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Dans cet épisode d'Envie d'Agir, Jaleh Bradea reçoit Victorien Erussard, capitaine et fondateur du projet Energy Observer, et Béatrice Cordiano, scientifique embarquée à bord de ce navire pionnier.

💬 Ensemble, ils discutent des technologies révolutionnaires qui alimentent ce laboratoire flottant et de l'importance de promouvoir des solutions énergétiques durables. Victorien partage ses expériences de navigation autour du globe, tandis que Béatrice explique les recherches scientifiques menées à bord pour accélérer la transition énergétique.

Un épisode captivant qui allie science, innovation et espoir pour un avenir plus propre. 🌍⚡🌊

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Transcription
00:00– Bonjour et bienvenue dans Envie d'agir où j'accueille aujourd'hui
00:10Victorien Erussard et Béatrice Cordiano. Bonjour à tous les deux.
00:14– Bonjour. – Merci d'être là.
00:17Donc là, on va embarquer avec vous sur Energy Observer
00:21qui est un laboratoire flottant des énergies renouvelables
00:24pour accélérer la transition écologique.
00:28Victorien, donc c'est vous le fondateur de ce projet
00:30et vous êtes le capitaine du navire Energy Observer.
00:34Il y a une première question qui me brûle les lèvres.
00:37Pourquoi est-ce qu'on dit encore transition écologique
00:40alors qu'en fait il y a vraiment une urgence à agir aujourd'hui ?
00:45– Eh bien ça, c'est bien cela, c'est ce qui fait peur
00:47et c'est ce qui m'a motivé en fait à arrêter mon métier
00:51ancien de capitaine de marine marchande et de coureur au large
00:55parce que j'ai fait plus de 20 ans de haut niveau
00:56donc j'ai décidé de fusionner ces compétences
01:00pour me lancer dans cette aventure Energy Observer
01:01qui est importante parce qu'on a envie d'agir.
01:04– Exactement, vous avez envie d'agir et c'est bien pour ça que vous êtes là.
01:07Donc 20 ans dans la marine marchande
01:10et qu'est-ce qui vous a, si vous vous en souvenez,
01:13concrètement tiré une sorte de sonnette d'alarme
01:16où vous vous avez dit il faut que j'agisse là maintenant ?
01:18– Côté marine marchande, on a besoin des échanges mondiaux
01:23pour notre économie mondiale.
01:2490% du fret de la marchandise passe par les bateaux
01:29et donc on a encore 75% des 100 000 navires de commerce
01:34qui fonctionnent au fioul lourd.
01:37Donc qui dit fioul lourd dit émissions de CO2,
01:39dit grosses particules fines, néfastes pour notre santé
01:43et voilà, on a besoin d'aller vite pour transformer ces bateaux.
01:49Alors il y a des solutions alternatives comme le gaz naturel liquéfié
01:52mais ce n'est pas assez pour les fameux objectifs
01:55de l'Organisation maritime internationale,
01:58celle de réduire de 70% nos émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2050.
02:01Donc il faut passer à d'autres technologies
02:03et c'est ce qu'on a essayé de développer à bord du navire.
02:05– C'est pour ça que c'est un laboratoire flottant ?
02:07– Exactement.
02:08– Et justement, vous Béatrice, vous êtes la scientifique de ce laboratoire
02:14et donc comment est-ce que vous intervenez à bord
02:16et qu'est-ce que votre mission apporte au projet Global ?
02:21– Moi, en tant que scientifique, disons que je me suis occupée
02:24plutôt sur la partie recherche parce que le bateau,
02:29ça fait 7 ans qu'il a entamé une odyssée autour du monde
02:34justement pour comprendre où nous en sommes dans cette transition énergétique.
02:40Donc moi, mon rôle, c'est vraiment d'étudier les mixes énergétiques
02:46des pays où le bateau a fait escale,
02:47comprendre leurs objectifs de réduction de gaz à effet de serre,
02:51les enjeux et comment ces pays ont décidé
02:54ou essayent quand même de décarboner leurs économies
02:59et de shifter, disons, aux énergies propres.
03:03– Parce qu'en fait, effectivement, vous faites des escales,
03:05vous allez partout dans le monde et vous vous arrêtez
03:09et là, s'il y a un projet pédagogique, éducatif
03:12par rapport aux endroits où vous débarquez,
03:14vous, votre rôle, c'est aussi d'apporter ce savoir-faire scientifique
03:17vis-à-vis des communautés, mais aussi à tous les deux.
