L'Ukraine a affirmé mardi, au millième jour de l'invasion russe, qu'elle ne se soumettrait "jamais", en dépit de ses profondes difficultés sur le champ de bataille et de l'incertitude pesant sur la pérennité du soutien américain.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Sable ronde ce matin sur la situation en Ukraine au millième jour de cette guerre meurtrière à l'issue plus que jamais incertaine
00:09avec l'arrivée de Donald Trump au pouvoir aux Etats-Unis. Pour en parler, nos invités, Léa ?
00:15Gérard Harraud, ancien ambassadeur de France aux Etats-Unis, ancien représentant permanent de la France à l'ONU, bonjour à vous !
00:21Camille Grand, vous êtes chercheur spécialiste des questions de défense au Conseil européen pour les relations internationales
00:26et ancien secrétaire général adjoint de l'OTAN, bonjour à vous également et bonjour à Isabelle Lasserre, la correspondante diplomatique du Figaro.
00:34Soyez les bienvenus sur Inter, ça fait donc près de trois ans qu'on suit cette guerre meurtrière.
00:40Qu'est-ce qui vous traverse au millième jour d'un conflit qui a déjà fait au moins 300 000 morts et 800 000 blessés ?
00:48Qu'est-ce qui l'emporte chez vous, Gérard Harraud, le désespoir, la tristesse, le sentiment d'impuissance, le ratage de l'Occident, de l'Europe ?
00:58Vous savez, en tant que diplomate, j'essaye d'éviter les sentiments. Non, je pense que nous sommes à un moment qui est très important, au-delà du symbole du millième jour.
01:08Enfin, on parle de négociations. Et dans une guerre, toute guerre finie soit par la victoire totale d'une partie
01:15et, justement, on ne peut pas avoir de victoire totale d'une partie. Enfin, il vaut mieux l'espérer, parce que s'il y a victoire totale, peut-être que celle de la Russie.
01:22Donc, la négociation arrive, puisque le président Zelensky, c'est lui qui, à plusieurs reprises, a parlé d'une négociation.
01:31Et là-dessus arrive Trump, qui n'est pas le créateur du moment, mais qui est le catalyseur.
01:35Et donc, je crois, je dirais qu'après toutes ces horreurs, et face à un Ukraine qui fatigue, un Ukraine à la peine, un Ukraine ravagée, dévastée,
01:46je pense qu'il y a une petite lueur d'espoir qu'une négociation, dans les semaines ou les mois qui viennent, puisse remettre un terme à ces massacres sans fin.
01:58Lueur d'espoir, dites-vous. Isabelle Lasserre, un journaliste, ne doit pas faire dans le sentiment non plus comme un diplomate,
02:05mais tout de même, au bout de ce millième jour, cette date symbolique, cette guerre meurtrière et qui n'en finit pas.
02:11Quel sentiment vous traversez, vous qui connaissez si bien le monde russe ?
02:15Alors, moi, c'est plutôt la colère, parce que je pense qu'évidemment, à la fin, 90% des guerres se terminent par la négociation.
02:24Mais je pense que cette négociation, qui s'annonce si mal pour les Ukrainiens, aurait pu s'annoncer très très bien si l'Europe avait pris en charge,
02:32si l'Europe avait réalisé la puissance de ce qui était en train de se passer, et avait été à la hauteur de ses mots, de ses promesses et de ses valeurs.
02:44C'est-à-dire qu'en fait, les Etats-Unis, comme l'Europe, ont mis très longtemps à se mettre en marche pour aider l'Ukraine.
02:51Et depuis qu'ils se sont mis en marche, ils l'ont fait en appuyant en permanence sur le frein.
02:56C'est-à-dire qu'en gros, on a permis à l'Ukraine de se défendre, on a permis à l'Ukraine de survivre, mais on n'en a pas aidé suffisamment pour qu'elle puisse gagner.
03:06Pourquoi ? Parce qu'on avait peur de la menace nucléaire russe, et puis d'un effondrement du régime russe qui pourrait entraîner de moult catastrophes.
03:16Et à l'arrivée, en fait, il y avait deux manières de laisser mourir l'Ukraine, c'était de ne rien faire, ou de faire les choses à moitié.
03:30Et je pense que si on avait réagi tout au début, en quelques mois ou quelques semaines, on aurait pu effectivement mettre l'Ukraine en position véritablement de force
03:40pour avoir une négociation qui lui soit favorable, et qui ne soit pas favorable à l'agresseur de la Russie de Vladimir Poutine.
