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En février 2012, une vidéo réalisée par une ONG américaine, Invisible Children, appelle à l’arrestation de l'Ougandais Joseph Kony, chef de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), coupable d'innombrables atrocités, dont l'enrôlement d'enfants-soldats, et recherché par la Cour pénale internationale pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre.

Le succès de ce long spot – 100 millions de vues en seulement six jours – vient à point nommé pour légitimer la campagne militaire que l'administration Obama a décidé un peu plus tôt de lancer dans l'est de la Centrafrique. Il s'agit officiellement d'épauler l'armée ougandaise, qui y recherche Kony. En 2017, bien que le criminel soit demeuré introuvable, Donald Trump met fin à cette opération, qui a mobilisé près de 300 hommes sur le terrain. Mais sous couvert de prêter main-forte à la justice internationale, celle-ci a favorisé des objectifs cachés, à la croisée d'intérêts politiques, économiques et stratégiques que cette investigation révèle.

Dessous inavouables

En 2014, Étienne Huver et Boris Razon, du collectif d’investigation Slug News, découvrent sur place qu'un étonnant mélange des genres a présidé à cette campagne médiatique et militaire. S’appuyant sur leurs images inédites, Jean-Baptiste Renaud poursuit l’enquête en Ouganda et aux États-Unis. Il montre que pour le gouvernement ougandais, l'opération Kony visait avant tout à museler son opposition, tandis que le gouvernement américain d'une part, des entreprises et des groupes religieux de l'autre y ont vu l'occasion d'étendre leur influence.

Le documentaire révèle ainsi les liens opaques entre l’ONG Invisible Children, le gouvernement ougandais et des organisations évangélistes, comme The Fellowship Family. Membre de cette dernière, James Inhofe, conseiller républicain pour l'Afrique auprès du Congrès américain intervient dans la fameuse vidéo Kony 2012… S'appuyant sur des interviews (un ancien enfant-soldat de la LRA, d’ex-employés ougandais de l’ONG, sa présidente actuelle…), cette enquête édifiante éclaire les dessous inavouables d’une opération au vernis humanitaire.

Croisade américaine en Afrique
Un film de Jean-Baptiste Renaud
Sur une idée originale d’Étienne Huver et Boris Razon
Droits réservés ARTE

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News
Transcription
00:00En 2012, les Etats-Unis lancèrent une immense opération militaire en Ouganda et en République
00:07centrafricaine pour capturer Joseph Kony, le chef de guerre le plus recherché d'Afrique.
00:13Une chasse à l'homme qui a duré 5 ans et a coûté plus de 700 millions de dollars.
00:20Mais Kony n'a jamais été trouvé.
00:24Vous savez, c'est une zone gigantesque ici et donc trouver quelqu'un qui s'y cache,
00:30c'est très difficile.
00:32Les Etats-Unis le cherchaient-ils vraiment ? Ou était-ce une opération factice pour
00:42masquer d'autres activités dans cette région très stratégique d'Afrique ?
00:46Mon enquête commence avec la mystérieuse ONG appelée Invisible Children.
00:52Les réseaux sociaux n'oublient jamais rien.
01:01Alors, j'ai été chercher dans mes archives personnelles.
01:06Années 2012, mars, avais-je liké, avais-je partagé la vidéo la plus virale de l'Histoire,
01:21avec 100 millions de vues, en seulement 6 jours.
01:34C'était l'histoire d'un réalisateur américain, Jason Russell, qui voulait que sa vidéo
01:41de 30 minutes permette d'arrêter un criminel de guerre en Afrique centrale.
01:45Joseph Kony.
02:16La vidéo voulait choquer, indigner.
02:30Pour traîner Joseph Kony devant la justice, le jeune américain avait aussi créé une
02:39ONG, Invisible Children.
02:44Cette campagne, Kony 2012, a fait un carton.
02:49Parmi ceux qui ont fait circuler cette vidéo, il y avait quelques-uns de mes amis.
03:00Je ne l'avais pas liké cette vidéo.
03:06Jusque récemment, j'avais oublié l'existence de cette vidéo, et de Joseph Kony lui-même.
03:15Et puis, il y a 8 mois, deux journalistes de notre collectif m'ont confié ce disque
03:24dur.
03:25A l'intérieur, il y avait le point de départ de cette enquête.
03:30Trois téraoctets d'images, une soixantaine d'heures, tournée en avril 2014, à l'est
03:54de la Centrafrique.
03:55Mes deux collègues, Etienne Huvert et Boris Heger, les ont rapportés d'une zone de
04:05guerre.
04:06J'y ai découvert des images dignes du Far West.
04:12Une chasse à l'homme, dans la brousse, pour capturer l'ennemi public.
04:175 ans après, l'homme qu'ils cherchaient, le criminel de guerre Joseph Kony, est toujours
04:36en liberté.
04:37A première vue, c'est un fiasco militaire pour la première puissance mondiale, et son
04:45allié dans cette traque, l'armée ougandaise.
04:48Mais en reprenant cette enquête, j'ai découvert que toute cette opération n'avait pas grand
04:56chose à voir avec une traque humanitaire, mais tout à voir avec une caricature de la
05:05guerre en Afrique.
05:06Les blancs qui veulent sauver le monde, le grand méchant sanguinaire, l'armée américaine
05:14à la rescousse, son faire-valoir africain, l'argent, et puis, en plein milieu du champ
05:23de bataille, les fous de Jésus.
05:25A quoi, à qui, avait vraiment servi cette vidéo ?
05:44Me voici à la fois sur les traces du criminel de guerre le plus célèbre des réseaux sociaux,
06:06et sur celle d'Invisible Children, l'ONG qui voulait l'arrêter.
06:11Il fallait commencer par se rendre à Goulou, au nord de l'Ouganda, la région d'origine
06:16de Joseph Kony lui-même.
06:17J'ai pris les mêmes routes que les réalisateurs de Kony 2012, rencontré les mêmes personnes,
06:28des anciens enfants soldats de la LRA, le groupe armé de Joseph Kony.
