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Ils sont tous les trois agriculteurs, mais leurs profils s'opposent : Philippe, 59 ans, syndiqué à la Confédération paysanne, est éleveur de bovins dans le Limousin. François, 39 ans, viticulteur, a lui choisi la Coordination rurale et est établi dans la Vienne. Manon, 30 ans, productrice de maïs dans les Pyrénées-Atlantiques, est affiliée aux Jeunes agriculteurs/FNSEA, syndicat majoritaire de la profession. Même si leur quotidien et leurs difficultés sont différentes, ils sont tous les trois opposés au projet d'accord de libre-échange entre l'Union européenne et les pays du Mercosur. Nous les avons contacté en visio afin qu'ils exposent leurs arguments, alors que ce mardi 26 novembre s'ouvre le débat à l'Assemblée nationale et que la Coordination rurale manifeste devant le Parlement européen.

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Transcription
00:00On ne peut pas échanger nos veaux et nos agneaux contre des mercous.
00:02Je ne sais pas si je serai agriculteur dans les mois qui viennent.
00:05Au mieux, je vais faire opération nulle.
00:07Au pire, je me lève et je perds déjà de l'argent.
00:08Philippe, François et Manon sont agriculteurs.
00:11Tous les trois rejettent les accords avec le Mercosur
00:13et pourtant ils ont des visions très différentes du métier.
00:15Philippe est à la Confédération Paysanne, c'est un syndicat plutôt de gauche
00:19et qui prône une agriculture plus écoresponsable.
00:21Il est éleveur de bovins labellisés dans le Limousin.
00:24Sur une exploitation de 150 hectares,
00:26c'est à peu près deux fois plus que la surface moyenne en France.
00:29François, lui, est relié à Coordination Rurale,
00:31c'est un syndicat plus proche de l'extrême droite.
00:34Il est viticulteur en bio sur une trentaine d'hectares dans la Vienne.
00:37Enfin, Manon est affiliée aux Jeunes Agriculteurs.
00:40Les JIA sont rattachés à la FNSEA, c'est le syndicat majoritaire en France
00:45qui prône un modèle de production plus intensif.
00:47Manon, elle est productrice de maïs
00:49mais elle élève aussi des porcs en filière conventionnelle
00:51sur une ferme de 95 hectares.
00:53On leur a demandé pourquoi ils s'opposaient au Mercosur.
00:56Moi, je suis dans une région où on produit de la vache limousine.
00:58Elle est issue de l'histoire de la région.
01:00J'ai une partie de la production qui est commercialisée en direct.
01:02Je suis en bio.
01:03Ce n'est pas une nouveauté pour nous de savoir que les traités de livre-échange
01:06sont mauvais pour l'agriculture et pour l'alimentation.
01:08C'est cette spirale.
01:09Plus d'importation, mais d'importation à bas prix,
01:12pression sur les prix, etc.
01:13Vous voyez, sur mon exploitation,
01:15je fais un échange paille-fumier avec un éleveur.
01:17Ça me permet de fertiliser mes terres.
01:19Si cet éleveur ne peut pas continuer son activité à cause du Mercosur,
01:22ça peut mettre en péril la manière dont je fonctionnais sur mon exploitation.
01:25La filière maïs est dans le viseur du Mercosur.
01:27On sait que le Brésil, l'Argentine sont des gros producteurs de maïs,
01:30à des coûts de production bien moindres que ce que nous on peut avoir.
01:33Moi, avec des coûts de production,
01:35peut-être pas deux fois, c'est peut-être exagéré,
01:36mais bien plus élevés, on ne pourra jamais rivaliser.
01:39Si le Mercosur était signé,
01:40on consommerait plus de viande importée.
01:42Ça représenterait entre 7 et 8 % de consommation de viande.
01:45S'il y a des répercussions et des problèmes qu'il y en aura sur les prix de la viande,
01:50je serais touché à peu près au même titre que les autres.
01:52La viticulture, je ne sais pas trop,
01:54parce qu'il y a des vins français qui partent en Amérique du Sud,
01:56mais à chaque fois sur des taxes supplémentaires qu'on va avoir,
01:59donc on verra comment ça va se passer.
02:01Ce qui est visé, ce n'est pas forcément la viticulture avec le Mercosur.
02:04Ce qui est visé, c'est l'industrie automobile,
02:06c'est l'industrie médicamenteuse.
02:07On nous rabâche, à juste titre, ses oreilles
02:09sur le respect de l'environnement.
02:11En même temps, on fait rentrer de la viande
02:12qui va être échangée contre des bagnoles ou des avions.
02:14C'est complètement incompréhensible.
02:16C'est aussi l'alimentation des gens qui travaillent,
02:18c'est l'alimentation des enfants dans les cantines.
02:20J'aurais du mal à accepter qu'à l'autre bout de la planète,
02:22une production qui ressemble à la mienne,
02:24mais n'est pas du tout équivalente, avec des maïs OGM,
02:26produits sur des terres déforestées.
02:28C'est clairement de la concurrence déloyale.
02:30Nous, on nous emmerde, parce qu'il va falloir arrêter un peu trivial,
02:33à nous dire qu'il faut produire comme ci, comme ça.
02:35Et on se retrouve à importer des choses
02:37qui ne correspondent pas à ce qu'on fait chez nous.
02:39Ce n'est pas normal.
02:40Moi, ce qui me fait plus peur, c'est ce moment de bascule
02:42où on peut aller très vite vers des systèmes qu'on ne connaît pas en France,
02:45des fermes usines,
02:47ou faire le choix de maintenir ce type de fermes familiales
02:50qui ne sont pas du tout comparables aux fermes sud-américaines.
02:53De Mercosur, c'est une problématique,
02:54mais on a plein d'autres.
02:55Nos charges, nos normes,
02:57on est complètement étriqués par tout ça, en fait.
02:59Mais en fait, moi, à quoi est-ce que je sers dans tout ça ?
03:02En plus des questionnements sur nos exploitations, sur leur fonctionnement,
03:05ça amène à se poser des questions sur le fond même de notre existence
03:08en tant qu'agriculteur et sur notre métier.
03:10Vivre avec des inquiétudes, ce n'est pas facile.
03:11Il faut être solidaire,
03:12et c'est comme ça qu'on arrivera à trouver des solutions pour tous.
03:23Sous-titrage Société Radio-Canada

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