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Le cannabis est l’invité surprise de la dernière ligne droite de cette campagne des élections présidentielles américaines, qui oppose Donald Trump à Kamala Harris. 3 Etats, dont la Floride, sont appelés à voter pour la légalisation, ou non, de son usage récréatif, le 5 novembre. Pour quelles conséquences ? On en parle avec Charles Delouche-Bertolasi, journaliste à «Libération» et Pierre-Yves Geoffard, économiste.

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Transcription
00:00Le cannabis aux Etats-Unis qui est un petit peu l'invité surprise de cette campagne présidentielle américaine,
00:04cette drogue dont l'usage récréatif est déjà autorisé dans 24 états aujourd'hui,
00:08poursuit son chemin vers une légalisation généralisée.
00:11Trois états voteront le 5 novembre prochain en même temps que la présidentielle américaine
00:15pour légaliser l'usage récréatif du cannabis au plus de 21 ans.
00:18Alors est-ce que c'est un basculement ? Qu'en pensent les américains et les deux candidats à la présidentielle ?
00:23Comment en parle-t-il ? On va discuter de tout cela ensemble.
00:26Et la première question que je vais poser à Charles Delouche-Bertolazzi, journaliste à Libération,
00:30et Pierre-Yves-Joffard, professeur à l'école d'économie de Paris,
00:33pourquoi parle-t-on de cannabis dans cette campagne présidentielle américaine, Charles ?
00:37Déjà on en parle parce qu'il y a le 5 novembre, on n'élit pas seulement le président des Etats-Unis,
00:43il y a plein de votes qui ont lieu dans les états et donc notamment en Floride,
00:49Dakota du Sud, Dakota du Nord et Nebraska, il y a la question de la légalisation du cannabis récréatif.
00:55Et donc les électeurs de ces états sont appelés à voter pour ou contre la légalisation du cannabis à usage récréatif.
01:03Mais d'une manière plus large, les deux candidats se sont positionnés sur la question.
01:10Donald Trump, lui, a toujours le même discours qui consiste à laisser la priorité aux états sur cette question-là.
01:19Tandis que Kamala Harris, récemment, en a fait un point de sa campagne,
01:26notamment à destination des hommes noirs à l'occasion d'un plan économique pour encourager la création de petites entreprises.
01:35Et pour mettre en place ce plan-là, elle prône une légalisation fédérale du cannabis à usage récréatif.
01:43Donc là, c'est vraiment une différence de point de vue entre les deux candidats.
01:47J'ai envie de te poser la même question, Pierre-Yves Joffard. Pourquoi est-ce qu'on parle de ce sujet-là, tout à coup, dans cette campagne présidentielle américaine ?
01:54Pourquoi on en parle, ça, j'en sais rien. Mais effectivement, c'est un sujet qui est intéressant parce qu'il dit beaucoup de choses de la manière dont la démocratie américaine fonctionne.
02:02Tous les 24 états qui ont déjà légalisé le cannabis récréatif l'ont fait tous, d'une certaine manière, sous la pression populaire.
02:11C'est-à-dire que ça a été le résultat d'élections, de référendums locaux dont la plupart étaient d'initiatives populaires.
02:17C'est-à-dire que ce sont vraiment les citoyens qui ont exigé un référendum dans différents états.
02:25L'exemple, l'un des premiers, c'était quasiment le premier, c'était au Colorado.
02:29Et en 2012, c'est vraiment l'équivalent d'un référendum d'initiative citoyenne qui a imposé ce sujet à l'agenda politique.
02:38Le gouverneur de l'époque a fait campagne contre la légalisation. Il était opposé à la légalisation. C'est un gouverneur démocrate.
02:46Mais le peuple a décidé qu'il fallait le faire. Donc il l'a fait. Il a respecté l'avis du peuple.
02:51Et quelques années plus tard, il déclarait « je m'étais trompé ». Et en fait, le peuple avait raison. On a eu raison de le faire.
