l'opéra.
13:59Les Italiens sont Blancs.
14:00Ensuite, quand l'Italie a des compositeurs italiens,
14:04mais après, il y a des compositeurs allemands, des compositeurs autrichiens,
14:07qu'est-ce qu'ils font ces compositeurs ?
14:09Mais ils composent pour les gens qui sont autour d'eux.
14:12Et en réalité, peut-être que s'il y avait eu plus de Chevalier de Saint-Georges,
14:16le compositeur guadeloupéen,
14:18il y aurait eu certainement plus d'opéras à l'époque.
14:21Mais il est évident qu'heureusement qu'on a Scott Joplin,
14:24Georges Gershwing et Mickaël Levinas
14:26qui ont permis à des Noirs d'être avec des rôles de Noirs sur scène.
14:30Et c'est super.
14:31Mais peut-être que si le Chevalier de Saint-Georges avait eu des frères et sœurs
14:36et des personnes qui auraient pu composer,
14:37on n'en aurait eu pas eu que trois.
14:39Au-delà de cette dimension raciale, Fabrice Di Falco,
14:43la musique classique a longtemps été aussi considérée
14:46comme une forme d'élite de classe, le privilège des bourgeois.
14:50Est-ce encore vrai ?
14:51Est-ce que les barrières sont en train de se fissurer, selon vous,
14:54au regard de votre carrière ?
14:56Vous savez, l'opéra, quand il a été créé, ce n'était pas pour l'élite.
15:02L'opéra, ça a été créé pour le peuple.
15:04En Italie, tout le monde chante.
15:06En Italie, vous allez en Italie jusqu'à maintenant,
15:08mais partout, ça chante.
15:09La langue italienne chante, tous les commerces chantent,
15:12tous les Italiens chantent.
15:14Donc d'abord, les compositeurs italiens ont composé
15:17pour leurs compatriotes de séances de vie,
15:20de séquences de vie qu'ils ont réalisées.
15:23Ça a basculé quand des rois, des reines, des politiques
15:28ont demandé à certains compositeurs,
15:30voici, je vous donne tant d'argent,
15:32vous allez composer un opéra qui va parler de nous,
15:37qui va parler du peuple.
15:38Et c'est comme ça que petit à petit s'est allé l'opéra dans l'élite.
15:42Vous comprenez ce que je veux dire ?
15:44Donc en fait, moi, je suis plutôt un fervent défenseur.
15:47L'opéra n'est pas pour l'élite.
15:48L'opéra, c'est pour tout le monde, tout un chacun.
15:51La preuve, depuis des années, je chante de l'opéra
15:53et les églises martiniquaises ou les théâtres sont pleins,
15:56dans les Outre-mer aussi.
15:57Donc voyez, c'est pour nous tous.
15:59Et justement, nous allons parler de votre militantisme
16:02pour ramener tout le monde face à une scène d'opéra
16:04dans la troisième partie de cette émission.
16:06À tout de suite.