03:47Vous êtes d'accord, Camille Grand ?
03:49Moi, d'abord, je crois que cette guerre, elle devait durer trois jours dans la tête de Vladimir Poutine.
03:54C'est une opération spéciale qui devait faire tomber le régime de Kiev, donc quand on est au bout de 1000 jours,
03:58on voit bien ce qu'a été à la fois la résistance tout à fait héroïque des Ukrainiens, qui ont tenu, la société ukrainienne a tenu, tient jusqu'à aujourd'hui,
04:06et l'armée ukrainienne tient encore.
04:08Effectivement, l'assistance occidentale a été lente, tardive, toujours avec un temps de retard,
04:16et encore aujourd'hui, ce qui est un peu agaçant, c'est de voir à quel point elle met du temps à se mettre en place,
04:23même simplement pour donner aux Ukrainiens les moyens d'entrer dans cette négociation dans une situation un tout petit peu plus favorable.
04:28Parce que c'est ça l'enjeu aujourd'hui, c'est-à-dire, si on veut une négociation, et effectivement les guerres se terminent par des négociations,
04:35C'est qu'il reste 60 jours avant l'arrivée de Trump, et que vous trouvez que les Européens ne mettent pas l'accélérateur dans ces 60 jours ?
04:43Je regrette que les Européens n'aient pas, dans les six derniers mois, imaginé que Trump puisse être élu,
04:49et donc donné aux Ukrainiens les moyens de se préparer à cette éventualité,
04:53mais également, d'une certaine manière, de dire, et aux Russes, et aux Américains,
04:57« Cette affaire est très importante pour nous, et nous souhaitons que cette guerre ne se termine pas sur un compromis qui pourrait être très défavorable à l'Ukraine, ce n'est pas encore garanti. »
05:09Gérard Haraud, l'Europe a eu constamment le pied sur le frein, comme le dit Isabelle Lasserre ?
05:15Oui, mais ça c'est à l'image, je pense que ce sont des regrets un peu stériles.
05:20Nos opinions publiques, nous sommes des démocraties, les opinions publiques européennes ne sont pas prêtes aux sacrifices financiers, militaires, économiques, qui auraient été nécessaires pour soutenir l'Ukraine.
05:33Nous le savons depuis le début, et donc c'est la raison pour laquelle j'ai toujours pensé depuis deux ans, je pense, qu'il y aura une négociation, le mieux ça vaudra,
05:45parce que les Européens ne feront pas ce que certains auraient souhaité qu'ils fassent, et ce que j'aurais souhaité moi-même qu'ils fassent.
05:52Mais c'est-à-dire qu'on a pu croire, dans les six mois qui ont suivi l'invasion de l'Ukraine par la Russie, qu'il y avait eu le réveil européen, on était tous là, à ces micros-là,
06:02à dire « il se passe quelque chose, l'Europe va se réveiller, l'Europe va... » Et finalement, l'Europe s'est réveillée, doucement, et avec le pied sur le frein, et pas vraiment.
06:10Donc l'Europe a réagi d'abord parce qu'il y a eu la surprise, comme vient le faire remarquer Camille, la surprise de la résistance héroïque de l'Ukraine.
06:18Personne ne s'attendait à ce que les Ukrainiens se battent, se défendent, et infligent l'échec à l'opération militaire spéciale, qui devait en effet être une sorte d'opération éclair,
06:29pour mettre un régime pro-russe à Kiev. Mais ensuite, les Européens ne sont pas allés plus loin.
06:37Vous savez, je donne toujours cet exemple, que vous avez déjà entendu, la Corée du Nord, avec le PIB de l'ISER, fournit trois fois plus d'obus à l'Ukraine que l'Union Européenne, au bout de trois ans de guerre.
06:50Et ça, il suffit de dire, ça prouve que l'Europe, en trois ans, n'a même pas mobilisé son industrie de défense. Et elle ne va pas le faire.
06:59Regardez nos amis allemands, mais ils ne sont pas les seuls. Si demain, Trump parvient à un accord avec l'Ukraine, avec la Russie, quel que soit cet accord, les Européens seront soulagés, et pourront dire, c'est la faute de Trump, avant de revenir à leur sieste.
07:16Aussi faucule que ça, pardon...
07:18Lâche, soulagement.
07:19Lâche.
07:20Exactement.
