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Narcotrafic : plongée au cœur de La Laverie, dans le quartier des Moulins à Nice, le plus gros point de deal des Alpes maritimes. Regardez Siam Spencer, journaliste indépendante, elle publie "La Laverie, trafics, violences et vie quotidienne : un an d'immersion au cœur des cités", aux éditions Robert Laffont.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot avec Amandine Bégot du 12 novembre 2024.

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Transcription
00:00RTL Matin, avec Amandine Bégaud et Thomas Soto.
00:05Il est 8h16, l'interview d'Amandine Bégaud avec ce matin une immersion très concrète,
00:09celle d'une journaliste, Siam Spencer, elle a passé un an au cœur de la Laverie à Nice,
00:14la Laverie qui est réputée être le plus gros point de deal des Alpes-Maritimes.
00:17Alors ce matin, Amandine, vous avez choisi de l'inviter, Siam Spencer, bonjour et bienvenue.
00:21Bonjour Siam Spencer.
00:22Bonjour.
00:23Et merci d'être en direct avec nous depuis Marseille où vous vivez aujourd'hui après
00:27avoir passé près d'un an dans ce quartier des Moulins à Nice, à quelques mètres seulement,
00:32Thomas le disait, du plus gros point de deal des Alpes-Maritimes, la Laverie, c'est son
00:36nom.
00:37Comment vous êtes-vous retrouvée là-bas ? Vous ne vous êtes pas installée là-bas
00:40au départ pour faire une enquête journalistique ?
00:43Non, pas du tout, c'est la vie qui m'a amenée là-bas.
00:46En fait, je cherchais un logement, je venais d'avoir un nouveau travail à Nice, je cherchais
00:50un logement et j'avais un mauvais dossier locatif parce que pigiste, pas de très bon
00:55mois de salaire et je me suis retrouvée donc à ne pas trouver de logement et donc
01:00les seules personnes qui m'ont accepté, c'est aux Moulins, dans un bâtiment géré
01:05par un bailleur social et voilà, je me suis retrouvée du coup à côté du plus gros
01:08point de deal du département.
01:09Dans ce livre, vous racontez la vie dans ce quartier qui est gangréné par le trafic
01:13de drogue.
01:14Quartier, écrivez-vous, qu'on découvre d'abord avec les oreilles avant de le découvrir
01:19avec les yeux ?
01:20Tout à fait, parce qu'en fait, les sons sont assez particuliers, notamment les cris
01:26des guetteurs.
01:27En l'occurrence, aux Moulins, on crie « ça passe ! » dès que la police passe et c'est
01:34ce fameux cri d'alarme qu'ont les guetteurs autour d'un point de deal pour dire quand
01:38la police passe et quand il peut y avoir potentiellement derrière des contrôles et c'est un des
01:43sons, en fait, les plus marquants, en plus derrière de certains tirs que j'ai pu entendre
01:48ou de tirs de mortiers d'artifices qui sont en fait des feux d'artifice, mais c'est vrai
01:52qu'au niveau sonore, c'est assez particulier.
01:54Allez, ça passe, c'est du soir au matin, du matin au soir, au début, vous racontez
01:58que vous sursautez à chaque cri et puis vous y faites, il y a aussi la peur avec ces tirs,
02:02vous avez dormi par terre pendant des semaines par crainte qu'une balle ne traverse votre
02:07mur.
02:08C'est vraiment vrai ?
02:09Oui, c'est vrai, je prenais mon matelas que je posais au sol, ça a duré plusieurs mois
02:15même, c'était après le décès de Sokhaina, en fait, dont une balle a traversé le mur
02:22et qui est décédée en se prenant une balle dans la tête et en fait, moi, ça m'a fait
02:27peur parce que j'habitais au rez-de-chaussée, je me suis dit en fait, ça peut m'arriver,
02:30au plus je me rapproche du sol, au moins il y a le risque justement qu'une balle traverse
02:34mon mur et qu'il m'arrive la même chose.
02:36Sokhaina qui était étudiante et qui a été tuée par balle à Marseille alors qu'elle
02:41révisait, on se souvient de ce drame, et on avait reçu sa maman il y a quelques semaines.
02:45Vous décrivez la vie dans ce quartier, ce point de deal aussi, ce système ultra organisé,
02:52je voudrais juste, Siam Spencer, qu'on rappelle les chiffres.
02:5515 000 à 20 000 euros par jour sur ce point de deal, 450 à 600 000 euros par mois, c'est
03:03colossal et tout le monde sait ce qu'il s'y passe, vous dites que tout est fléché,
03:08il y a marqué drogue par ici, les tarifs sont affichés noir sur blanc, tout ça au
03:11milieu de la population qui tente de vivre, et malgré tout ce point de deal il est toujours là.
03:16Comment vous expliquez ça ?
03:17Parce qu'il y a des sommes qui sont colossales, qui forcément amènent à ce qu'il y ait
03:26toujours ces points de deal, en fait quand il y a un point de deal qui est enlevé ou
03:31un clan on va dire qui est enlevé, il y en a toujours un autre qui viendra derrière
03:34parce qu'il y a des sommes colossales qui sont en jeu et que voilà.
03:39Les policiers que vous avez rencontrés et dont vous donnez le témoignage vous disent
03:44presque tous la même chose, toutes les opérations place nette qu'on a vues ces dernières
03:48années ne servent pas à grand chose, on ne traite pas le mal à la racine, ça voudrait
03:51dire quoi traiter le mal à la racine ?
