Avec Jérôme Durain, sénateur PS de la Saône-et-Loire, Président de la Commission d’enquête sur le narcotrafic
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00:00— Le Grand Matin Sud Radio, 7h-9h, Jean-Jacques Bourdin.
00:04— Le narcotrafic. Comment lutter contre le narcotrafic, contre ce trafic de stupéfiants qui pourrit la vie de tant de quartiers de France
00:13et qui devient extrêmement dangereux pour la population ? Jérôme Durand, bonjour. — Bonjour.
00:17— Merci d'être avec nous. Vous êtes sénateur PS de Saône-et-Loire. Et vous avez rédigé un rapport paru au mois de mai – je me souviens très très bien –
00:25avec Étienne Blanc, qui est sénateur LR. Un rapport qu'on a jugé assez excessif au mois de mai. Et aujourd'hui, devant la situation,
00:35eh bien tout le monde trouve que ce rapport est formidable. Vous avez déposé des propositions de loi pour lutter contre le narcotrafic.
00:41Et vous avez rencontré hier soir le ministre de la Justice Didier Migaud, qui va présenter avec Bruno Rotaillot vendredi
00:49un plan de lutte contre le narcotrafic. Ils seront à Marseille. D'ailleurs, Bruno Rotaillot sera mon invité jeudi matin.
00:55Et évidemment, je vais lui parler de tout cela. Jérôme Durand, alors quelles sont les propositions que vous faites ?
01:02Création d'un parquet national antistupéfiant. L'équivalent judiciaire de l'office antistupéfiant transformé sous votre plume en DEA à la française.
01:14DEA, c'est l'agence américaine de lutte contre le trafic de drogue. — Il faut des patrons. On est face à des groupes criminels
01:22qui sont extraordinairement puissants, qui sont partout. Et on a une réponse de terrain qui est très bonne, avec des vrais pros.
01:29Les policiers, les magistrats, ils donnent tout ce qu'ils ont, les gendarmes, sauf qu'on n'est pas assez organisés.
01:34Beauvau, l'intérieur, ne parlent pas suffisamment à la chancellerie, aux gardes d'essaux. Le ministère des Finances a des moyens.
01:42Les administrations ne se parlent pas. Donc il faut des patrons. On a vu avec le terrorisme, quand il y avait François Mollin,
01:46qui passait à la télé, tout le monde avait compris. Bon, ben voilà. Il faut un patron dans le judiciaire de la lutte contre le trafic.
01:54— Exactement. Et il faut la même chose du côté répressif pour que les forces de sécurité intérieure, les gendarmes, les policiers,
02:00travaillent mieux ensemble. La pénitentiaire, on a vu avec la libération de Mohamed Amra qu'on n'était pas fichus de savoir
02:06que ce type était particulièrement dangereux, parce que les magistrats l'avaient pas dit aux pénitentiaires.
02:11Donc il faut qu'on se parle. — On n'a toujours pas retrouvé, d'ailleurs. — On n'a toujours pas retrouvé. Donc il faut qu'on se parle.
02:15— Bien. Ça, c'est la première chose. Deuxième chose, il faut lutter contre le blanchiment d'argent. Là aussi, c'est essentiel.
02:24— C'est essentiel. C'est un business. C'est un commerce. Donc les gens n'entrent dans le trafic que pour faire de l'argent.
02:30Et ils n'ont plus peur de la prison. Ce qu'on a vraiment découvert, c'est que la prison, c'est devenu un point de passage
02:35dans une carrière professionnelle. Les types, ils s'en foutent. D'ailleurs, les gendarmes, ils nous disent...
02:39Quand on a saisi le gars, quand on lui a dit qu'il allait être jugé, il n'a pas vu beaucoup d'émoi dans ses yeux.
02:43Quand on a saisi la bagnole et qu'on l'a mise sur le camion, là, il a commencé à s'inquiéter. Donc la prison ne marche plus.
02:49Donc il faut tarir l'objet du trafic, l'argent. Donc il fallait saisir, il fallait confisquer. Et là aussi, on n'est pas assez bien organisés.
02:57Le trafic, c'est 3,5 à 6 milliards d'euros par an. On arrive péniblement à confisquer 180 millions.
03:04On pourrait presque financer toute cette lutte contre le narcotrafic avec l'argent des criminels.
03:08— Comment faire ? Comment faire pour punir au portefeuille les trafiquants de stupéfiants ?
03:14— C'est un métier particulier. C'est des compétences particulières. On n'a pas assez d'enquêteurs dans les domaines économiques et financiers.
03:20Donc c'est un métier de tracer l'argent. Il faut des moyens. Il faut des gens compétents. Il en faut plus.
03:25Il faut que du côté judiciaire, on ait des capacités de jugement pour que les tribunaux aient le temps de prononcer les peines.