02:58Et on aurait dû le faire. Et ensuite, il est devenu un avocat de la légalisation dans d'autres états, en disant à chaque fois qu'évidemment, ça dépendait de chaque état.
03:06Donc il y a ça. Il y a cet élément qui est l'articulation entre... Enfin, c'est vraiment du bottom-up.
03:12Et avec l'autre point sur cette question-là aussi, qui nous permet de voir que les États-Unis, c'est extrêmement... C'est une collection d'États.
03:22Et que l'essentiel de la politique se passe au niveau des États. L'élection présidentielle américaine, en fait, ce qui relève du gouvernement fédéral,
03:31finalement, c'est pas tant que ça de choses qui concernent la vie quotidienne des gens. Et les élections à la fois locales, au niveau des comtés et au niveau des États,
03:41sont des élections parfois beaucoup plus importantes pour les gens. Donc il y a aussi cet élément qui est central dans la politique de la démocratie américaine,
03:52qui est que l'État fédéral ne doit pas se mêler de tout. Le pouvoir doit rester le plus près du peuple. Et parfois, on peut avoir des intervenants, des politiques
04:06qui sont tout à fait pour la légalisation, mais contre le fait que ce soit l'État fédéral qui s'empare du sujet.
04:14— La moitié des États américains ont déjà légalement le cannabis récréatif. Qu'est-ce que ça changerait qu'il soit légalisé au niveau fédéral ? Justement, si le fédéral s'en mêle,
04:20qu'est-ce que ça pourrait concrètement changer, en fait ? — Alors, c'est pas sûr que ça change... D'abord, même si c'est légalisé au niveau fédéral,
04:27c'est pas forcément pour ça que ça sera légal dans les États qui n'ont pas eux-mêmes légalisé. Simplement, ça simplifiera un peu la vie notamment du côté des producteurs de cannabis,
04:40plus que du côté des consommateurs, d'ailleurs. Parce qu'aujourd'hui, le fait que ce soit interdit au niveau fédéral complique... D'abord, interdit le commerce entre États.
04:50C'est-à-dire qu'un producteur dans un État ne peut pas vendre de cannabis à usage récréatif dans un autre État, même si les deux États ont légalisé. Le commerce entre États reste interdit aujourd'hui pour le récréatif.
05:03Donc ça, évidemment, c'est une complexité. Et pour le financement des investissements, c'est compliqué aussi, parce que les banques opèrent souvent dans plusieurs États,
05:14et donc ne veulent pas prendre le risque qu'en finançant une activité, certes légale dans un État, mais illégale dans un autre État, et illégale au niveau fédéral,
05:23eh bien elles font l'objet de sanctions, parce qu'elles financent une activité illégale au niveau fédéral. Donc il y a ces deux éléments-là. Pour les consommateurs, c'est pas sûr que ça changerait énormément de choses.
05:39– Il y a une remarque de Black Chip Antéchrist dans le tchat, qui me dit, dans les pays où l'on peut boire du whisky, du cognac ou de la vodka, il est absurde d'interdire le cannabis,
05:47sauf à vouloir criminaliser, de fait, une partie ciblée de la population. Moi, je voudrais rebondir sur cette remarque, en se demandant, et en vous demandant justement,
05:54quel a été le rapport historique des États-Unis par rapport à cette question de la légalisation du cannabis, parce que là, on a l'impression que ça se développe de plus en plus,
06:02que les barrières tombent un petit peu. Est-ce que ça a toujours été le cas, ou est-ce qu'il y avait beaucoup plus de défiance avant ?