06:36Dès la fin des années 80, c'était dans cette région que le seigneur de guerre raflait
06:42les villages pour garnir ses rangs.
06:44C'était un vendredi vers 10 heures du matin.
06:52Quand ils sont arrivés dans notre village, j'étais à l'école.
07:00Ils sont venus dans ma classe, ils m'ont pris en premier avec six autres enfants.
07:19J'avais seulement 9 ans.
07:27Dès la deuxième nuit, ils m'ont appris à me servir d'un pistolet.
07:32J'ai réalisé que je le veuille ou non, c'est ma vie maintenant, donc je dois m'endurcir.
07:45En 1998, j'ai été promu et envoyé dans l'unité de Kony lui-même.
08:00J'étais comme un garde du corps de Kony.
08:02Les trois réalisateurs d'Invisible Children avaient débarqué ici à Goulou en 2003.
08:22J'ai aussi retrouvé celles qui les guitaient à l'époque, 9 ans avant leur vidéo virale.
08:28Je suis une victime de cette guerre.
08:33Je me suis enfuie et j'ai quitté la LRA.
08:38Je me suis mise à travailler pour des associations et j'ai pu aller aux Etats-Unis pour parler de la guerre dans le nord de l'Ouganda.
08:54J'ai commencé à raconter que j'étais une ancienne enfant-soldat et combien d'enfants étaient kidnappés dans la région.
09:00C'est là que j'ai rencontré beaucoup de gens qui ne connaissaient rien de cette guerre.
09:06Quand les réalisateurs ont entendu notre histoire, ils m'ont contactée et ils m'ont raconté qu'ils voulaient faire un film sur la guerre en Afrique.
09:22J'ai dit attendez, il y a une guerre juste ici dans le nord de l'Ouganda.
09:29Ils étaient si naïfs, alors je les ai conduits moi-même dans le nord.
09:35Ma vie après l'enlèvement n'a pas été facile.
09:49Elle ne l'est toujours pas.
09:52Quand j'ai été libéré, j'avais beaucoup de séquelles graves.
09:59Et celui qui m'aidait dans mes études m'a appelé et m'a dit Patrick, je viens de rencontrer des garçons.
10:07Ils sont très jeunes, ils ont l'air très naïfs et ils veulent faire plein de choses dans le nord de l'Ouganda.
10:14Mais personne ne peut les aider.
10:17Tu penses que tu peux leur consacrer du temps ?
10:20Rien d'énorme, mais on ne sait jamais.
10:25J'ai dit ok, j'aimerais rencontrer ces garçons très vite.
10:31Il y avait Laren Poole, Jason Russell et Bobby Bailey, les réalisateurs.
10:39J'ai été embauché par Invisible Children et c'est comme ça que tout a commencé.
10:48Ils ont fait beaucoup de petites vidéos, des films sur les orphelins, le sida et certaines victimes de la guerre.
10:56Et bien sûr le douzième documentaire, c'était Kony 2012.
11:02Résumé en 30 minutes.
11:06Une guerre qui a duré 20 ans, pour beaucoup c'était une plaisanterie.
11:17Depuis, les anciens gamins naïfs avaient bien grandi.
11:23Et leur ONG siégeait désormais à Washington, comme les meilleurs lobbyistes.
11:29Bonjour, asseyez-vous je vous en prie.
11:32Tout est prêt.
11:34Pour avoir le droit d'avoir la présidente d'Invisible Children en face de moi,
11:44j'avais dû prendre la suite d'une interminable négociation.
11:48En 2014 déjà, mes collègues avaient demandé une interview.
11:52Refusé.
11:54Depuis, il avait fallu des dizaines de mails pour pouvoir enfin être là.
11:58Vous vous souvenez de l'objectif de la campagne Kony 2012 ?
12:28Ok.
12:38Jusque-là, c'était la belle histoire qu'on nous avait toujours racontée.
12:42Un succès viral, inattendu, pour une juste cause.
12:49Mais quels étaient les vrais objectifs de cette vidéo ?
12:59La vidéo ne s'en cachait pas vraiment.
13:02Elle voulait provoquer l'envoi de troupes américaines aux trousses de Kony.
13:06La vidéo ne s'en cachait pas vraiment.
13:09Elle voulait provoquer l'envoi de troupes américaines aux trousses de Kony.
13:13Cogny 2012, un succès miraculeux ? Pas vraiment.
13:38Deux ans avant le carton mondial de sa vidéo, Invisible Children faisait déjà du lobbying,
13:44jusque dans le bureau ovale de la Maison Blanche.
13:47Comme sur cette photo, prise en 2010.
14:09Des likes, à l'envoi de troupes militaires, il n'y avait qu'un pas.
14:17Au 21e siècle, une vidéo pouvait provoquer une guerre.
14:30C'était cette guerre que montraient les images de mon disque dur.
14:33On y voyait quelques-uns des 100 militaires des forces spéciales américaines, déployés par Obama.
14:50Il y avait aussi, là, en plein milieu, un camp de Invisible Children.
14:56On était en 2014, et ces images n'avaient pas été filmées en Ouganda, la zone d'origine de la Héléra, mais en Centrafrique.
15:06A l'époque, le groupe de Joseph Cogny avait quitté l'Ouganda depuis près de 10 ans.
15:11Et il errait, quelque part dans une zone immense, entre le Sud-Soudan, la République démocratique du Congo, et la Centrafrique.
15:20C'était ici, à Obo, à des centaines de kilomètres à l'est de la capitale, Bambi, en guerre, que les Américains disaient que Cogny et ses hommes se cachaient.
15:36Sur place, mes collègues s'étaient rendus compte que non seulement Invisible Children avait précipité l'arrivée des GIs,
15:42mais qu'en plus, l'ONG américaine accueillait volontiers les réunions des militaires.
15:49Précisément, les forces spéciales américaines, qui dirigeaient la traque de Cogny, et leurs alliés, les Ougandais, qui exécutaient.
16:02Bonjour.
16:03Je suis le colonel Kevin Leahy.
16:08Je suis le commandant des forces américaines.
16:11Nous sommes ici pour aider les troupes de l'Union africaine à expulser la LRA.
