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"Le problème de la dette publique, c'est assez largement un problème de confiance", analyse, vendredi, François Ecalle, président de Fipeco, un site d'information sur les finances publiques.

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00:00Bonsoir à toutes et à tous, en pleine crise politique au budgétaire, voilà que l'agence
00:08de notation S&P, anciennement Standard & Poor's, rend son verdict ce soir sur la note, notre
00:14dette souveraine française.
00:16Bonsoir François Eccal, Président de Fipeco, Association d'information sur les finances
00:20publiques, ancien magistrat de la Cour des comptes.
00:22On va essayer d'y voir un peu plus clair ensemble en actant que nous n'avons pas de
00:26boule de cristal.
00:27Quand une agence de notation prend sa décision, évalue la dette d'un pays, elle observe
00:32attentivement ce qui s'y passe, là ce qu'elle voit ne va pas lui plaire ?
00:36Je pense que ça va l'inquiéter, donc en effet j'ai pas plus de boule de cristal
00:41que vous et je ne sais pas ce qu'ils vont dire, le plus probable est qu'ils ne dégradent
00:46pas la note de la France mais qu'ils disent qu'ils risquent de le faire la prochaine
00:51fois.
00:52Techniquement ça veut dire qu'on nous met, nous avons une perspective négative.
00:55C'est parce qu'on va le rappeler, il y a trois options, soit la note reste stable,
00:59soit elle n'est pas dégradée effectivement mais avec une perspective négative, soit
01:03elle est dégradée.
01:04Qu'est-ce qui vous laisse penser ça ?
01:06Le climat, les agences de notation font très attention au climat politique parce que le
01:14problème de la dette publique c'est assez largement un problème de confiance.
01:17On n'a pas de problème, un Etat comme une entreprise n'a pas de problème s'il arrive
01:22à expliquer à ses créanciers que tout va bien, que tout est en contrôle, etc.
01:27Là c'est un peu plus difficile en ce moment d'avoir ce genre de discours donc les créanciers
01:32peuvent s'inquiéter et les agences de notation peuvent s'inquiéter aussi.
01:36Donc je pense en effet que ça sera une perspective négative, ça ne changera rien.
01:40Ça allait être ma question, qu'est-ce qu'on s'inquiète ?
01:42Les marchés s'inquiètent déjà depuis quelques jours, les taux d'intérêt montent,
01:46donc je pense que ça ne changera rien.
01:47Là où ça va changer, c'est sans doute la prochaine fois parce que si en effet ils
01:53nous dégradent, eux comme les autres agences, on va tomber dans une autre catégorie de
01:57notation et là on aura un simple A au lieu d'avoir un double A et là c'est plus embêtant
02:03parce que beaucoup de gestionnaires de portefeuille ou des banques ont des obligations d'avoir
02:10des obligations d'Etat justement notées, double A, alors si c'est seulement simple
02:15A, ils risquent d'en acheter moins.
02:17Donc la prochaine fois, ça peut avoir un effet assez important sur les taux d'intérêt.
02:21Donc on peut avoir un sursis cette fois ?
02:22On aura un sursis.
02:23Non mais attention.
02:24Voilà.
02:25Michel Barnier, le Premier ministre, parce que tout ça se passe alors qu'il y a un
02:28débat pour le moins houleux sur le budget au Parlement, il met en garde contre la tempête
02:33que déclencherait une chute du gouvernement, notamment sur les marchés.
02:36Est-ce qu'il a raison d'utiliser ce terme-là par exemple ?
02:39Alors une tempête, je ne sais pas, mais il y a un risque en tout cas je dirais.
02:45Le risque, il est le suivant.
02:47Si les marchés aujourd'hui sont relativement calmes, les taux d'intérêt ont monté quand
02:51même, mais pas beaucoup, c'est parce qu'ils pensent que la Banque Centrale Européenne
02:56sera toujours là pour soutenir la France en cas de crise, de difficulté.
03:01Mais ce qu'ils oublient, ils pourraient s'en rappeler brutalement, c'est que la
03:06BCE ne peut intervenir normalement que si le pays en question respecte les règles budgétaires
03:10européennes.
03:11Là on fait semblant de respecter.
03:12Ce qui n'est déjà pas trop le cas.
03:13Après il y a un plan qui a été présenté pour dire on va revenir dans les clous, c'est-à-dire
03:19à 3% de déficit en 2029.
