Quatre institutrices d'une école parisienne du 11ème arrondissement se retrouvent pour préparer la rentrée scolaire de 1942. Un évènement inattendu va remettre en cause leur métier d'enseignante et va faire naître leur habileté à résister. Le nouveau spectacle de Xavier Lemaire, touchant et percutant !
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00:00Rentrée 42 est une pièce qui se joue à la Comédie Bastille et qui nous raconte comment
00:08s'est passée la rentrée scolaire en 1942 à Paris.
00:12Et pour cela, nous recevons Anne Richard, bienvenue et merci d'être là.
00:17Avec plaisir.
00:18Bonjour.
00:19Bonjour.
00:20Vous vous incarnez le rôle de la directrice de cette école, une période pas particulièrement
00:24difficile.
00:25Comment avez-vous abordé ce rôle, sachant la rafle qui s'est passée, la rafle du
00:31Veldiv, des 4 000 enfants qui ont disparu juifs pendant cette période-là ?
00:37En fait, quand j'ai découvert le texte que m'a proposé le metteur en scène Xavier
00:41Le Maire et Pierre-Olivier Scoto, co-auteurs, ça a été un véritable choc parce que j'ai
00:47découvert cette histoire de cette petite école du 11e arrondissement de Paris où
00:51je fais la directrice et on prépare notre rentrée en octobre 1942 et au lieu d'avoir
00:56120 élèves, on n'en a que 14.
00:58Et je ne m'étais jamais posé cette question-là.
01:00Je ne m'étais jamais demandé mais qu'est-ce qui s'est passé dans les quartiers de Paris,
01:06dans les quartiers juifs, et qu'est-ce qui s'était passé dans les écoles, tous ces
01:10appartements vides, toutes ces rues vides, toutes ces écoles vides.
01:14Et c'est vrai que j'ai beaucoup aimé ce sujet.
01:16Je me suis dit tiens, c'est un très beau personnage et le sujet est très beau parce
01:20qu'on ne l'a jamais abordé de ce point de vue-là de l'absence, de ceux qui ne sont
01:26plus là mais il y a ceux qui restent et comment on va gérer cette situation, comment on va
01:31refuser cette réalité parce qu'à l'époque, il n'y avait pas les réseaux sociaux donc
01:34on ne pouvait pas tellement savoir si c'était la réalité vraie, si c'était des bruits.
01:41Il y avait un déni, on ne voulait pas arriver à y croire et mon personnage représente
01:45un peu cette vérité-là qui est « mais je ne peux pas y croire, ce n'est pas possible
01:50» et chacun des personnages représente une couleur de la France de l'époque.
01:54Oui, complètement.
01:55Et dans cette tragédie historique, notamment la disparition de ses enfants, comment cela
02:01affecte-t-il les personnages de la pièce finalement ?
02:04Chacun se retrouve confronté à cette vérité, avec cette réalité mais chacune, je dirais,
02:10essentiellement, chacune des institutrices avec leur couleur politique.
02:14Bien sûr, il y a la résistante, il y a la pétainiste, il y a celle qui bon,
02:18qui veut un peu marcher noir mais qui veut essayer de continuer à vivre comme si de
02:21rien n'était.
02:22Et puis mon personnage qui, elle, est plus dans un besoin de neutralité, un besoin de
02:26continuer à mener son école et on découvrira au fur et à mesure qu'elle a un grand secret
02:31et qu'elle fait aussi partie des justes en fait.
02:35Des justes, oui exactement.
02:37Et le point émotionnel de votre rôle, comment arrivez-vous à l'interpréter au fur et
02:43à mesure de la pièce ? Parce que tout évolue pendant cette pièce.
02:47Comment vous arrivez à...
02:49On arrive, c'est notre métier, d'essayer de croire à la situation, de faire ce qu'on
02:54appelle en tant qu'acteur ceci magique, faire comme si j'y étais.
02:57Et puis après, il y a des choses qui nous touchent évidemment plus.
03:00Cette réalité-là de l'absence, cette réalité de ces enfants raflés, cette réalité de
03:05ces drames-là, il y a bien sûr 1942 mais ça fait malheureusement écho aujourd'hui
03:10avec notre société d'aujourd'hui aussi.
03:12Donc chacun utilise sa sensibilité pour prendre en pleine figure, je dirais, et nous en tant
03:19qu'acteur, prendre en pleine figure ces réalités-là qui nous touchent et pouvoir les transmettre
03:23au public et se laisser soi-même toucher par ça.
03:26C'est vrai que ce n'est pas facile, il me rend compte, on en est allé à 102ème je
03:29crois, 103, et que émotionnellement, tous les soirs, il faut amener cette émotion.
03:33Bien sûr, et la porter.
03:35La porter, la transmettre pour que le spectateur en prenne conscience et pour passer un message.
03:43Ça recommence.
03:43Bien sûr, et je trouve que pour le thème de l'absence, il y a des points très forts
03:50dans la pièce à un moment donné quand vous citez toutes les filles qui ont disparu.