16:17Aujourd'hui, ils vont entendre notre message, et se rendre compte qu'il est temps de faire des fictions.
16:23On peut faire une petite interview ?
16:25Ça fait trois ans que vous êtes là, et Cogny est toujours dans la brousse.
16:30Ok, il est toujours dans la brousse, mais ses troupes sortent de la brousse.
16:35Vous savez, c'est une zone gigantesque ici, et donc trouver quelqu'un qui s'y cache, c'est très difficile.
16:42Mais les drones, les hélicoptères, tout ça, c'est inefficace ?
16:48C'est une bonne question.
16:50Oui, la technologie fonctionne, mais est-ce que nous savons où il est là maintenant ?
16:55Est-ce qu'on va bientôt le capturer ?
16:57Non, pas exactement.
17:00Quelle est la réponse ?
17:02Je ne sais pas.
17:04Je ne sais pas.
17:06Avance rapide.
17:10Quatre ans après cette interview, l'opération américaine était terminée.
17:15Les G.I.s étaient rentrés au pays, sans avoir attrapé Cogny.
17:21Pourquoi mettre fin à une chasse à l'homme ?
17:24C'est la question.
17:26C'est la question.
17:28C'est la question.
17:30C'est la question.
17:31Pourquoi attraper Cogny ?
17:33Pourquoi mettre fin à une chasse à l'homme, alors que la cible courait toujours ?
17:39Je n'ai eu aucun commentaire officiel de la part du Pentagone.
17:43Le seul qui avait accepté de me raconter sa mission sur place, était un marine, anonyme.
17:52Bien sûr, nous n'avons pas réussi à arrêter Cogny.
17:55Mais au cours de plusieurs opérations, nous en avons été très proches.
17:58Vraiment proches.
18:00C'était frustrant.
18:10Les militaires américains cherchaient-ils seulement au bon endroit ?
18:14En Ouganda, j'ai retrouvé un des hommes de Joseph Cogny.
18:1924 ans de service dans la brousse, en tant qu'adjoint du chef de guerre.
18:25Vu son niveau dans la hiérarchie de la LRA,
18:29il était ici surveillé et prenait de gros risques en acceptant de me parler.
18:38Cogny n'avait pas peur du tout des américains.
18:41Il vit dans la brousse.
18:43Comment voulez-vous que des commandos le trouvent ?
18:45Cogny va où il veut.
18:48La stratégie américaine, c'était de le localiser,
18:51d'envoyer des avions et des soldats au sol pour l'arrêter.
18:54Mais Cogny était déjà parti.
18:56C'est pour ça qu'ils ne l'ont pas trouvé.
18:57Et à ce moment-là, où était Cogny ?
19:00Cogny était au Darfour.
19:02Donc il n'était pas dans le coin ?
19:04Non, pas du tout.
19:08Ce que cet ancien de la LRA désigne comme le Darfour,
19:13c'est cette enclave.
19:15Une zone contestée entre le Soudan et le Sud-Soudan.
19:19À vol d'oiseaux, 600 kilomètres plus au nord de la zone de recherche de l'armée américaine.
19:24Cogny et ses hommes y étaient réfugiés depuis au moins 2010.
19:33La plus puissante armée du monde, c'était-elle simplement en trompé d'endroit ?
19:38Ou alors, cette mission avait-elle d'autres objectifs ?
19:42Ma famille est restée en Ouganda.
19:45Mon père a été premier ministre avant que son gouvernement ne soit renversé par l'armée.
19:56Après six ans d'opérations, ils n'ont pas réussi à lutter contre l'armée américaine.
20:04Merci.
20:08Après six ans d'opérations, ils n'ont pas arrêté Cogny.
20:13Le cherchaient-ils vraiment ?
20:16Bien sûr que non, ils ne cherchaient pas Cogny.
20:19Difficile de dire si la mission est un succès ou un échec,
20:22puisque je suis convaincu à 100% que ça n'a jamais été l'objectif.
20:26Cette opération a coûté plus de 700 millions de dollars.
20:30Comment est-ce possible ?
20:32Cela n'a de sens que si cet argent a servi à financer autre chose.
20:40Qui étaient ces soldats que nous avions filmés en 2014 ?
20:44Quelles étaient leurs vraies missions ?
20:47Ils étaient ici sous la bannière d'Africom, le bras armé du Pentagone en Afrique.
20:52Africom, c'est un commandement militaire, mais pas seulement.
21:01Selon ce document interne récemment déclassifié,
21:05Africom réunit des militaires et des civils.
21:09Parmi ces missions, on lit notamment « Protéger les intérêts américains ».
21:15Quels intérêts ?
21:17Diplomatique et militaire.
21:18Mais aussi économique, financier ou de renseignement.
21:23Surtout, Africom dit opérer dans les zones grises.
21:27Pas tout à fait en guerre, pas tout à fait en paix.
21:34Africom est là pour intervenir de façon humanitaire.
21:39Ça, c'est le discours officiel.
21:42Mais la réalité est plus géopolitique et officielle.
21:45Les États-Unis peuvent ainsi introduire des troupes via l'Ouganda,
21:49et ensuite les déployer ailleurs pour contrer d'autres intérêts en Afrique.
22:01En 2014, les habitants de Hobo voyaient rarement les Pairs de Rangers des Américains.
22:08Mais ils voyaient leurs avions, leurs hélicoptères.
22:11Leurs drones.
22:13En fait, l'opération Cogny avait surtout une importance pour les Américains.
22:18Parce qu'ils se sentaient sans doute sur les terres,
22:21et que les américains n'y étaient pas.
22:24C'est-à-dire qu'ils ne savaient pas à quel point les Américains étaient là.
22:29Ils savaient seulement que les Américains étaient là.
22:32Mais ils ne savaient pas à quel point les Américains étaient là.
22:35Ils ne savaient pas qu'ils étaient là.
22:37Ils ne savaient pas qu'ils étaient là.
22:38En fait, l'opération Kony avait surtout lieu dans les airs. Ce n'était pas officiel,
22:45mais les soldats américains, eux, le savaient parfaitement.
