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"Combien de petites filles, de petits garçons… seront nécessaires avant que cette société réagisse pour toujours."
Judith Godrèche, auditionnée devant le Sénat ce jeudi 29, demande une commission d’enquête contre les violences sexuelles et sexistes et dénonce "la famille incestueuse du cinéma".

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Transcription
00:00C'est dans cette même loge de théâtre que je suis arrivée un soir,
00:03la joue meurtrie par une énorme gifle.
00:07Je me souviens couvrir, couvrir ma peau de fond de teint,
00:10de fond de teint qui ne couvre rien, qui accroche mal et qui glisse.
00:14Tout le monde sait que dans l'industrie du cinéma,
00:18un agresseur déguisé en réalisateur fait s'ouvrir les petites filles
00:22pour qu'elles pleurent pour de vraies, de vraies larmes salées.
00:28Ils aiment que leur douleur soit plus grande que nature.
00:31Il va même jusqu'à leur murmurer à l'oreille,
00:34« Pense que ta maman va mourir ».
00:38Cet agresseur, déguisé en réalisateur,
00:42leur donne rendez-vous également dans une chambre mansardée
00:44près du jardin du Luxembourg,
00:48où elles avaient l'habitude d'aller voir Guignol.
00:51C'est là qu'il prend possession d'elles pour de vraies.
00:54Ramener toujours la question à la responsabilité des parents
00:59est une façon de ne pas faire face à la responsabilité des hommes.
01:05C'est un peu l'argument ou la, comment dire,
01:12la défense de l'agresseur.
01:15Mais les parents m'ont laissé leur enfant.
01:19Mais les parents ont été sur le tournage de temps en temps.
01:25Et alors ?
01:26Quand on est dans une pièce, seul, en répétition, avec un réalisateur,
01:31ou quand ils vous donnent rendez-vous pour répéter,
01:33ou quand vous allez à un casting,
01:35le pouvoir, l'autorité, la séduction opérée par le fait que c'est le réalisateur,
01:43justement, justement d'ailleurs, une figure paternelle,
01:47quelqu'un qui, le temps d'un tournage,
01:50quelle que soit la présence des parents,
01:52prend ce rôle, que faudrait-il faire ?
01:55Alors que le parent soit accroché à l'enfant en permanence ?
02:02Et le parent, faut-il encore qu'il soit en capacité,
02:07ou ait la capacité également de résister
02:10à la puissance écrasante de l'univers du cinéma ?
02:13Faisons face au prédateur, c'est lui dont il s'agit.
02:16Le prédateur n'est pas la mère qui est sur le tournage
02:19et qui ne sait pas que quand sa fille répète dans la chambre à 20h30,
02:23le réalisateur lui demande de venir s'allonger sur le canapé.
02:27Ce n'est pas sa maman qui est responsable à ce moment-là,
02:30c'est l'homme qui est en train de violer la petite fille.
02:32Donc cette question est souvent,
02:35et revient souvent dans la bouche des avocates qui défendent les violeurs.
02:40Face à vous aujourd'hui, moi je ne suis qu'un écho, un boomerang,
02:44un yo-yo qui clignote, qui clignote, qui clignote.
02:48Camille Kuschner, Adèle Haenel,
02:52Hélène de Vinck, Vanessa Springora,
02:54pour ne citer qu'elle,
02:56tout le monde savait.
02:57Combien de petites filles, de petits garçons,
03:00combien de petits pieds dans la porte
03:02seront nécessaires avant que cette société réagisse pour toujours ?
03:08Afin que nous puissions jouer les rôles de notre vie
03:12sans nous faire voler notre enfance,
03:14abuser, frapper.
03:16Ensuite, il y a la culpabilité de la victime.
03:21Et la culpabilité de la victime, elle existe, on le sait, dans toutes les familles.
03:25Alors quand on se fait violer dans le milieu du cinéma,
03:31on a le sentiment,
03:33tout comme on a ce même sentiment dans une famille,
03:37qu'on ne peut pas dénoncer.
03:40Et comment, à qui, à qui parler ?
03:43Ces gens-là sont tous là,
03:45en train de regarder le patriarche avec des yeux remplis d'étoiles.
03:50À qui s'adresser ?
03:53À la script, qui le regarde
03:57comme elle regarderait une sorte de Dieu vivant ?
04:01À la chef-opératrice,
04:03qui voit le monde à travers son œilleton ?
04:06À qui s'adresser ?
04:08À la maquilleuse qui a peur de se faire virer ?
04:11Parce que je vous parle des actrices,
04:14mais ce serait bien égoïste et autocentré
04:17que de ne vous parler que des actrices.
04:20En une journée, j'ai reçu 200 témoignages de techniciennes
04:24qui ont toutes reçu un selfie du sexe,
04:29qui est une photo du sexe d'un réalisateur français.
04:33Qu'est-ce qu'elles ont fait ?
04:35La plupart du temps, rien.
04:36Pourquoi ? Parce qu'elles sont lâches,
04:38parce qu'elles n'ont pas de force,
04:40parce que c'est des... Non, non, non !
04:42Parce qu'elles ne savent pas à qui s'adresser.
04:46Elles ne savent pas à qui s'adresser.
04:49Il y a des techniciennes à qui un réalisateur a dit
04:53« Tu veux me sucer la bite ? Pardonnez mon langage. »
04:56Elles sont allées voir le producteur et lui ont dit
04:58« Attends, tu ne vas pas faire d'histoire, ça va. »
05:01Elles ne savent pas à qui s'adresser.
05:04Alors est-ce que la jeune fille face à ce réalisateur
05:07qui la trouve unique, spéciale,
05:09qui va lui donner le rôle de sa vie,
05:13ce rôle pour devenir connue,
05:14elle qui n'imaginait même pas qu'un jour elle serait actrice,
05:17elle qui regarde le cinéma et les gens et sa télévision
05:20sans s'en même pouvoir jamais penser
05:22qu'elle pourrait être là sur l'écran,
05:25est-ce que cette petite fille va penser à courir dans la salle d'attente
05:29alors qu'elle est déjà sous l'emprise
05:32de la séduction, du prédateur et de l'autorité ?
05:35C'est fini.
05:37Moi, je ne savais même pas,
05:40je ne savais pas qu'il y avait un ailleurs,
05:45je ne savais pas qu'il y avait la possibilité du non,
05:49quels que soient les parents,
05:51qu'ils soient permissifs,
05:53qu'ils vous donnent beaucoup de liberté, pas beaucoup de liberté.
05:57Ça n'aurait rien changé au moment où je me suis retrouvée
06:01sous l'emprise de ces réalisateurs,
06:03dans des situations où ils ont abusé de leur autorité,
06:07comme tout le font les prédateurs,
06:09le système du prédateur est tellement bien huilé.
06:15La présence des parents au sein de cette famille
06:21ne peut quasiment rien y faire.
06:24Ce qu'il faut, c'est qu'il y ait tout un système de protection de l'enfant
06:28qui soit mis en place.
06:30Et qu'on arrête de faire semblant de ne pas savoir.

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