03:21Mais pour le moment, on donne l'impression de faire des efforts, la commission a validé
03:27notre programme de finances publiques, donc de ce côté-là, ça va, mais il faut aussi
03:32que la dette publique du pays soit sous contrôle.
03:35La BCE peut intervenir si c'est vraiment de la spéculation, mais si on a vraiment
03:39un problème fondamental de dette publique non soutenable, la BCE normalement ne peut
03:44pas intervenir.
03:45Donc je pense qu'avec un gouvernement comme celui de Michel Barnier, elle interviendra
03:49toujours.
03:50En revanche, ce que les marchés peuvent se dire, c'est qu'avec un gouvernement qui
03:54dit je mets au panier les règles budgétaires européennes, je ne veux plus en entendre
03:58parler et qui annonce des mesures que dans le reste de l'Europe on trouvera comme assez
04:05délirante du point de vue des finances publiques, les marchés se diront que la BCE ne peut
04:09pas intervenir dans ces conditions, en tout cas, elle va hésiter, même si la France
04:12est « too big to fail », elle va hésiter et à ce moment-là, on risque d'avoir une
04:16crise.
04:17Juste un rappel, « too big to fail », c'est un terme qu'on utilisait notamment pour
04:19les banques américaines littéralement trop gros pour tomber, donc il y a toujours quelqu'un
04:22qui vient à sa rescousse.
04:23Je voudrais qu'on revienne au calcul du gouvernement Barnier, parce que quand le budget a été
04:27présenté, il y avait 60 milliards d'euros d'efforts prévus, vous arrivez à faire
04:32les comptes là ? Il reste quoi aujourd'hui ?
04:34Alors d'abord les 60 milliards, le Haut conseil des finances publiques, il ne disait pas 60,
04:38c'est 42.
04:39Moi je pense que c'était plutôt 42, mais 42 c'est déjà beaucoup.
04:41Après, j'ai renoncé à suivre ce qui se passe au Parlement, ça part dans tous les
04:47sens, j'ai quand même nettement l'impression que ça va dans le sens d'une réduction
04:53de ces efforts.
04:54C'est-à-dire que même si on était à 42, là on commence à descendre nettement au-dessous
04:58de 42 parce qu'on remet en cause des mesures relativement importantes, on a remis en cause
05:03ce qui avait été projeté sur les retraites, sur les efforts demandés aux collectivités
05:09locales, sur les allégements de cotisations des entreprises, ça c'était dans les 42
05:14ou 60 milliards, c'était des gros morceaux, sur lesquels on est revenu en arrière totalement
05:19ou partiellement.
05:20Est-ce que spécifiquement en France, c'est politiquement très complexe de toucher à
05:24la dépense publique ?
05:25Je pense qu'on a une particularité en France qui fait qu'on a le record en matière
05:32de dépenses publiques en pourcentage du PIB qui remonte à très loin dans le temps
05:38et qui ne date pas d'hier.
05:39Si vous relisez Tocqueville, l'Ancien Régime et la Révolution, vous verrez que déjà
05:43sous l'Ancien Régime, les Français demandaient plus d'aides au roi et ils voulaient payer
05:47moins d'impôts.
05:48C'était déjà la même histoire.
05:49Je pense que c'est très ancien, ça a été aggravé par le « quoi qu'il en coûte »,
05:53même si le « quoi qu'il en coûte » était nécessaire, ça donne l'impression que
05:56les milliards peuvent couler à flot et qu'on peut toujours les trouver.
05:59L'ancien ministre de l'économie Bruno Le Maire disait que le « quoi qu'il en coûte »
06:02c'est fini.
06:03Est-ce qu'on arrive à en sortir ?
06:04Parce que lui disait qu'on a du mal à en sortir.
06:06On en est largement sortis au sens où les mesures exceptionnelles qui avaient été
06:11prises pendant la crise sanitaire et puis après même pendant la hausse des prix d'énergie,
06:15ces mesures ont quasiment disparu.
06:17En revanche, là où on a vraiment du mal à en sortir, c'est psychologiquement.
06:20C'est-à-dire que ça a effectivement donné l'impression qu'il suffisait de demander
06:24des milliards pour trouver des milliards et donc alors pourquoi s'arrêter ?
