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Aucun alpiniste français ne l'avait fait avant elle ! Sophie Lavaud est la première tricolore a réussir le défi des quatorze 8000. Il lui aura fallu 11 ans pour dompter les géants de l'Himalaya. Accompagnée par le guide et réalisateur François Damilano sur son dernier sommet, le Nanga Parbat, ils sortent un film et un livre écrit en duo qui retracent cette quête qui fait rêver beaucoup d'alpinistes mais qui génère aussi de plus en plus de polémiques. https://www.sophielavaud.com

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Transcription
00:00:00Générique
00:00:02...
00:00:24Bonjour à tous.
00:00:25Respirez à fond, c'est Grand'Air,
00:00:27le magazine de la montagne et des sports de pleine nature
00:00:30de Télé Grenoble.
00:00:31J'ai le plaisir d'avoir sur ce plateau
00:00:34une femme qui est la première française
00:00:36à avoir gravi tous les 8000 de la planète,
00:00:38Sophie Laveau. Bonjour.
00:00:40Bonjour.
00:00:41Première française,
00:00:42premier Français aussi,
00:00:43car aucun homme n'avait réussi cette performance avant vous.
00:00:46Vous êtes la première Suisse et la première Canadienne,
00:00:49car vous avez trois nationalités.
00:00:51On peut avoir autant de nationalités
00:00:53dans un passeport ?
00:00:55Oui, on peut avoir trois passeports.
00:00:57Par naturalisation, mais...
00:00:59Laquelle était la première, chez vous, de nationalité ?
00:01:03La française.
00:01:04La française.
00:01:05Sur ce plateau, on a également quelqu'un
00:01:07qui n'a qu'une nationalité, je pense.
00:01:09François Damilano ?
00:01:11A priori, oui.
00:01:12A priori, Français également.
00:01:13François qui a, par contre, plusieurs casquettes.
00:01:16Guide de haute montagne, réalisateur, écrivain.
00:01:21Glaciériste aussi.
00:01:22Guide de haute montagne,
00:01:24si on met l'identité sociale et professionnelle.
00:01:26On restera là-dessus.
00:01:28Avec cette fonction que vous avez accompagnée, Sophie...
00:01:31Non, je suis réalisateur.
00:01:33Aussi.
00:01:34Vous voyez, j'avais bien cité les différentes casquettes.
00:01:37Vous aviez raison, Thibault.
00:01:39Vous l'avez accompagnée, Sophie, sur une partie de ces sommets,
00:01:42notamment le Nanga Parbat,
00:01:45qui a permis à Sophie, en juin dernier,
00:01:48d'ajouter son nom à une liste inaugurée en 1986
00:01:52par Reinold Messner.
00:01:53Et sur ce Nanga Parbat,
00:01:55vous aviez la casquette de réalisateur,
00:01:57puisqu'il y avait un film à la clé de ce périple,
00:02:01le Dernier Sommet,
00:02:02qui raconte la quête de ces 8 000 par Sophie Laveau.
00:02:06Il y a également un livre qui est sorti en parallèle,
00:02:09paru chez Glénat,
00:02:10les 14 8 000 de Sophie Laveau.
00:02:13Un livre que vous avez écrit à quatre mains.
00:02:15Comment avez-vous travaillé sur cet ouvrage ?
00:02:17Oui, c'est un livre qui est co-signé,
00:02:19où on a à la fois essayé de mêler,
00:02:23on va dire, une écriture journalistique
00:02:24pour aborder tous les thèmes autour de ce que j'appelle le 8 000isme.
00:02:28Et puis, le livre, il est paru pour célébrer,
00:02:32ou à l'occasion de la célébration de la réussite
00:02:33du Conchelaire Himalayan de Sophie.
00:02:35Donc, on y retrouve les carnets de Sophie,
00:02:39où elle raconte de manière personnelle
00:02:44un certain nombre de ses aventures,
00:02:46et puis qui s'appuie sur une iconographie contemporaine,
00:02:49essentiellement les photos ramenées
00:02:52des expéditions de Sophie ces dix dernières années.
00:02:54Donc, ce n'est pas un bouquin d'histoire,
00:02:56même si, effectivement, on va traverser l'histoire
00:02:59de la conquête des 14 sommets de plus de 8 000 mètres de la planète
00:03:02pour comprendre dans quel contexte s'inscrit le challenge de Sophie.
00:03:07Mais c'est bien un livre contemporain sur le 8 000isme d'aujourd'hui.
00:03:10Sophie, ces carnets que François évoque,
00:03:12vous écrivez sur chaque expé pendant,
00:03:15ou c'est après coup que sort la plume ?
00:03:19Non, j'ai un tiroir à la maison qui est plein de carnets
00:03:25que j'ai écrits,
00:03:27et j'ai pour habitude, dans le cadre des expéditions,
00:03:32depuis le début, d'écrire...
00:03:36Je m'impose une page par jour, en fait,
00:03:39ce qui permet de garder une trace assez complète
00:03:44de toutes ces expéditions.
00:03:46Et ça a été un travail intéressant, justement,
00:03:49de se replonger dans tous ces carnets.
00:03:52Autant pour certaines montagnes,
00:03:54la thématique que je voulais aborder dans ce carnet
00:03:57a été spontanée et évidente,
00:03:59autant pour certaines, j'étais plus hésitante.
00:04:02Et de me replonger dans ces carnets et dans les images,
00:04:08parce que ça va de pair, a fait émerger les autres thématiques
00:04:13et m'a permis, justement,
00:04:15de rebalayer ces 11 années d'expédition.
00:04:20Alors, dans ce livre, il y a 14 chapitres, évidemment,
00:04:24et le livre se termine par, j'ai envie de dire, le début,
00:04:28votre rencontre, en 2012, sur un des 8 000, le Chichapangma.
00:04:34Oui, parce qu'en fait, la première question qui s'est posée
00:04:37quand on a construit le livre, c'était de savoir
00:04:40dans quel ordre nous allions raconter les 14 sommets
00:04:43de plus de 8 000 m.
00:04:44Est-ce que l'on prenait et on suivait l'ordre
00:04:46des ascensions de Sophie
00:04:49ou est-ce qu'on se basait plutôt sur un ordre géographique,
00:04:53les altitudes ?
00:04:54Ce que l'on a choisi, et finalement,
00:04:55et de manière assez étrange et marrante,
00:04:59le plus haut sommet de la planète, c'est l'Everest, bien évidemment.
00:05:02Le Benjamin, c'est le Chichapangma,
00:05:05et en fait, c'est au Chichapangma,
00:05:06c'est sur les pentes du Chichapangma
00:05:07que nous sommes rencontrés, en 2012, avec Sophie.
00:05:10Du coup, il y avait une espèce de clin d'œil
00:05:12que nous amenait la géographie des 8 000 autour de notre histoire.
00:05:17Donc, effectivement, ça se finit sur les pentes du Chichapangma.
00:05:20À l'époque, sur ce premier 8 000,
00:05:22vous aviez déjà, Sophie, l'idée d'enchaîner
00:05:25tous les 14 de la planète ou pas ?
00:05:29Non, pas du tout.
00:05:30Non, en fait, j'étais plus, à ce moment-là,
00:05:32dans une quête d'altitude
00:05:37qui avait démarré dans les Alpes, en fait,
00:05:39avec le sommet du Mont Blanc.
00:05:42Et j'ai assez vite été, finalement, attirée
00:05:45par aller toujours un petit peu plus haut.
00:05:48Et donc, c'est un bon prétexte,
00:05:50parce que je travaillais en entreprise à l'époque,
00:05:54donc, d'organiser mes vacances et mes loisirs
00:05:57en montant une expédition
00:05:59et en allant toujours un petit peu plus haut.
00:06:01Donc, 5 000 mètres, c'est passé, 6 000, c'est passé, 7 000 aussi.
00:06:05Et puis, après, on arrive à cette grande barre des 8 000.
00:06:08Et c'est qu'en 2012,
00:06:11où j'arrive à dégager le temps suffisant
00:06:14en fermant l'entreprise familiale
00:06:17pour partir sur cette expédition.
00:06:19Et j'avais d'abord aucune idée de savoir si j'en étais capable.
00:06:23Donc, je disais, j'ai envie d'aller flirter avec les 8 000,
00:06:26voir ce que ça fait.
00:06:28Et, en fait, non seulement, je réussis
00:06:31ce sommet central du Shisha Pangma,
00:06:34mais j'enchaîne avec le Chou You
00:06:37quelques jours après, que je réussis aussi.
00:06:41Et...
00:06:43Et voilà, en fait, c'était cette quête d'altitude.
00:06:47Alors, il y a eu, après, un petit moment d'hésitation
00:06:51où je me suis dit,
00:06:52mais si j'ai vraiment envie d'aller au bout de cette quête,
00:06:57il en manque un, qui est quand même le point culminant
00:07:00et qui est l'Everest.
00:07:03Même si François le rappelle à chaque fois,
00:07:06ou quand je suis redescendue du Shisha, j'ai dit non,
00:07:08Shisha, Chou You, non, c'est bon, j'ai été à 8 000, j'arrête.
00:07:12Et puis, quand même, ça a commencé à tricoter dans la tête
00:07:15et je suis allée voir François en lui disant,
00:07:18j'ai envie d'aller à l'Everest.
00:07:19Et c'est comme ça qu'on part à l'Everest en 2014.
00:07:21Vous aviez senti le potentiel de Sophie quand même
00:07:24dès le premier sommet, parce que ce qui est marrant,
00:07:25c'est que Sophie, pure amatrice, elle réussit son premier 8 000
00:07:29et vous, qui étiez sur la même montagne,
00:07:31professionnel, aguerri, vous n'êtes pas arrivé au sommet.
00:07:34Cette fois-là, je ne suis pas arrivé au sommet.
00:07:35Et souvent, sur les 8 000, je ne suis pas arrivé au sommet.
00:07:38Ce qui est étonnant et intéressant dans le personnage de Sophie,
00:07:42c'est qu'elle n'a pas prémédité son grand chlème himalayen
00:07:47et probablement qu'elle n'était pas prédestinée à réussir
00:07:51et à occuper cette place symbolique de premier Français au 14 8 000.
00:07:55Donc, il y a une espèce de paradoxe dans cette histoire
00:07:57qui, moi, en tant que documentariste, m'intéresse, bien évidemment,
00:08:02parce que c'est un changement de vie à 40 ans,
00:08:05quelqu'un qui n'est pas professionnel de la montagne,
00:08:07qui ne se revendique pas performeur,
00:08:10qui, à un moment donné, va occuper une place symbolique
00:08:12et surtout, va briser la malédiction française
00:08:15qui entourait le grand chlème himalayen,
00:08:17puisque tous les Français,
00:08:19et je sais s'il y en a eu de nombreux et de très nouveaux,
00:08:23qui ont tenté la collection des 14 8 000,
00:08:25n'en sont pas revenus.
