• la semaine dernière
Luc Fontaine était, jusqu’à l’été dernier, le premier président de chambre de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence. Ce magistrat français a été reconnu pour sa grande expérience et sa rigueur. Il a, par exemple, instruit l’affaire de l’Ordre du Temple solaire. Depuis plusieurs années, il s’est spécialisé dans la lutte contre la criminalité organisée et en particulier le trafic de stupéfiants, notamment sur les dossiers marseillais. Il est évident que son expertise est essentielle pour comprendre les raisons et les besoins pour combattre dans des "narco-cités" au cœur de zones de non-France.
Pour TVL, l’ancien juge Fontaine évoque les opérations "place nette XXL", le renforcement des partenariats internationaux pour contrer les réseaux criminels, la sanction des trafiquants, des dealers mais aussi des consommateurs de drogue, l’institution de peines planchers pour les récidivistes et la reconduite à la frontière pour les étrangers condamnés pour infraction à la législation sur les stupéfiants. Luc Fontaine exige aussi une remise à plat du régime de l’exécution des peines.
Un entretien passionnant au cœur des narco-cités. Et une réponse à la question : Peut-on gagner cette guerre ?

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Transcription
00:00En 2023, vous avez donné 1,4 million d'euros
00:03pour le train de vie de 11 anciens premiers ministres.
00:06Voiture avec chauffeur, secrétaire particulier, etc.
00:09Par exemple, le socialiste Bernard Cazeneuve
00:11nous coûte, vous coûte, 201 000 euros par an.
00:14Il a été premier ministre cinq mois.
00:16Ses politiciens, grâce à vos impôts,
00:18se sont alloués une augmentation de 27%
00:21de leurs avantages en nature sur un an.
00:24Dans le même temps, vous avez donné 42 millions d'euros
00:27au Conseil économique, social et environnemental,
00:30le CESE, Garage des recasés de la politique,
00:33des syndicats ou du monde de l'entre-soi.
00:35Le CESE ne sert absolument à rien.
00:38Vous avez donné encore 39 millions d'euros à l'ARCOM
00:40qui fait, elle, un bon travail de police,
00:43de la pensée, dans les médias.
00:45Arrêtons là la longue litanie.
00:47Avec l'argent de vos impôts,
00:48on déverse un fric de dingue pour les privilégiés de la République.
00:52Alors, parce qu'il faut arrêter les prébandes,
00:54les sinecures, les rentes, les passe-droits des amis de Macron,
00:57il n'y a qu'une seule solution.
00:59Renforcer la voie de la presse libre,
01:01de la presse alternative de TV Liberté.
01:03Notre mission de porte-voix, c'est grâce à vous
01:06et à vous seuls que nous pouvons la mener.
01:08Alors, n'attendez pas.
01:09Faites un don à TV Liberté.
01:11Nous avons dorénavant 30 jours.
01:1330 jours pour assurer la pérennité de TVL.
01:15En 2025, le compte à rebours est lancé.
01:18La liberté à tout prix.
01:55Il était jusqu'il y a quelques mois le premier président de la Chambre
02:02à la Cour d'appel d'Aix-en-Provence.
02:03Son expérience importante l'a amené à devenir un magistrat spécialiste
02:07de la lutte contre la criminalité organisée
02:10et en particulier le trafic de stupéfiants,
02:13notamment sur les dossiers marseillais.
02:15Bonjour Luc Fontaine.
02:16Bonjour.
02:16Monsieur le Président, je voudrais placer cet entretien
02:19à l'aume de deux déclarations récentes.
02:21Celle de vos collègues magistrats de Marseille
02:23qui affirmait devant la commission d'enquête du Sénat
02:26« Nous sommes en train de perdre la guerre contre les trafiquants à Marseille »
02:29et la déclaration du ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau
02:32« La France est en voie de mexicanisation ».
02:35C'est après la fusillade de Poitiers.
02:37Au regard de ces propos, ma question est simple.
