Le principal suspect dans l'affaire Philippine a accepté son extradition en France. Marc Trévidic a été son juge dans la première affaire l'impliquant.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 30 octobre 2024.
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00:00RTL Soir. Yves Calvi et Agnès Bonfillon.
00:04Bonsoir Marc Trévillique.
00:05Bonsoir.
00:06Vous êtes président de la cour d'assises de Versailles, vous avez été juge antiterroriste et présidé la cour d'assises des mineurs de Pontoise.
00:11Et c'est dans ce cadre que vous avez été confronté au meurtrier présumé de la jeune Philippine, violée et tuée dans le bois de Boulogne le 21 septembre dernier.
00:19Le suspect, ta Walida, accepte son extradition dans cette affaire, il a été arrêté en Suisse, je le rappelle, en 2021.
00:26C'est vous qui aviez déjà condamné ce suspect pour viol, il était mineur à l'époque, quelles étaient les circonstances de cette affaire ?
00:32Alors effectivement il était mineur, c'était en octobre 2021, c'était pour défait de 2019, donc je l'ai eu aux assises en octobre 2021.
00:40C'était assez inquiétant parce qu'en fait il avait attendu la victime et il avait réussi à l'amener dans les bois pour la violer.
00:50On était le 31 août, il avait quand même un cache-coup en polaire, il avait surgi derrière la victime.
00:57Donc c'était très inquiétant, dans le mode opératoire si vous voulez.
01:01Et là dans la motivation de la cour d'assises, puisque je l'ai regardé depuis, on avait vraiment parlé de prédateurs sexuels.
01:09Donc on avait bien vu la dangerosité potentielle de cet individu.
01:14Si je vous demande qui est cet homme que vous avez condamné, quelles traces il vous a laissé ?
01:18Eh bien justement, quelqu'un qui est dans la catégorie qui est la plus inquiétante des prédateurs sexuels, et non pas des violeurs occasionnels si vous voulez.
01:28Mais par contre, on savait aussi qu'on connaissait son passé, on savait de quel pays il venait.
01:35L'historien marocain avait confirmé qu'il était marocain, qu'il n'y avait pas de soucis pour nous pour qu'il soit expulsé.
01:41C'était un peu rassurant quelque part, enfin pas pour le Maroc, mais en tout cas pour la France.
01:45Vous aviez clairement un récidivisme potentiel en face de vous ?
01:48Oui, très clair. Là aussi, encore une fois, on avait mentionné le risque de récidive.
01:56Il n'y avait pas d'erreur, si vous voulez, de « diagnostic » en l'occurrence. Voilà, c'est tout.
02:03Je vous pose une autre question, facile a posteriori.
02:06Aurait-il dû se retrouver en liberté aussi rapidement ?
02:09Il était mineur, il a eu quasiment le maximum de la peine encourue en tant que mineur.
02:14Vous savez que l'excuse de minorité fait qu'au lieu de 15 ans, il risquait 7 ans et demi.
02:19Il a pris 7 années, alors je n'ai pas calculé exactement combien il a fait de détention totale avec les remises de peine,
02:25mais il a dû exécuter une bonne partie par rapport à ce qui se fait d'habitude.
02:29Mais Marc Trévillique, je crois qu'on peut remettre en cause l'exception de minorité dans certains dossiers.
02:33C'est une décision défavorable à l'accusé.
02:35Il faut que dans une cour d'assises, 7 membres de la cour d'assises sur 9 au moins la mettent en cause.
02:42Ça avait été fait pour vraiment des crimes très importants.
02:46Ce n'est pas évident de se dire qu'il est mineur, mais on va le juger comme un majeur.
02:48Comment avez-vous réagi quand vous avez appris finalement le nom du meurtrier présumé de Philippines,
02:52vous qui connaissez l'homme, et le profil tel que vous venez de nous le décrire ?
02:56J'ai réagi comme tout le monde. C'est pourquoi il n'a pas été expulsé.
03:01Je pense comme tout le monde, puisque là on connaissait la nationalité.
03:06Il n'y avait pas de problème si vous voulez, normalement.
03:08Ce n'est pas comme ceux dont on sait qu'ils ne sont pas expulsables.
03:11Donc voilà, c'est la seule réflexion que j'ai eue.
03:15Et puis après, malheureusement, sur les faits eux-mêmes, ça ne m'a pas étonné de plus que ça.
03:21Vous-même de nous rappeler qu'il aurait dû être expulsé, comment se fait-il que ça n'ait pas été le cas ?
03:26Est-ce que c'est une défaillance en tant que terrain ?
03:28Oui, c'est sûr.
03:30Si il y a un cas qui est facile à expulser, c'est celui de la personne dont on sait qu'elle est d'une nationalité.
03:37Le pays en question n'a aucune raison de ne pas le laisser passer.
03:41Il y a des cas de figure où ces gens sont inexpulsables.
03:44Syriens, Afghans, là on aurait de toute façon dû le traiter autrement,
03:48puisqu'il n'aurait pas été expulsable.
03:50Mais là, ce n'était pas le cas.
03:52Le meurtrier présumé de Philippines faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français,
03:57décidée par le préfet.
03:58En tant que magistrat, vous êtes souvent confronté à des OQTF qui ne sont pas appliqués ?
04:02Oui, tout le temps.
04:06Ou même des interdictions judiciaires du territoire non exécutées.
