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00:00Huit ans moins le quart, la ministre de l'éducation annonce l'acte 2 du choc des savoirs.
00:05Les syndicats enseignants ne sont toujours pas convaincus.
00:08On en parle ce matin sur France Bleu Pays de Savoie avec notre invitée Anne.
00:11On est avec Marlène Tassé, bonjour.
00:12Bonjour.
00:13Vous êtes la co-secrétaire du syndicat enseignant SNES-FSU en Savoie,
00:17puis vous êtes professeure au collège à Bourg-Saint-Maurice.
00:20Alors, avant de voir ce qui ne va pas,
00:22est-ce qu'il y a quand même une mesure qui convient aux syndicats sur ces derniers temps, ces dernières années ?
00:28Moi, je vais chercher loin.
00:29Non, non, je ne vois pas comme ça qu'ils me viennent à l'esprit,
00:32parce que la revalorisation, elle a été nettement en dessous de ce qu'on attendait.
00:36Et puis, toutes les mesures éducatives ne nous satisfont pas aujourd'hui.
00:40Donc, rien à sauver pour l'instant ?
00:41Non, pas grand-chose, non.
00:43Alors, on va voir quelles sont les grandes mesures de cet acte 2 du choc des savoirs.
00:46On va commencer par celle qui a fait couler et qui fait couler encore beaucoup d'encre.
00:49C'est les groupes de niveaux ou de besoins.
00:52Il y a plusieurs noms maintenant.
00:53Ça concerne les élèves de 6e et 5e en français et en maths.
00:56Donc, en fait, c'est qu'on répartit les élèves par niveau dans ces matières.
01:00Ça sera reconduit l'année prochaine.
01:03Ça fait deux mois maintenant à peu près que c'est mis en place dans des collèges.
01:05Quels sont les premiers retours que vous, vous avez ?
01:08On n'a que des retours de personnel qui sont fragilisés par cette mesure-là.
01:14En tout cas, déjà, une désorganisation des collèges avec des emplois du temps très compliqués à mettre en place.
01:20On a des collèges qui ont été complètement désorganisés par cette mesure.
01:24On a des élèves qui arrivent en 6e et à qui on demande de changer de classe, de groupe après les vacances
01:30parce qu'ils ont eu des classes entières avant.
01:33Et donc, des élèves qu'on perturbe aussi dans leur apprentissage
01:37et qui perdent leur collectif de classe, leur professeur attitré.
01:40Enfin, voilà, c'est une désorganisation à tous les niveaux
01:42et des conditions de travail qui se dégradent pour les personnels
01:45puisque maintenant, les professeurs de français et de mathématiques doivent suivre des progressions communes.
01:51Donc, ils sont forcés de se réunir en permanence avec une certaine pression
01:56pour suivre le même rythme que les collègues
01:59et ça perturbe fortement les collectifs de travail.
02:03Mais le fait d'être par niveau, est-ce que pour certains enfants, ce n'est pas un mieux ?
02:07Toutes les recherches, en tout cas en pédagogie, montrent que non
02:10puisque c'est l'hétérogénéité aussi qui pousse vers le haut les élèves en difficulté.
02:16Quand on a un groupe que d'élèves en difficulté, c'est compliqué de les faire avancer.
02:22On ne peut pas se baser sur l'hétérogénéité pour justement les aider entre pairs aussi.
02:27Nous, ce qu'on demande, c'est plutôt des classes à faible effectif avec une vraie hétérogénéité.
02:33Est-ce que ça y est, c'est mis en place dans tous les collèges
02:36ou il y a peut-être des réfractaires qui s'opposent à cette mesure
02:40ou alors dans certains collèges, il n'y a peut-être pas les moyens ?
02:42On est où là sur la Savoie ?
02:43Oui, il y a une grande disparité sur la mise en place des groupes de niveau.
02:47Il y a des collègues qui ont refusé ces mesures l'année dernière
02:51et qui continuent à avoir des groupes hétérogènes malgré tout,
02:55donc à plus faible effectif là où c'est possible
02:58parce qu'il faut quand même aussi rappeler que ça a été sans moyens donné en heures.
03:03On a essayé de faire du bricolage un petit peu partout
03:06et les collègues ont essayé de s'adapter comme ils pouvaient.
03:11Et donc oui, on a des collèges qui ont mis des choses en place
03:15très différemment suivant dans le département.