02:40La guerre est-elle perdue ?
02:42Alors d'abord mes collègues, effectivement, ils ont dit que la vérité.
02:45Je vous rappelle qu'ils ont témoigné sous serment devant une commission sénatoriale.
02:49Alors la guerre est-elle perdue ?
02:51Elle n'est pas perdue, mais nous avons perdu énormément de batailles.
02:55Pour que la guerre soit gagnée, il faudra une véritable prise de conscience
02:59de l'ampleur et de la nature, surtout de la nature du phénomène de trafic de supéfiants
03:03qui gangrènent des villes importantes, Marseille, Lyon, la Seine-Saint-Denis,
03:07mais également des petites villes.
03:08Ça c'est un phénomène relativement nouveau.
03:11On a parlé de Poitiers il y a quelques instants.
03:13J'ai le souvenir également de règlements de comptes à Valence et à Salon de Provence.
03:16C'était absolument inimaginable il y a quelques années.
03:19La guerre n'est pas perdue si effectivement on en prend conscience,
03:22si on est capable de mettre des mots sur les mots
03:24et si on est capable effectivement de prendre des décisions politiques.
03:27Si le gouvernement est en capacité de prendre des décisions politiques,
03:31c'est-à-dire prise de conscience plus changement de la loi.
03:34– Vos collègues magistrats de Marseille avaient à s'exprimer librement.
03:38On leur a fait le reproche de l'avoir fait néanmoins.
03:40– Oui, c'était inadmissible.
03:41J'ai d'ailleurs assisté à la réunion avec le garde des Sceaux
03:45au cours de laquelle celui-ci s'est montré…
03:47Oui, M. Dupond-Moretti, celui-ci s'est montré très désagréable.
03:50Moi je n'ai jamais vu un garde des Sceaux
03:53qui s'en prend notamment à des magistrats du siège,
03:56c'est-à-dire des magistrats qui sont indépendants.
03:58Ça, j'ai jamais vu ça.
03:59– C'était dans le cas très précis de cette réunion.
04:02– Absolument, absolument.
04:03Il leur a dit qu'il n'avait pas à dire ça,
04:06qu'il faisait le jeu de l'opposition politique sur un ton virulent.
04:09Non, ils n'ont fait que dire à des sénateurs
04:13désignés dans le cadre d'une commission d'enquête parlementaire
04:16ce qu'ils vivaient sur le terrain.
04:18Et je peux témoigner qu'ils n'ont dit que la vérité.
04:20– Alors le constat, il est simple, là encore,
04:21partout en France se sont constituées de véritables narcocités
04:24souvent devenues incontrôlables par les forces de sécurité intérieure.
04:28Et ça, on se rappelle tous un peu le film Bac Nord.
04:31Quand on parle de zone de non-droit,
04:32vous, vous parlez de notions éculées avancées par paresse intellectuelle.
04:37– Oui. – On n'est pas aux zones de non-droit ?
04:38– J'ai dû dire ça.
04:39Si, bien sûr que ce sont des zones de non-droit.
04:42Mais ce ne sont pas que des zones de non-droit.
04:44Parce qu'une zone de non-droit,
04:45c'est une zone où il n'y a aucun droit qui s'applique.
04:47C'est une zone chaotique, une zone anarchique.
04:50Là, ce n'est pas du tout le cas.
04:51Ce sont des contre-sociétés dans lesquelles des règles existent.
04:54Alors ce ne sont pas les règles, j'allais dire, de l'État français qui existent.
04:57Mais il y a des règles qui existent.
04:59Il y a une hiérarchie sociale qui existe.
05:01Le trafiquant, les petites mains, le dealer, le chauffeur, etc.
05:05Et il y a des sanctions qui existent.
05:06Celui qui pique dans la caisse, il va s'en rappeler un bon moment.
05:09On sait très bien qu'un certain nombre de petites mains
05:11ont fait l'objet de violences extrêmement graves.