03:32Voilà. Donc c'est toute une... C'est une priorité qu'il faut affirmer. Et on est un peu loin du contexte.
03:37— Saisir tous les avoirs des trafiquants. Ne pas hésiter. Ne pas hésiter. Faciliter la saisie, parce que c'est pas si facile que ça, évidemment.
03:46Est-ce que vous êtes favorable à l'instauration d'un statut de repenti ?
03:49— Oui, oui, oui. Les Italiens ont fait ça. Quand la mafia, ça a produit des effets très importants.
03:55Il y a eu plusieurs milliers de personnes qui sont passées par ce statut de repenti. En France, on en a un depuis 2004.
04:01Enfin depuis 2014, d'ailleurs, qui fonctionne pas très bien, parce que nous, on veut des gentils repentis.
04:05C'est-à-dire qu'on veut pas des gens qui soient des criminels de sang. Soit on veut que ce soit des gens qui nous apportent de l'information
04:10et ils connaissent bien les trafics qui sont à l'intérieur. Soit c'est des figurants. Mais si on veut qu'ils nous donnent de l'information
04:16qui aide la justice à avancer, alors il faut des repentis qui soient de vrais criminels. Et on a de gros progrès à faire.
04:22— Alors évidemment, renforcer le renseignement, travailler dans les ports, parce que souvent, la drogue arrive, passe par les ports.
04:32Et travailler contre la corruption aussi, parce que la corruption est là. De plus en plus d'agents, d'agents publics seraient corrompus.
04:41— La drogue qui part d'Amérique du Sud, sur 100 %, il suffirait que 10 % arrivent à bon port pour que ce soit rentable.
04:48Et on est loin de saisir 90 %. Donc ils ont des moyens illimités. Et ces moyens illimités, ça finance de la technologie,
04:55ça finance de la corruption à tous les étages. Donc tout le monde a un prix. Et c'est vrai qu'un docker, un gendarme,
05:02une consultation de fichiers, un greffier, un document qui se perd, ça permet l'impunité des criminels ou ça permet l'acheminement du produit.
05:09Et c'est un objectif central de notre travail. — Ah oui. Jérôme Durand, autre chose. On a abandonné les territoires
05:16à départements d'Outre-mer. Ça aussi, il faut faire un effort considérable, parce que la drogue transite bien souvent par ces lieux-là,
05:23ces endroits-là. — C'est un vrai cri d'alarme. Et le niveau de circulation des armes aux Antilles notamment, le phénomène des mules
05:30qui passaient depuis la Guyane qui maintenant sont reportés vers les Antilles, occasion d'une criminalité locale. On voit simplement
05:37les Outre-mer depuis la métropole comme un point de transit de la drogue. Mais c'est aussi un lieu où des gens vivent.
05:42Et ils sont confrontés à la réalité du trafic. C'est une priorité de notre rapport. — Alors Jérôme Durand, évidemment, les idées fleurissent
05:48de tous les côtés. Et chez les politiques, comme d'habitude, il y en a un, Jean-Philippe Tanguy, qui veut mettre tout le monde en prison,
05:53même le petit consommateur. Vous en pensez quoi ? — C'est le concours lépine des bonnes idées. On met tout le monde en prison.
06:02On taxe tous les consommateurs. La réalité, c'est qu'il faut du travail sérieux. Il faut démanteler les réseaux. Il faut aller chercher
06:07les commanditaires qui sont à Dubaï. Il faut travailler en matière d'entraide pénale avec des pays qui sont pas toujours bienveillants.
06:13Je pense à Dubaï notamment. Et ça, c'est pas des grandes phrases. C'est du travail de terrain. C'est des gens compétents.
06:18C'est des moyens. Et c'est un peu ce qu'on attend des annonces de Marseille. — Et envoyer l'armée ? — Envoyer l'armée, c'est place nette XXXXXL.
06:26C'était ça. Les places nettes, c'était on dépêche des forces massives. On met un gros coup de pied dans la fourmilière.
06:33Et puis une fois que les forces sont parties, le deal reprend. — Oui. Voilà. Voilà la réalité. Merci, Jérôme Durand.
06:40C'est passionnant. Votre rapport est passionnant. J'espère que les deux ministres qui présenteront leurs mesures vendredi reprendront vos idées.
06:51Merci, Jérôme Durand. Il est 7 h 19. Vous êtes sur Sud Radio pour connaître l'actualité, évidemment pour être au cœur de l'actualité le matin.
06:59Et je me réjouis. Je me réjouis d'être ici et de vous écouter 0826 300 300. Vous avez sur la question évidemment des idées, des propositions.
07:09Le rappel des titres de l'actualité avec vous, Laurie Leclerc.