Et si on construisait les bâtiments en usine ? Le hors-site est une des solutions vertueuses pour construire la ville de demain.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Comment construire la ville durable ? C'est la question qu'on va se poser dans ce débat.
00:08On est en compagnie de deux experts, un des pionniers de la construction hors site, c'est
00:14Jasper Mühling et on a son président en plateau.
00:17Bonjour Sébastien Mathy.
00:18Bonjour Fabrice.
00:19Bienvenue à vous.
00:20A vos côtés Philippe Pelletier.
00:21Bonjour Philippe.
00:22Bonjour.
00:23Vous êtes président du plan bâtiment durable, habitat et urbanisme.
00:26Alors messieurs, c'est vrai qu'on va se poser cette question, comment bâtir différemment,
00:31comment bâtir mieux, peut-être moins cher ou avec moins de nuisances.
00:34En tout cas, c'est la promesse du hors site.
00:36Pour ceux qui ne connaissent pas encore ou connaissent mal le hors site, Sébastien, est-ce
00:40qu'on peut en donner une définition ? Le hors site, ça consiste à fabriquer les
00:43immeubles en usine et à adopter un procédé industriel de fabrication des immeubles.
00:48D'abord, on va avoir trois grandes phases.
00:53On va faire une conception très détaillée, on va utiliser les leviers du digital notamment
00:57pour essayer de tout concevoir de manière très complète.
00:59Ensuite, on va fabriquer le maximum de choses en usine, une grande variété d'éléments
01:05qui peuvent être des éléments de structure, des éléments de façade, des planchers ou
01:10des éléments volumétriques.
01:11Ensuite, on va déplacer tout ça sur le chantier et l'assembler, on va l'envoyer au bon moment
01:16et l'assembler de façon rapide et précise.
01:18Cela permet d'actionner des leviers de performance que la construction traditionnelle n'atteint
01:25pas qui concernent les délais de réalisation qui sont largement raccourcis sur l'empreinte
01:32environnementale des immeubles avec une réduction des déchets, une réduction de la matière
01:36et puis aussi des nuisances qui sont largement réduites sur le chantier.
01:40Les nuisances surtout, un chantier c'est beaucoup de camions, de trafic, de poussière, de bruit
01:46pour les rivelins.
01:47Cela dure moins longtemps et il y en a moins.
01:49On monte tout en mécano et puis surtout on réduit aussi tout ce qui réserve les malfaçons
01:56puisqu'on est sur une qualité industrielle qui est assez différente de la construction traditionnelle.
02:04Philippe Pelletier, c'est un mode de construction que vous observez qui est en train de se répandre
02:10en ce moment, qui a le vent en poupe en tout cas ?
02:12C'est une démarche qui est à mon avis essentielle et nécessaire parce qu'elle nous conduit
02:22à cesser d'avoir le regard porté sur la demande, comment est-ce qu'on soutient
02:30ceux qui vont accéder à des bâtiments durables, ceux qui vont les rénover, comment on les oblige,
02:36etc. qui est la stratégie menée depuis 15 ans.
02:39Et enfin, on constate que pour satisfaire cette demande de bâtiments durables,
02:47il va falloir procéder autrement.
02:50Et donc on s'intéresse à l'offre, comment est-ce qu'on va réaliser les travaux demain ?
02:55Et le hors-site est une réponse tout à fait puissante.
02:58Le deuxième élément, c'est que le hors-site va ouvrir notre action et va l'approfondir
03:07sur le thème du carbone, de la décarbonation, parce que c'est une construction qui est verteuse,
03:13qui émet moins de carbone que la construction traditionnelle.
03:17Et puis enfin, en faisant travailler des gens dans des usines, donc en site abrité,
03:23avec un contrôle qualité qui peut être réalisé en fin de chaîne,
03:27avant que les matériaux et les équipements et les panneaux modulaires
03:31ne partent sur le chantier, on sait qu'on va pouvoir attraire des populations
03:36qui aujourd'hui ne sont pas dans la filière du bâtiment et mériteraient d'y venir,
03:41par exemple des gens qui ont travaillé dans l'aéronautique ou dans l'automobile,
03:45où ils ont appris le geste rigoureux, juste, et qu'ils pourront mettre au service du bâtiment.