22:49Ce que nous faisions en Afrique centrale, c'était de la collecte et du partage de
22:55renseignements militaires. Et dans ce domaine, nous avions de bons outils pour accomplir notre
23:00mission, que ce soit en termes de renseignements ou de forces aériennes.
23:06Sans le prétexte de la chasse aux criminels de guerre, l'armée américaine n'aurait jamais eu
23:14l'autorisation de survoler une zone si instable, si stratégique. Grâce à l'opération Kony,
23:20elle a pu cartographier la zone, poser des balises GPS, en langage militaire,
23:25accumuler du renseignement. Mais l'Afrique centrale n'avait pas été qu'un terrain de
23:49jeux militaires. Il y avait de l'or, des diamants et aussi des hommes d'affaires qui
23:56voulaient en profiter. Cet homme-là par exemple, chemise à motifs, il apparaissait dans l'histoire
24:04en 2014, à l'occasion d'une réunion de sécurité à Obo. Et ce jour-là, on lui remettait une carte,
24:12visiblement confidentielle. Il refusait qu'on la filme, et pour cause, elle était adressée au
24:19colonel des forces armées américaines. Vous n'êtes pas militaire, d'accord.
24:28Oui, je suis, mon nom c'est Mark Pearson. D'accord, P E A R S O N. Donc vous êtes conseiller
24:37culturel, c'est ça ? Exactement. C'est-à-dire ? J'étais à Bangui, et lorsque les forces américaines
24:41sont arrivées, j'ai dit à l'ambassade, si vous avez besoin de moi, je peux. D'accord. En ce sens,
24:46je suis conseiller culturel. D'accord. On peut dire conseiller culturel des forces armées
24:50américaines ici, quoi. Voilà. D'accord. Et là, vous allez, tout ce qui a été dit ici,
24:55à quoi pouvait servir un conseiller culturel à Obo. Et pourquoi confier-t-on une carte militaire
25:02américaine à un conseiller culturel ? Quatre ans plus tard, j'ai vérifié qui était vraiment Mark
25:08Pearson. Avant son arrivée dans les pas des soldats américains, il était employé de Gem
25:14Diamonds, un groupe diamantaire multinational. 300 millions d'euros de chiffre d'affaires,
25:21des mines et des projets de prospection partout en Afrique, dont un en Centrafrique. Problème,
25:31la seule zone de recherche de diamants officiellement déclarée par l'entreprise
25:35était à l'ouest de la Centrafrique, à 1500 kilomètres de Obo, à l'autre bout du pays.
25:41Que faisait un de ses anciens employés ici, dans une région au sous-sol riche d'or et de diamants ?
25:50Ni Mark Pearson, ni Gem Diamonds n'ont répondu à mes questions.
25:57Parmi les riches mécènes de l'opération Coney,
26:18il y avait aussi un américain, un milliardaire, très proche de Invisible Children.
26:23Lui-là, c'est Howard Buffett, c'est le fils du milliardaire américain Warren Buffett et il est
26:30très proche de Invisible Children, il les soutient depuis le début. Et plus tard,
26:34Howard Buffett va investir beaucoup d'argent en Ouganda.
26:36En 2011, alors que les soldats américains débarquaient dans la région, Howard Buffett
26:41choisissait l'Ouganda pour lancer un programme agricole en collaboration avec Monsanto.
26:46La fondation de Howard Buffett a créé ce programme qui vise à officiellement
26:50développer l'agriculture en Ouganda. Et c'est surtout en fait un moyen d'y installer des OGM.
26:56J'avais envoyé des dizaines de mails pour réclamer l'autorisation de filmer
27:07ces champs de maïs OGM plantés par le duo Buffett-Monsanto.
27:11Je m'intéresse aux investissements américains ici en Ouganda,
27:18donc je me demandais si nous pouvions filmer quelques images des champs expérimentaux ici.
27:23Je pense que vous devez d'abord voir le directeur.
27:28Je viens de parler au directeur, il dit qu'il n'est pas dans le coin.
27:35Merci madame, bonne journée.
27:38La sécurité a alerté, à priori on va se faire virer dans pas longtemps. Ils nous cherchent.
27:48On est à cran. Si vous arrivez sans intention claire, vous pourriez perdre la vie bêtement.
27:59Deux simples champs de maïs OGM transformés en secret d'état. Ambiance surréaliste.
28:09Pour Howard Buffett, c'était un bon deal. Il avait donné de l'argent à tout le monde,
28:16à Invisible Children, à l'armée ougandaise,
28:19et quelques années plus tard, il s'implantait sur des terres vierges et fertiles.
28:30Cette chasse à l'homme n'avait pas profité qu'à des milliardaires.
28:33Depuis le début, une autre armée avait beaucoup à gagner.
28:39L'armée ougandaise, appelée UPDF.
28:43Ce sont ces hommes que les Etats-Unis équipaient, finançaient, formaient,
28:49pour qu'ils trouvent Conny, un jour peut-être.
28:55A Kampala, la capitale de l'Ouganda, il fallait que je comprenne qui était vraiment l'homme à la tête du pays.
29:02Yoweri Museveni avait pris le pouvoir par un coup d'état en 1986.
29:07Et pour consolider le début de son règne, il s'était débarrassé de nombreux groupes rebelles.
29:13Mais la LRA de Joseph Conny avait été épargnée.
29:20Conny est une création de l'État.
29:26Cette partie de l'histoire, il n'y avait qu'un membre de l'opposition pour accepter de la raconter.
29:33Quand on regarde l'émergence de Conny, je peux vous le confirmer,
29:39c'était une création du gouvernement ougandais pour qu'il combatte les autres groupes rebelles,
29:44qui étaient une vraie menace pour le pouvoir.
29:47Ces groupes-là étaient organisés, entraînés, ils respectaient les droits de l'homme,
29:52ils n'ont jamais tué de civils.
29:55Donc Conny aurait pu être arrêté en 1988 ?
29:58Oui, on en aurait fini avec Conny depuis 1988.
30:01Il n'avait aucune vraie capacité à combattre, aucun soutien étranger.