05:13Parfois, ce qu'ils appellent les barbecues,
05:15c'est-à-dire on les met dans les voitures, on les fait brûler.
05:17Non, ce ne sont pas des zones de non-droit.
05:19Ce sont des zones où d'autres règles s'appliquent.
05:22Et c'est la difficulté, c'est que si on laisse faire,
05:24ça va devenir de plus en plus important.
05:26On aura de plus en plus de mal à maîtriser ce que sont devenues ces zones
05:30qui sont des sortes de féodalités
05:32dans lesquelles la police a de plus en plus de mal à intervenir.
05:36– Un système féodal sans suzerain.
05:37– Sans suzerain, bien entendu.
05:39– Avant d'évoquer la politique pénale
05:41et de réfléchir aux réformes de la procédure pénale,
05:43je voudrais connaître votre point de vue sur la politique spectaculaire
05:46mise en place, dite Opération Place Net XXL.
05:50Ça, est-ce que c'est une bonne idée ?
05:51– Alors, elles peuvent présenter un intérêt médiatique,
05:54un intérêt de communication et puis un intérêt de paix publique.
05:57Il faut dire les choses comme elles sont.
05:58On déplace le problème pendant quelques jours, quelques heures peut-être.
06:01Mais en tout cas, ce n'est pas suffisant.
06:03Les Opérations Place Net peuvent présenter une utilité
06:06qu'à partir du moment où elles ont pour assise
06:08des opérations de police judiciaire,
06:10c'est-à-dire à partir du moment où il y a des enquêtes judiciaires.
06:12Parce que pour faire tomber les réseaux, il faut enquêter.
06:15Ça ne sert à rien d'arrêter des petits dealers, des petits chauffeurs.
06:18Il faut pouvoir remonter toute la chaîne organisationnelle.
06:21C'est très difficile, mais pour ça, il faut des enquêtes de police judiciaire.
06:24Donc, il faut une police judiciaire structurée.
06:26Je rappelle qu'il y a quelques mois,
06:27elle a été en partie démantelée par M. Darmanin.
06:30– Les réformes qui s'imposent, elles sont nombreuses, bien sûr.
06:34Commençons par les plus récentes, Bruno Retailleau et Didier Migaud
06:37ont évoqué le renforcement des moyens judiciaires par la création,
06:39je cite, d'un parquet national dédié à la lutte contre les stupéfiants.
06:43Est-ce que c'est une bonne idée ?
06:45– Alors, ça serait le modèle un peu du parquet antiterroriste
06:48ou du parquet national financier.
06:50Je ne crois pas que ce soit une bonne idée
06:52parce que je pense qu'il est important que les magistrats,
06:55qui généralement traitent ces affaires dans le cadre de ce qu'on appelle
06:57les juridictions interrégionales spécialisées,
06:59qui sont déjà des juridictions hyper spécialisées,
07:02il est important que les magistrats connaissent leur territoire,
07:05connaissent leur cité, que les policiers connaissent leurs indics, etc.
07:10Je ne crois pas qu'il soit opportun effectivement de centraliser les poursuites
07:13et les investigations au long cours dans ce type d'affaires.
07:16Par contre, évidemment, il est important que des moyens soient donnés
07:20à la police judiciaire et que ces moyens soient donnés à la justice
07:23dans le cadre des GIRS.
07:24– Je voyais bien aussi qu'on fait quand même appel en creux
07:27à la mise en cause des magistrats, en se disant
07:31qu'en se faisant choisir des magistrats spécialisés,
07:34ils seront donc moins laxistes.
07:36– Je ne sais pas si c'est le terme qui convient,
07:38est-ce qu'ils seront moins laxistes, en tout cas s'ils sont spécialisés,
07:41ils sont, j'allais dire, au moins ils seront mieux armés,
07:45les magistrats spécialisés sont mieux armés
07:47pour faire face au harcèlement procédural.