03:21Qu'est-ce qu'eux vous apportent dans les endroits où vous arrivez ?
03:24Qu'est-ce que ces escales vous apportent à vous ?
03:26Quel est l'accueil des gens ? Comment ça se passe ?
03:28– C'est vrai qu'on a fait 7 ans, 2017-2024,
03:31donc on vient de revenir en France,
03:33donc ça a été plus de 101 escales, c'est symbolique
03:36parce que le bateau fait 101 pieds.
03:39Et donc, c'est l'exploration d'environ 50 pays,
03:43on est allés à peu près partout.
03:45Et donc, ce qui était génial déjà,
03:47c'est l'accueil de ce navire partout autour du monde.
03:50Et donc, à chaque escale, on avait des industriels à venir,
03:54des politiques, des décideurs, des universitaires, des écoles, etc.
03:59Et donc, on a essayé d'apporter notre pierre à l'édifice
04:01et ce bateau, il a été un véritable ambassadeur
04:04des technologies bas carbone,
04:05donc on apportait quelque chose dans chaque pays,
04:07c'était comme une offrande de montrer une vision énergétique bas carbone.
04:12Et en échange, on était accueillis pour aller explorer
04:16les différentes initiatives locales
04:19et différentes solutions durables à travers le monde.
04:22– Mais pourquoi un bateau ?
04:23Alors, je pense que c'est parce que c'était votre expertise de départ,
04:26parce qu'en fait, vous êtes les 3e projets qu'on reçoit,
04:29nous déjà, dans Envie d'agir.
04:30Il y a eu Plastique Odyssée, Blue Observer,
04:32que vous devez sûrement connaître au moins de nom,
04:34il y en a d'autres, Greenpeace et d'autres.
04:37Pourquoi le bateau ?
04:39– Le bateau, c'est une connexion déjà à travers le monde.
04:43En fait, ce qu'on a voulu avec ce navire,
04:45c'est montrer comment on peut vivre en temps réel
04:49avec ce que la nature nous apporte au niveau énergétique.
04:52Donc, on a, en un demi-siècle, déréglé le climat de façon catastrophique
05:01parce qu'on a puisé dans nos ressources d'énergie fossile,
05:05ce qui nous a permis d'aller plus vite, de construire plus vite
05:08et puis de développer notre société comme elle l'est développée actuellement.
05:12Mais donc, c'est un bateau qui utilise l'énergie photovoltaïque,
05:16l'énergie solaire, donc à travers plusieurs types de technologies,
05:19l'éolien, l'hydroélectricité, le stockage batterie et l'hydrogène.
05:23– Tout ça, vous le faites vous ?
05:24– Oui, oui, à bord du navire.
05:26– Donc, vraiment, vous essayez toutes les solutions, finalement ?
05:29– Pas tout, il y a une grande partie des solutions.
05:31Et en fait, ce qui est intéressant, c'est que ce qu'on développe à bord du navire,
05:35s'il est développé à l'échelle mondiale,
05:38ça permettrait de réussir notre transition énergétique.
05:43Et l'hydrogène, donc l'hydrogène, c'est un vecteur énergétique,
05:4675% de la masse de l'univers, c'est l'hydrogène,
05:4892% des molécules sont faites à base d'hydrogène.
05:53On a besoin d'hydrogène pour décarboner notre industrie,
05:56pour décarboner notre mobilité.
05:58L'hydrogène est à la base des futurs carburants de synthèse.
06:01On a besoin d'hydrogène pour l'agriculture,
06:03pour fabriquer des semi-conducteurs, etc.
06:06Donc c'est un bateau-symbole, ambassadeur…
06:08– De cette forme d'énergie, en fait.
06:12– Exactement, et donc il y a une acceptabilité à travers le monde.
06:17Mais voilà, l'enjeu, c'est que ce ne soit pas uniquement
06:21une phase de démonstration, mais il faut toujours des démonstrateurs,
06:24et que cette énergie se développe de façon urgente.
06:28Mais face à la compétité des énergies fossiles, c'est extrêmement compliqué.
06:31– Mais qu'est-ce qui devient urgent de bannir ?
06:34Pour qu'on soit plus vertueux, finalement,
06:37dans tout ce que vous avez cité aujourd'hui ?