06:09– Oui, oui, on en est bien revenus, au pays de la guerre à la drogue, au sujet du cannabis. C'est-à-dire, je pense qu'il y a eu une prise de conscience,
06:17au-delà de la population qui est de plus en plus favorable à la légalisation, il y a eu aussi une prise de conscience d'un point de vue économique,
06:26et puis, je pense aussi de liberté individuelle, qui fait que les mentalités changent. Mais dans les années 70, le cannabis, c'était vraiment la drogue
06:36qui représentait le mouvement hippie, la gauche contestataire, donc c'était vraiment le diable, en quelque sorte, dans ces années-là,
06:45pour le gouvernement américain et une certaine classe politique. Et donc ce qui fait que je pense qu'ils sont en train de revenir du tout répressif sur cette question-là,
06:58parce qu'ils se rendent compte que, d'un point de vue santé publique, le tout répressif ne tient pas, et que, d'un point de vue économique aussi,
07:05ça peut être intéressant, finalement, de légaliser ce marché-là.
07:09— Pourquoi est-ce que ça peut être intéressant d'un point de vue économique, justement ?
07:12— Alors ça, je ne sais pas si Pierre-Yves répond sur la question économique et les intérêts. — Oui, parce que, pour faire court sur le sujet,
07:23il y a un marché du cannabis récréatif dans tous les pays du monde. Ce marché est soit très peu régulé, c'est-à-dire laissé aux mains du trafic,
07:34qui est un marché illicite, soit il est régulé dans un cadre légal. S'il est régulé dans un cadre légal, eh ben ça permet de développer une filière,
07:44d'avoir des producteurs de cannabis, d'avoir des emplois réguliers, des emplois déclarés qui vont payer des cotisations sociales, qui vont payer des impôts,
07:53qui vont avoir la protection sociale assortie à leur emploi légal, alors qu'évidemment, dans une économie parallèle, on ne peut pas vraiment parler de protection sociale des travailleurs.
08:08Ça, c'est déjà un premier point. Donc ça crée une filière légale qui est... Comme il y a... Ce qu'il faut voir, c'est qu'il y a un tel écart entre le coût de production d'un gramme de cannabis,
08:20qui est sous différentes formes, c'est moins d'un dollar par gramme, ou moins d'un euro par gramme, et le prix que les consommateurs, que les usagers sont prêts à payer, hein,
08:29c'est... On va dire... Après, ça dépend de qui, mais... Et ça dépend de quoi ? Mais mettons que ce soit 10 euros le gramme, c'est...
08:37— En France, c'est un peu plus de 10 dollars, là. — Oui, voilà. Et donc il y a un tel écart entre le coût de production et ce que les gens sont prêts à payer que, de toute façon,
08:44même si c'est interdit, il y aura un marché illégal qui va se glisser dans l'interstice. Toute l'idée de la légalisation telle qu'elle a été mise en œuvre et telle qu'elle a fonctionné
08:53et telle qu'elle fonctionne, c'est de dire que plutôt que de laisser cet écart, cette valeur ajoutée entre les mains des trafics et de nourrir des mafias criminels
09:03qui font autre chose que vendre du cannabis en plus, mais c'est quand même une grosse, grosse source de revenus, eh bien détournons ces flux-là.
09:11Et il y a de la place pour des taxes, il y a de la place pour des recettes fiscales qui sont colossales, hein, qui sont vraiment considérables.
09:20Pas colossales, c'est pas... Si on raisonnait à l'échelle de la France, c'est pas ça qui résoudrait tout le déficit public. Mais bon, c'est quand même...
09:28Dans beaucoup d'États, c'est une part non négligeable des recettes fiscales, souvent supérieure à ce qui était anticipé au moment de la réforme, et qui a permis de financer aussi.
09:40La plupart du temps, il y a une partie de ces recettes qui est préaffectée à des programmes de prise en charge sanitaire des usagers qui ont des problèmes avec le produit,
09:51aussi des prises en charge ou des accueils de populations plus jeunes, donc il y a toute une partie qui est vraiment redirigée vers des actions de santé publique,
10:06et ça, c'est toujours des recettes qui sont assez bienvenues.
10:09Mais est-ce que si on légalise l'usage récréatif du cannabis, on supprime de fait le marché noir, le marché illégal ?