00:08:26Pour parler clair, ils sont morts sur une des montagnes.
00:08:28Donc, à un moment donné, quand nous sommes au pied du Nanga Parbat
00:08:31au printemps 2023 et que Sophie tente son dernier sommet
00:08:34de la collection,
00:08:36il y a aussi une démarche assez transgressive,
00:08:38parce qu'elle va probablement briser cette malédiction.
00:08:41Ce n'est pas rien quand on connaît le poids psychologique
00:08:44qui pèse sur les épaules des 8 000istes
00:08:47quand ils tendent ces grandes montagnes.
00:08:49– J'évoquais tout à l'heure Reynold Mestner
00:08:51qui a été le premier à enchaîner tous ces géants…
00:08:55– À réussir la collection, oui.
00:08:56– … de la planète.
00:08:57C'est lui qui a inventé ce challenge ou c'est venu après ?
00:09:02– Ceux qui ont inventé le challenge,
00:09:03c'est les géographes qui ont décidé qu'il y avait 14 8 000.
00:09:06Et l'alpinisme de collection, l'himalaïsme de collection,
00:09:10fait partie de notre culture de la montagne.
00:09:13Le fait de vouloir gravir tous les sommets d'une région,
00:09:17tous les sommets d'une altitude, c'est une manière de voyager,
00:09:20c'est une manière d'alimenter sa motivation alpinistique.
00:09:23Donc, évidemment, 14 sommets de plus de 8 000 mètres,
00:09:26c'était évident qu'à un moment donné,
00:09:28ça allait monter au cerveau des Himalaïstes.
00:09:30Donc, une fois que la première ascension a été réussie un par un,
00:09:36évidemment, Reynold Messner rentre dans la grande histoire de l'himalaïsme
00:09:39et c'est lui qui va conclure en 1986,
00:09:4316 ans après son premier sommet à lui qui était le Nanga Parbat,
00:09:48qui était son premier 8 000,
00:09:50et va devenir le premier homme aux 14 8 000.
00:09:53Alors, lui-même s'en défend quand on relit ses autobiographies.
00:09:57Il explique qu'il n'a jamais été dans cette course,
00:09:59comme Sophie d'ailleurs.
00:10:00Il y a toujours une dénégation.
00:10:01Non, non, je ne suis pas dans cette course.
00:10:03Mais en même temps, il y a quelque chose de cet effet symbolique
00:10:06qui fait qu'à un moment donné, il s'est fait rattraper
00:10:08par l'effet de la collection et qu'à un moment donné,
00:10:11il était évident que ça ne pouvait pas lui échapper.
00:10:13– Il y a beaucoup de citations dans le livre.
00:10:15J'en ai retenu une, c'est celle d'Hérard Loretan.
00:10:18Le problème avec les 8 000, c'est comme les cacahuètes,
00:10:20il ne faut jamais commencer.
00:10:22Il y a une forme d'addiction.
00:10:25– En tout cas, on peut s'interroger,
00:10:27mais ça vaut pour le fonctionnement de nous tous.
00:10:30C'est pour ça que cette anecdote de Loretan est assez drôle.
00:10:34On se voit bien en train de picorer les cacahuètes
00:10:36et puis jamais s'arrêter.
00:10:37Mais à un moment donné, Sophie, je lui ai laissé la parole,
00:10:41c'est ce qui lui arrive.
00:10:42Elle réussit le sommet central du Shisha Pangma,
00:10:44elle réussit le Choyu.
00:10:47C'est un bâton de maréchal dans une carrière alpine sur un CV.
00:10:49C'est bien de réussir un 8 000, c'est ce que j'appelle l'altitucratie,
00:10:52l'aristocratie par l'altitude.
00:10:54C'est quelque chose qui est très prégnant dans notre milieu alpinistique.
00:10:58Après, elle part à l'Everest.
00:10:59Mais qu'est-ce qu'on fait une fois qu'on a réussi le plus haut sommet de la Terre ?
00:11:03Soit on souffre du syndrome de l'accomplissement absolu,
00:11:05soit on bascule dans autre chose.
00:11:07Et à partir du moment où Sophie, après l'Everest,
00:11:10décide de continuer d'aller visiter les autres 14 8 000,
00:11:14c'était évident pour moi qu'elle allait aller vers ce grand chelem himalayen.
00:11:18– Reynold Messner, il y a laissé 6 orteils dans la conquête de ces 14 8 000.
00:11:23– Et son frère.
00:11:24– Et son frère aussi qui est mort sur le Nanga Parbat.
00:11:27Et vous Sophie, pas eu de soucis physiques, tout va bien ?
00:11:30– Tout va bien, pas de gelures, pas d'accidents, pas d'évacuations, voilà.
00:11:39– Vous êtes rentrée intacte, ce qui est aussi une prouesse.
00:11:41– C'est une performante.
00:11:43– On voit beaucoup de grands alpinistes
00:11:44qui y laissent une partie de leur corps pour atteindre ces sommets.
00:11:48Alors lui, Messner avait terminé par le Lotse,
00:11:51il avait commencé par le Nanga Parbat.
00:11:52Vous avez fini par le Nanga Parbat, c'était un choix délibéré
00:11:57ou c'était le hasard de la conquête ?
00:11:59– Non, non, c'est toujours le hasard en fait,
00:12:00c'est l'opportunité des expéditions qui se montent
00:12:03qui fait que je m'inscris sur un sommet ou pas.
00:12:09Donc tout au long de ces années, c'est finalement en début d'année,
00:12:16quand j'organise le planning des expéditions,
00:12:19je sais qu'il y a une expédition qui va sur tel sommet
00:12:23ou moi je décide d'aller sur un autre
00:12:25et soit c'est moi qui monte les expéditions,
00:12:28soit je rejoins une expédition qui je sais est montée sur un des sommets
00:12:33et puis après, ce n'est pas parce qu'on le met sur le papier
00:12:36que ça va fonctionner.
00:12:38Donc c'est vrai qu'on avait…
00:12:41moi j'avais quand même pensé que ce serait le Shishapangma
00:12:46parce qu'en fait quand je vais en 2012 au Shishapangma,
00:12:49on va finalement au sommet central
00:12:51et qui n'est pas le point culminant de la montagne
00:12:55qui est en fait le point du sommet principal
00:12:59qui est un autre itinéraire qui est beaucoup plus engagé
00:13:02que le sommet central.
00:13:04Donc je devais de toute façon décider d'y retourner
00:13:06et comme la Chine est restée fermée pendant longtemps suite au Covid
00:13:10et à plein d'autres histoires politiques,
00:13:14pour moi c'était assez clair que ça allait être le Shishapangma
00:13:17et puis en fait, je loupe le Nanga Parbat en 2022.
00:13:23Entre temps, la Chine ouvre donc j'ai cette opportunité
00:13:27d'avoir ce permis spécial
00:13:30qui nous est accordé à Christine Arrila et nos deux autres copines
00:13:35où on part toutes les quatre sur le Shishapangma qu'on réussit
00:13:39et donc c'est le Nanga Parbat qui arrive à la fin.
00:13:43Ce qui a été très compliqué d'ailleurs pour François
00:13:46parce que tout le scénario du film, en tout cas,
00:13:50était sur les pentes du Shisha et en fait on est parti au Nanga.
00:13:54Surtout que le Nanga, ce n'est pas n'importe quelle montagne,
00:13:56on la surnomme la montagne tueuse,
00:13:58ça avait été le théâtre d'un drame avec Elisabeth Revol en 2019.
00:14:04Ce dernier sommet, donc au printemps 2023,
00:14:07il y avait une pression particulière sur cette ultime ascension pour vous ?
00:14:12Alors le fait d'y avoir été en 2022 et d'être en échec
00:14:16du suite à une intoxication alimentaire surtout,
00:14:21fait que je savais à peu près où j'allais mettre les pieds
00:14:24et je savais que ça allait être compliqué
00:14:27parce que c'est effectivement un sommet difficile.
00:14:31Après le fait de savoir justement où on va,
00:14:34ça permet de se préparer et d'appréhender la montagne
00:14:39d'une autre façon à l'inverse que quand on la découvre
00:14:42pour la première fois.
00:14:46Maintenant, moi, j'essaie quand même toujours de cloisonner,
00:14:51de me mettre dans ma bulle et puis ne pas être trop influente
00:14:57par rapport à tout ce qui se raconte sur un sommet.
00:15:03Donc, mais oui, c'est une montagne qui a une réputation
00:15:09et c'est dangereux.
00:15:10C'est dangereux, donc c'est un des sommets
00:15:15avec le Cadeux, avec la Napurna,
00:15:17avec ces sommets qui sont très dangereux
00:15:21où à la fin, je me retourne, je lui dis salut, plus jamais.
00:15:26C'est parce que c'est dangereux qu'on met pas de casque
00:15:28sur le Nanga Parbat, François, c'est vous qu'on a vu
00:15:30la sortie d'un petit couloir.
00:15:31Comment ça, il n'y a pas de casque ?
00:15:33Probablement parce que comme vous, j'ai des oreillettes
00:15:34pour essayer de comprendre le son que je capte avec ma caméra.
00:15:40Là, vous étiez effectivement dans le rôle du cinéaste,
00:15:43du réalisateur, pas du guide de haute montagne.
00:15:46C'est une autre forme de pression.
00:15:49Ah ben moi, j'ai une pression que je me mets
00:15:52autour de la réalisation du film.
00:15:54Je suis totalement obsédé par mon film.
00:15:56Je ne pense qu'au film.
00:15:57Je ne pense qu'à filmer.
00:15:58Je ne pense qu'à la manière dont je vais pouvoir raconter
00:16:00l'histoire que je suis en train de capter.
00:16:03Je n'essaye que de m'adapter à la réalité que vit Sophie,
00:16:07le protagoniste du film.
00:16:10Oui, c'est une obsession.
00:16:11Et moi, mon obsession, elle n'est pas sur le sommet.
00:16:14Elle n'est pas sur la montagne elle-même.
00:16:15Elle est effectivement à travers l'objectif de la caméra.
00:16:19On met en scène un minimum les choses
00:16:22quand on est sur une montagne comme celle-là
00:16:23ou on est obligé de s'adapter à la réalité du terrain ?
00:16:26Non, pas de mise en scène parce que je revendique
00:16:28la posture du documentariste.
00:16:30Donc, moi, ce qui m'intéresse, c'est de filmer,
00:16:33de capter au plus près la réalité.