06:39– Je pense que c'est difficile vraiment de pointer le doigt,
06:43parce qu'il y a tellement d'habitudes, après, qu'il faut changer.
06:47L'énergie, en prime, c'est vraiment l'une des causes
06:55des sources des émissions de gaz à effet de serre.
06:59Donc c'est sûrement urgent de changer la façon
07:03dont on produit l'énergie, et il faut développer les technologies propres.
07:08Mais à mon avis, la technologie, ce n'est pas toute la solution au problème.
07:15En fait, c'est juste une partie.
07:17C'est sûr qu'il n'y a pas de solution magique,
07:19donc il faut vraiment diversifier les solutions
07:22de façon à ce qu'elles soient complémentaires.
07:27– En tout cas, vous, votre objectif, c'est zéro émission de carbone.
07:31C'est ça, objectif zéro ?
07:32– C'est ça.
07:33– Mais qu'est-ce qu'il faut bannir ?
07:35Il faut bannir le pétrole.
07:36Mais le pétrole, c'est une drogue dure, toutes les énergies fossiles.
07:40Et en fait, à chaque fois, on revient à notre réalité économique.
07:43Aujourd'hui, on bannit les énergies fossiles.
07:46C'est une catastrophe, c'est la guerre, à déclarer tout autour du monde.
07:50Donc voilà, ce qu'il faut…
07:51– Il faut du temps, de toute façon.
07:53– Il faut du temps, et puis il faut utiliser l'argent du pétrole
07:56pour cette transition énergétique, mais il faut que…
07:59– C'est quoi, ça passe par des taxes, des choses comme ça ?
08:01– Alors, j'ai un très bon exemple, il y a les fameuses taxes carbone,
08:06les ETS prélevées aux gros pollueurs, organisées par l'Union européenne.
08:12Et alors, venant de la marine marchande, j'ai souhaité, il y a deux ans,
08:19travailler sur un projet de cargo, Energy Observer 2.
08:23Et on n'est plus du tout dans le concept d'un navire laboratoire,
08:27mais on est plutôt sur un navire pilote.
08:28L'ambition, c'est qu'il soit le plus bas carbone au monde,
08:31et on vient d'être lauréat du Fonds de l'innovation européen.
08:35Alors, il y en a qui pourront dire, au secours, encore des subventions publiques, etc.
08:39Non, c'est un prélèvement aux pollueurs pour financer ces projets de décarbonation.
08:47Donc, on a 40 millions d'euros d'aides publiques
08:50pour développer ce navire électrique, zéro émission directe,
08:54sans particules fines et sans émissions de CO2,
08:57pour faire du cabotage européen.
08:58Et ça commence quand, ça ?
09:00Alors, on a encore des partenaires, et notamment,
09:03il faut qu'on finalise nos accords avec un affraiteur.
09:07Mais le coup de boost avec l'Europe nous promet d'aller au bout,
09:13et on a l'obligation d'être mis à l'eau en 2029.
09:18Et donc, ça veut dire que là, bientôt, il y a Energy Observer 2 ?
09:21Exactement.
09:22Mais je crois que vous travaillez aussi sur un 3 ?
09:24Tout à fait.
09:25Donc, le 2, on est sur de l'hydrogène liquide,
09:28et on a à peu près 100 fois la puissance d'Energy Observer 1.
09:34On passe de l'état gazeux à l'état liquide de l'hydrogène.
09:3940 tonnes d'hydrogène liquide embarquée,
09:411100 conteneurs, 160 mètres de long, 12 000 tonnes, c'est le poids du navire.
09:46C'est énorme, c'est un gros passage à l'échelle,
09:48mais ce n'est pas suffisant, parce que ce bateau, Energy Observer 2,
09:52c'est l'image des segments courts que l'on peut faire avec ce type de technologie.
09:57Mais pour de l'intercontinental, il va falloir qu'on travaille sur d'autres types de carburants.
10:01On appelle ça les carburants de synthèse, les fameux e-fuel.
10:07Et donc, on travaille sur un programme d'une architecture énergétique extrêmement innovante
10:13sur notre futur navire laboratoire, Energy Observer 3,
10:18qu'on dévoilera au printemps prochain pour une nouvelle expédition.
10:21Justement, alors, c'est quoi vos envies d'agir avec tout ce que vous nous avez énoncé ?