03:53Ça peut vouloir dire plein de choses, ça peut être des accords politiques avec le
03:58Maroc parce que c'est de là dont vient la plupart du cannabis via la région du
04:06Rif et via l'Espagne, mais ça peut aussi vouloir dire s'occuper aussi de la problématique
04:11du consommateur, alors il y a tout l'aspect de pénaliser le consommateur plus durement.
04:19Il y a cet aspect-là et puis il pourrait y avoir aussi un autre aspect qui serait la
04:23prévention, je veux dire il y a des mois sans tabac qui existent, il y a le dry january
04:27pour l'alcool, il pourrait y avoir un autre type de prévention d'accompagnement aussi.
04:30Tout le monde sait que se droguer a priori c'est quand même mauvais pour la santé.
04:34Oui complètement, d'où l'intérêt vu que c'est une addiction d'accompagner le consommateur
04:42pour arrêter et de ne pas être que dans le côté répressif qui peut être beaucoup
04:47mis en avant dernièrement.
04:48Ça veut dire que le plan qui a été annoncé la semaine dernière à Marseille à la fois
04:51par Bruno Retailleau et par Didier Migaud, les ministres de l'Intérieur et de la Justice,
04:54ça ne sert à rien ?
04:55Non, ça peut beaucoup servir dans tous les cas, donner autant de moyens et nationaliser
05:01la problématique avec le parquet etc.
05:04Ça peut être très intéressant et ça peut beaucoup aider la police à travailler sur
05:08le sujet mais tant qu'on n'aide pas le consommateur derrière, c'est vrai que ça peut être un
05:15pavé dans la mare mais c'est là aussi qu'il y a une problématique parce que c'est une
05:20addiction, il faut la reconnaître comme telle et du coup accompagner derrière.
05:24Siem Spencer, au cours de ces mois où vous avez vécu dans ce quartier des Moulins, vous
05:28avez bien sûr discuté avec un certain nombre de ces jeunes qui travaillent sur ce point
05:35de deal, ça va des chouffles et guetteurs qui ont parfois à peine 12 ans jusqu'aux autres.
05:41Qu'est-ce qui vous a le plus marqué en échangeant avec eux ?
05:43Leur jeunesse justement, en fait c'est des ados comme les autres et c'est ça qui est
05:51marquant.
05:52Le fait qu'ils soient aussi jeunes et que finalement pour la plupart ils n'aient pas
05:56vraiment conscience de ce qui se passe et qu'ils ne se rendent pas vraiment compte
06:00dans quoi ils mettent les pieds.
06:01Mais ils voient ces fusillades, ils voient ces tueurs à gage dont on parlait qui ont
06:0614-15 ans et ils en entendent parler de tout ça, ils sont ultra actifs sur les réseaux
06:11sociaux, vous racontez d'ailleurs que certains sont recrutés par les réseaux sociaux, ils
06:14savent bien dans quoi ils mettent le doigt, non ?
06:18On parle quand même d'adolescents et je ne sais pas pour vous ou pour les auditeurs
06:22mais moi à 13-14 ans, j'avais un peu l'impression parfois que j'étais la reine du monde et
06:26qu'il n'allait jamais rien m'arriver et je pense qu'il faut vraiment remettre ça
06:29au cœur de tout ça, c'est que c'est des ados qui parfois font juste des crises d'ados
06:35comme n'importe quel adolescent français et en fait on n'a pas toujours conscience
06:41des risques.
06:42Heureusement que tous les ados qui font une crise d'ados ne tombent pas là-dedans mais
06:46est-ce qu'ils ont conscience qu'ils peuvent en mourir ? Non ?
06:49Non.
06:50Honnêtement, la plupart du temps non, ça ne paraît pas plausible déjà, c'est compliqué
06:56d'avoir conscience de sa propre mort en règle générale, là encore moins.
07:00Il y a un dernier point sur lequel vous insistez dans votre livre, ce sont tous les autres,
07:04tous ceux qui vivent dans ce quartier et qui survivent j'ai envie de dire, les moulins
07:09écrivez-vous, c'est 7000 habitants et 30 millions de bestioles dégueulasses.
07:14Oui, ça c'est l'insalubrité, c'est ce qui moi m'a rendu complètement folle et je pense
07:19que c'est le cas de beaucoup d'habitants.
07:21Alors aux moulins mais dans tout un tas de cités en France, c'est en fait les conditions
07:26de vie, c'est des cafards qui grouillent, moi j'avais l'impression qu'ils montaient
07:29dessus la nuit, c'est les rats, c'est ne pas avoir d'eau chaude, là j'étais sur le
07:33groupe Facebook du quartier des moulins encore hier et il n'y a pas d'eau chaude dans certains
07:37bâtiments et en fait ça c'est le plus violent parce que c'est une violence sociale et elle
07:41est toujours là, les tirs, le deal finalement on peut les mettre à distance une fois qu'on
07:46est chez soi mais quand on est chez soi finalement on n'est même pas vraiment en sécurité
07:50parce qu'on a toujours ces petites bestioles et ce qui nous blesse aussi en tant qu'habitant
07:54et là je dis nous parce que pour le coup j'y ai vécu, c'est d'être un peu comme un citoyen
07:59de seconde zone qui se dit en fait je ne mérite pas ça, je ne mérite pas de vivre dans des
08:03conditions comme ça en plus de tout le reste de la violence et la violence sociale pour
08:06le coup elle entraîne beaucoup de colère en fait chez ses habitants.
08:10La Lèvrerie, c'est publié chez Robert Laffont, signé Siam Spencer, merci beaucoup d'avoir
08:15été avec nous ce matin Siam et merci aussi à...

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