03:50Donc moi je vois dans cette démarche beaucoup de vertus pour faire changer nos habitudes,
03:59nos modes constructifs.
04:01Et puis c'est vrai qu'on est sur un problème d'emploi aussi, vous l'avez dit,
04:04notamment sur les chantiers, là on retrouve finalement des horaires de bureau,
04:08on peut travailler 9h, 5h, peut-être un petit peu plus,
04:10mais en tout cas on a une féminisation aussi du travail dans les usines.
04:13Est-ce que c'est le cas Sébastien ?
04:15Oui c'est vrai, on adopte un environnement de travail qui est beaucoup plus adapté
04:19pour du travail moderne, on va s'orienter vers une main d'oeuvre qualifiée.
04:23Cela dit, l'objectif n'est pas de tourner le dos à la main d'oeuvre actuelle du bâtiment,
04:27le sujet n'est pas de remplacer la construction traditionnelle,
04:31mais d'opérer une transition, de l'emmener vers des leviers de performance
04:36qu'elle peut activer, mais on a besoin évidemment des centaines de milliers
04:41de personnes qui travaillent déjà dans le bâtiment,
04:43qui sont des experts, qui sont des spécialistes,
04:45mais qui peuvent exercer leur métier différemment, autrement.
04:49Alors même si GS Marble Building est un spécialiste,
04:52on le disait, un pionnier dans ses constructions,
04:54c'est vrai que souvent on rétorque le passage à l'échelle,
04:57c'est-à-dire avoir de la visibilité notamment,
04:59parce que si on passe sur un mode usine, l'usine il faut qu'elle tourne,
05:02et il faut qu'on ait cette visibilité sur les constructions,
05:05et donc peut-être travailler davantage avec les promoteurs,
05:07les convaincre également, est-ce que c'est le principal écueil aujourd'hui ?
05:10On peut peut-être parler des freins effectivement,
05:12et du coup les solutions activées pour activer ce passage à l'échelle.
05:17Pourquoi finalement, alors que ça a l'air d'être une évidence,
05:20on n'adopte pas ce modèle de constructif de manière généralisée et simple ?
05:25Deux éléments, le premier c'est un élément de pratique du marché,
05:29où on a en France une chaîne de valeur immobilière qui est très segmentée,
05:34entre celui qui va amener le foncier, le promoteur,
05:38les bureaux d'études, l'architecte, les fournisseurs,
05:42l'entreprise générale, les sous-traitants, etc.
05:44On est extrêmement morcelé dans la continuité des intérêts de l'immeuble.
05:49Et pardonnez-moi, on a l'impression qu'on réinvente la roue constamment,
05:52qu'on va refaire un bâtiment, alors que souvent ça n'est pas le même.
05:54On recompose une équipe, on recompose une manière de réfléchir,
05:57alors évidemment il faut s'adapter au territoire sur lequel on s'implante,
06:00et au terrain sur lequel on s'implante,
06:02on ne peut pas dupliquer des immeubles identiques partout sur tous les terrains,
06:06mais à chaque fois effectivement on réinvente tout,
06:08et surtout on renouvelle cette manière de réfléchir à l'immeuble
06:13qui est très progressive, fragmentée,
06:16et qui ne permet pas du tout d'intégrer les acteurs
06:18qui vont être dans la chaîne de construction au début de l'histoire.
06:21Et donc il y a un sujet de travailler autrement,
06:24faire travailler autrement les acteurs de l'acte de construire
06:28pour adopter ce mode hors site.