07:49Parce que dans ces affaires-là, je pense aux affaires de trafic de stupes
07:52et de règlement de comptes, c'est souvent des affaires qui sont liées,
07:56qui durent, puisque les instructions sont longues,
07:58on a à faire un harcèlement procédural des avocats
08:01qui font tout pour faire péter la procédure, excusez-moi l'expression,
08:04j'allais dire pour trouver la nullité,
08:06qui va mettre à néant des mois, voire des années de travail.
08:09Et là, il faut être spécialiste, c'est-à-dire qu'un magistrat
08:11qui n'est pas spécialisé, il aura du mal à subir ces assauts répétés.
08:15– On fait le procès d'une justice politisée,
08:16vous le savez bien, idéologisée, et donc laxiste.
08:19Est-ce que c'est aussi le cas dans ce domaine-là,
08:21en particulier de la sanction des trafiquants et des dealers ?
08:24– Alors, justice laxiste, oui.
08:26– Vous avez vu ces dossiers marseillais, vous les avez vus ?
08:29– Oui, là, je ne pense pas qu'à Marseille, il y ait de laxisme.
08:31Là-dessus, je pense qu'au contraire, c'est une juridiction
08:34où, j'allais dire, les sanctions sont relativement exemplaires.
08:37Mais quand on parle de justice laxiste, il faut quand même se méfier.
08:40Il peut y avoir des juges laxistes, il y en a.
08:43Il y a des juges répressifs, il y en a.
08:45Mais, j'allais dire, c'est le corpus législatif qui pousse au laxisme.
08:50Aujourd'hui, on ne peut pas prononcer une peine d'emprisonnement
08:52inférieure à un mois.
08:55Si vous prononcez une peine d'emprisonnement inférieure à une année,
08:58c'est déjà beaucoup une année,
09:00vous êtes tenu de l'aménager sauf impossibilité.
09:03C'est une loi de 2019.
09:05Donc, c'est le législateur qui, pour des raisons de régulation carcérale,
09:10en réalité, a mis en place tout un système,
09:13notamment au niveau de l'application des peines,
09:15ayant pour objet de démanteler, de réduire à néant les peines qui sont prononcées.
09:19– D'accord, mais en fait, les gouvernants ont souvent suivi
09:21les indications des syndicats de la magistrature, par exemple.
09:23– Oui, oui, vous avez raison.
09:25Oui, oui, le syndicalisme dans la magistrature peut parfois poser un problème,
09:29notamment le syndicat de la magistrature.
09:32Bien entendu, il n'en demeure pas moins que le gouvernement,
09:36le pouvoir exécutif, doit prendre ses responsabilités.
09:39– Il y a aussi une question sur ces notions de trafic de drogue,
09:42qui fait toujours débat, c'est ce qu'il faut condamner le consommateur.
09:48Est-ce que c'est une vraie question ?
09:49– Oui, c'est une vraie question.
09:50Je crois qu'elle est au cœur de certaines difficultés.
09:53En tout cas, il faut absolument que le consommateur soit,
09:55je dois dire, soit sensibilisé à son addiction.
09:59Je ne sais plus quel minet soi-disait qu'au bout du joint,
10:01il y avait des traces de sang.
10:02Oui, c'est vrai, c'est la vérité.
10:05Puisqu'on ne peut pas tellement agir sur les pays producteurs et exportateurs,
10:09que ce soit les pays d'Amérique du Sud ou même le Maroc pour la résine de cannabis,
10:13il faut sanctionner le consommateur.
10:15Il faut absolument agir sur la demande et une baisse de la consommation.
10:20Pour ça, il faut de véritables sanctions.
10:22Et sanctions, la logique, c'est de très fortes amendes,
10:25mais qui soient effectivement prononcées et rapidement, effectivement, exécutées.
10:30– Dans un cas d'école très simple, vous avez un député qui a,
10:34comment dire, acheté de la drogue à un dealer qui est mineur de 14 ans.
