"La Russie ne cèdera pas" : Vladimir Poutine a estimé jeudi soir que le conflit avait désormais tout d'une guerre "mondiale" et n'exclut pas des frappes contre les Occidentaux. Pour en parler, Peer de Jong, ancien colonel des troupes de Marine et vice-président de l'institut de formation Themiis.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 22 novembre 2024.
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00:00Il est 18h42, bonsoir Père de Young, merci beaucoup d'être avec nous, vous êtes ancien
00:07colonel de marine, vice-président de l'institut Temis, votre dernier livre, Poutine, Lord
00:12of War, est paru aux éditions Mareuille, hier un nouveau missile expérimental russe
00:17a frappé une usine d'armement ukrainienne, une arme jusqu'ici inconnue et Vladimir Poutine
00:22vient de déclarer qu'il allait en produire en série, Père de Young, que savons-nous
00:26de ce missile, expliquez-nous.
00:27Alors tout d'abord on ne doit pas être surpris parce que Poutine a fait cette déclaration
00:32à Hanoï exactement, ce qu'on appelle le discours de Hanoï en juin 2024 où il a clairement
00:36dit qu'il allait refabriquer, en tout cas la redynamiser la fabrication de ce genre
00:41de missile.
00:42Alors c'est quoi ce genre de missile ? C'est un missile en fait qui s'appelle le RS-26
00:45à l'origine évidemment et tout c'est un missile qui a une portée entre 500 et 5500
00:50kilomètres.
00:51Pourquoi les portées sont importantes ? Parce qu'avant 500 kilomètres, en deçà de 500
00:55kilomètres on est dans le tactique, le nucléaire tactique, au-delà de 5500 kilomètres on
00:59est dans le stratégique, ça on le connaît très bien.
01:01Par contre il y avait une zone creuse depuis 87, depuis la signature du traité du FNI,
01:07il y avait une espèce de zone creuse dans laquelle les américains et les russes s'interdisaient
01:11de fabriquer ce genre d'armement.
01:13Et là on voit bien que depuis quelques années, aujourd'hui les russes refabriquent ce genre
01:17de matériel.
01:18Et non seulement ils les refabriquent, mais en plus il y a des données technologiques
01:21extrêmement importantes, comme l'hypervélocité et la précision du tir.
01:29On voit bien que le tir du 21 est extrêmement précis, en fait Poutine a fait une démonstration,
01:34il a montré qu'il maîtrisait la technologie et qu'il était capable de taper un objectif,
01:38n'importe lequel, et puis à grande distance puisqu'il a tiré globalement à 1500 kilomètres.
01:42Alors à lumière de ce que vous venez de nous dire, ce missile peut-il, oui ou non,
01:46transporter des têtes nucléaires ?
01:48Absolument, aujourd'hui tous les missiles globalement sont capables de transporter
01:52et des charges conventionnelles et des charges nucléaires.
01:54Donc là c'était un essai, c'est une démonstration et c'est un message politique et un message
01:58militaire qui a été adressé à la communauté internationale.
02:01Ça veut dire que très concrètement, Poutine s'inscrit dans une espèce de dialectique
02:10de l'escalade quelque part.
02:11Et donc après le tir des attaques MS il y a 3-4 jours, il réplique avec un moyen plus
02:16performant, plus précis et plus fort.
02:17Vladimir Poutine qui a régulièrement utilisé le terme de « nucléaire tactique », concrètement
02:23qu'est-ce que ça veut dire ?
02:24Alors le nucléaire tactique ce sont des missiles qui tirent entre 0 et 500 kilomètres.
02:29Et en fait la destination de ces missiles est théoriquement destinée, est prévue
02:34pour tirer sur des objectifs militaires.
02:35Un exemple des concentrations de chars, des postes de commandement, des pleux logistiques.
02:39Donc en fait c'est très militaire, on est dans le domaine de l'activité je dirais
02:44militaire je dirais normale, entre guillemets, puisqu'aujourd'hui il n'y a que les
02:48russes qui considèrent qu'on peut utiliser ce genre d'armement dans la guerre directement.
02:54Aujourd'hui tous les occidentaux s'interdisent de ce genre d'idées.
02:56Le deuxième niveau c'est au-dessus, c'est au-dessus de 5500, donc là on est dans le
03:01stratégique.
03:02Encore une fois en faisant ça, aujourd'hui très concrètement en tirant dans ce qu'on
03:05appelle la porte intermédiaire, entre 500 et 5000 kilomètres, en fait Poutine déstabilise
03:10complètement le modèle, le dialogue, l'équilibre qui avait été mis en place entre les forces
03:15occidentales et les forces russes d'une certaine façon.
03:18Mais Père de Jong, ce nouveau missile expérimental était vraiment inconnu jusqu'à hier ?
03:24Non, il n'est pas inconnu, c'est le RS-26 qui date d'un certain temps, simplement il
03:28l'a modernisé et surtout il a appliqué ce qu'on appelle l'hypervélocité, c'est des
03:33missiles extrêmement rapides.
03:34Aujourd'hui on considère que le RS-26 fait globalement 24 000 kilomètres à l'heure,
03:39donc aujourd'hui on n'a aucune capacité anti-missile pour détruire ce genre de choses.
03:43Donc c'est ça le cœur du problème, aujourd'hui Poutine serait détenteur d'un armement que
03:47personne ne peut arrêter.