07:20Lâcheté européenne.
07:23Camille Grand.
07:23Moi, j'ai une nuance avec Gérard Arraud sur l'idée de les Européens, parce que les Européens sont en réalité assez divisés là-dessus.
07:31On a toutes les nuances de gris, jusqu'à un Orban, qui lui, si ça me tenait qu'elle lui aurait déjà signé, jusqu'à une bonne moitié de l'Europe, qui pense ce qu'elle dit quand elle dit que ce conflit est existentiel pour elle.
07:44Les Baltes, les Polonais, les Nordiques, qui dépensent beaucoup d'argent pour aider l'Ukraine, qui, l'ensemble des pays scandinaves, c'est plus d'argent que la France, pour une population qui est bien moindre.
07:54Et donc, on a un vrai effort de toute une partie de l'Europe qui est parfaitement consciente des enjeux stratégiques de ce conflit, et qui fait cet effort.
08:04Et donc, autour de cette négociation, il se joue quelque chose d'assez fondamental, qui est à la fois la solidarité transatlantique, c'est-à-dire que ce sera une déception énorme vis-à-vis des Etats-Unis de la part de pays qui, traditionnellement, comptaient sur les Etats-Unis pour leur sécurité,
08:18mais aussi une question de solidarité européenne.
08:20Il faut voir les réactions aux initiatives d'Olaf Scholz là-dessus, de voir comment Donald Tusk, le Premier ministre polonais, a réagi.
08:28C'est le signe qu'il peut y avoir des tensions très fortes, et ce qui est vraiment dommage de ce point de vue-là, c'est qu'il n'y a pas une forme de coordination européenne beaucoup plus nette dans le moment dans lequel on se trouve.
08:38Il y a deux lignes aujourd'hui en Europe, Isabelle Lasserre, il y a Olaf Scholz qui a appelé Vladimir Poutine il y a quelques jours, juste après l'élection de Donald Trump, et il y a Donald Tusk, le Polonais, qui lui dit « attention, attention ».
08:50En vérité, il y a toujours eu deux lignes. La ligne de l'Est, représentée par les Polonais, les Pays-Baltes, et tous ceux qui sont à la frontière de la Russie, et qui ont souffert des invasions soviétiques d'abord, et puis des agressions russes ensuite, ont toujours été sur une ligne dure, réaliste, vis-à-vis de la Russie.
09:08Et les pays du centre et du sud ont été beaucoup plus résistants. Alors aujourd'hui, c'est l'Allemagne qui brise, en fait, l'espèce d'isolationnisme qui avait été imposé vis-à-vis de Vladimir Poutine, mais au début de la guerre, c'était Emmanuel Macron qui téléphonait à Vladimir Poutine, et Olaf Scholz l'a fait dans des termes, c'est encore plus terrible,
09:34parce qu'à l'époque où Emmanuel Macron essayait de convaincre Poutine de reculer, il n'était pas du tout démonétisé politiquement, il était quand même un leader assez fort en Europe, et c'était aussi le début de la guerre.
09:46Quand Olaf Scholz téléphone à Vladimir Poutine aujourd'hui, il le fait quand les troupes ukrainiennes sont en véritable difficulté sur le terrain, et il le fait quand lui-même est démonétisé, puisqu'en fait il n'est plus qu'un chancelier en sursis.
10:01Donc en face, on a Vladimir Poutine qui rigole. Donc évidemment, ces deux lignes en Europe, que quelquefois on arrive à effacer sur certains sujets, quand il s'agit de prendre par exemple des sanctions, elles finissent toujours par revenir,
10:17parce que comme le dit Gérard Haraud, il y a une espèce de confort, de soulagement, une espèce d'envie pour une partie de l'Europe de revenir au business as usual.
10:25Et c'est là, à mon avis, la plus grosse erreur de ces pays, c'est-à-dire qu'il n'y aura pas de retour au business as usual, c'est-à-dire que la Russie ne s'arrêtera pas, la Russie ne reviendra pas se contenter de son pouvoir au Kremlin,
10:43et c'est a fortiori plus vrai depuis que Donald Trump a été réélu, c'est-à-dire que les changements du monde qui sont en train de se préparer sont complètement défavorables à l'Europe, si les rapports de force sont revenus et déterminent aujourd'hui les changements dans le monde,
11:01et si l'Europe n'est pas capable de saisir ce moment historique, de renouer avec sa puissance, et de renouer avec le rapport de force, elle risque tout simplement de sortir de l'histoire.