10:16Pas tout de suite, pas immédiatement, c'est pas instantané, mais ce qu'on voit, c'est que... Et puis ça dépend comment c'est fait, ça dépend de la manière dont c'est régulé.
10:26Il y a différents modèles possibles ?
10:28Il y a 24 États qui ont légalisé, il y a 24 modèles différents au niveau des États, et ça se complique encore parce qu'au sein de chaque État, certains comtés peuvent avoir des régulations spécifiques,
10:41et certaines communes peuvent avoir encore des régulations spécifiques. On a parfois des niveaux de taxes qui sont différents, on a des comtés dans lesquels c'est interdit, bien que c'est légal au niveau de l'État.
10:51Donc on a un maquis réglementaire que beaucoup d'acteurs, d'ailleurs, de la filière déplorent, parce que ça fait une complexité extraordinaire, beaucoup d'acteurs dénoncent une bureaucratisation à marge forcée de la filière et de la régulation.
11:09Si c'était réglé au niveau fédéral, par exemple, ça ne pourrait pas faciliter un petit peu les choses, justement, pour essayer de sortir de ces différentes couches de régulations différentes ?
11:16Ce n'est pas sûr, ce n'est pas sûr, parce qu'il y a de toute façon toujours une possibilité au niveau de chaque État d'adapter les réglementations fédérales, et au niveau des comtés, et au niveau des communes. Donc ça, ça ne changera pas.
11:28Et simplement, la différence de modèle, ça joue sur quoi ? Par exemple, sur la dose qu'on peut avoir ?
11:34Oui, il y a des États qui vont prioriser le côté vente, économie, le côté privé, en fait. D'autres qui vont plus s'axer sur la réduction des risques, santé publique, l'accompagnement des jeunes pour les sortir des risques de la dépendance.
11:55Il y a beaucoup de modèles différents, mais c'est vrai que quand on prend, par exemple, la Californie, il y a une vraie culture en Californie de la consommation de cannabis qui fait que, du coup, le modèle choisi est allé vers des produits de qualité.
12:15Donc là, en Californie, c'est comment la législation actuellement ?
12:18On est sur une législation, on est sur l'égalisation du cannabis récréatif, légalisé, mais avec un modèle plutôt privé qui a été favorisé. Donc ce qui fait qu'en fait, dans les États qui ont légalisé, il y a toujours du marché noir.
12:31Parce qu'en fait, le marché noir aussi capte un certain public, des publics, par exemple, qui n'ont pas la possibilité de s'acheter, comme tu disais, Pierre-Yves, un gramme de cannabis à un peu plus de 10 euros, 10 dollars le prix.
12:49Et ce qui fait que, du coup, il y a un revirement vers le marché noir qui propose des prix, en fait, plus faibles pour une qualité peut-être un peu moindre.
12:58Alors il y a soit un effet prix, soit un effet de disponibilité aussi. C'est-à-dire que le nombre de boutiques officielles légales par 100 000 habitants varie énormément d'un État à l'autre.
13:08Donc il y a des États où, effectivement, c'est légal, mais il n'y a pas tellement de boutiques et donc c'est plus difficile d'en trouver.
13:13Donc là, évidemment, dans ces cas-là, ça contribue à laisser subsister un marché noir important, d'autant plus qu'on sait maintenant qu'il y a une partie de ce marché illicite qui est alimenté par des producteurs légaux.
13:28C'est-à-dire qu'il y a eu une crise de surproduction du cannabis aux États-Unis et au Canada, avec des parts importantes de la production qui n'ont pas trouvé de débouchés.
13:39Et en partie, pas parce qu'il n'y avait pas de demandes, mais parce qu'il n'y avait pas assez de points de vente légaux disponibles aux heures et au moment où les usagers voulaient en acheter.
13:50Et donc une partie de cette production se redirige vers les marchés illicites.