03:187h48 sur France Bleu, Pays de Savoie,
03:20Marlène Tassé, la co-secrétaire du syndicat enseignant SNES-FSU en Savoie
03:24est notre invitée ce matin.
03:25Si vous souhaitez réagir, vous nous appelez bien sûr dès maintenant 0806 00 10 10.
03:31Alors, autre mesure dans cet acte 2 du choc des savoirs annoncé hier par le ministre,
03:36à partir de 2027, le brevet sera obligatoire pour rentrer,
03:40pour passer en seconde et donc pour rentrer au lycée.
03:43Là non plus, vous n'y êtes pas favorable. Pourquoi ?
03:45Ça, c'est la mesure qui est inacceptable pour nous
03:48puisque c'est l'aboutissement du tri social et scolaire pour les enfants.
03:53Puisque les élèves aujourd'hui qui n'ont pas le brevet,
03:57c'est environ 14-15% des élèves de troisième
04:01à qui on va donc barrer la route de la seconde,
04:04qu'elle soit générale, technologique ou professionnelle.
04:07Donc en fait, on va les mettre dans une voie de garage.
04:09Clairement, une classe prépa seconde,
04:11donc on ne connaît pas en plus le cadrage réel.
04:13Il n'y a pas de programmes nationaux.
04:15Donc, c'est un leurre en fait,
04:17qui pourront accéder à une seconde ensuite
04:19vu le niveau des heures d'enseignement général
04:22qu'ils vont avoir dans ces classes-là.
04:24Et puis après, il leur restera un choix, c'est le CAP.
04:28Mais les CAP, aujourd'hui, ont grandement disparu.
04:32Donc, l'offre est très faible.
04:34Et est-ce que ce n'est pas l'occasion, justement,
04:36de revaloriser ces CAP ?
04:37Finalement, tous les élèves ne sont peut-être pas faits
04:39pour aller au lycée.
04:40Et on parle malheureusement souvent de voie de garage,
04:43c'est l'expression aussi que vous avez utilisée,
04:45alors qu'on sait qu'on manque de métiers manuels.
04:47On sait que des CAP, on a du boulot derrière.
04:50Oui, c'est sûr, mais il faut pour ça
04:52valoriser l'enseignement professionnel,
04:54les accompagner, les enfants au niveau de l'orientation.
04:58Et là, ce n'est pas du tout le cas.
04:59On va les emmener à la fin du collège.
05:02Et le DNB comme barrière pour la suite,
05:06sans avoir eu de réflexion réelle au préalable.
05:09Et puis voilà, comme je vous disais,
05:10une offre de CAP qui, aujourd'hui,
05:12est très largement en deçà de ce qu'on pourrait attendre aussi.
05:16Le DNB, c'est le brevet.
05:17Oui, excusez-moi.
05:19Une dernière question.
05:21Qu'est-ce qui, pour vous, aujourd'hui...
05:23Allez, une mesure majeure.
05:24S'il y avait une mesure majeure à mettre en place
05:26pour améliorer le système scolaire aujourd'hui,
05:28ce serait quoi ? Qu'est-ce qu'il faut faire ?
05:29Là, c'est vaste comme question.
05:31Mais en tout cas, il faut recruter.
05:34Il faut vraiment un choc des moyens humains avant tout.
05:38Donc, il faut revaloriser la profession pour recruter,
05:40pour avoir des effectifs moindres dans les classes,
05:42pour réellement lutter contre la difficulté scolaire.
05:45Alors, recruter, on sait que le problème, c'est qu'aujourd'hui...
05:48Je crois que d'ailleurs, le concours d'entrée a même été décalé
05:51parce qu'il n'y a pas suffisamment de candidats.
05:53Donc, en fait, ça n'intéresse plus le métier de professeur aujourd'hui.
05:57Non, c'est pour ça qu'il va falloir vraiment des réformes de fonds.
06:00Sur, justement, une revalorisation de notre professionnalité aussi.
06:05Quand on entend M. Sarkozy encore dénigrer les enseignants aujourd'hui,
06:09ça, on ne peut plus accepter.
06:10C'est plus tolérable dans un moment où on vit une crise du recrutement majeur.
06:14Il faut redonner aux jeunes l'envie d'exercer ce métier qui est le plus beau.
06:19Donc, il faut vraiment donner un choc des moyens à l'école publique.
06:23Marlène Tassé, co-secrétaire du syndicat SNES-FSU en Savoie.
06:27Vous restez avec nous.
06:29Et l'antenne est à vous.