00:16:35Et une fois de plus, ce n'est pas un film
00:16:37qui est commandité par Sophie.
00:16:39Ce n'est pas un film qui est financé
00:16:41par un partenaire financier de Sophie.
00:16:43C'est un film indépendant.
00:16:45Et du coup, je revendique ma liberté de ton.
00:16:48Et c'est pour ça que, d'ailleurs, le film est âpre.
00:16:51Je n'ai pas gommé les angles.
00:16:55J'ai voulu faire aussi un film sur l'ambiguïté,
00:16:57sur l'ambiguïté quand même de ces quêtes.
00:16:59J'interroge l'alpinisme, j'interroge l'himalayisme,
00:17:02j'interroge mon propre alpinisme et mon propre himalayisme.
00:17:05Donc, à partir de là, je revendique une liberté de ton.
00:17:08Mais ce qui m'intéresse, c'est la réalité.
00:17:10C'est vraiment d'être en immersion
00:17:12et de ramener la réalité de ce qui se passe en très haute altitude.
00:17:16On ne gomme pas, on ne transforme pas, on ne met pas en scène.
00:17:20On peut le faire, mais c'est un autre type de film.
00:17:23L'un n'empêche pas l'autre, mais là, c'est du documentaire.
00:17:26Le sommet du Nanga Parbat, vous l'atteignez le 26 juin 2023.
00:17:31On a les images de ce moment,
00:17:33qui a dû être un moment fort pour vous en émotion, j'imagine ?
00:17:37Évidemment, c'est sûr que ça reste quand même
00:17:42un moment qui est gravé dans ma mémoire.
00:17:46Après, ce n'est pas le sommet le plus symbolique,
00:17:53dans le sens où on a une météo qui est quand même difficile.
00:17:58On a galéré pour l'ascension.
00:18:01On a cette préoccupation de la descente.
00:18:07Mais à chaque fois que je vois le film,
00:18:09il y a quand même ce petit moment d'émotion
00:18:13qui est transmis par Sangé,
00:18:18Dawa, Sangé et Sherpa,
00:18:19qui m'a accompagnée sur 12 expéditions.
00:18:23On a réussi sept de ces sommets.
00:18:25C'est lui qu'on voyait à côté de vous, là, au sommet, en doudoune orange.
00:18:28Voilà, et qui vraiment est très fière.
00:18:34Il brandit son piolet et dit
00:18:36« Fourteen peaks of Sofilavo ».
00:18:38Il y a une forme vraiment de joie intense,
00:18:42de fierté qu'on partage à ce moment-là.
00:18:46Un sommet de 8000, il est validé
00:18:48quand on est en haut, François,
00:18:50ou il faut être redescendu en bas pour pouvoir dire « on l'a fait ».
00:18:55Un sommet, quel qu'il soit, n'a de valeur
00:18:57que quand on est en capacité d'en redescendre.
00:18:59Mourir sur une montagne n'a aucun sens à mes yeux.
00:19:03Donc là, il fallait redescendre.
00:19:04C'est un peu laconique, ce que je dis.
00:19:05Oui, mais...
00:19:07Mais effectivement, je vais plus loin,
00:19:08parce qu'il y a une forme de romantisme,
00:19:11d'héroïsation autour de nos grands aînés
00:19:15qui ont disparu sur une montagne ou sur une autre.
00:19:18Et probablement que je m'inscris un peu en faux à ça.
00:19:22Nous n'allons pas en montagne pour en mourir.
00:19:24Donc, à un moment donné, j'interroge quand même
00:19:26la signification de l'héroïsation de nos grands personnages
00:19:31de l'historiographie, de l'alpinisme et de l'himalaïsme.
00:19:34Donc effectivement, une ascension n'est validée
00:19:36que quand on est en capacité de redescendre
00:19:39sur le plancher des vaches, en tout cas dans la vallée des hommes.
00:19:41Oui, puis il y a des descentes qui sont des fois plus compliquées
00:19:43que les ascensions sur certains sommets.
00:19:46Qui peuvent être plus compliquées ou plus dangereuses
00:19:49parce que souvent, pour la très haute altitude,
00:19:52problématique d'épuisement, d'hypoxie.
00:19:55Mais ça, c'est effectivement un autre sujet.
00:19:58Mais ce que vous soulevez là est quand même important
00:20:03parce qu'une fois de plus, on est au cœur de ce sujet
00:20:06et de ce paradoxe de l'histoire de l'himalaïsme hexagonal
00:20:11qui fait qu'il a fallu attendre la réussite de Sophie Laveau
00:20:14pour qu'enfin un Français puisse revendiquer le grand chlème himalaïen.
00:20:18Et ce grand chlème, vous l'avez validé en rentrant au camp de base
00:20:22avec un petit comité d'accueil.
00:20:24Il n'y avait pas la foule, forcément.
00:20:26On est au fin fond d'une vallée himalaïenne.
00:20:28Mais notamment, les Sherpas ont été sensibles à ce défi.
00:20:33Pas que les Sherpas, toute l'équipe.
00:20:36Il y a surtout l'équipe pakistanaise qui est là.
00:20:38Ils ont une façon très particulière et très propre à eux
00:20:42de célébrer les retours avec ces colliers de fleurs
00:20:46en plastique un peu décalés,
00:20:49mais j'en ai plusieurs à la maison.
00:20:54Le Nanga Parbat, en plus, c'est un camp de base assez particulier
00:20:57parce qu'il est gardé par la police.
00:21:00Et il y a l'armée qui vient aussi
00:21:03suite aux attentats de 2012.
00:21:07Et donc, ils tirent.
00:21:09Il y a des coups de feu qui sont tirés aussi en l'air
00:21:11pour célébrer aussi la descente et l'arrivée au camp de base
00:21:15des alpinistes qui réussissent.
00:21:18Donc, oui, c'est la joie, c'est la fête.
00:21:22Et il faut savourer tout ça.
00:21:24Alors, à ce moment-là, vous êtes seulement la quatrième femme,
00:21:26je crois, à réussir ce challenge des 14 8 000.
00:21:30Ils sont aujourd'hui une cinquantaine à peu près
00:21:32à avoir gravi tous les sommets de l'Himalaya.
00:21:35Le dernier en date, c'est un jeune Français,
00:21:37Alasdair Mackenzie, 20 ans, le plus jeune Européen, d'ailleurs,
00:21:40à réussir ce challenge.
00:21:41Il s'est mis à l'alpinisme à 17 ans.
00:21:43Il a gravié le Mont-Blanc.
00:21:44Puis ensuite, il a enchaîné avec les 8 000 bouclés en deux ans.
00:21:48Quand on dit ça, ça semble facile, François,
00:21:50finalement, de faire ces 14 8 000.
00:21:52Oui, et il ne faut pas se laisser tromper par ces impressions,
00:21:56par l'accélération, en quelque sorte, du temps.
00:21:59Parce que le temps qui se raccourcit dans ces quêtes des 14 8 000
00:22:04est dû en grande partie à l'efficience
00:22:07des organisations népalaises, en particulier,
00:22:10qui, aujourd'hui, ont quasiment le monopole
00:22:13de la marchandisation des traits au sommet.
00:22:16Il y a eu une montée en puissance de ces agences,
00:22:18mais également de leur efficacité d'encadrement,
00:22:21de préparation de la montagne,
00:22:23qui permet à un certain nombre de personnes ou de personnages
00:22:27de collectionner les 14 8 000 assez rapidement.
00:22:30Voilà, il ne faut pas oublier qu'il y a un tabou
00:22:33qui est tombé autour de la réussite de l'anglo-népalais Nimdai,
00:22:37quand il a annoncé qu'il réussirait la quête des 14 8 000
00:22:40en moins d'un an, 2019.
00:22:43Et puis, surtout, en 2023, on était ensemble au Nanga Parbat,
00:22:47la réussite de Christine Arrila,
00:22:50qui a repris le record de vitesse sur les 14 8 000,
00:22:54en quelque sorte, à Nimdai, en réussissant les 14 8 000
00:22:57en trois mois et un jour, ce qui est complètement fascinant.
00:23:00C'est fascinant sur la maîtrise sportive de l'enchaînement,
00:23:05mais c'est fascinant aussi en termes d'organisation logistique
00:23:10pour pouvoir passer d'une montagne à l'autre
00:23:13et d'être efficients à chaque ascension.
00:23:15Donc voilà, et en fait, c'est un virage de l'himalayisme
00:23:18que l'on a connu, là, ces dix dernières années,
00:23:20et le parcours de Sophie est au cœur de cette révolution à l'himalayisme,
00:23:25où il y a eu à la fois une décolonisation de l'himalayisme,
00:23:29une réappropriation culturelle et économique
00:23:34de la marchandisation des hauts sommets
00:23:36par les populations locales et en particulier par les Népalais,
00:23:40et puis cette espèce d'accélération autour de l'efficience
00:23:43sur l'encadrement des plus hauts sommets de la Terre.
00:23:46Vous avez mis un petit peu plus de temps, Sophie, 11 ans,
00:23:48pour faire ces 14 8 000.
00:23:52Il y en a un qui a été plus difficile que l'autre.
00:23:55Avec le recul, vous avez, en mémoire,
00:23:57un sommet qui vous a tenu tête un peu plus longtemps ?
00:24:01Alors, rien n'est facile, là-haut.
00:24:04Rien n'est facile.
00:24:05Donc, ils ont tous leur spécificité et, effectivement, ils ont...
00:24:14Alors, en fonction de leur spécificité,
00:24:17ça devient, effectivement, difficile.
00:24:19Maintenant, je vais quand même citer le Daulagiri,
00:24:22qui est le sommet où je suis retournée quand même quatre fois
00:24:26pour le réussir.
00:24:28Donc, il a une connotation un petit peu particulière.
00:24:32Après, évidemment, on ne peut pas ne pas citer le K2,
00:24:36qui cumule quand même tous les superlatifs.
00:24:39C'est une montagne de dingue.
00:24:41Donc, le K2, dans la difficulté et la dangerosité,
00:24:47il revient quand même assez souvent en tête de liste.
00:24:50Mais le Nanga est pas loin derrière,
00:24:52la Napurna est pas loin derrière.
00:24:54Enfin, c'est...
00:24:56Tout dépend aussi comment on les aborde
00:24:58et les conditions de la montagne aussi, quand on y est.
00:25:04Parce que, typiquement, pour aller quatre fois au Daulagiri,
00:25:08ça aurait pu être quatre fois une montagne différente,
00:25:11tellement les conditions étaient changeantes à chaque fois.
00:25:14Pour le K2 qu'on a vu sur ces images,
00:25:16vous écrivez, plus je m'en approche, plus j'ai envie de fuir.
00:25:20Elle vous faisait peur, cette montagne ?
