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"On peut arriver à faire quelque chose avec des gens que tout le monde rejette."

Dans sa communauté Emmaüs, l'agriculteur Cédric Herrou permet aux compagnons de travailler, avec ou sans papiers. Alexandru, Bassekou et Benjamin y ont trouvé refuge. Et leur nouvelle vie, c'est ça.

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Transcription
00:00C'est un sport national français, l'agriculture.
00:07Pour un ex-soldat, pour moi c'est facile.
00:11Il n'y a pas de bonbons, il n'y a pas de zzoum, il n'y a pas de...
00:15Tranquille, hein ?
00:16J'étais en 1995 en Tchétchénie, et puis j'ai fini en 2002 en Afghanistan.
00:23La France, c'est le seul pays du monde qui m'a accepté comme ça comme je suis.
00:28Après avoir quitté la Roumanie et vécu dans la rue à Paris,
00:31Alexandrou vit dans la communauté Emmaüs Roya fondée par l'agriculteur Cédric Ayrou
00:36en juillet 2019 à Breil-sur-Roya.
00:41Attention, je vais entrer.
00:44Aujourd'hui je peux dire que je vis ma jeunesse, que je l'ai perdu.
00:50Moi j'habite ici, tu peux admirer mon impérium.
00:58Oui, c'est tranquille, en plus c'est de bois.
01:02Alexandrou vit ici avec sept autres compagnes et compagnons,
01:05comme Benjamin, jeune Nantais, ou Bassekou, qui a fui la Guinée.
01:10C'est sur ces terres que Cédric Ayrou a accueilli et aidé de nombreux sans-papiers entre 2015 et 2017.
01:17Il y a des gens qui ont commencé à rester, des gens en migration qui ont commencé à rester,
01:20qui ont décidé de rester.
01:21Et après on est devenu une communauté Emmaüs, pourquoi ?
01:24Parce que je suis rattaché quand même pas mal au travail, enfin à l'activité.
01:27Et je crois que pour que la tête aille bien, il faut que le corps aille bien.
01:30Et les gens étaient là, ils foutaient rien.
01:31J'avais tous les flics qui étaient autour à nous surveiller,
01:33je ne pouvais pas les faire travailler sur mon exploitation agricole.
01:35Et je me suis dit, tiens, pourquoi pas créer une communauté Emmaüs
01:38et donner mes terres à la communauté Emmaüs.
01:40De cette façon, les compagnons ont le droit de travailler légalement,
01:43qu'ils aient des papiers ou non.
01:44Ils ont un statut de travailleurs solidaires.
01:46La loi prévoit que pour les sans-papiers,
01:48une carte de séjour peut leur être attribuée
01:51au bout de trois ans d'expérience au sein des communautés Emmaüs.
01:55La communauté Emmaüs a une volonté, c'est de vivre de son travail
01:58et de respecter la personne avec qui on vit.
02:00Et ça marche assez bien.
02:01Ce que j'avais envie de montrer, c'est ça.
02:02C'est qu'on peut arriver à faire quelque chose
02:04avec des gens que personne ne regarde,
02:06tout le monde rejette.
02:08Ils vivent ensemble, ils dorment ensemble, ils travaillent ensemble,
02:10ils cuisinent les uns pour les autres,
02:12ils font le ménage des chiottes des uns pour les autres, etc.
02:15Il existe plus de 120 communautés Emmaüs en France.
02:18Elles appliquent un principe d'accueil inconditionnel
02:20à toute personne en situation de détresse.
02:23C'est ainsi que Benjamin est devenu compagnon à 18 ans,
02:25après avoir vécu dans des foyers.
02:30On est loin des villes, loin des mauvaises fréquentations.
02:34On a du boulot tous les jours.
02:37C'est assez sportif, donc au final,
02:40on se défoule.
02:42On a un petit coin privé,
02:44des petites chambres.
02:46Et les compagnons sont forts, sympathiques et agréables.
02:49Donc dans l'idée,
02:51je me suis fait
02:53t'emmêler l'utile à l'agréable.
02:55Je donne un coup de main.
02:57Je sais que je suis avec pas mal de sans-papier aussi.
03:01Quand je peux donner un coup de main,
03:03dans les préfectures
03:05ou un peu partout quand vraiment il y a besoin,
03:08je suis là et disponible.
03:10Je suis là pour ça un peu.
03:12On est nourri, logé, blanchi
03:14et on touche 360 euros par mois.
03:17Donc on paye pas d'eau, pas d'électricité, pas de loyer.
03:21Les communautés Emmaüs fonctionnent sans aucune subvention,
03:23mais grâce à la vente d'objets récupérés,
03:25celle de Breil-sur-Roya est la seule financée uniquement
03:28par la vente de produits agricoles.
03:31Je ramasse des piments
03:35pour le marché de tout à l'heure.
03:37Je fais un petit peu tous les légumes de saison.
03:41L'idée, c'est d'avoir pas mal de choix
03:44et surtout de l'autonomie à la communauté.
03:47C'est la première communauté Emmaüs à faire de l'agriculture,
03:50à faire de l'agriculture paysanne.
03:52Et ça n'existait pas.
03:53Après, c'est un peu un défi
03:54parce que le défi, c'est que l'agriculture,
03:56c'est déjà compliqué à en vivre.
03:57Surtout ici, tu as vu comment c'est raide.
03:59Dans les Alpes-Maritimes,
04:00c'est compliqué aussi au niveau politique.
04:02Et avec des personnes qui ne sont pas forcément
04:04avec une notion de rentabilité.
04:07Il n'y a pas de notion de rentabilité sur les compagnies et compagnons.
04:09Le but, c'est qu'ils aillent bien dans la tête
04:11et que le groupe aille bien.
04:13C'est notre but premier dans la rentabilité.
04:15Mais il y a quand même une réalité économique
04:17où il faut sortir de l'argent.
04:19Et je pense qu'on arrivera à l'autonomie financière
04:21d'ici deux, trois ans.
04:23Et surtout, dire ça, souvent on entend,
04:24les gens auraient ça, les parasites.
04:26Regarde les immigrés, les parasites.
04:28On a toujours critiqué les pauvres comme quoi
04:30ce seraient des gens feignants
04:31qui tiraient le profit d'un système social.
04:34Et là, c'est des gens qui sont en précarité
04:36et qui font un travail qui est dur
04:38et qui vivent de leur travail.
04:40Et ça, je crois que c'est plus que respectable.

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