30:13Sans Joseph Conny, le régime ougandais ne pourrait jamais justifier
30:19qu'il a besoin de plus d'assistance militaire de la part des États-Unis.
30:24Plus d'armes, plus de soutien financier,
30:28plus de partenariats diplomatiques avec les États-Unis.
30:31Comment voulez-vous justifier ça sans la présence de Joseph Conny ?
30:41L'armée est devenue corrompue, extrêmement corrompue.
30:46Ils ont tiré profit de la guerre.
30:48A chaque attaque de la LRA, ils disent « Oh, une attaque, il nous faut de l'argent ».
30:54Cette accumulation de richesse par l'armée, on la voit ici à Kampala.
30:59Tous ces immeubles neufs qui appartiennent à des hauts gradés,
31:02ils sont tous devenus riches.
31:13La plupart des officiers ont été formés aux États-Unis.
31:17Ils leur ont octroyé des bourses sans savoir que certains d'entre eux commettaient des atrocités.
31:22Ou alors ils savaient, mais ils ont fermé les yeux à cause de leurs intérêts dans la région.
31:34C'était la partie la moins connue et la moins documentée de cette histoire.
31:39Sous prétexte de chasser Joseph Conny,
31:42l'armée ougandaise avait commis elle aussi des exactions dans son propre pays.
31:47Entre 1986 et 2004, à l'abri des caméras,
31:51l'armée de Museveni avait entamé une sanglante répression au nord de l'Ouganda.
31:57Officiellement pour chasser la LRA,
32:00officieusement pour mater les habitants de l'ethnie Acholi, celle de Joseph Conny,
32:07jugée trop insoumise au pouvoir en place.
32:13Dans mon village, un jeune homme se plaignait d'eux.
32:17Alors l'armée l'a attrapé, lui a mis des vêtements militaires.
32:21Ils ont dit, celui-ci est un rebelle, nous allons vous montrer ce qu'on fait aux rebelles.
32:25Ils l'ont attaché à un arbre comme Jésus à la croix.
32:28Et ils lui ont tiré dessus à la Kalachnikov.
32:31Trois chargeurs, des pieds à la tête.
32:33Ensuite ils ont dit aux villageois, taisez-vous.
32:36Si vous faites quoi que ce soit, on vous fera la même chose.
32:39Parce que c'est comme ça qu'on traite les rebelles.
32:44Ces exactions ont été précisément documentées,
32:47dans un rapport de l'ONG Amnesty International.
32:54Le lendemain, des jeunes ont protesté.
32:58L'armée a dit, vous protestez, venez ici.
33:02Ils ont creusé un trou très large, l'ont recouvert,
33:05et ont mis des contestataires à l'intérieur.
33:09Puis ils les ont asphyxiés avec de la fumée pendant trois jours,
33:12jusqu'à ce que mort s'en suive.
33:14Certains ont pu être sauvés quand l'armée est partie, mais les autres sont morts.
33:18Ce sont des témoignages vibrants des atrocités commises par le gouvernement Ougandais.
33:27L'armée Ougandaise, celle qui devait traquer un criminel de guerre,
33:32était donc elle-même coupable de crimes de guerre.
33:40Mais pour les Américains, l'armée de Museveni a toujours joui d'une impunité totale.
33:53Nous n'avons eu aucun cas dans lequel l'armée Ougandaise
33:56a été accusée d'aller volontairement dans un village et de massacrer les gens.
34:03Connaissez-vous le rapport sur ce conflit publié par Human Rights Watch en 2005 ?
34:08La commission des droits de l'homme de l'Ouganda ?
34:10Non. Human Rights Watch, l'ONG.
34:12Non.
34:15Dans leur rapport de 2005, c'est le plus complet à ce jour,
34:19ils font état de torture,
34:25de viol,
34:28de crimes de guerre,
34:31et ceux des deux côtés, celui de la LRA et celui du gouvernement.
34:36Nous avons notre propre commission des droits de l'homme.
34:39Mais dans le rapport de Human Rights Watch, ce sont des mots forts.
34:45Meurtre délibéré, viol, torture, ce n'est pas rien.
34:51Eh bien, Human Rights Watch publie beaucoup de rapports,
34:54dont certains sont mensongers, d'autres ne sont pas vérifiés.
34:59Mensonger ?
35:00Oui.
35:02Nous avons des cas de meurtre.
35:04Meurtre d'une personne, de plusieurs personnes,
35:07mais seulement des meurtres involontaires.
35:14Pourtant, dans notre disque dur, il y avait ces images,
35:19témoins des méthodes de l'armée ougandaise.
35:23C'était à Obo, le 14 janvier 2014.
35:27Les UPDF avaient dispersé une manifestation d'habitants
35:31en tirant sur la foule à balles réelles.
35:35La mère de cette fillette avait été tuée.
35:40Elle voulait revenir à la maison et puis on a tiré sur elle.
35:47Elle avait pris la balle ici.
35:50La balle avait sorti ici.
35:55Ce sont les traces de la balle.
36:03Vous dites que ce n'est pas volontaire,
36:05mais en Centrafrique, pendant notre tournage en 2014,
36:08l'armée ougandaise a tiré dans la foule et tué quelqu'un,
36:11donc c'est intentionnel, ce n'est pas involontaire.
36:14Tout d'abord, je ne suis pas au courant de ce cas précis en Centrafrique.
36:19Mais le degré de culpabilité...
36:25Je ne suis pas sûr que si des soldats américains
36:29tuent des gens en Afghanistan, leur commandant soit renvoyé.
36:40Pourquoi les Etats-Unis soutenaient-ils coûte que coûte le régime ougandais ?
36:44Malgré les exactions,
36:46malgré la dérive autoritaire de Museveni, président depuis 33 ans.
36:51Est-ce parce que le vieil autocrate ougandais
36:53rendait de menus services à son parrain américain ?
36:59L'Amérique tolère Museveni depuis trop longtemps.
37:04A l'heure où nous parlons, l'armée ougandaise est en Somalie.
37:11Juste avant de les envoyer,
37:13des officiels américains sont venus ici faire du lobbying
37:16pour que nous soutenions l'envoi de ces troupes à l'étranger.