11:11Non mais d'abord, je pense qu'au cœur de la crise européenne, il y a trois crises nationales, d'abord il y a la crise, je dirais, allemande, l'Allemagne traverse une profonde crise de tout son modèle, le modèle allemand est brisé,
11:24l'énergie pas chère, les exportations vers la Chine, la protection américaine, tout ça c'est à terre, et l'Allemagne doit se réinventer, et donc elle a décidé de se mettre aux abonnés absents pendant six mois,
11:37avec son processus électoral, puis la constitution de la coalition, et on ne sait pas ce qui va sortir, quelle sera une nouvelle Allemagne, une nouvelle Allemande neutralisée, ou une nouvelle Allemagne qui reprend le goût de la puissance.
11:50Deuxièmement, vous avez un Royaume-Uni qui n'a pas encore surmonté le Brexit, et qui est un peu à la dérive, qui est incapable de jouer son rôle traditionnel, et vous avez en effet une France dans une crise politique profonde.
12:03Il n'y a plus de leadership européen, parce que quelles que soient les qualités de la Pologne, elle ne peut pas exercer ce leadership européen, et je dirais d'abord que la Pologne, c'est sa géographie qui dirige sa politique étrangère,
12:15si j'étais polonais, j'aurais la même attitude que les polonais, mais si j'étais portugais, je n'aurais pas la même attitude que les polonais. Il faut s'en rappeler de la diversité géopolitique de l'Europe.
12:28La décision de Joe Biden d'autoriser les Ukrainiens à utiliser des missiles à longue portée pour frapper la Russie, cette autorisation que les Ukrainiens attendaient depuis si longtemps, peut-elle changer la donne ?
12:41Emmanuel Macron hier soir a qualifié ce feu vert américain de « bonne décision », de « point de rupture de la guerre ». Donc, est-ce que ça peut changer la donne ? Et puis, comment interpréter le revirement de la Maison Blanche, Camille Grand ?
12:56Alors, il n'y a pas de décision de livraison d'armement qui, à elle seule, change le cours du conflit. On l'a trop dit dans ce conflit, l'arrivée des chars, l'arrivée des avions, ou l'autorisation de frapper dans la profondeur dans le territoire russe, à elle seule, ne change pas le cours de la guerre.
13:13Il faut le dire assez clairement. En revanche, ce que ça donne aujourd'hui aux Ukrainiens, c'est une capacité significative de se prémunir contre et de limiter l'ampleur des offensives russes, que ce soit à Koursk ou dans le Donbass, en freinant les concentrations de force de l'autre côté de la frontière, en frappant les dépôts de munitions, les dépôts de carburant, qui sont les outils de cette guerre pour la Russie.
13:37Et donc ça donne un avantage militaire qui est non négligeable pour les Ukrainiens, mais on parle, quand on dit dans la profondeur des territoires russes, il ne faut pas oublier que les fameux missiles Atakums, ils ont 300 kilomètres de portée, donc c'est un peu au-delà de la frontière, par rapport à frapper simplement le territoire ukrainien.
13:54Donc c'est une bonne décision, c'est une décision utile. C'est pas une décision qui change le cours de la guerre, mais c'est une décision qui intervient à un moment qui envoie un signal utile à Poutine en disant que les Etats-Unis ne sont pas complètement sortis de cette affaire, et qui paradoxalement, à mon sens, donne à Donald Trump un outil.
14:13On a beaucoup dit que c'était une manière de le contraindre, ça lui donne également un levier sur quelque chose qu'il peut continuer de faire, ou qu'il peut arrêter temporairement, et de cette manière-là, il peut essayer de gérer ce conflit un petit peu.
14:26Donc je trouve que c'est une décision qui est tardive, mais bienvenue effectivement.
14:31Gérard, ou d'un mot ?
14:32Oui, d'un mot, je dirais que nous allons avoir, jusqu'en janvier, jusqu'à l'arrivée de Donald Trump, vous allez avoir les Russes à l'offensive, parce que les Russes vont vouloir avoir le plus de terrain possible, lorsque viendra le moment de la négociation, et donc la livraison de ces missiles, j'espère, aidera les Ukrainiens à contenir la pression russe.