03:55Exactement, on cite, et ce sont des vrais noms, de toutes nos élèves qui ont disparu,
04:01et nous avons sur nos petits carnets les noms de tous ceux, certaines, pas toutes,
04:06puisqu'ils étaient plus de 4000, certaines de nos élèves qui ne sont pas là.
04:12Et c'est vrai que c'est un grand moment très très fort pour le public.
04:16Oui, un qui porte très très fort, parce que chacune crie sa souffrance à chaque prénom,
04:21parce qu'elle se souvient de chaque élève.
04:24Oui, de l'humanité qu'on a, de nos contacts, et puis c'est aussi une pièce sur l'enseignement,
04:30sur comment, je dirais, la fraternité qu'il y a entre les instituteurs.
04:36Ça parle aussi beaucoup de l'enseignement.
04:38Ça parle de cette époque historique, mais ça parle aussi de l'enseignement des supérieurs,
04:42qu'on doit obéir à l'inspecteur de l'éducation nationale,
04:47qu'on a des obligations en tant qu'instit, et comment on va se révolter face à ça.
04:51C'est aussi une pièce sur l'enseignement.
04:53Oui, tout à fait, et vous, vous avez un double rôle, en fait, dans cette pièce
04:57qu'on découvre au fur et à mesure, et on vous voit entre les institutrices,
05:03le gardien, et puis l'académie que vous appelez, que vous cherchez à joindre,
05:06qui est injoignable.
05:07Il y a un déni aussi de situation.
05:11C'est plus qu'un déni de situation, puisque visiblement, en tout cas,
05:14dans ce qu'on dit dans l'histoire, dans cette pièce,
05:17c'est que l'éducation nationale a collaboré, a accepté, a nié,
05:22n'a même pas fait des relevés des absences.
05:25Et quand notre inspecteur de l'éducation nationale,
05:27je n'ai pas tout révélé, mais arrive, là, c'est un véritable choc,
05:30c'est un effroi, je dirais même.
05:33Oui, c'est la sidération.
05:34La sidération de voir qu'en fait, comment l'État français,
05:37sous l'ordre de Pétain, a pris la décision d'effectuer cette rafle.
05:42Oui, et puis de taire toutes les informations,
05:46parce qu'il était compliqué de savoir ce qui s'était vraiment passé,
05:50ça s'est su des mois.
05:52Il n'y a aucun relevé dans les archives de l'éducation nationale,
05:55il n'y a aucun relevé où rien n'est indiqué,
05:58comme quoi tous ces enfants ont disparu.
05:59C'est quand même incroyable.
06:01Oui, ça fait mal et ça fait peur en même temps.
06:04Oui, c'est effrayant.
06:05Oui, et on voit les institutrices qui, dans leur rôle très différent,
06:12expriment peu à peu leur sidération.
06:14Il y en a une qui est très bien informée, qui vous annonce un peu les choses.
06:18Et les autres, il y en a une qui pète un plomb.
06:21Qui ne peut pas l'accepter, qui a plutôt une tendance pétainiste,
06:24qui admire Pétain et qui n'arrive pas à accepter cette vérité-là.
06:28Et qui émotionnellement refuse cette parole-là.
06:34Et c'est ça qui est beau aussi pour nous les actrices,
06:37c'est de pouvoir traverser toutes ces émotions-là.
06:40C'est très très fort en tant qu'acteur de pouvoir être porteur de ça
06:45et d'essayer de faire comme si on regardait dans le petit coin de la porte
06:50un moment de l'histoire français pour voir comment ça s'était passé.
06:53C'est ça qu'on essaye d'offrir.
06:55Alors, une autre chose, c'est aussi que, bien sûr, on parle de ce moment d'histoire,
06:59mais les auteurs ont réussi à mettre beaucoup d'humour.
07:01Oui, de tendresse.
07:02Et on rit aussi beaucoup parce qu'il y a des personnages haut en couleur,
07:05comme notre concierge, comme une des institutrices, Mme Tatiar.
07:09Et donc, ça amène aussi beaucoup d'humour.
07:11Qu'on arrive quand même à rire, même dans une situation aussi pathétique.
07:15Et il y a beaucoup de tendresse aussi.
07:17En tout cas, c'est une très très belle pièce.
07:18Et vraiment, merci à vous Anne Richard et à toute la troupe pour cette pièce.
07:23Et on a envie de voir encore jouer, jouer, jouer pour venir vous voir.
07:27Alors, on est à la Comédie Bastille jusqu'au 5 janvier.
07:29Jusqu'au 5 janvier, voilà.
07:30Il ne faut pas trop tarder.
07:31Oui, exactement. Dirigée par Christophe Ségura.
07:34Voilà, Christophe Ségura.
07:35Oui, exactement.
07:37Merci beaucoup.
07:37À très bientôt. Merci.
07:39Nous allons continuer dans Scène en Lumière.
07:41À tout de suite.