06:28On n'a pas compris en effet que ça ne pouvait être que des mesures temporaires.
06:32C'est ça le problème je pense.
06:34J'ai conscience François Heckel qu'on fait de l'éco-politique fiction, je vais dire
06:37ça comme ça, mais concrètement s'il n'y a pas de budget au 31 décembre 2024, que
06:42se passe-t-il ?
06:43Alors s'il n'y a pas de budget, il faut bien avoir en tête que dans une loi de finances,
06:47le Parlement vote des crédits limitatifs.
06:49C'est une autorisation de dépenser limitative.
06:52Vous pouvez dépenser jusqu'à un tel somme.
06:53Et s'il n'y a pas de budget, il n'y a pas d'autorisation.
06:55Donc normalement, les comptables publics arrêtent de payer, donc c'est le shutdown
06:59à l'américaine.
07:00Sauf que la Constitution prévoit que si le gouvernement voit qu'il n'y aura pas de
07:04budget avant la fin de l'année, il demande au Parlement une loi spéciale l'autorisant
07:11à lever les impôts et à ouvrir des crédits à hauteur du dernier budget voté, c'est-à-dire
07:15celui de 2024.
07:17Alors ça, ça ne changera pas grand-chose parce que finalement le projet de loi de
07:20finances de Barnier, c'est quasiment la même chose en termes de total de dépenses
07:26que la loi de finances de 2024.
07:27En revanche, pour les recettes, ça va changer beaucoup de choses.
07:30Ça veut dire ?
07:31Parce que cette autorisation à lever l'impôt, c'est à le lever dans les conditions précédentes.
07:36Ça veut dire que par exemple, l'impôt sur le revenu, son barème, ne va pas être indexé.
07:40Et ça, ça a des conséquences très concrètes pour les comptables.
07:43Ça va permettre à l'État de gagner 3 à 4 milliards.
07:46Mais pour ceux qui payent l'impôt sur le revenu, ça veut dire plus d'impôt sur le
07:50revenu.
07:51Ou ceux qui étaient juste à la limite d'être imposés, ça veut dire qu'ils seront peut-être
07:55imposés.
07:56Ça, mais d'un autre côté, ça veut dire aussi que toutes les mesures fiscales nouvelles
08:00comme la hausse du taux de l'impôt sur les sociétés ou la hausse des impôts sur les
08:05plus riches seront abandonnées.
08:07Donc du point de vue des finances publiques, ça veut dire en fait beaucoup de recettes
08:11en moins.
08:12Parce que les 3 ou 4 milliards d'impôts sur le revenu en plus, ça ne compensera pas
08:15les 10 à 15 milliards de recettes qu'on va abandonner.
08:17Et politiquement, ça serait pour le moins sensible des ménages qui rentrent soudainement
08:22dans le barème de l'impôt sur le revenu, d'autres qui en paient plus.
08:24Alors c'est vrai, parce qu'à un autre côté aussi, il faut voir qu'on doit voter
08:28une loi de financement de la Sécurité Sociale.
08:30Alors là, le problème est un peu différent parce que dans les lois de financement, les
08:34dépenses ont des objectifs.
08:35Donc les caisses de retraite vont continuer, même s'il n'y a pas de loi de financement,
08:39les caisses de retraite continueront à verser les pensions, mais dans les conditions prévues
08:43par le Code de la Sécurité Sociale.
08:44Et ce qui est prévu, c'est une indexation totale au 1er janvier sur l'inflation.
08:49Donc pour les retraités, c'est une bonne nouvelle.
08:51En revanche, pour ceux qui payent l'impôt sur l'avenu, c'est une mauvaise nouvelle.
08:56Et pour les entreprises, c'est une bonne nouvelle aussi, puisqu'ils n'auront pas
09:00tous ces nouveaux impôts à payer.
09:01Il n'y aurait pas la contribution exceptionnelle notamment de la FF.
09:02Mais pour les finances publiques, c'est une mauvaise nouvelle.
09:04Voilà la conclusion.
09:05Merci beaucoup François Eccal, président de Cipeco, association d'information sur
09:09les finances publiques anciens magistrats de la Cour des Comptes.
09:12On attend donc le verdict de l'agence de notation S&P ce soir et puis on attend ce
09:16que va donner l'examen de ce budget.
09:18Merci d'avoir été notre invité Ecco sur France Info.

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