03:48Ce soir, le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, grand ami de Vladimir Poutine, appelle
03:52l'Occident à ne pas minimiser les menaces de la Russie, je cite, un pays doté des armes
03:58les plus destructrices au monde.
04:00Viktor Orban plaide régulièrement pour parler de paix avec la Russie et il s'oppose à l'aide
04:04militaire européenne à l'Ukraine, mettant régulièrement en garde contre le risque d'un
04:08troisième conflit mondial.
04:09Il a raison.
04:10Talleyrand disait « on peut tout faire avec les baïonnettes sauf s'asseoir dessus ».
04:14Encore une fois, dans l'équilibre de la peur, aujourd'hui les Russes ont 6 000 ogives
04:20et les Américains ont 6 000 ogives.
04:22J'estime que rien que ce chiffre-là devrait nous inciter, au-delà de la réflexion, à
04:28une espèce de compréhension de ce qui se passe et éviter, ce n'est pas ce qu'on
04:32veut quelque part, une escalade.
04:34Le problème c'est que les Occidentaux considèrent que Poutine bluffe.
04:38Depuis 2022, c'est ce qu'on appelle les lignes rouges, on voit qu'on pousse régulièrement
04:42ces lignes rouges et on considère qu'il bluffe, qu'il ne sera pas capable de le faire.
04:45Supposons 30 secondes qu'il soit capable de le faire.
04:47Mais ça veut dire qu'il peut menacer la quasi-totalité de l'Europe et accessoirement
04:51les Etats-Unis de l'autre côté, si je puis dire ?
04:53Le stratégique me paraît un peu compliqué parce que la réplique serait immédiate et
04:56les Américains sont vraiment supérieurs ou égaux aux Russes.
05:01Le vrai problème, encore une fois, c'est l'Europe.
05:03En remettant en place le genre de missile, l'Orecni qui l'a testé il y a 48 heures,
05:08on voit bien que la cible c'est 5000 kilomètres.
05:10C'est quoi ? C'est l'Europe, c'est les Pays-Bas, c'est la France, c'est l'ensemble de l'Europe.
05:14C'est ça la cible et le message qu'il faut adresser aujourd'hui au monde, c'est de dire
05:17je suis prêt à taper sur l'ensemble des Européens.
05:20C'est ça le sujet parce qu'encore une fois, ce missile n'est pas destiné à taper sur
05:25une cible aux Etats-Unis, il est destiné à l'Europe et à l'Ukraine.
05:29Le message est très clair, ça veut dire que si vous continuez, si vous escaladez,
05:33je suis capable éventuellement d'utiliser ce missile.
05:36Vous savez que le 21 sur Dnipro, il a utilisé de façon assez sommaire puisqu'il n'y a pas
05:41de charge nucléaire et la charge conventionnelle à mon avis était extrêmement faible parce
05:44que les dégâts sont assez légers.
05:46On voit bien qu'il peut monter en gamme et c'est ça qu'il faut prendre en compte.
05:49Encore une fois, tout dépend de ce qu'on en pense.
05:53Est-ce qu'on est capable de négocier ? Est-ce qu'on veut le faire ? Est-ce qu'on ne veut pas le faire ?
05:57Encore une fois, ce qui est étonnant, c'est que Biden, deux mois avant de quitter le pouvoir,
06:01il met un peu le feu au lac et c'est vrai que Trump, quand il va arriver, il va avoir
06:04devant lui une sacrée pétodère à régler.
06:06Très, très vite, la suite, c'est quoi selon vous ?
06:10La suite, c'est nous puisqu'en fait, on est dans une escalade et on va voir comment on réplique.
06:15Est-ce que les Ukrainiens vont répliquer ? Est-ce qu'il va continuer de taper sur la Russie ?
06:20Possible, à ce moment-là, il y aura des mesures de rétention.
06:22On est sur un modèle qui est assez proche de celui qu'il y a entre Israël et l'Iran.
06:28Vous voyez, une espèce d'escalade et donc en fait, chacun réplique à l'autre.
06:30Donc le problème, c'est que la diplomatie devrait commencer à discuter, négocier, voir ce qu'on peut faire.
06:34Et c'est vrai qu'aujourd'hui, Zelensky n'a aucun intérêt à calmer le jeu puisqu'il a compris
06:38que dans deux mois, Trump risque de mettre les compteurs à zéro.
06:41Donc c'est vrai que lui, il a intérêt à pousser et on le suit.
06:44Donc encore une fois, c'est une stratégie, c'est une politique.
06:46Voilà, on avance comme ça, mais c'est vrai qu'il faut le prendre en compte
06:49et surtout, il faut être conscient que derrière les Russes,
06:52il n'y a pas que les Russes, il y a les Iraniens, les Nord-Coréens et les Chinois.
06:55Ça, c'est la partie numéro un, cette espèce d'alliance un peu étrange.
06:58Et derrière cette alliance, vous avez le Sud global qui observe de façon extrêmement précise
07:03ce qui se passe dans ce qu'on appelle l'Occident collectif.
07:05Merci infiniment, Père de Jong, pour tous ces éclairages.
07:08Ancien colonel de Marine et vice-président de l'Institut Temis, je rappelle votre dernier livre.
07:12« Poutine, Lord of War », je traduis « Poutine, Seigneur de Guerre » aux éditions Mareuille.
07:17Dans un instant, on vous dit tout sur le Festival international de la photo animalière.
07:20C'est un rendez-vous exceptionnel pour votre week-end dans la Haute-Marne
07:24de nos précieuses abeilles à l'oiseau d'or.