00:25:23Ce qui est l'originalité du K2,
00:25:28c'est qu'il faut 10 jours pour arriver au pied de la montagne.
00:25:31Donc, c'est déjà un voyage en soi pour se rendre au camp de base,
00:25:35avec cette grande remontée du Baltoro,
00:25:37qui est quand même un des glaciers les plus grands du monde,
00:25:39qui fait à peu près 65 kilomètres.
00:25:42Et c'est qu'à un endroit spécifique qui s'appelle Concordia,
00:25:46qui est l'embranchement des glaciers du Baltoro et d'Uinosten,
00:25:49où on peut voir, pour la première fois, le K2.
00:25:52Et c'est vrai que c'est à cet angle-là
00:25:54où on découvre cette pyramide incroyable du K2.
00:26:00Et oui, là, il y a deux options.
00:26:03Soit on fait demi-tour, on part en courant,
00:26:05tellement, effectivement, ça fait peur et c'est imposant et autre.
00:26:10Et puis, à la fois, c'est cette beauté de cette montagne
00:26:14qui fait une sorte d'attraction.
00:26:17Et finalement, j'ai choisi d'y aller.
00:26:21En 2018, vous le racontez dans le livre,
00:26:23vous assistez à la mort d'un alpiniste canadien
00:26:25qui tombe sous vos yeux sur cette montagne, le K2.
00:26:29C'est même vous qui allez devoir annoncer, je crois,
00:26:32son décès à sa compagne, qui est en bas.
00:26:35Qui n'est pas en bas, qui est sur la voie avec lui.
00:26:39Qui, pour des raisons diverses,
00:26:44part du camp 2 après lui.
00:26:46Et donc, elle est derrière et elle n'est pas au courant.
00:26:50Et voilà.
00:26:52Et quand l'accident se produit,
00:26:58j'ai tout de suite pensé à elle,
00:27:02en me disant qu'elle doit être en état de choc.
00:27:05Et ce qui est très particulier,
00:27:08c'est que je décide d'aller à sa rencontre.
00:27:11Je continue mon grimpé et quand je la vois,
00:27:14elle n'est pas au courant parce qu'elle était au-dessus.
00:27:18Et donc, c'est effectivement tout ce que je raconte
00:27:21et l'assistance pour descendre.
00:27:25Mais c'est pour ça que le K2, si je dis toujours,
00:27:30et je l'évoque aussi dans les conférences que je donne,
00:27:33c'est une montagne qui n'a pas de joker.
00:27:36On n'a pas droit à l'erreur au K2.
00:27:38Et la moindre erreur,
00:27:42ne serait-ce que si on prend encore l'hiver 2021,
00:27:46où il y a cette quête de tenter de gravir le K2 en hiver,
00:27:52parce que c'était encore à ce moment-là
00:27:56la seule montagne qui n'avait pas été gravie en hiver.
00:27:59Il y a quand même cinq décès sur les pentes du K2
00:28:03dans l'intervalle de cette expédition.
00:28:08C'est une des particularités de cette montagne.
00:28:14On est forcément obligés de côtoyer la mort
00:28:17quand on est sur ces hauts sommets himalayens,
00:28:21si c'est des accidents.
00:28:23Et puis, les cadavres sont là aussi, présents, en haute altitude.
00:28:26Vous le racontez sur certains, au Lhotse notamment,
00:28:29où c'est presque un point de repère pour vous.
00:28:32Oui, il ne faut pas être innocent.
00:28:35Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'en fait,
00:28:39la particularité, et ce n'est pas pour rien
00:28:43qu'on appelle ça la zone de mort.
00:28:44Au-dessus de 8 000 m, on appelle ça la zone de mort.
00:28:47Ce qui veut dire qu'on est dans l'incapacité
00:28:50de porter secours à une personne,
00:28:54parce qu'on a déjà à peine la possibilité de se mouvoir soi-même.
00:28:57Donc, c'est ça qui fait...
00:28:59Donc, ça paraît, quand on est là,
00:29:03assis tranquillement ou dans son fauteuil,
00:29:05en train de regarder un film ou autre,
00:29:07c'est très, très difficile d'intégrer ça.
00:29:10Et c'est ce qui rend cette pratique un peu extrême.
00:29:15Et...
00:29:18Mais, voilà, quand on dit qu'on passe à côté,
00:29:22mais qu'on ne s'arrête pas,
00:29:25parce qu'on ne peut rien faire.
00:29:26Et en plus, on a le laps de temps
00:29:30quand on est en danger ou, par exemple,
00:29:33quand il n'y a plus d'oxygène
00:29:36ou ce genre de difficultés.
00:29:40Le temps est compté.
00:29:42Donc...
00:29:44Mais le jugement est très facile quand on est en bas.
00:29:49En revanche, c'est...
00:29:54Quand on le vit, des fois, il faut sauver sa peau.
00:29:58Donc, on va redescendre.
00:30:01Mais on côtoie la mort, bien sûr.
00:30:03En revanche, on va le laisser...
00:30:07Quand on est dans cette dynamique, finalement,
00:30:09d'enchaînement, d'expédition,
00:30:12c'est quelque chose qu'on va quand même garder,
00:30:14finalement, un petit peu en retrait dans sa tête.
00:30:17C'est pas...
00:30:19Évidemment qu'on ne part pas sur un sommet en pensant à ça.
00:30:22Donc... Mais bon, il ne faut pas être naïf.
00:30:25C'est vrai que ce que dit Sophie est intéressant.
00:30:27Il y a un décalage entre, parfois, les polémiques
00:30:30qui peuvent être générées en bas sur des situations en haut.
00:30:34Et je fais référence, puisque vous l'évoquiez,
00:30:36à cette alpiniste norvégienne.
00:30:38On lui a reproché, je crois que c'était sur le K2,
00:30:41de ne pas avoir porté assistance à Porto.
00:30:44On pourra revenir sur ces choses plus complexes.
00:30:46Mais, effectivement, il y a eu, comment dire,
00:30:50un regard tout à fait décalé sur ce qui s'est passé sur le K2
00:30:54au moment de l'ascension de Christine.
00:30:57Et ces polémiques, elles sont liées aussi, peut-être, aujourd'hui
00:31:00au fait que tout est filmé, même à ces altitudes-là,
00:31:04ce qui n'était pas forcément le cas il y a encore une vingtaine d'années.
00:31:08Ce qui est complexe, c'est qu'il y a une forme de démocratisation
00:31:13de l'Himalayisme de haute altitude,
00:31:15une fois de plus, grâce à l'encadrement
00:31:18particulièrement performant des expéditions guidées,
00:31:21des expéditions commerciales.
00:31:23Et en même temps, ça reste une démarche très transgressive
00:31:27de porter son corps là où il n'est pas conçu pour survivre.
00:31:31Il faut bien comprendre qu'à un moment donné,
00:31:33c'est une question de métabolisme.
00:31:35Le corps humain ne peut pas survivre au-delà de quelques heures
00:31:38en très haute altitude et en particulier au-delà de 8 000 m.
00:31:41C'est quand même pas banal comme démarche.
00:31:44Donc, on va dire que toutes nos règles ou nos conventions sociales
00:31:50que nous avons établies pour vivre en société,
00:31:52à un moment donné, éclatent dans ces zones de survie.
00:31:55Donc, à un moment donné, notre filtre d'analyse que nous avons là,
00:31:58comme le rappelle Sophie,
00:32:00il est, comment dire, il est distordu, si je pourrais dire,
00:32:04quand on l'applique à ce qui se passe en très haute altitude.
00:32:07Ça n'empêche pas de très belles histoires d'amitié.
00:32:10Ça n'empêche pas de très beaux actes d'héroïsme et de secours.
00:32:14D'ailleurs, il y en a quelques-uns qui sont célèbres.
00:32:17Mais en même temps, comme le rappelle Sophie,
00:32:19il faut bien comprendre que chacun lutte pour sa propre survie.
00:32:23Donc, à un moment donné, il y a une distorsion du regard
00:32:25sur ce qui se passe autour de nous.
00:32:27Et c'est plutôt assez intéressant aussi à capter, à analyser.
00:32:30Et c'est tout l'intérêt de pouvoir porter aussi la caméra là-haut.
00:32:33C'est-à-dire que le récit que nous allons ramener
00:32:36de la très haute altitude,
00:32:37il est lui-même filtré par l'hypoxie de notre cerveau.
00:32:42Il est lui-même filtré par le filtre de la mémoire.
00:32:46On est tous en reconstruction de nos souvenirs.
00:32:49Et à un moment donné, la caméra, elle ramène des images brutes.
00:32:53Et là, il y a souvent des décalages.
00:32:54Et c'est pour ça que le métier du documentariste,
00:32:57il est absolument passionnant.
00:32:59Alors, malgré ce drame que vous avez vécu, Sophie, en 2018,
00:33:04le K2, vous avez réussi à atteindre le sommet de cette montagne.
00:33:07Vous dites d'ailleurs que c'est le Graal pour vous.
00:33:11Oui, c'est une vraie étape.
00:33:14Je pense que le K2, avec toute l'histoire
00:33:19qu'on entend sur cette montagne,
00:33:25c'est une vraie étape dans cette quête
00:33:29quand on atteint le sommet du K2.
00:33:32Parce que ça reste quand même...
00:33:34C'est très, très haut, c'est très, très engagé.
00:33:37Enfin, c'est...
00:33:41C'est le K2.
00:33:43Vous dites aussi que vous avez rarement eu peur
00:33:45pendant ces associations de 8 000.
00:33:48Ça paraît étonnant quand on parle de tous ces risques,
00:33:50de tous ces accidents.
00:33:52Non, il faut relativiser. La peur, elle est là.
00:33:56C'est d'imager aussi le fait que,
00:34:01si on quitte sa tente, la trouille au ventre,
00:34:04on va aller nulle part.
00:34:06Donc, c'est important, de nouveau,
00:34:10de recontextualiser
00:34:14la façon aussi dont j'aborde ces expéditions.
00:34:18L'équipe est importante.
00:34:20Les gens qui m'entourent,
00:34:22si je n'ai pas une confiance absolue en eux,
00:34:24notamment, ne serait-ce que, par exemple,
00:34:27dans les prévisions météorologiques
00:34:29que Yann nous envoie depuis son salon à Chamonix,
00:34:32si je commence à douter de ces prévisions,
00:34:34ça ne va pas marcher.
00:34:35Donc, il y a une...
00:34:40Un cocon qui s'installe
00:34:43autour des gens qui m'entourent.
00:34:45Sanguay fait partie intégrante de cette réussite
00:34:48et de ces ascensions.
00:34:51Et donc, l'idée, c'est de partir le plus...