14:54Oui, alors justement, on rappelle que Donald Trump a déjà prévenu qu'il réglerait le problème de la guerre en Ukraine en 24 heures, vous l'avez suffisamment répété sur ces micros et d'autres que Donald Trump est un dealmaker, c'est quelqu'un qui fait des deals, donc il va essayer de faire un deal entre Poutine et les Ukrainiens.
15:15Vous écriviez dans le point, Gérard Haro, vous sembliez dire, je ne sais pas où vous tenez vos informations, que ce deal serait, je vous cite, un armistice sur les lignes de front actuelles et la neutralité de l'Ukraine, et peut-être l'Ukraine qui s'engagerait pour 20 ans à ne pas rejoindre l'OTAN, mais pourrait continuer à s'armer comme elle l'entend, les Etats-Unis par ailleurs ne participeraient ni à la défense, ni à la reconstruction de ce pays, confié aux Européens, c'est des informations, c'est des rumeurs, c'est quoi ?
15:39C'est une, c'était, je citais un article qui était paru dans le Wall Street Journal, il se trouve que j'étais à Washington à l'époque où l'article est sorti, et donc j'ai pris contact avec des gens que je connaissais qui m'ont dit que c'était en effet la teneur des discussions dans l'entourage de Donald Trump, ce qui ne veut pas dire que Donald Trump en est conscient lui-même, ça ne veut pas dire que Donald Trump se fondera là-dessus, mais je pense que s'il y a une négociation, fondamentalement, d'abord ça ne mène pas à un traité de paix, mais à un armistice ou un cessez-le-feu, si la négociation aboutit, ce sera sur les lignes de front,
16:09et le vrai sujet, à mon avis, ce sera les garanties qu'aura ou que n'aura pas l'Ukraine.
16:15La Russie voudra que l'Ukraine soit neutre afin de pouvoir le biélorussiser, de biélorusser l'Ukraine, et de l'autre côté, ce sera l'idée de, essayons de garantir la sécurité de l'Ukraine, qu'est-ce que ça voudra dire ?
16:27A mon avis, pas l'OTAN, ça sera à mon avis la vraie question de la négociation.
16:31Isabelle Lasserre ?
16:32Oui, je crois que pour l'instant, il est difficile de prédire ce qui va se passer, parce que, justement, on a affaire à Donald Trump, et que, probablement, il ne le sait-il pas lui-même.
16:41Il va essayer d'imposer de force un deal aux deux parties, il va sans doute être assez exigeant vis-à-vis des deux parties.
16:49Est-ce que ça va marcher avec Vladimir Poutine, qui lui aussi sera en position de force, et ne voudra pas lâcher grand-chose au début, c'est assez peu probable.
16:59Donc, on peut s'attendre à ce que la négociation dure extrêmement longtemps, après, il va falloir pour les Ukrainiens, si vraiment on en arrive là, qu'ils redéfinissent, en fait, ce que la victoire veut dire.
17:10Et aux Européens aussi, parce que, quand même, on promet, les Européens promettent aux Ukrainiens depuis le début, que l'intégrité territoriale de l'Ukraine ne sera absolument jamais touchée,
17:21et qu'ils se battront pour les aider à conserver cette intégrité territoriale jusqu'à la fin.
17:27Là, on rentre un peu dans des discussions qui pourraient toucher l'intégrité territoriale de l'Ukraine.
17:34Alors, est-ce qu'après, effectivement, concrètement, si les Ukrainiens continuent à perdre, les Russes continuent à gagner, et avec Donald Trump au pouvoir,
17:45on peut avoir, un jour, une paix imposée de Donald Trump, qui dise, bon, maintenant, tout s'arrête là, aux lignes de front, c'est à prendre ou à laisser.
17:53Et comme l'Europe ne sera pas capable, en fait, de prendre la relève de l'aide militaire américaine, les Ukrainiens seront obligés de lâcher, parce qu'ils n'auront plus les moyens de se battre.
18:02Et ce moment, il est bientôt, il est au printemps 2025. Alors, après, là où les Ukrainiens peuvent s'en sortir, c'est qu'il peut y avoir des choses qui sont gelées pendant 10 ans, pendant 20 ans.
18:13Et puis aussi, effectivement, la question des garanties de sécurité est primordiale, parce que si ce qui reste de l'Ukraine est une Ukraine libre, indépendante,
18:21qui choisit de vivre du côté occidental, avec de véritables garanties, alors là, Camille sera mieux placée que moi pour les détailler,
18:29mais qui peuvent être des garanties de force de sécurité européenne liées à une garantie otanienne, sans qu'il y ait forcément d'invitation de l'Ukraine dans l'OTAN,
18:40parce que ça, les États-Unis y sont absolument contre, ça peut être une solution.