37:21Si vous avez besoin d'un intermédiaire
37:24pour lutter contre le terrorisme islamiste
37:27dans un pays chaotique comme la Somalie,
37:30et que Museveni est prêt à le faire pour vous,
37:33envoyez ces troupes.
37:38C'est du pain béni pour les Américains.
37:41Et ça, peu importe ce que fait Museveni à l'intérieur de l'Ouganda.
37:49En 2007, l'armée a fait une descente ici au Parlement
37:52et a arrêté des leaders de l'opposition,
37:55ici même, en plein jour.
37:58Les Américains ont fait semblant de ne rien voir.
38:00Ils n'ont pas dit un mot,
38:02parce qu'au même moment nous étions en train d'envoyer des troupes en Somalie.
38:06Donc oui, l'Amérique a fait de Museveni ce qu'il est aujourd'hui.
38:11Il est devenu un monstre.
38:23Dans la vidéo Cogny 2012,
38:25il n'y avait pas un mot de tout ça.
38:28Pas un mot du régime ougandais.
38:30Pas un mot du président Museveni.
38:32Pas un mot des crimes de son armée.
38:35Pourquoi ?
38:37Quel était le rôle exact d'Invisible Children ?
38:41Qu'est-ce qu'ils faisaient ?
38:52Ils disaient qu'ils étaient là pour aider les veuves et les orphelins.
38:55Mais que faisaient-ils vraiment ?
38:59Je me suis toujours posé ce genre de questions.
39:11Je suis tombé sur eux peut-être deux ans avant leur grande vidéo virale.
39:16J'ai trouvé leur site et je me suis intéressé à ce qu'ils disaient faire.
39:27Et il y a quelque chose qui m'intriguait.
39:30Leur niveau d'accès au nord de l'Ouganda.
39:34En 2005, cette partie du pays était totalement verrouillée par l'armée ougandaise.
39:39L'entrée dans la zone était strictement contrôlée.
39:43Si vous vouliez rentrer, surtout avec du matériel de tournage, du matériel sophistiqué,
39:47il fallait la permission express du gouvernement ougandais.
39:52Jason Russell et son équipe, ils étaient là parce que les Ougandais le voulaient bien.
39:57Donc pourquoi ?
39:59Je commençais à comprendre ce qui me dérangeait la première fois que j'ai vu Kony 2012.
40:04En fait, la petite ONG qui voulait sauver les orphelins
40:08participait à la promotion d'un des régimes les plus pourris d'Afrique.
40:13Tous les programmes d'Invisible Children sur le terrain paraissaient obéir à cette logique.
40:19Par exemple, son réseau de radio.
40:22Et voilà le siège de nos radiophonies.
40:25C'est ici qu'on coordonne l'ensemble des informations sécuritaires
40:28pour tout le sud-est de la Centrafrique.
40:33Tous les jours, on a une radio qui est très, très forte.
40:37On a une radio qui est très, très forte.
40:40On a une radio qui est très, très forte.
40:43On a un réseau de radio qui est très, très fort.
40:46On a un réseau de radio qui est très, très fort.
40:49Tous les jours, on a une ronde sécuritaire le matin à 7 heures
40:54et une autre ronde sécuritaire dans l'après-midi.
40:58Concrètement, ce n'était ni plus ni moins qu'un réseau d'informateurs
41:02dans des dizaines de villages.
41:06Ils étaient chargés de rapporter les mouvements des rebelles armés actifs.
41:11Sans que l'on sache vraiment si parmi eux,
41:13il y avait de petits groupes isolés de la LRA.
41:19Ils étaient partis à la chasse.
41:22C'était à 14 heures.
41:24C'était à 14 heures qu'ils sont disparus ?
41:27Oui, à 14 heures.
41:28Ok, merci beaucoup. On attend toujours.
41:31Ok, merci beaucoup.
41:33S'il y a des incidents qui se présentent, j'enregistre ça ici.
41:38Avec la date, les lieux, toutes les situations qu'ils donnent.
41:43Bien sûr, nos informations, c'était évidemment un outil que l'armée voulait,
41:48parce que des radios, il y en avait partout dans les villages.
41:58Nous partagions l'information tous les mois, volontairement.
42:04Dans les réunions, la plupart des gens,
42:07la plupart des renseignements venaient du réseau radio Invisible Children.
42:15J'étais au courant.
42:17Et évidemment, l'intention était louable.
42:20Mais cette idée qu'une ONG fournisse du renseignement à l'armée,
42:25finalement, c'était comme si nous étions la voix de l'armée.
42:29La LRA, ce ne sont que des gamins.
42:32Donc, en donnant des infos à l'armée pour qu'ils les traquent, vous tuez des gamins.
42:37J'ai rencontré Jolie Okot, et elle m'a dit qu'elle était vraiment mal à l'aise
42:40avec le fait de partager de l'information avec l'armée.
42:44Jolie Okot, c'est une personne qui est très intelligente.
42:48Elle est très intelligente.
42:50Elle est très intelligente.
42:52Elle est très intelligente.
42:54Elle est très intelligente.
42:55C'est ce qu'elle m'a dit récemment.
43:25Le concept de neutralité avec la LRA est très différent
43:29que dans un contexte de conflit civil ou intercommunal.
43:33Et donc, dans ce contexte,
43:35soutenir essentiellement l'enforcement de la loi et la protection des citoyens
43:38a été très important pour nous.
43:56Au contraire, Invisible Children a toujours collaboré avec l'armée et le régime ougandais.
44:06Comme en février 2009.
44:08A l'époque, le gouvernement Museveni se disait la cible d'un complot
44:12qui viserait à le renverser.
44:15Patrick, qui avait aidé Invisible Children à ses débuts,
44:18était accusé d'en faire partie.
44:23Le jour où j'ai été arrêté,
44:25Dieu seul sait ce qu'ils m'ont fait.
44:29J'aurais dû mourir ce jour-là.
44:35J'étais arrêté vers 6 heures du soir.
44:36Ils m'ont encerclé.
44:39Il y avait plus de 100 militaires du régime Museveni.