00:34:54Le plus...
00:34:56Sereinement, on ne va peut-être pas aller jusque-là,
00:34:59mais le plus en confiance possible
00:35:03en direction du sommet.
00:35:04Et...
00:35:06C'est là où je relativise avec la peur.
00:35:09Mais la peur, elle est là,
00:35:12sur des moments aussi très précis,
00:35:14de sauts de crevasses,
00:35:16d'avalanches qui nous déboulent.
00:35:18Il y a plein de contextes qui font qu'on a peur.
00:35:21Mais c'est plus cette ambiance générale
00:35:25que j'essaie de décrire en disant
00:35:29que je n'ai pas forcément peur tout le temps.
00:35:32Elle le disait,
00:35:35elle le soulignait elle-même, Sophie.
00:35:37Elle a une personnalité très cloisonnée.
00:35:39Les Himalayes de très haute altitude
00:35:41ont des personnalités très cloisonnées.
00:35:43C'est-à-dire qu'à un moment donné,
00:35:44ils sont focus sur le sommet, comme ils disent eux-mêmes.
00:35:47Ca veut dire quoi ? Ca veut dire que
00:35:49tout ce qui va les tirer ou les rattacher à la ville, la vallée,
00:35:53est mis en quelque sorte de côté
00:35:55pour que toute l'énergie, elle soit vers le sommet.
00:35:58Et c'est d'ailleurs assez étonnant,
00:36:00les images du film Le Dernier Sommet,
00:36:04les moments où Sophie est la plus joyeuse dans son expression,
00:36:08le moment où elle semble la plus détendue,
00:36:10où elle est la plus souriante face à la caméra,
00:36:13c'est au départ du sommet de Pouche.
00:36:15C'est le moment où on va quitter le dernier camp
00:36:17pour aller vers le Nanga Parbat.
00:36:18Donc on pourrait imaginer qu'à ce moment-là,
00:36:20l'attention est à son maximum.
00:36:24Et dans le film, c'est le moment où elle est la plus joyeuse,
00:36:27comme si elle était délivrée à ce moment-là de toute pression
00:36:31et qu'enfin, elle allait pouvoir aller vers le sommet.
00:36:34Ca montre bien qu'à un moment donné,
00:36:36elle a tout laissé de côté pour être dans ce moment présent
00:36:41et aller vers son sommet.
00:36:42Et c'est, je trouve, assez touchant, ces images-là.
00:36:45Alors, dans ce type d'ascension,
00:36:47il faut souvent passer beaucoup de temps dans les camps d'altitude,
00:36:51parfois inconfortables.
00:36:53Je crois que d'ailleurs, on est au Cadeux,
00:36:55lors d'une précédente expédition que vous aviez menée ensemble.
00:37:00Ca fait partie du métier, on va dire, d'Himalayiste,
00:37:05de passer énormément de temps à attendre,
00:37:07dans des camps comme ça, sous la tempête, parfois.
00:37:10On ne fait pas qu'attendre, hein ?
00:37:12On se repose.
00:37:13Mais non, il y a de l'action, malgré tout,
00:37:18même si elle est statique, il y a de l'action.
00:37:20Et c'est vrai que...
00:37:23Mais bon, ça fait partie, c'est la particularité de l'himalayisme.
00:37:28C'est l'éloge du temps long,
00:37:31ne serait-ce que par le fait qu'il faut acclimater le corps.
00:37:36Donc, on ne peut pas partir du bas et aller au sommet comme ça,
00:37:40en arrivant au camp de base.
00:37:41Donc, il faut acclimater son corps.
00:37:43Et cette acclimatation, elle passe par des paliers
00:37:49et ses incursions en haute altitude.
00:37:51Et l'idée, idéalement, quand on veut faire une acclimatation complète,
00:37:55c'est d'essayer d'aller dormir, en tout cas jusqu'à 7000 m.
00:37:59Évidemment, il faut redescendre pour se reposer
00:38:03et attendre la fenêtre pour après tenter le sommet.
00:38:06C'est pour ça qu'il faut en moyenne deux mois pour gravir un 8000.
00:38:09Et qu'il ne faut que deux jours pour gravir à Mont-Blanc.
00:38:12Donc, on est...
00:38:14Et ce n'est pas exponentiel.
00:38:16Ce n'est pas parce que c'est le double d'altitude
00:38:18qu'on va mettre juste le double de temps.
00:38:20Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne.
00:38:22Mais c'est la particularité, vraiment la spécificité
00:38:24de la très, très haute altitude.
00:38:26Et parfois, la météo fait des siennes
00:38:28et on se retrouve bloqué dans une tente.
00:38:32Et justement, ce qui est intéressant aussi,
00:38:35c'est qu'on doit lâcher son calendrier.
00:38:43On doit lâcher son altimètre.
00:38:46Si on prévoit de faire le sommet tel jour
00:38:50parce qu'il faut rentrer, parce qu'on a une fête de famille, etc.,
00:38:52ça ne marchera pas.
00:38:54C'est vraiment ce lâcher-prise qui est intéressant
00:38:59et qui ne convient finalement pas à beaucoup de monde.
00:39:02Parce qu'on est dans des schémas dans nos vies occidentales
00:39:08où tout est mesuré, calculé.
00:39:12Chaque heure a son rendez-vous, son timing, etc.
00:39:16Et on est habitué à vivre avec une montre et un calendrier.
00:39:21Et quand on arrive sur un camp de base, il faut lâcher tout ça
00:39:24parce que celui qui va décider, c'est le ciel.
00:39:28Et pas le ciel mystique, donc la couleur du ciel.
00:39:31Et donc il faut avoir cette faculté d'adaptabilité et de patience
00:39:37pour se mettre dans ce rythme-là.
00:39:42Et voilà.
00:39:44L'himalaïsme de très haute altitude, c'est de l'audace,
00:39:48de la tempérance et de la résilience.
00:39:51Et ces trois qualités-là, on les retrouve chez Sophie,
00:39:53on les retrouve chez les himalaïstes efficients.
00:39:57Sophie parlait de patience, j'ai l'impression
00:40:00qu'elle était un peu plus patiente que vous
00:40:01quand vous étiez coincés dans les tentes en haute altitude, François.
00:40:06Salut.
00:40:08C'est le bordel, non ?
00:40:10C'est le bordel, oui.
00:40:13La tente est complètement enfouie sous la neige.
00:40:17Il y a de la neige dans la tente.
00:40:22On est trois, là, comme des sardines.
00:40:25On sait même pas où est notre matos, si à peu près.
00:40:28Oh, putain, c'est trempé, tout est trempé.
00:40:32Pourquoi tout est trempé, Sophie ?
00:40:34Parce que la neige, ça bouille.
00:40:36Il y a un certain flègue, on fait avec les conditions.
00:40:40Oui, après, il y a un jeu entre nous,
00:40:43en particulier dans les tournages de films,
00:40:44parce que Sophie, comme beaucoup d'alpinistes ou d'himalaïstes,
00:40:49parle par euphémisme.
00:40:51Donc moi, j'ai tendance à remettre un peu de réalité
00:40:55et de trivialité dans les propos,
00:40:57parce que ça m'intéresse de décrire quand même
00:41:00dans quel bordel nous vivons à ce moment-là.
00:41:02Il y a un papier officiel, quand on fait un 8000,
00:41:05qui prouve que vous avez 14 diplômes délivrés par qui ?
00:41:09Comment ça marche ?
00:41:11Oui, oui, il faut ramener aujourd'hui
00:41:14pour avoir le certificat qui est délivré au Népal
00:41:19par le ministère du Tourisme,
00:41:21par la Tibetan Mountaineering Association au Tibet
00:41:28et par le club alpin pakistanais d'Islamabad
00:41:34pour les trois destinations.
00:41:36Donc il ne faut montrer pas de blanche aujourd'hui.
00:41:38Il faut ramener une preuve du sommet.
00:41:42Les règles se sont un petit peu durcies ces dernières années.
00:41:47Et donc c'est un point GPS, c'est une vidéo 360 du sommet.
00:41:52Alors surtout quand on veut prouver qu'on a été au sommet.
00:41:57Après le fait, comme moi, de grimper en équipe,
00:42:03il y a des témoignages aussi.
00:42:05Donc les témoignages, notamment de Sanguay
00:42:08ou des photos qui sont prises et autres.
00:42:12Mais il faut montrer pas de blanche pour pouvoir obtenir son certificat.
00:42:15Parce qu'en alpinisme, en himalayisme, le sommet, c'est le sommet.
00:42:1810 mètres, 50 mètres sous le sommet, c'est pas le sommet.
00:42:21Parce que si à un moment donné, l'alpinisme ou l'himalayisme
00:42:24s'est arrêté sous le sommet, c'est qu'il y a un certain nombre de raisons.
00:42:28Donc à un moment donné, le sommet, c'est le sommet.
00:42:31Et là, on ne va pas rentrer dans toutes les histoires des listes
00:42:34qui sont tenues à jour par les chroniqueurs
00:42:37qui s'intéressent à l'histoire de l'activité.
00:42:41Mais effectivement, il y a eu un certain nombre de remises en cause récemment
00:42:44de la liste des prétendants à la collection des 14 8000,
00:42:48parce qu'un certain nombre d'entre eux n'ont pas atteint
00:42:51tous les sommets revendiqués, de bonne foi ou de mauvaise foi.
00:42:55Mais en tout cas, c'est documenté aujourd'hui.
00:42:57Donc effectivement, avec les capacités que l'on a aujourd'hui
00:43:02de prouver où l'on est dans le temps présent,
00:43:04les conditions de revendication se sont un peu durcies.
00:43:08Et comme le dit Sophie, peu importe si vous faites ça
00:43:11juste pour le raconter à vos voisins et à votre famille,
00:43:14peu importe vos revendications, à partir du moment où vous inscrivez
00:43:18dans une revendication sociale, donc économique,
00:43:21il est normal qu'on demande un certain nombre de comptes ou de preuves
00:43:25aux alpinistes et aux himalayistes qui revendiquent leur réussite.
00:43:28Vous évoquez d'ailleurs ce point-là dans le livre au chapitre Manaslu,
00:43:31avec l'enquête d'un journaliste allemand et de spécialistes de l'Himalaya en 2022
00:43:36qui vont révéler que de nombreux sommiteurs n'ont pas effectivement
00:43:39atteint le véritable sommet, et notamment le Manaslu,
00:43:44où le véritable sommet aurait été découvert récemment.
00:43:47– Oui, c'est pas que le véritable sommet a été découvert récemment,
00:43:50c'est qu'il y a une espèce d'antécime, et puis la véritable cime,
00:43:54c'est une arête à la fois effilée, complexe,
00:43:57et qui est à peine plus haut que cette antécime.