18:45Mais c'est, encore une fois, c'est absolument terrible de devoir discuter de ça ce matin, terrible !
18:51Camille Grand ?
18:52Je crois qu'il y a effectivement plusieurs paramètres, et c'est compliqué parce qu'on est obligé de mettre des mots très précis sur les choses.
18:58Intégrité territoriale, ça ne veut pas dire de reconnaître l'annexion de toute ou partie du territoire ukrainien par la Russie.
19:05Ça peut être simplement de reconnaître l'occupation temporaire d'une partie de ce territoire, et en ne sachant pas combien de temps ça va durer.
19:14Quand on pense, avec le recul, à la division de l'Allemagne, au fond, ça a été une parenthèse de quelques décennies, si on veut regarder les choses comme ça.
19:25Premièrement, donc il y a vraiment une question de, est-ce que les 20% du territoire ukrainien aujourd'hui occupé par la Russie vont rester occupés par la Russie ?
19:32Y compris compte tenu des atrocités qui y sont commises, ce qui est quand même une des choses qui est particulièrement difficile à traiter pour le gouvernement ukrainien,
19:40de laisser une partie de sa population entre les mains d'occupants russes.
19:44Deuxièmement, est-ce que l'Ukraine restera un pays libre, souverain et viable ?
19:49Et ça, la Russie n'a aucune envie de laisser un pays libre, souverain et viable, qui s'oriente vers l'Union Européenne, qui s'oriente vers l'OTAN, qui organise sa défense,
19:56qui est là et qui a un régime politique qui sera forcément très fortement anti-russe.
20:03Et donc tout ça, ça va être un vrai enjeu, c'était, il ne faut pas oublier, un des objectifs de Vladimir Poutine quand il parlait, entre guillemets, des nazifications,
20:11c'est-à-dire qu'il fallait changer le régime de Kiev.
20:13Et enfin, il y a la question des garanties de sécurité, c'est-à-dire qu'est-ce qu'il va se passer sur le terrain pour que la guerre ne reprenne pas demain,
20:21c'est-à-dire que la vue de Vladimir Poutine, ce ne soit pas une simple pause avant de reprendre le contrôle de l'ensemble du pays ou de changer le régime.
20:28Donc contrairement à ce que dit Donald Trump, il ne va pas régler ça en 24 heures.
20:31Alors, il y a une manière de régler ça en 24 heures qui est de céder à toutes les exigences de la Russie et de tordre le bras des Ukrainiens au maximum.
20:39Ça paraît difficile, d'abord parce que les exigences de la Russie sont encore maximalistes.
20:44Les revendications de Vladimir Poutine vont au-delà du territoire qu'il contrôle aujourd'hui.
20:48Il continue et continue à exiger un régime ami, la démilitarisation de l'Ukraine, toute une série de choses qui sont vraiment tout à fait inacceptables.
20:55Gérard Haraud ?
20:57Je suis tout à fait d'accord avec ce que vient de dire Camille, et notamment sur toutes les questions centrales du négociation.
21:04Hélas, rappelons-nous que Trump a négocié avec les talibans, il a tout cédé.
21:09Trump a négocié avec Kim Jong-un, le Nord-Coréen, il a tout cédé.
21:14Donc, face à Vladimir Poutine, je pense que nous pouvons nous inquiéter.
21:21Et de nouveau, s'ils arrivent à un accord, comme il a été dit, je ne vois pas les Européens en mesure de s'opposer à un accord russo-américain, vraiment quel que soit l'accord.
21:33Il y a quelqu'un qui a un petit cluer d'espoir là ?
21:35Oui, parce qu'en même temps, Donald Trump a été élu parce que c'était le candidat de la puissance.
21:42Et s'il cède tout demain face à Vladimir Poutine, les Etats-Unis vont donner un sentiment de faiblesse au monde que Trump ne pourra pas supporter.
21:51Et en même temps, est-ce que quelqu'un peut s'imaginer Trump s'associer à l'Iran, à la Corée du Nord, à la Chine, bref, tous les adversaires.
22:02Peut-être que oui, peut-être que non.
22:04Merci en tout cas à Isabelle Lasserre, Gérard Raraud et Camille Grand.
22:10France Inter, 8h45.