44:44Un des officiers voulait me tirer dessus.
44:47Je vais t'exploser la cervelle.
44:49Tu crois que tu es tout blanc ?
44:51Tu crois que l'Amérique va t'aider ?
44:55Tout ça n'avait aucun sens.
44:57J'ai dit « qu'ai-je fait de mal ? »
45:06J'ai été torturé de tellement de façons,
45:09je n'avais jamais vu ça de ma vie.
45:13Ça a duré 3 mois et 10 jours.
45:16Je me souviens qu'un jour,
45:17un des officiers a demandé aux autres prisonniers qui étaient avec moi.
45:21Le type de goulou, il est encore en vie ?
45:25Ils peuvent réduire votre énergie à néant.
45:28C'est si douloureux.
45:30Quand on demande à un être humain de venir vous hurler dessus,
45:34c'est une honte, une grande humiliation.
45:39Patrick a finalement été blanchi.
45:42Mais qui avait donné son nom ?
45:44La réponse se cachait dans une note diplomatique secrète.
45:47Écrite par l'ambassadeur américain lui-même en 2009.
45:51Puis révélée par le site Wikileaks.
45:53Au niveau d'ici, le 4,
45:56ils disent qu'ils ont déjoué un complot contre le gouvernement ougandais,
46:03qu'ils cherchaient quelqu'un, Patrick Komekesh,
46:07qu'ils l'ont arrêté grâce au tuyau d'Invisible Children.
46:10Même dans les mots de l'ambassadeur américain,
46:12ils considèrent qu'Invisible Children,
46:14a vraiment été un auxiliaire des forces ougandaises.
46:21À l'époque, j'avais déjà démissionné.
46:23Je ne travaillais même plus pour Invisible Children.
46:25Je ne sais pas ce qu'il s'est passé.
46:28Mais selon les confidences du tribunal,
46:30un officier haut gradé,
46:33au centre de ces accusations,
46:35de cette enquête,
46:38a admis qu'ils avaient reçu un tuyau de la part d'Invisible Children.
46:43Il s'appelle Patrick Komekesh.
46:45Ça vous dit quelque chose ? Vous le connaissez ?
46:48Non.
46:49Je sais qui il est, mais je ne me souviens pas d'avoir interagi avec lui.
46:53Si j'avais entendu son nom, c'était peut-être en 2007 ou très tôt.
46:58Vous savez ce qui lui est arrivé ?
47:00Non, je ne sais pas.
47:02Il dit qu'il a été arrêté
47:05parce qu'Invisible Children,
47:07il dit qu'il a été arrêté
47:10parce qu'Invisible Children l'a dénoncé aux forces de sécurité hougandaises.
47:23Mais comment vous vous sentez à propos de ça ?
47:26Que Invisible Children ait pu faire ça ?
47:34Si, c'est vrai.
47:35Si, c'est vrai.
47:37Si, c'est vrai.
47:38Je l'ai rencontré et il y a suffisamment de preuves pour dire qu'à l'époque,
47:43Invisible Children a renseigné les militaires hougandais pour le faire arrêter.
47:48Patrick a été torturé pendant trois mois.
47:51Et puis il a été innocenté parce qu'il n'avait rien fait.
47:54Quel est votre sentiment ?
47:56Lisa ne peut pas parler de ça.
48:05Je n'ai pas d'informations sur cette situation.
48:35Invisible Children avait de faux airs d'impasteurs.
48:38Ses discours, c'était des prêches.
48:51Voilà l'enregistrement publié par Truth Wins Out,
48:54l'organisation de défense des droits des homosexuels dans laquelle je travaillais.
49:00C'est la voix de Jason Russell enregistrée lors de The Gathering en 2005.
49:04Le Gathering, c'est la plus grande communauté de philanthropes fondamentalistes chrétiens aux Etats-Unis.
49:12Le voilà.
49:35J'étais surpris qu'il utilise le terme « cheval de Troie »,
49:39même dans le cadre d'une telle conférence de philanthropes évangéliques.
49:45J'étais surpris qu'il aille si loin
49:48et qu'il reconnaisse qu'Invisible Children trompait les gens.
49:53Est-ce que c'est vrai ?
50:23Ils disent que leur financement vient, je cite,
50:26de « jeunes gens qui donnent quelques dollars par mois ».
50:34À mesure que Invisible Children est devenu connu,
50:37ils ont réussi à obtenir de petits dons
50:40en se présentant comme une ONG laïque qui faisait des choses super en Afrique.
50:44Mais ce n'est pas comme ça qu'ils ont commencé.
50:48Ils ont commencé grâce à l'argent de fondations évangéliques géantes
50:52qui leur ont donné leur base de financement.
50:56Voilà leur première année comptable.
50:58C'est la liste de leurs donateurs ?
51:00Oui, voilà. Il y a beaucoup d'églises.
51:02Oui, beaucoup d'églises.
51:03Ils doivent être très contents.
51:06Ils sont en train de réclamer leur financement.
51:10Oui, voilà, il y a beaucoup d'églises.
51:14Voilà le gros morceau.
51:17Là, sur leur compte de 2007, nous avons la Provision Foundation.
51:21C'est un dérivé de la National Christian Foundation.
51:24Et cette année-là, elle a donné 350 000 dollars.
51:27C'est de loin leur plus gros don, en 2007.
51:32La National Christian Foundation est une organisation fondamentaliste.
51:38Ils disent pour se présenter que la Bible est la parole inhérente de Dieu
51:43et que leur mission, c'est d'étendre le royaume de Dieu,
51:47le royaume chrétien, partout dans le monde.
51:52On peut aller sur le site de Invisible Children ?
52:08Je voudrais bien voir ce qu'ils publient aujourd'hui.
52:11Ça va être très intéressant. Je n'ai pas regardé depuis longtemps.
52:17Ici, ils reçoivent 500 000 dollars de la part de quelqu'un,
52:22mais on ne sait pas qui. Aucun nom.
52:27Quand on consulte la liste des donateurs sur vos documents comptables,
52:31on peut y voir le montant des dons, par exemple un demi-million de dollars
52:36de la part de quelqu'un, mais on ne sait pas qui.