13:56— C'est vrai que ça dépend complètement des États, parce que vous allez dans l'État de New York... Enfin, New York, en tout cas, c'est... Dans la ville de New York, c'est très impressionnant, le nombre de cannabis stores et de boutiques qui ont ouvert en deux ans, c'est... C'est hallucinant.
14:09— Ah oui, oui, oui. — Il y en a partout. — Oui, oui. Mais par exemple, si on prend le Colorado, qui est un État où le choix a été fait dès le début de s'appuyer sur un modèle très décentralisé, très libéral,
14:21avec des boutiques qui, évidemment, sont régulées, doivent avoir une licence, etc., mais avec une attribution de licence quand même qui était assez abondante, et un niveau de taxe qui était relativement bas, notamment pour lutter contre le marché noir.
14:38Aujourd'hui, le marché noir, sur le cannabis au Colorado, c'est peanuts. Et ça n'existe quasiment plus. Donc il y a des États dans lesquels le... Donc c'est pas une fatalité. Et ça peut évoluer assez rapidement.
14:55Alors tout près des États-Unis, il y a le Canada, où on voit qu'en 3 ans, dans certains États, la part des ventes qui passent par le marché illicite ne représente plus que 20%. Donc ça peut aller très très vite quand c'est correctement régulé. Et ça peut prendre beaucoup plus de temps quand c'est mal régulé.
15:12Par exemple, en Californie, il y a eu des erreurs au départ, et notamment le fait d'avoir imposé des contrôles extrêmement stricts, ce qui est dénoncé aussi par la bureaucratisation. L'industrie légale n'arrivait pas à recruter ce qu'ils appelaient des compliance officers, donc des gens qui avaient une formation juridique et qui connaissaient le produit et qui étaient capables de répondre aux exigences de traçabilité du produit, tout ça.
15:39Et ça, ça faisait un... Ça coinçait, ça bloquait l'ouverture de boutiques légales. Donc ça a été adapté ensuite. Ce qu'on voit aussi, c'est que la légalisation, c'est toujours un apprentissage. Il y a toujours des choses qui évoluent, parce qu'on passe d'un système de prohibition à un système de régulation légale.
16:01Il y a forcément des éléments, des évolutions qui n'auront pas été anticipées. Donc il faut faire preuve de réactivité, faire preuve de souplesse pour corriger les erreurs qui peuvent être commises au début.
16:14Mais en tout cas, dans tous les États qui ont légalisé, ça, il faut quand même le rappeler, c'est pas d'ailleurs limité aux États-Unis, il n'y a aucun État aujourd'hui qui envisage de revenir en arrière.
16:24C'est-à-dire que même dans les États où ça ne s'est pas si bien passé que ça au début, où ça a pu prendre un peu plus de temps à se mettre en ordre de marche, eh bien il n'y a aucun État où l'opinion publique veut revenir en arrière.
16:38Voilà, c'est dans tous les États. Et d'ailleurs, c'est ça aussi qui explique l'évolution de l'opinion publique. L'opinion publique aujourd'hui est majoritairement favorable à la légalisation du cannabis récréatif, avec des différences évidemment selon les opinions partisanes.
16:54Mais même au sein des Républicains, même au sein des personnes qui se déclarent républicaines, il y a une majorité favorable à la légalisation du cannabis, qui est encore plus élevée chez les démocrates, et qui est encore plus élevée chez les démocrates qui se déclarent de sensibilité libérale.
17:11Alors eux, il y a 90% qui sont pour. Mais il y a quand même des différences d'opinion, notamment en fonction de l'âge. C'est-à-dire que les jeunes sont massivement favorables à la légalisation.
17:23Les vieux, c'est moins clair. Et là, il y a un effet de la légalisation passée sur l'opinion aussi. C'est-à-dire que d'abord, ce qu'on voit, c'est que lorsque le produit devient légal, les populations où la consommation augmente le plus, c'est les hommes de plus de 50 ans.
17:39Et puis il y a un constat que, oui, ça marche, ça ne crée pas les désastres annoncés par certains.