10:38Qui est responsable ? Qui est-ce que vous condamnez, M. le juge ?
10:41– Alors, le mineur de 14 ans qui vend de la drogue,
10:43mais évidemment le député qui achète de la drogue à un mineur.
10:45Enfin, c'est évident, c'est absolument invraisemblable
10:48qu'un membre du Parlement qui appartient au corps législatif
10:51transgresse la loi de manière, j'allais dire, si scandaleuse
10:54et en donnant des explications plus ou moins psychosociales
10:57sur sa propre situation.
10:58Donc, ça c'est absolument inentendable.
10:59– C'est ce que j'allais vous dire, il avance des arguments, M. Kermat.
11:02– C'est inentendable, c'est inentendable, c'est absolument intolérable.
11:06– Repensez à la politique pénale.
11:08Vous prenez une réforme drastique, par exemple,
11:10l'institution de peine planchée pour les récidivistes
11:13et la reconduite à la frontière pour les étrangers
11:15condamnés pour infraction à la législation sur les stupéfiants.
11:18Une obligatoire sous circonstances particulières
11:20qui devront être motivées par le juge, ajoutez-vous.
11:23Le plan Rotaïo-Migo propose, lui, la suspension des aides sociales
11:26pour les condamnés et l'expulsion des trafiquants des logements sociaux.
11:30Et est-ce que là, ça avance vers ce que vous souhaitez
11:34ou est-ce que vous vous dites comme moi,
11:35ah bon, parce que ce n'était pas encore le cas ?
11:37– Oui, c'est de toute façon totalement insuffisant ce qui est proposé.
11:40Les peines planchées, elles ont existé dans notre droit,
11:43dans notre arsenal législatif.
11:45Moi, je crois même qu'il faut prévoir un système de peine minimum,
11:49c'est-à-dire des peines en deçà de laquelle le juge ne peut prononcer
11:52une peine inférieure que par une décision spécialement motivée,
11:54comme cela existait jusqu'en 1994 dans le Code pénal,
11:58et également des peines planchées pour les récidivistes.
12:03C'est absolument indispensable pour qu'il y ait une certitude de la peine.
12:06S'il n'y a pas de certitude de la peine, il n'y a pas de crainte.
12:10Et évidemment, aujourd'hui, on voit bien qu'elle n'existe pas,
12:13qu'elle n'existe plus et on voit bien la dérive.
12:16Par ailleurs, il faut aussi, je pense, pour les récidivistes,
12:19je dis bien pour les récidivistes, notamment dans ce domaine-là,
12:22j'allais dire, écarter toutes les mesures d'aménagement de peine
12:25telles qu'elles existent dans le droit et faire en sorte
12:28que le juge d'application des peines ne puisse pas intervenir
12:30ou ne puisse intervenir qu'à la marge sur les plus grosses condamnations
12:33prononcées pour éviter que ces individus bénéficient de remise de peine
12:37au motif qu'ils se comportent bien en prison.
12:39Ce n'est plus possible si on veut lutter de matière efficace contre ces réseaux.
12:43– Vous vous demandez aussi la remise à plat du régime de l'exécution de peine.
12:45– Oui, c'est indispensable.
12:47– C'est quoi concrètement ?
12:48Pas de réexécution de peine et exécutoire des peines d'emprisonnement
12:51dans les établissements pénitentiaires ultra sécurisés, c'est ça l'idée ?
12:55– Il y a deux choses.
12:56Il y a à la fois, effectivement, les conditions de l'incarcération.
12:59Je pense qu'effectivement, pour un certain nombre de profils,
13:03il faut mettre en place des mesures d'incarcération hyper sécurisées
13:07pour au moins s'assurer que ces individus-là ne poursuivent pas en détention
13:11leurs activités criminelles ou délinquantes avec les téléphones portables,
13:15tout simplement, ce n'est pas tolérable.
13:16Je crois que tous les ans, on saisit dans les maisons d'arrêt de France,
13:20j'ai vu ce chiffre l'autre jour, 50 000 téléphones portables, c'est affolant.