00:44:00Et les expéditions guidées, les expéditions commerciales
00:44:03avaient pris l'habitude finalement de s'arrêter,
00:44:06pour des raisons pratiques de confort…
00:44:09– On les voit là sur ces photos.
00:44:09– … à cette petite antécime.
00:44:11Et à un moment donné, en particulier parce qu'il y a eu
00:44:13un survol de drones du vrai sommet, un alpiniste a pu montrer au monde
00:44:20qu'effectivement, cette petite antécime où on voit flotter
00:44:23les drapeaux à prière n'est pas la vraie cime.
00:44:26À partir de ce moment-là, la statistique a balayé d'un revers de manche
00:44:3270 ou 80% des revendications de l'ascension du Manaslu,
00:44:36ce qui fait qu'un certain nombre d'alpinistes qui voulaient faire
00:44:41les 14 8000 sont retournés pour faire la vraie cime, ce qui a été le cas.
00:44:45– Oui, c'était le cas de Sophie.
00:44:47C'est-à-dire que la première fois où vous êtes montée,
00:44:49vous êtes arrêtée à cette antécime qu'on a vue là sur les photos,
00:44:51vous n'aviez pas conscience à ce jour-là que vous n'étiez pas vraiment au sommet ?
00:44:55– Non, non, non, vraiment pas.
00:44:57De bonne foi, je pensais vraiment être au sommet.
00:44:59Et d'ailleurs, quand l'enquête est sortie,
00:45:02ou… enfin, avant qu'elle sorte officiellement,
00:45:07mais j'en avais déjà entendu parler parce que les…
00:45:10ce que j'appelle les geeks, le club des geeks des 8000
00:45:14qui a géré toute cette enquête, je les connais très bien,
00:45:17c'est des amis, et puis ils m'avaient dit
00:45:21mais toi d'ailleurs, tu n'as pas été au sommet.
00:45:24– Comment ça, je n'ai pas été au sommet ?
00:45:25– Ben non, tu n'as pas été, etc.
00:45:27Et c'est comme ça que vraiment, de bonne foi,
00:45:32j'étais convaincue d'être au sommet alors qu'on n'y était pas.
00:45:35Et ça m'a intéressée d'aller voir l'erreur que j'avais faite.
00:45:41Et c'est pour ça qu'en 2022, je décide d'y retourner.
00:45:45Et c'est pour ça que dans le livre, le chapitre,
00:45:49je l'appelle tout ça pour ça parce qu'entre l'antécime et le vrai sommet,
00:45:54alors on était dans des conditions très, très particulières,
00:45:56il n'y avait personne, on a eu un sommet de pouche presque parfait,
00:46:02on va dire ça comme ça.
00:46:03Et j'ai mis donc 20 minutes pour aller atteindre le vrai sommet.
00:46:07Donc ça m'a interpellée et à la fois intéressée
00:46:12d'aller voir ce qui s'était passé.
00:46:16– C'est cette pente-là qu'il fallait encore gravir,
00:46:18vous étiez sur l'antécime, un peu avant sur ce premier faux sommet.
00:46:24– Mais encore plus, ce travail qu'a souligné ou qu'a éclairé
00:46:29ces chroniques de chœurs, ce n'est pas une espèce d'obsession de l'altitude,
00:46:36c'est aussi une forme d'équité sportive parce qu'à un moment donné,
00:46:40si l'on célèbre ceux qui ont fait l'effort de réellement aller
00:46:44sur chacun des sommets des plus hautes montagnes,
00:46:47il n'y a pas de raison qu'il y ait des revendications à minima.
00:46:51Donc il y a aussi une forme de reconnaissance sportive
00:46:55et d'équité envers ceux qui ont réellement réussi le challenge.
00:47:00Alors après effectivement, ce qui est amusant c'est de regarder
00:47:03et d'écouter les réactions entre ceux qui globalement ont balayé
00:47:08d'un revers de main en disant non mais ce travail de chroniqueur,
00:47:11c'est du travail de poubelle, c'est du journalisme poubelle,
00:47:14ça n'a aucun intérêt et puis parmi ceux-là,
00:47:19on les voit tout d'un coup retourner sur un certain nombre de sommets
00:47:21pour finalement quand même pouvoir cocher leur 14-8000.
00:47:25Donc ça a quand même fait bouger les lignes,
00:47:27donc c'est à la fois amusant et puis c'est surtout que nos outils
00:47:31d'analyse d'aujourd'hui ont permis de sortir la documentation
00:47:38de ces 14-8000.
00:47:40– Même Raynold Messner est concerné par cette polémique,
00:47:43alors pas sur le Rémanat Slum mais sur la Napurna.
00:47:46– Oui alors sur la Napurna, ce qui est assez dingue c'est que
00:47:49Raynold Messner non seulement c'est le premier homme
00:47:52à avoir réussi les 14-8000 comme on le racontait tout à l'heure,
00:47:55mais en plus il a réussi sa collection sans l'utilisation d'oxygène,
00:48:00la plupart du temps by thermine, c'est-à-dire sans aide au portage,
00:48:03sans avoir recours au corps de fixe,
00:48:05sans avoir recours à l'oxygène supplémenté,
00:48:08mais en plus il a fait le premier une traversée d'un 8000
00:48:12au Nanga Parbat avec son frère Gunther,
00:48:14il a été le premier à gravir l'Everest sans oxygène,
00:48:19il a été le premier à réussir l'Everest by thermine
00:48:22en ouvrant une nouvelle voie en période de mousson du côté tibétain,
00:48:26il a été le premier à enchaîner deux sommets de plus de 8000 mètres
00:48:30sans redescendre à un camp intermédiaire,
00:48:32il a ouvert des nouvelles voies et en particulier à la Napurna,
00:48:34il ouvre une voie absolument extraordinaire,
00:48:36mais qui le mène sur cette longue arête somita de la Napurna,
00:48:40qui est en fait un sommet qui n'est pas du tout pointu,
00:48:44qui est assez adhésif, et puis le vrai sommet est beaucoup plus loin,
00:48:48il arrive à l'arrête finale, il redescend de sa voie très difficile,
00:48:52et à l'époque il n'y a pas de problématique de revendication,
00:48:55et puis effectivement les chroniqueurs disent
00:48:56ah non non, le vrai sommet il est là-bas,
00:48:58donc vous imaginez bien que le king ne l'a pas très bien pris,
00:49:02dans un premier temps il a plutôt été assez fair play,
00:49:05il a plutôt été assez sport, et puis après il a dit
00:49:08non non je vais envoyer mes avocats, donc voilà,
00:49:10donc ça fait quand même bouger,
00:49:12ça veut bien dire qu'il y a eu une signification symbolique
00:49:15qui est extrêmement forte autour de ces sommets.
00:49:20Et en fait, dans l'évolution de l'exactitude de ces sommets,
00:49:28a été décidé par l'Himalayan Database,
00:49:31qui est aussi un des organes qui essaie de réguler un petit peu tout ça,
00:49:35qu'à partir de 2022, les personnes qui tentent,
00:49:40donc les 14 8000, doivent prouver d'être allées
00:49:45au vrai sommet des 14 montagnes.
00:49:47Mais, parce qu'on ne peut pas refaire l'histoire non plus.
00:49:51– On ne va pas demander à Meissner de remonter au sommet de la Naf.
00:49:54– Ce qu'il faut bien comprendre, c'est l'idée de ces chroniqueurs,
00:49:58et je ne vais pas les défendre, je ne suis moi-même pas un chroniqueur,
00:50:00mais ce n'est pas temps de détrôner nos grands aînés
00:50:05tels que Reynold Meissner, plutôt que de remettre l'écriteur un peu à gire,
00:50:10un peu à jour, par rapport à un certain nombre de gens
00:50:14qui s'arrangeaient avec la réalité des faux sommets.
00:50:16Une fois de plus, c'est plutôt dans un souci d'équité envers les performeurs,
00:50:22plutôt que de vouloir balayer et de faire tomber du piédestal
00:50:26un certain nombre de mythes.
00:50:27Il ne faut pas se tromper d'analyse.
00:50:29– Alors, il y a un sommet où on n'a pas trop de doutes,
00:50:32quand on arrive en haut, qu'on y est bien, c'est le plus haut, l'Everest.
00:50:36Vous l'avez fait ensemble en 2014, François,
00:50:39c'était d'ailleurs la première fois où vous filmiez, Sophie,
00:50:42là, ce sont vos images, pas très loin du sommet.
00:50:45– Oui, là, on est sur le dernier ressaut,
00:50:47le soleil vient d'émerger des montagnes tibétaines.
00:50:51C'est un moment très émouvant, très important pour moi.
00:50:54Je n'imaginais pas qu'un jour, dans ma vie,
00:50:57dans ma vie de guide, dans ma vie de grimpeur,
00:50:59alors encore moins dans ma vie de cinéaste,
00:51:01je filmerais un Himalaïste émergeant comme ça,
00:51:05avec le jour depuis la plus haute montagne de la Terre.
00:51:10C'est un moment très, très important pour moi et très émouvant.
00:51:14– Je vais vous remontrer ces images, je sais qu'elles ont du sens pour vous.
00:51:17Alors, vous n'avez pas gravi ce sommet par la voie la plus fréquentée.
00:51:23Cette année-là, en 2014, il y avait à peine une centaine de grimpeurs
00:51:27sur cette montagne, ce qui paraît aujourd'hui assez improbable.
00:51:31– Alors, on était sur le versant tibétain,
00:51:34qui est un camp de base qui est beaucoup moins fréquenté.
00:51:38Et effectivement, la particularité de 2014,
00:51:42c'est en fait, sur le versant sud, le versant classique népalais,
00:51:50où il y a cet accident dramatique qui tue 16 Sherpas
00:51:56dans une chute de Serac, dans l'icefall,
00:51:58donc dans la grande cascade de glace du Khumbu.
00:52:01Et le gouvernement népalais décide de fermer la montagne.
00:52:06Donc, c'est ce qui rend cette ascension très particulière,
00:52:13parce que la face sud est restée vierge sur cette année.
00:52:16– Donc, vous avez pu profiter d'un sommet presque à vous tout seul.
00:52:20– C'est très étonnant, effectivement, on arrive au sommet de l'Everest,
00:52:22où on aurait pu s'attendre à croiser tous les prétendants du côté népalais.
00:52:28Et puis, il n'y a que nos expéditions côté tibétain et c'est très étonnant.
00:52:33Et d'ailleurs, je me souviens d'une discussion
00:52:35avec le responsable de l'expédition
00:52:37avec laquelle nous étions sur les flancs de l'Everest.
00:52:40Il nous avait bien prévenu qu'il était totalement interdit
00:52:43de traverser la montagne.