04:09L'interdiction judiciaire, c'est une décision de justice, une peine complémentaire.
04:13Quand on a quelqu'un pour un trafic de drogue, par exemple, on va lui mettre interdiction définitive du territoire français
04:17et c'est à l'administration d'exécuter, de l'expulser.
04:20La France est le pays d'Europe qui prononce le plus d'OQTF, je crois, entre 120 000 et 140 000 par an.
04:25Mais seuls 7% sont mis en oeuvre.
04:28Comment expliquez-vous cette situation, Marc Trévilly ?
04:31Oui, mais ça a toujours été le cas.
04:33Je me souviens, quand j'étais à la section des Crimes et Délits Flagrants, à la fin des années 90 à Paris,
04:38on passait notre temps à voir des OQTF et des interdictions du territoire non exécutées.
04:43C'était exactement pareil, c'était il y a un quart de siècle.
04:45Donc, ils passaient en comparution immédiate, on les remettait dehors, ils revenaient quatre mois plus tard.
04:49Mais oui, le problème, on prononce trop d'OQTF.
04:53Je pense à ceux qui nous écoutent et qui se disent que ce n'est pas possible.
04:55Alors, on en prononce déjà quand on sait que ce n'est pas exécutable.
04:59Donc déjà, qu'ils ne seront jamais expulsables.
05:01Donc, ça ne sert à rien.
05:02Ça fait plaisir, on les prononce, ils vont en centre de rétention et puis ils ne sont jamais expulsés.
05:07Ça engorge la machine, c'est tout ce que ça c'est.
05:09Deuxièmement, on n'a pas créé vraiment un service spécifique pour mettre à exécution les OQTF des gens qui sont en prison.
05:16Donc, on passe des textes.
05:18Mais ça, c'est la France, si vous voulez.
05:20Et puis, on ne s'occupe pas de leur application et des moyens qu'il faut y adjoindre.
05:25Oui, mais ça, c'est français.
05:26Alors, comment jugez-vous les propositions du ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau en la matière ?
05:30Est-ce qu'elles vous paraissent utiles ?
05:31Donc, il veut allonger la durée de détention en centre de rétention administrative de 90 à 210 jours.
05:35Alors, ceux qui ne sont pas expulsables ne seront pas plus.
05:38Voilà, c'est clair.
05:41Il y a un autre souci, c'est que c'est la place.
05:44Il y a un embouteillement déjà.
05:46Donc, avec une durée plus longue, le turnover, c'est-à-dire les gens qui passent dans les centres de rétention, va être moins élevé.
05:51On risque d'avoir vraiment des centres de rétention surpeuplés.
05:55Donc, il faut aussi qu'il allonge là aussi les moyens.
05:57Parce qu'il sait faire un texte de plus, non applicable.
06:00Vous comprenez ?
06:02C'est ce dont on vient de parler.
06:04Moi, je veux bien qu'on...
06:05Surtout quand même des gens qui sont là, vous allez les mettre dedans pendant une durée très longue,
06:10y compris des gens qui n'ont commis aucune infraction pénale.
06:12Il faut comprendre ça.
06:14Parce que là, nous, on parle de quelqu'un qui sortait d'un crime.
06:18Mais là, les centres de rétention, c'est pour tout le monde.
06:20Tous ceux qui n'ont pas de papier.
06:22Ceux qui bossent dix ans au black.
06:26Donc, est-ce qu'on peut garder aussi longtemps quelqu'un qui n'a pas commis d'infraction ?
06:29C'est un peu la question aussi.
06:31Donc, moi, je serais plutôt favorable à mettre le paquet sur les gens dangereux.
06:35Est-ce que, pour autant, la France a vraiment besoin d'une nouvelle loi immigration ?
06:38Ce sera ma dernière question.
06:40On en a eu une 90 jours.
06:42Je ne pense pas, franchement.
06:44Il y a une organisation internationale, un service dédié, avec des moyens importants,
06:48pour permettre l'expulsion des gens.
06:50Et organiser l'expulsion alors qu'ils sont encore en prison, pour ne pas perdre de temps.
06:54Parce qu'on pourrait très bien expulser le dernier jour de sa peine de détention,
06:57sans même qu'il y ait pas un centre de rétention.
06:59Mais on aura un avion.
07:01Donc déjà, si on fait ça, on n'a pas besoin de loi.
07:03C'est clair.
07:04Et quand on aura bien fait ça, on fera le point.
07:06Arrêtons avec ces lois.
07:08Toujours une loi, une loi, une loi, une loi.
07:10On a des tas des lois, mais elles ne sont pas appliquées.
07:12C'est un homme de loi qui nous le dit.
07:13Merci beaucoup, Marc Trévidique.
07:14Exactement, je les connais bien, les lois.
07:16Président de la Cour d'assises de Versailles.
07:18Je rappelle que vous avez présidé la Cour d'assises des mineurs de Pontoise.
07:20Et que c'est dans ce cadre, donc, que vous aviez été confronté au meurtrier présumé de la jeune Philippine.
07:25Merci d'avoir pris la parole ce soir sur RTL, Marc Trévidique.
07:28Merci.
07:30Il est 18h50. Dans un instant, nous allons retrouver Marc-Antoine Lebret.
07:33Le Breaking News.
07:35Yves Calvi et Agnès Bonfillon.
07:38RTL Soir.