13:24Donc là, effectivement, il faut arrêter ça.
13:26À Marseille, on a eu des malfaiteurs qui ont commandité depuis leur cellule
13:31des meurtres de façon satisfaire.
13:34Alors on dira, oui, mais il n'y a plus de place dans les prisons.
13:36Oui, bien sûr, il n'y a plus de place dans les prisons.
13:38Mais je pense qu'on peut aussi, j'allais dire,
13:40on a quelques leviers là-dessus.
13:42L'expulsion des condamnés étrangers, je pense qu'il faut absolument,
13:45j'allais dire, que la France monte tout son poids pour exiger
13:48des États ressortissants qu'ils récupèrent leurs délinquants.
13:51Et puis, on peut très bien imaginer aussi des prisons à sécurité moindre
13:55pour un certain nombre de délinquants.
13:57Je pense aux délinquants routiers, aux primo-délinquants,
13:59pourquoi pas aux agresseurs sexuels,
14:01qui pourraient effectivement être incarcérés dans des maisons d'arrêt
14:05pour permettre de créer des maisons d'arrêt hyper sécurisées
14:08pour un certain nombre de profils qui sont hyper dangereux
14:11pour l'ordre public, pour les co-détenus et pour les surveillants pénitentiaires.
14:14– Alors, quand vous dites des prisons moins sécurisées,
14:16parce que vous considérez que les personnes qui seraient arrêtées
14:18ou qui seraient en prison posent moins de problèmes,
14:20moins de risques dans la prison.
14:22– Oui, il y en a qui ne posent pas de problèmes.
14:25Je ne sais pas, un individu qui, au volant de son véhicule,
14:28va tuer trois personnes en état alcoolique, c'est effectivement très grave.
14:32Il est normal qu'il fasse une peine d'emprisonnement.
14:34La plupart du temps, ce profil-là de délinquant
14:36ne pose pas de problème de sécurité à l'intérieur d'une maison d'arrêt.
14:39– D'accord, c'est bien clair.
14:40Luc Fontaine, dans votre propos, je relève aussi le peu d'insistance
14:43à revendiquer pour une justice qui bénéficie de plus de moyens.
14:48Pourtant, le renforcement des moyens judiciaires et policiers
14:50est une obligation, des moyens matériels financés par un impératif stratégique, non ?
14:55– Alors, les moyens matériels, oui, pour la police.
14:57Aujourd'hui, vous savez que la police est essentiellement,
14:59notamment dans ces types d'affaires, problème de technologie,
15:03il faut absolument des balises, il faut des centrales d'écoute téléphonique,
15:05il faut des laboratoires de police, c'est absolument essentiel.
15:08La police technique et scientifique a fait des progrès absolument énormes
15:11et effectivement, il faut soutenir cette évolution.
15:14Il faut renforcer les services de police parce que c'est eux qui font les enquêtes.
15:17Les magistrats, à mon avis, sont assez nombreux en France.
15:20Par contre, il y a des choses qu'il faut faire…
15:21– C'est plus, c'est suffisant.
15:24– On ne va pas arriver à 20 000 magistrats, ça n'aurait aucun sens.
15:27Je pense qu'effectivement, il faut que les magistrats
15:30soient, le nombre qu'ils sont, 7 500 par extravagant,
15:35mais qu'ils soient assistés par des équipes de collaborateurs,
15:38style assistants de justice, assistants spécialisés,
15:43qui pourraient traiter les petites affaires pour ne pas encombrer,
15:46j'allais dire, le travail du magistrat qui doit se concentrer sur l'essentiel.
15:50Et je pense également aussi, si on veut, j'allais dire,
15:53diminuer la pression sur le juge,
15:55il faut envisager à terme des réformes de procédures pénales
15:58pour simplifier ce fatras qui est devenu incompréhensible.