52:39On pourra vous donner des infos après l'interview. Je dois regarder de quoi il s'agit.
52:43Ok, je vous les enverrai parce que c'est intéressant.
52:49Quelques jours après l'interview d'Invisible Children,
52:52l'attachée de presse qui était intervenue pendant l'interview m'envoie ses précisions,
52:57mais elle me garantit que ce don vient de fondations privées
53:01avec aucune affiliation religieuse.
53:05Mais là, je lui réponds, je voudrais bien croire qu'il n'y a aucun lien religieux,
53:09mais j'aimerais bien pouvoir le vérifier moi-même.
53:12S'il vous plaît, envoyez-moi ses noms.
53:14Et depuis, je n'ai jamais eu aucune réponse d'Invisible Children.
53:27En arrière-plan de toute cette opération, il y avait une entité encore plus puissante.
53:34Les personnages principaux de Connie 2012 étaient-ils en fait tous liés ?
53:46Je suis l'auteur de deux livres consacrés à une organisation fondamentaliste américaine
53:51très impliquée en Ouganda.
53:54The Family, ou The Fellowship, est la plus ancienne et la plus influente
54:00des organisations politiques conservatrices chrétiennes aux États-Unis.
54:08L'organisation préfère rester très discrète.
54:12Selon son créateur, plus votre organisation est discrète, plus elle sera puissante.
54:18Il aime en parler comme de la mafia chrétienne.
54:24A deux pas du congrès, il y a ce bâtiment en briques rouges, presque banal,
54:30qui appartient à la Confrérie.
54:34Ses membres s'y rencontrent, à l'abri des regards, pour parler de Jésus et de business.
54:41Mais ils n'ouvrent pas ses portes.
54:43Ils ne veulent pas recruter les masses, ils ne font pas de grands rassemblements.
54:47Ils veulent des députés, des hommes d'affaires, des responsables politiques.
54:52Ils jouent un grand rôle pour faciliter les relations entre les États-Unis
54:56et les personnages autoritaires dans le monde.
54:59C'est ça qu'ils admirent.
55:01Dans le Christ, ils ne voient pas une figure d'amour ou de compassion,
55:05mais de l'amour pour les autres.
55:07Qui mieux que Museveni, l'autocrate ougandais,
55:10pour incarner la parfaite recrue de la Confrérie ?
55:13Autoritaire, violemment homophobe, évangélique,
55:17le président ougandais s'était converti aux États-Unis.
55:23The Family considère Museveni comme leur homme-clé en Ouganda,
55:27mais aussi un de leurs hommes-clés.
55:29Il est un homme-clé, un homme-clé, un homme-clé.
55:32Le Family considère Museveni comme leur homme-clé en Ouganda,
55:36mais aussi un de leurs hommes-clés en Afrique,
55:39et même un de leurs hommes-clés dans le monde.
55:42« Viens avec nous. Prie avec nous. Fais des affaires avec nous. »
55:47Ils se vantent d'avoir réussi à entraîner Museveni
55:51dans la sphère d'influence américaine.
55:55Et depuis, il est resté un puissant intermédiaire régional pour les États-Unis.
56:03À Washington, il y avait un des membres de la confrérie
56:06qui m'intéressait particulièrement.
56:09Un sénateur, Jim Inhofe, le monsieur Afrique du Sénat américain.
56:15« Ah, je ne l'ai pas encore prévenu de votre visite.
56:18Je vais regarder, mais probablement pas aujourd'hui. »
56:21« Ok, merci. Au revoir. »
56:24Et sans surprise, il était une des stars de la vidéo Cogny 2012.
56:33Ce sénateur-là, Jim Inhofe de l'Oklahoma,
56:36il est assez proche de l'ONG parce que dans une autre vidéo qui est ici,
56:40on le voit même participer à une des manifs de l'ONG,
56:43c'est lui-là ici, contre la LRA.
56:45Ça fait des années qu'il s'intéresse à l'Ouganda.
56:48Là ici, c'est un communiqué de presse de 2006,
56:51et déjà, il alerte sur ce qu'il appelle
56:54le groupe terroriste du nord de l'Ouganda, la LRA.
56:57« Il dit, quand je vais là-bas, je fais mon truc pour Jésus.
57:00Quand il rencontre des leaders africains, il dit,
57:03je suis un sénateur américain, je suis la porte d'entrée du pouvoir
57:06et de l'argent américain.
57:08Si vous voulez tout ça, vous passez par moi et par Jésus. »
57:12Le sénateur ne répondra pas à nos questions.
57:16Depuis des décennies, une confrérie radicale
57:19travaillait donc dans l'ombre.
57:21Pour faire de l'Ouganda, il avait besoin de l'aide.
57:24Cogny 2012 n'était que la facette visible
57:27d'une histoire bien plus complexe.
57:30D'ailleurs, que s'était-il passé,
57:33juste après le succès viral de la vidéo ?
57:36Après les 17 millions de dollars de dons récoltés ?
57:54Après Cogny 2012, la direction a dit qu'il n'y avait plus d'argent
57:57et a pris la décision de fermer nos bureaux
58:00d'Invisible Children en Ouganda.
58:03La morale de cette histoire,
58:06c'est qu'il n'y en a pas.
58:09En fait,
58:12il y en a un,
58:15mais il n'y en a pas beaucoup.
58:18C'est-à-dire qu'il n'y a pas d'argent.
58:22En 2017, USAID,
58:25l'agence fédérale d'aide au développement,
58:28octroie 24 millions de dollars de subventions
58:31à Invisible Children pour une mission de 5 ans
58:34en République démocratique du Congo.
58:37L'État américain est aujourd'hui le premier donateur
58:40d'Invisible Children.
58:47Pour moi, en tant que fondatrice,
58:50celle qui a fait en sorte que cette histoire soit racontée,
58:53c'était douloureux, ça m'a blessée,
58:56parce que c'était notre histoire
58:59et que désormais elle serait utilisée par d'autres.
59:02C'est ça qui me pousse à continuer de mon côté aujourd'hui.

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