00:52:45Parce qu'il nous connaissait, nous, en tant que grimpeurs,
00:52:47et il savait qu'on pouvait avoir un fantasme,
00:52:49une fois que l'on ait gravi le versant tibétain,
00:52:53arriver au sommet, d'avoir la tentation de redescendre versant sud
00:52:57pour aller traverser sur le Népal.
00:53:00Du coup, là, le problème était réglé,
00:53:01parce que de toute façon, il n'y avait plus personne côté népalais
00:53:03et la voie avait été déséquipée.
00:53:05– Quel regard vous portez aujourd'hui, dix ans après,
00:53:08sur les files de touristes qu'on voit régulièrement dans les médias,
00:53:13qui s'agglutinent pour accéder à l'Everest
00:53:15par l'autre versant sur lequel vous êtes monté, vous, François ?
00:53:23– Ça montre, une fois de plus, que les montagnes emblématiques,
00:53:27et en particulier l'Everest,
00:53:29est un des points qui fait rêver tout à chacun.
00:53:35Et on ne peut pas à la fois faire le prosélytisme de l'alpinisme,
00:53:40faire le prosélytisme de l'himalaïsme,
00:53:43et se plaindre quand il y a des gens en montagne.
00:53:45Vous voyez cette espèce de paradoxe qui émane du discours de notre milieu.
00:53:50On est tous là à porter les valeurs de l'alpinisme,
00:53:53on est tous là à revendiquer et à raconter le bonheur
00:53:56que nous allons d'aller en montagne,
00:53:58et globalement d'expliquer à tout le monde,
00:53:59venez partager cette nature avec nous.
00:54:01Et puis le jour où il y a du monde, on se dit, il y a plein de monde.
00:54:05Voir même quand en plus c'est raconté avec des mots
00:54:10qui ne font pas partie de nos codes, de notre petit milieu,
00:54:14on va porter un regard condescendant, voire critique.
00:54:18Donc là, on a une petite problématique un peu,
00:54:20on a une petite névrose dans notre milieu,
00:54:23sur ce qui se passe actuellement sur les plus hauts sommets.
00:54:25On ne peut pas à la fois faire des films, raconter nos histoires,
00:54:29écrire des livres, et puis en même temps se plaindre
00:54:31que les gens sont en montagne une fois qu'ils y sont.
00:54:33Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?
00:54:34– Alors là, vous faites allusion notamment au film d'Inox Tagg,
00:54:37le youtubeur qui a gravi l'Everest, dont on a beaucoup parlé,
00:54:39c'est d'ailleurs les images qu'on voyait.
00:54:42François Carrel, auteur d'un livre sur le business de l'Himalaya,
00:54:46a été l'invité de grand air il y a quelques semaines.
00:54:49Et voilà ce qu'il disait sur notre plateau,
00:54:51j'avais envie de vous passer cet extrait pour vous faire réagir.
00:54:54– Tout le monde me dit, il va y avoir un jour ou l'autre un énorme carton.
00:54:57Quand on a 100 personnes dans les seracs,
00:55:00sur la voie normale, sous les seracs du bottleneck à 8004,
00:55:04un endroit extrêmement dangereux où il faut vraiment passer très très vite,
00:55:07quand on a 50, 60, 80, 100 personnes qui vont rester là des heures,
00:55:11un jour ou l'autre, il y aura d'un seul coup 40, 50 ou 80 morts.
00:55:15À ce moment-là, on dira, mais pourquoi on a laissé faire ça ?
00:55:19Donc moi je trouve qu'on a une dénaturation de ce qu'est l'Himalayisme aujourd'hui.
00:55:26On devrait laisser ces montagnes à ceux qui sont capables
00:55:31de les gravir by fermings, comme Blotch.
00:55:34Voilà, on va m'accuser d'être élitiste, les jeunes vont dire,
00:55:37vous êtes des élitistes, vous voulez vous réserver ces montagnes ?
00:55:40Non, je crois que, moi je sais où je suis, je suis un tout petit alpiniste,
00:55:43je vais plus bas, plus facile, et je trouve que c'est le dernier endroit
00:55:47de la planète où on devrait développer un tourisme lourd,
00:55:50comme celui qui est développé aujourd'hui.
00:55:53Réserver ces montagnes à une élite, c'est un peu ce qu'il dit.
00:55:57Non mais ça mériterait de débattre avec François,
00:55:59et je ne vais pas reprendre toute son argumentation,
00:56:03mais là, il y a un mélange d'un certain nombre de problématiques
00:56:06qui n'ont rien à voir ensemble, bien évidemment.
00:56:09Et quand même, pour aller un peu vite, je l'ai interrogé,
00:56:12mais je l'interrogerai sur, qu'est-ce que c'est que cette vision ethnocentrée,
00:56:16voire même néocoloniale, sur ce qui se passe actuellement en Himalaya,
00:56:21et en particulier sur l'encadrement et la marchandisation des montagnes,
00:56:24qui, une fois de plus, a été, comment dire,
00:56:28où les Népalais se sont réappropriés.
00:56:31Quand il s'interroge sur le drame potentiel qui va se passer,
00:56:36alors que nous, nous écrivons des livres entiers sur les drames
00:56:39qui se sont passés avec nos propres alpinistes, dans nos propres cultures,
00:56:43qu'est-ce que c'est que cette espèce de projection
00:56:45sur ce que, potentiellement, il pourrait se passer ?
00:56:48Les Népalais, les Pakistanais, ne seraient-ils pas capables
00:56:52de gérer par eux-mêmes leur encadrement sur leur montagne ?
00:56:58On fera peut-être ce débat un peu plus tard sur une autre émission, François.
00:57:01Sophie, quel accueil vous avez reçu des professionnels de la montagne,
00:57:06des guides, vous êtes souvent à Chamonix.
00:57:09Vous êtes la première Française, homme et femme, à avoir réussi ce défi.
00:57:13François Dalmino l'expliquait, de grands noms,
00:57:16Jean-Christophe Lafaye, Benoît Chamoux, Chantal Mauduit et d'autres,
00:57:19ont essayé, n'ont pas réussi à enchaîner ces 14 000.
00:57:23Comment vous avez échangé, perçu leur regard
00:57:27par rapport à ce que vous avez fait ?
00:57:31D'une façon générale, c'est très bienveillant.
00:57:33Et le fait d'avoir été convié l'année dernière
00:57:36pour faire l'appel des guides
00:57:40lors de la fête des guides de la compagnie, des guides de Chamonix,
00:57:46je pense que ça répond en grande partie à la question.
00:57:50Il y a eu quand même quelques critiques,
00:57:53en tout cas quelques alpinistes,
00:57:56qui ont dit, oui, Sophie Laveau, c'est des experts commerciaux,
00:58:00ce n'est pas de la montagne,
00:58:02et qui ont remis en cause un peu la performance, François.
00:58:06Oui, bien sûr, parce qu'on peut balayer d'un revers de main
00:58:10ce que j'appelle le huimilisme,
00:58:11c'est-à-dire cette forme d'himalayisme
00:58:14qui consiste à gravir les plus hautes montagnes du monde
00:58:16dans le cadre d'expéditions guidées,
00:58:19en utilisant l'aide au portage de Sherpa,
00:58:21en utilisant des lignes de vie qui sont fixées sur la montagne
00:58:26pour sécuriser l'ascension et la descente,
00:58:29en utilisant éventuellement de l'oxygène au moment du sommet de Puch.
00:58:33Effectivement, on peut balayer cette forme d'himalayisme d'un revers de main,
00:58:38mais en fait, il y a une confusion entre l'himalayisme de performance
00:58:42et l'himalayisme possible de tout à chacun aujourd'hui.
00:58:47Et je pense que la problématique, c'est effectivement
00:58:50la collection des 14 000 réussies par Sophie
00:58:53ou l'Everest mis en scène par Inox,
00:58:56capte de la lumière, capte beaucoup de lumière,
00:58:59et les performeurs qui ont du mal
00:59:03à expliquer, à médiatiser leur performance en himalayisme,
00:59:07parce que c'est de tellement haut niveau que c'est complexe à expliquer
00:59:10et à amener vers le grand public,
00:59:11à un moment donné, peuvent souffrir de ces projecteurs
00:59:15qui ne sont plus braqués sur la performance d'aujourd'hui,
00:59:19mais qui sont braqués sur du symbole.
00:59:22Et en fait, il y a une petite confusion à ce moment-là.
00:59:26Donc après, chacun fait sa route avec ça,
00:59:29mais effectivement, on le comprend bien pourquoi ça clive.
00:59:32Et une fois de plus, il y a aussi une question de code et de vocabulaire.
00:59:36Alors, Inox Tagg a estimé que son expéditif lui avait coûté
00:59:38à peu près un million d'euros.
00:59:40Est-ce que, à l'Everest, vous avez fait le bilan ?
00:59:42Vous savez combien ça vous a coûté, ces 14 8000
00:59:44pendant ces 11 années d'expédition ?
00:59:46Oui, moins de ça.
00:59:47Moins d'un million d'euros sur l'ensemble ?
00:59:49Bien moins.
00:59:50Vous avez été économe, parce qu'aujourd'hui,
00:59:52un Everest, c'est entre 50 et 150 000 euros.
00:59:54C'est la bonne fourchette ?
00:59:56Oui, c'est le prix d'un ticket pour tenter l'Everest
01:00:00dans le cadre d'une expédition guidée.
01:00:02C'est guère plus cher qu'un 4x4.
01:00:05Il y a des gens qui changent de voiture tous les ans.
01:00:07Non, mais pourquoi je dis ça ?
01:00:10Ce n'est pas pour dire que ce n'est pas cher.
01:00:13C'est pour dire aussi que ce sont, à un moment donné, des choix de vie.
01:00:17Donc, il y a des gens qui flambent leur argent au casino
01:00:21ou dans des vacances ou des croisières.
01:00:23Et puis, il y a des gens qui économisent leur argent
01:00:26pour, à un moment donné de leur vie,
01:00:28s'offrir un sommet de plus de 8000 mètres.
01:00:30Donc, n'ayons pas des jugements trop hâtifs.
01:00:35Toujours sortir un peu des biais et des prérequis.
01:00:38De nouveau, il faut sortir l'Everest.
01:00:42L'Everest, c'est une montagne.
01:00:44C'est...
01:00:48C'est aussi le superlatif de beaucoup de choses.
01:00:53Et l'Everest, c'est une montagne
01:00:56parmi la grande chaîne de l'Himalaya.
01:00:58Et il faut, justement, sortir un tout petit peu de l'Everest.
01:01:04Il n'y a pas que l'Everest en Himalaya.