16:01– Vous, c'est ce que vous avez souffert dans vos années, 40 années de magistrature,
16:06c'est la difficulté d'avoir de l'aide, entre guillemets.
16:09– Oui, et puis en 40 ans, la complexification,
16:11non pas forcément du code pénal, mais du code de procédure pénale,
16:15avec la multiplication des réformes, des réformes incessantes,
16:19de plus en plus difficiles à comprendre,
16:21avec en plus la pression de la jurisprudence
16:24de la Cour européenne des droits de l'homme,
16:25qui est évidemment une difficulté, je rappelle par exemple,
16:28c'est la Cour européenne des droits de l'homme,
16:30qui me semble-t-il en 2011, si je ne dis pas de bêtises,
16:33a dit qu'en France, il n'était pas possible de garder quelqu'un
16:37dans un service de police sous le régime de la garde à vue
16:39sans qu'il soit assisté d'un avocat.
16:41Il a fallu que la France change son régime de la garde à vue.
16:44Donc ça, ça devient extrêmement difficile,
16:46cette double pression des réformes permanentes
16:49et de la pression également des justices internationales,
16:51de la juridiction internationale.
16:52– Vous en avez parlé bien évidemment dans notre entretien,
16:56est-ce que la lutte contre les narcotrafiquants
16:59passe aussi par un renforcement des partenariats internationaux,
17:02ne serait-ce que pour contrer les réseaux criminels frontaliers ?
17:05On a l'impression qu'il y avait certains pays où…
17:07– C'est indispensable, c'est absolument indispensable.
17:11Je rappelle que la French Connection, dans les années 70 à Marseille,
17:15a été démantelée grâce au soutien et à la coopération avec les Américains,
17:18évidemment qui étaient destinataires de l'héroïne,
17:20donc ils y avaient intérêt.
17:21Oui, c'est indispensable, l'entraide judiciaire marche plutôt pas mal
17:25entre pays européens, plutôt mal ailleurs,
17:28parce qu'il y a le problème des pays producteurs.
17:31Comment voulez-vous par exemple intervenir sur la Colombie
17:34ou sur l'Équateur pour faire en sorte que la cocaïne
17:39ne sorte pas de leur pays à destination de la France ?
17:41C'est impossible, on n'a pas ce poids diplomatique.
17:44Vis-à-vis du Maroc, pour la résine de cannabis
17:47qui est produite essentiellement dans le rive, c'est également difficile.
17:50Il y a aussi la problématique des pays qui sont destinataires des fonds.
17:53Il ne faut pas oublier qu'un certain nombre de pays,
17:55j'allais dire, je pense aux Émirats Arabes Unis,
17:58tout le monde le sait, Dubaï,
18:00où un certain nombre de malfaiteurs français se réfugient là-bas
18:03pour vivre la dolce vita avec le produit de leur crime.
18:05C'est extrêmement compliqué, mais je pense qu'il ne faut pas baisser les bras
18:08et que l'entraide pénale internationale doit effectivement
18:10être développée le plus possible.
18:13Mais pour que l'entraide pénale internationale fonctionne,
18:16il faut que la France soit forte et qu'elle soit en capacité
18:18d'imposer un certain nombre d'États des conventions internationales.
18:21Ma dernière question, malheureusement.
18:23Elle reprend en la reformulant, finalement, la première.
18:26Je vous avais demandé si la guerre était perdue.
18:28Je vous repose la question différemment.
18:30Peut-on gagner cette guerre ?
18:32On peut la gagner.
18:33Il faudra beaucoup de temps, malheureusement.
18:37Beaucoup de lucidité également.
18:39C'est peut-être la première chose qu'il faut avoir.
18:41La lucidité, c'est-à-dire savoir nommer les choses.
18:45Et puis, beaucoup d'engagement des services de police,
18:52des magistrats et aussi des hommes politiques
18:55qui ont les yeux ouverts sur la réalité du phénomène.
18:58Et qu'ils soient exemplaires dans ce domaine.