06:29Et puis la deuxième raison pour laquelle en France on n'est pas très avancé,
06:33alors que dans d'autres pays c'est plus avancé,
06:35c'est la culture et la tradition de la pratique du béton armé,
06:39et notamment du béton coulé en place,
06:41qui s'est fait une belle place dans le paysage constructif en France,
06:45mais qui aujourd'hui est un frein par rapport à d'autres pays
06:48qui travaillent avec des matériaux comme l'acier ou le bois,
06:51qui eux sont nativement plus adaptés pour de la construction industrialisée.
06:55Bien sûr, Philippe Pelletier là sur ses écueils.
06:57Pendant trop longtemps on nous a servi cette sornette
07:02que chaque bâtiment étant individualisé,
07:07unique,
07:08on ne fabriquait que des prototypes
07:10et on ne pouvait donc être dans aucune démarche industrielle.
07:13C'est véritablement une sornette parce que le bâtiment
07:18il est composé de pièces qu'on retrouve
07:21dans l'ensemble des bâtiments en très grand nombre.
07:26Et deuxièmement, on nous a dit
07:30que si vous allez vers une industrialisation,
07:33vous n'allez pas permettre le surmesure,
07:37vous n'allez pas permettre ces options attendues
07:40par les candidats à l'acquisition ou à la location.
07:44Là aussi, c'est une autre bêtise
07:46parce que, regardez l'automobile,
07:49ce n'est pas parce qu'il y a une industrialisation très performante
07:53que le véhicule que vous conduisez
07:56n'a pas des options complètement différentes
07:58de celui que je conduis.
08:00Et pourtant, ils ont une base commune
08:03qui peut donner lieu à une industrie moderne.
08:06C'est vrai que c'est dur d'avoir le même véhicule en ce moment.
08:08Il faut arriver à changer ces perceptions courtes
08:13pour rentrer dans cette mue industrielle
08:17qui est indispensable au secteur du bâtiment
08:19et que ce secteur n'a pas encore opéré.
08:21C'est bien aussi, Mathieu,
08:22je voudrais terminer avec l'équation économique.
08:25Aujourd'hui, peut-être parce qu'il n'y a pas encore
08:27ce passage à l'échelle,
08:28je crois qu'on n'est pas mieux disant
08:31par rapport à la construction traditionnelle.
08:33Pour autant, on a l'impression qu'on peut faire
08:35de rapides progrès sur ce plan-là également.
08:37Je ne dirais pas qu'on n'est pas mieux disant.
08:39Il y a des objets pour lesquels c'est plus adapté.
08:41Et notamment, dès qu'on arrive à dupliquer des éléments,
08:44on arrive à toucher des leviers de performance.
08:47Donc, on a capacité aujourd'hui à être au même prix
08:50voire moins cher que la construction traditionnelle.
08:52Après, il y a effectivement un passage à l'échelle,
08:55des volumes qui permettent de passer des cliquets.
08:58La bonne nouvelle, c'est que la dynamique est en marche
09:01et qu'aujourd'hui, il y a des gens qui se sont saisis
09:04de cette opportunité de transformation de l'industrie.
09:07Il y a un enjeu de souveraineté aujourd'hui
09:10des industries qui se développent dans les pays étrangers.
09:13C'est un risque pour l'emploi aussi en France.
09:15Et donc, on est mobilisés avec l'association filière
09:19hors site France qui regroupe plus d'une centaine
09:21d'acteurs aujourd'hui de tous horizons et de tous métiers
09:25avec la conviction qu'effectivement, on a intérêt
09:28à créer une filière d'excellence en France
09:31dans les années qui viennent.
09:32On espère en tout cas cette filiale d'excellence,
09:34cette filiale pour peut-être apporter une solution
09:37à la construction durable et, si possible,
09:40un petit peu moins chère.
09:41Ça serait bien également, tout en préservant
09:43la dimension écologique.
09:45Merci, messieurs.
09:46Sébastien Maty, je vous rappelle,
09:47vous êtes président de GS Smart Building.
09:48Philippe Pelletier, président du plan Bâtiment durable.
09:50Habitat et urbanisme.
09:51A très bientôt sur Be Smart dans Smartimo.