01:01:05Mais les gens qui s'offrent des expéditions commerciales,
01:01:09sauf si vous avez une information,
01:01:10a priori, ils ne volent pas l'argent
01:01:12pour payer les agences népalaises ou pakistanaises.
01:01:16On n'a pas vu de système de blanchiment, en tout cas,
01:01:17en haute montagne, c'est vrai.
01:01:19Est-ce que ça a changé votre vie, Sophie,
01:01:22d'être comme ça exposée médiatiquement,
01:01:25d'être la première à avoir réussi ces 14 8000 en France ?
01:01:31Qu'est-ce que ça veut dire, changer sa vie ?
01:01:32Je ne sais pas, les sollicitations médiatiques,
01:01:34on vous invite régulièrement.
01:01:38Là, par exemple, vous êtes venue au curling à l'Alpe d'Huez
01:01:41sur ces images.
01:01:41Je crois que c'était un trophée mer et montagne.
01:01:43On invite un peu les stars du milieu.
01:01:46Ça, c'est quelque chose qui vous plaît ?
01:01:49Très beau lancer de pied.
01:01:50Elle est précise. Enfin, quoi que.
01:01:55Bien sûr que ça change,
01:01:56mais ça fait partie aussi d'une façon de savourer tout ça.
01:02:05Au quotidien, ça ne change pas non plus complètement.
01:02:09Ça ne va pas me retirer la passion de l'alpinisme.
01:02:11Je vais continuer à grimper.
01:02:13Je vais continuer à retourner au Népal et en Himalaya.
01:02:18C'est vrai que cette année 2024, c'est une année de transition.
01:02:22C'est une année intéressante
01:02:25parce que c'est aussi une forme de découverte, de partage.
01:02:30Le film, le livre sont des moyens aussi de clore
01:02:35d'une belle façon, ce grand chapitre des 8000.
01:02:40Et c'est vrai que si mon histoire en tant que femme,
01:02:44je le précise, peut inspirer d'autres jeunes femmes,
01:02:48d'autres personnes à se donner les moyens d'oser
01:02:53réaliser ses rêves, rentrer dans une dynamique
01:02:56d'un grand projet de vie, je serai contente, tout simplement.
01:03:02Vous allez retourner sur des 8000 ?
01:03:068000, peut-être pas, mais Himalaya, certainement.
01:03:10Alors, j'en ai un à vous proposer de sommet.
01:03:13Je ne sais pas si vous savez lequel c'est sur cette photo.
01:03:18François, est-ce que vous le reconnaissez ?
01:03:21Il est moins médiatisé que les 14 8000,
01:03:24et pourtant, c'est le 15e.
01:03:26C'est ce que j'allais dire.
01:03:27C'est le plus haut des 7000 qui n'atteint pas tout à fait 8000.
01:03:337952 m, il s'appelle le Gagunggang.
01:03:37C'est le 15e. Malheureusement, il y a une forme d'injustice.
01:03:40Pour 48 m, il est un peu dans l'anonymat.
01:03:42Mais on le raconte dans un des chapitres du livre.
01:03:45Il y a aussi les autres 8000,
01:03:47parce qu'une fois de plus, c'est une décision de géographe
01:03:50d'avoir quantifié à 14 des sommets de plus de 8000 m.
01:03:53Parce que si on prend par exemple le Kanchenjunga,
01:03:56qui n'est pas un sommet, mais une chaîne de montagne,
01:03:58il y a deux autres sommets qui culminent à plus de 8000 m,
01:04:02dont le Yalungkang, qui est assez connu.
01:04:04Donc, on pourrait estimer qu'il y a 15, 16, 17, à peu près 18 8000.
01:04:08Donc, je propose aux challengers
01:04:10d'être éventuellement le premier Français aux 18 8000.
01:04:14Bon, voilà, un nouveau défi.
01:04:15En attendant, il y a ce livre, les 14 8000, de Sophie Laveau.
01:04:19Est-ce que le film sera disponible un jour sur Internet
01:04:21comme celui d'Innoxtag, François ?
01:04:23Alors, non, et pas tout de suite.
01:04:25Et effectivement, on n'est pas tout à fait
01:04:27dans la même logique de communication qu'Innoxtag,
01:04:29qui a quand même 40 millions de vues.
01:04:31Il faut le souligner, ce n'est pas rien.
01:04:33En fait, quand on parle d'Innoxtag
01:04:35et qu'on nous interroge sur son alpinisme,
01:04:38on se trompe un tout petit peu sur le questionnement,
01:04:40parce qu'Innoxtag, c'est plus, comment dire,
01:04:43une analyse sociétale et de médias
01:04:46qu'il ne faudrait avoir qu'une analyse alpinistique.
01:04:49Allez, nous, on va finir cette émission
01:04:50en feuilletant d'autres pages
01:04:52que le livre de François d'Admilanou et Sophie Laveau.
01:05:01Et pour continuer de parler d'Everest,
01:05:03je vous propose le sommet des dieux,
01:05:06le repas du japonais Bakuyume Makura,
01:05:10traduit pour la première fois en français par Corinne Atlan.
01:05:13L'histoire d'un abou orphelin sans attache
01:05:16qui voue une passion obsessionnelle pour la haute montagne
01:05:18et qui possède aussi un don pour la grimpe.
01:05:22On retrouve aussi dans cette histoire
01:05:24un photographe de montagne
01:05:26qui repère dans une vitrine de Katmandou
01:05:29un appareil photo hors d'usage,
01:05:30qui pourrait être celui de l'alpiniste anglais John Mallory,
01:05:33disparu sur l'Everest en 1924,
01:05:36sans qu'on sache vraiment s'il avait réussi à atteindre le sommet.
01:05:39De ce roman a été tiré un manga,
01:05:41puis un long métrage réalisé par Patrick Imbert en 2021.
01:05:45Ce sont les images que l'on voit.
01:05:47Et donc, si vous voulez un retour aux sources,
01:05:49je vous conseille ce livre qui vient de sortir en édition de luxe
01:05:51chez Guérin.
01:05:52Le plus grand récit sur la métaphysique
01:05:55de l'alpinisme et de l'himalayisme.
01:05:57Ah ben voilà.
01:05:59Est-ce que vous connaissez Charlotte Perriand ?
01:06:02Grande architecte.
01:06:03Ah, je ne savais pas.
01:06:05Moi, je ne la connaissais pas non plus.
01:06:06Grande architecte et alpiniste.
01:06:08Avant de découvrir ce livre,
01:06:10c'est effectivement une designeuse française qui est née en 1903,
01:06:14qui travaillait au cours de sa carrière avec le Corbusier.
01:06:16Elle est morte en 1999.
01:06:18Et c'est en montagne que cette créatrice surdouée
01:06:20trouvait son inspiration.
01:06:21Elle y a laissé d'ailleurs quelques traces de son talent,
01:06:23comme le célèbre tabouret de Berger
01:06:26ou le refuge Tonneau,
01:06:27situé sur les hauteurs de Flènes, en Haute-Savoie.
01:06:30Et donc, on retrouve dans ce livre une biographie
01:06:32de cette artiste richement illustrée.
01:06:35On revient sur son parcours et ses créations.
01:06:37Charlotte Perriand, la montagne inspirée,
01:06:39c'est signé par la journaliste Pascale Nivelle.
01:06:42Et c'est aussi aux éditions Paulsen.
01:06:44Et puis, j'en profite pour parler
01:06:47de nouvelle édition de la Bible de l'escalade.
01:06:51C'est un livre signé David Chambre,
01:06:54consacré au 9e degré.
01:06:55Alors, la première édition datait de 2015.
01:06:58La discipline a évidemment évolué depuis.
01:07:00On y retrouve l'histoire de l'escalade,
01:07:01un des précurseurs du 19e siècle
01:07:03aux stars iconiques des années 80,
01:07:04Patrick Edlinger ou Patrick Béraud,
01:07:07pour ne citer que les plus emblématiques.
01:07:09Et puis, cette nouvelle édition aborde aussi
01:07:10l'arrivée dans le giron olympique
01:07:12de l'escalade de compétition.
01:07:14On a vu ça cet été à Paris.
01:07:16L'ouvrage est préfacé par le Français Seb Bouin,
01:07:18qui est l'un des trois dans le monde
01:07:20à avoir atteint le 9e niveau,
01:07:22enfin le 9C, qui est le haut du 9e niveau.
01:07:25Est-ce que d'après vous, François,
01:07:27ce bouquin, il faudra bientôt l'appeler le 10e degré ?
01:07:29Oui, obligatoirement.
01:07:30Et ce qui est intéressant aussi,
01:07:32c'est le travail journalistique de David Chambre,
01:07:36qui est certainement le meilleur historiographe
01:07:38de l'escalade en France.
01:07:39Ils vont être contents.
01:07:41Aux éditions du Mont Blanc de Catherine d'Estivelle,
01:07:44vous le fassiez une petite promo également de ce bouquin.
01:07:47Vous aussi, vous avez votre maison d'édition, François ?
01:07:50Alors, avec mon épouse Françoise Rouxel,
01:07:52effectivement, nous avons créé une maison d'édition
01:07:54il y a maintenant 20 ans,
01:07:56qui est spécialisée sur le topoguide d'alpinisme.
01:07:59Et puis, nous avons une collection de petits livres jaunes
01:08:03qui se veulent un peu impertinents.
01:08:06Et avec un titre qui vient de sortir,
01:08:09qui s'appelle
01:08:10« Ça sent le roussi dans les aiguilles ».
01:08:13C'est un cadavre exquis,
01:08:14c'est-à-dire un livre écrit à quatre mains ou à deux mains,
01:08:17je ne sais pas, enfin, deux auteurs
01:08:19qui s'envoient successivement leur chapitre
01:08:21et qui doivent continuer l'histoire.
01:08:24Et là, on avait donc notre Hervé Baudot,
01:08:27qui avait déjà signé sa Ladrusse au Mont Blanc,
01:08:29qui s'est encordé avec Guillaume Desmures.
01:08:31Peut-être plus impertinents, ils font tout péter à Chamonix,
01:08:34il se passe un certain nombre de choses.
01:08:35« Ça sent le roussi dans les aiguilles ».
01:08:37« Ça sent le roussi dans les aiguilles »,
01:08:38petit livre jaune des éditions.
01:08:40C'est JM édition.
01:08:43Merci en tout cas à tous les deux.
01:08:45On rappelle ce bouquin sorti chez Glenna
01:08:48et puis le livre, le film qui accompagne le récit
01:08:52de ces 14 sommets de 8000 réalisés par Sophie Laveau.
01:08:55Merci d'être venus.
01:08:57Merci de nous avoir reçus.
01:08:58C'était un plaisir.
01:08:59Merci.

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