19:00Évidemment, ça va de soi.
19:02Luc Fontaine, vous avez été un magistrat français reconnu pour votre expertise.
19:05Vous avez occupé plusieurs postes clés dans votre carrière.
19:08Vous avez, par exemple, instruit l'affaire de l'ordre du Temple solaire.
19:11Vous étiez jusqu'en juin dernier, juillet dernier,
19:13Premier Président de la Chambre d'appel de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence.
19:18Quels souvenirs gardez-vous de cette grande carrière ?
19:20Finalement, 40 années, je crois.
19:22Plusieurs choses.
19:23Des affaires passionnantes, évidemment.
19:25Vous avez évoqué la terrible affaire de l'ordre du Temple solaire
19:30avec 74 morts en tout, dont 16 dans le Vercors au-dessus de Grenoble.
19:34Affaire absolument passionnante.
19:36Vous avez évoqué également la lutte contre la criminalité organisée.
19:39C'est évidemment absolument passionnant et nécessaire.
19:43Je ne regrette pas le métier que j'ai exercé.
19:45Moi, j'encourage même les jeunes à s'engager dans la magistrature.
19:49C'est un métier magnifique, même si, évidemment, on connaît les difficultés.
19:53L'aggravation de la délinquance, elle est réelle.
19:55La complexification des règles de procédure.
19:58Des défenses qui se sont extrêmement professionnalisées
20:01et qui sont parfois agressives.
20:03Mais je crois qu'il y a de l'intérêt général.
20:04Quand on est magistrat, s'occupant des trafics de drogues et de stupéfiants à Marseille,
20:09est-ce qu'on considère quand même que sa vie est un peu en danger, quelquefois ?
20:14Moi, je ne l'ai rarement ressenti comme ça.
20:16Mais bon, on sait bien que dans l'histoire française,
20:18il y a un magistrat qui a été assassiné à Marseille,
20:20justement dans les années 80, le juge Michel.
20:25Il y a quelques jours, me semble-t-il, ou quelques semaines,
20:28c'est le procureur général de Douai qui aurait été, j'allais dire,
20:31approché à proximité de son domicile par une bande de malfaiteurs.
20:34Je pense qu'il faut être prudent,
20:36puisque ce sont des équipes extrêmement structurées,
20:38avec des enjeux financiers dont on n'imagine même pas le montant.
20:42Et effectivement, je pense qu'il peut parfois avoir des risques
20:46de s'en prendre à des équipes de malfaiteurs très chevronnées.
20:50Et c'est pour ça que je crois aussi qu'il est indispensable,
20:53notamment au stade de l'instruction de ces affaires-là,
20:55que les juges d'instruction agissent en collégialité et pas de manière isolée.
21:00– Une carrière pour la justice, la défense du bien commun ?
21:02– Absolument, absolument.
21:03– C'était ça qui vous motivait ?
21:05– Absolument, la défense du bien commun, tout à fait.
21:07Oui, oui, tout à fait, c'est évidemment l'essentiel.
21:10– Et M. le Président, vous êtes à la retraite,
21:12comment on fait aujourd'hui pour défendre le bien commun ?
21:14– Eh bien voilà, c'est une bonne question,
21:15peut-être en participant à une émission à TV Liberté.
21:19– D'accord, il n'y a pas de magistrats honoraires ?
21:21On ne vous fait pas appel à vous pour…
21:22– Si, il y a des magistrats honoraires.
21:24– C'est moi ce qu'on fait appel à vous, pardon.
21:25– Je suis magistrat honoraire, mais il y a les magistrats honoraires,
21:28comme moi, c'est-à-dire qui n'ont pas d'activité juridictionnelle,
21:30et ceux qui peuvent exercer des activités juridictionnelles,
21:32mais moi, j'ai envie de passer à autre chose.
21:34– D'accord, c'est un message éclair.
21:36Merci beaucoup.
21:37– Merci monsieur.

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