10:25Je vais commencer avec vous, Béatrice, dans les 5 ou 10 prochaines années,
10:30parce que je comprends qu'il y a un temps long autour de vos projets qui est nécessaire.
10:34Comment vous vous voyez agir ?
10:36Moi, je pense que je vais sûrement, en tant que scientifique,
10:41continuer mon parcours, justement, de recherche pour essayer de façon active
10:47de décarboner avec des solutions technologiques différents secteurs.
10:53Après, le secteur maritime, disons que je l'ai un peu plus à cœur.
10:58Et sinon, en tant que...
11:00Disons, sous un aspect plus individuel, je pense que c'est important de communiquer,
11:06d'informer sur, justement, l'urgence d'agir,
11:11parce que je trouve que c'est difficile d'agir quand on ne comprend pas
11:16les problématiques et les actions aussi qu'on peut mener pour résoudre.
11:22Vous avez raison, je pense que la pédagogie ne doit jamais s'arrêter,
11:24parce que si on ne sait pas pourquoi on fait ça au quotidien,
11:27ben voilà, le naturel, chasser le naturel, il revient au galop, c'est un petit peu ça.
11:33Et vous, Victorien, là ?
11:35Ben, j'agis, je fais tout ce que je peux, moi, pour essayer d'aller plus vite.
11:41Donc déjà, j'ai décidé en 2019 de concrétiser ce qu'on a développé à bord du navire.
11:49On a créé une filiale industrielle.
11:50Au début, j'y allais reculons parce que ce n'est pas ma nature,
11:53mais on a une équipe de 90 personnes qui travaille en région Île-de-France
11:58pour développer des technologies de décarbonation.
12:01Donc on est aujourd'hui devenu leader mondial des groupes électro-hydrogènes
12:05pour remplacer des générateurs diesel avec Energy Observer Développement et Eodev.
12:10On a fabriqué des systèmes pour les navires.
12:12Aujourd'hui, il y a une dizaine de navires qui sont sans émissions.
12:15Il y avait récemment deux bateaux volants pour suivre la Coupe de l'América
12:20qui naviguaient au-dessus de l'eau à 50 nœuds équipés des technologies développées à bord.
12:27Et il y a ce projet de cargo et j'ai décidé de ne pas poser mes valises
12:32parce que plus vous explorez des choses, plus vous vous rendez compte
12:35que vous n'avez pas suffisamment exploré tout ce qu'il y a à faire, tout le chemin.
12:40Donc on relance cette expédition, mais de façon plus différente
12:45de cette première Odyssée autour du monde.
12:46En fait, cette première Odyssée autour du monde, on était très généraliste.
12:50Comme dit Béatrice tout de suite, on explorait les feuilles de route
12:53de décarbonation des différents pays.
12:55Et le champ était beaucoup trop vaste.
12:57Et là, on va repartir, la prochaine expédition va s'appeler
13:01Enquête de la neutralité carbone.
13:04Est-ce qu'on va réussir cette fameuse, de viser cette neutralité carbone ?
13:09Est-ce que c'est accessible ?
13:10Et donc, on part pour huit missions, huit missions thématisées.
13:15Et par exemple, en 2025, la mission sera Capture carbone
13:18et on va explorer toutes les solutions naturelles et industrielles de cette Capture carbone.
13:21Merci beaucoup. Vous êtes passionnés, ça s'entend.
13:25Malheureusement, l'émission touche à sa fin.
13:27Si on veut vous suivre, on peut le faire aussi grâce à ce livre.
13:31Si on veut regarder vos aventures.
13:34Que je vous offre, édition Gallimard, c'est un très, très beau livre.
13:37Voyage au cœur des enjeux énergétiques, que je montre à ma caméra.
13:41Voilà, il y a toute l'histoire, toute l'aventure technologique et humaine.
13:45Et puis, on découvre les grands enjeux énergétiques de notre avenir.
13:50Ah oui, et puis avec de très belles photos, vous allez me les dédicacer.
13:53Avec plaisir.
13:53Merci beaucoup. Merci à tous les deux d'être venus jusqu'à nous.
13:58Je vous rappelle nos podcasts « Envie d'agir », bien évidemment,
14:01sur toutes les plateformes, mais aussi sur myKanal.
14:04Et je vous dis à très vite sur C8 pour plus d'Envie d'agir. Merci.

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