06:31Vous pouvez réagir évidemment ce matin.
06:33Le brevet obligatoire pour rentrer au lycée, qu'est-ce que vous en pensez ?
06:36C'est une bonne ou une mauvaise idée ?
06:38Et puis, vous pouvez aussi témoigner si vous avez des enfants,
06:40des petits-enfants qui sont en sixième, en cinquième
06:42et qui sont répartis en groupes de niveau en français et en maths.
06:450806 00 10 10.
06:47On est avec Jean-Michel qui est d'Annecy.
06:49Bonjour Jean-Michel.
06:51Oui, bonjour.
06:52Alors, vous n'êtes pas vraiment convaincu par ce brevet obligatoire pour rentrer au lycée ?
06:58Je pense que c'est encore une manière de trier les gens.
07:02C'est toujours pareil.
07:04Et puis, qu'est-ce qu'on fait justement des 15% qui restent sur le carreau ?
07:08S'il n'y a rien qui est donné,
07:10alors ce serait bien de développer justement des CAP, des choses.
07:15Mais s'il n'y a rien qui est derrière pour ces 15%,
07:18qu'est-ce que font ces 15% ?
07:22Donc, on est en train de vouloir relever un maximum le niveau scolaire de la France,
07:27qui a baissé.
07:28Avant, je crois qu'on était dans les 4 premiers.
07:30Maintenant, on est 35 ou 40e, je ne sais pas combien exactement.
07:33Mais on est en train de vouloir à tout prix remonter ce niveau.
07:37Mais à quel prix ?
07:39Et puis, toutes les mesures qu'on entend, les remplacements des proches,
07:44tout ça, ce n'est pas fait.
07:46Concrètement, il y a plein d'absences de profs.
07:49Des fois, c'est parce qu'ils sont en formation.
07:52Mais bon, si on n'arrive pas à remplacer les profs, c'est quand même inquiétant.
07:58Merci Jean-Michel.
08:00Marlène Tassé, Jean-Michel nous dit que le niveau baisse.
08:04Vous, vous êtes enseignante depuis combien de temps ?
08:06Moi, depuis 15 ans.
08:0715 ans. Est-ce que vous, déjà sur 15 ans,
08:09vous voyez une évolution du niveau de vos élèves ou pas ?
08:12Alors, il n'y a pas d'évolution vraiment du niveau
08:16parce qu'en plus, on change souvent d'établissement, de lieu, etc.
08:19Mais ce n'est pas ça, en fait.
08:21Le problème, je pense, en plus, c'est des résultats
08:24qui sont sur des évaluations standardisées,
08:26sur des exercices répétitifs, etc.
08:29Nous, ce qu'on demande, c'est justement d'avoir le temps avec eux,
08:32de raisonner.
08:33Ce sont des enfants qui ont changé, c'est sûr,
08:35avec les téléphones, avec un manque de concentration,
08:38peut-être qui est plus criant aujourd'hui.
08:39Mais justement, il faut des effectifs faibles en classe
08:42pour qu'on puisse faire du travail avec eux,
08:45de fond, de raisonnement, un travail de longue haleine.
08:48Ça serait quoi des effectifs faibles ?
08:50Et qu'est-ce qui est réaliste par rapport aux moyens
08:53et aux économies qu'on doit faire actuellement ?
08:56Alors, nous, SNES et FSU,
08:59on revendique 20 élèves par classe au collège
09:03et 24 au lycée.
09:05Et puis, un peu moins en éducation prioritaire,
09:0714 au collège et 20 au lycée
09:09pour faire vraiment un travail avec eux
09:12qui peut lutter réellement
09:14contre cette difficulté scolaire dont on parle partout.
09:17Et là, la moyenne est actuellement de combien,
09:19par exemple, au collège ?
09:20Là, on a des taux d'encadrement les plus élevés d'Europe,
09:23nous, en France.
09:24Donc, maintenant, on arrive à une trentaine d'élèves par classe.
09:26À nous, par exemple, à Bourg-Saint-Maurice,
09:28on a, en sixième, 30 élèves par classe.
09:30Et au lycée ?
09:31Au lycée, on peut monter jusqu'à plus de 35.
09:34Merci beaucoup, Marlène Tassé,
09:36co-secrétaire du syndicat SNES-FSU en Savoie,
09:39qui était donc notre invitée ce matin.
09:41Cette interview est à réécouter sur francebleu.fr.
09:44Merci à Jean-Michel également d'avoir témoigné ce matin.