17:49— Oui, c'était ma question, justement. Par exemple, dans le Colorado, là où vous disiez que la manière dont le marché avait évolué, c'est que notamment le marché noir avait disparu. Comment se comporte du coup la consommation ?
18:01Est-ce qu'on a une plus grande consommation ? Est-ce que, d'un point de vue sanitaire, ça se passe bien aussi ? Ou comment ça se passe ?
18:07— À chaque fois que les États légalisent, il y a un pic de consommation. Il y a toujours une hausse. Mais généralement, après, il y a quand même une stabilisation qui intervient au bout de quelques mois, quelques années. Mais c'est relativement rapide, cette stabilisation.
18:21Mais dans tous les cas, c'est vrai qu'il y a une hausse dans la consommation, parce que l'accès est légal. Il y a de la curiosité aussi. Et puis oui, du coup, il y a...
18:31— Dans la plupart des États qui ont légalisé, avaient quand même aussi en tête... L'objectif, c'était pas uniquement des recettes fiscales ou la création d'une filière avec des emplois réguliers. Dans tous les États qui ont légalisé, il y a toujours eu en tête le fait qu'il fallait limiter la consommation de cannabis par les plus jeunes.
18:56Ça, c'est bien documenté. Et les plus jeunes, ça peut vouloir dire jusqu'à 23, 24 ans, idéalement. On sait que la consommation notamment régulière et ou excessive de cannabis peut entraîner des problèmes d'apprentissage, etc.
19:15Donc il y a toujours ce souci de faire très attention à l'évolution de la consommation chez les jeunes, avec même une idée que la légalisation permet de mieux protéger les consommateurs les plus fragiles contre des consommations problématiques.
19:33— Ça peut permettre aussi... Légalisation peut permettre aussi des campagnes de prévention. Chose que, lorsque c'est prohibé, c'est pas possible. En tout cas, c'est beaucoup moins facile. Légaliser le cannabis, ça peut permettre effectivement de donner des financements pour l'accompagnement des publics dépendants.
19:56Il y a tout un volet aussi sanitaire qui va avec la légalisation. C'est pas juste le côté économique et liberté individuelle.
20:04— Il y a tout un discours de santé publique qui est très difficile à porter dans un cadre de prohibition, parce que le discours de santé publique, pour qu'il soit efficace, il faut qu'il s'appuie sur des faits, sur des choses un petit peu réelles.
20:16Si on veut avoir un vrai discours de réduction des risques, il ne faut pas commencer par dire que le cannabis est hyper dangereux. Dès qu'on en prend une fois, c'est la catastrophe. On se retrouve immédiatement accro et on va consommer d'autres produits, parce que c'est tellement contraire à l'expérience de tellement de gens que ça décrédibilise tout le reste du discours.
20:39Donc le point de départ, c'est de dire oui, c'est un produit. Si les gens en consomment, c'est bien qu'ils pensent que c'est chouette. Mais attention, c'est pas si anodin que ça, notamment dans certains cas.
20:55On sait qu'il y a aussi des personnes qui ont un problème avec le produit, comme pour toutes les drogues. C'est moins qu'avec l'alcool, mais on sait que ça existe et on sait que la prohibition ne protège pas du tout ces personnes les plus fragiles contre les dégâts éventuels causés par certains usages du produit.
21:16— Mais d'ailleurs, si je peux me permettre de rebondir là-dessus, sur la question de la prohibition, lorsque Joe Biden a annoncé la suppression des peines en avril dernier pour des dizaines de milliers de personnes qui avaient été condamnées pour la consommation de cannabis, ça donne quand même un signe un peu des mentalités qui sont en train de changer autour de cette question-là.
21:45Ça s'accompagne aussi avec la proposition de reclasser le cannabis dans le tableau des stupéfiants.
21:53En gros, le cannabis, jusqu'alors, fait partie de l'annexe 1, si je ne me trompe pas, aux côtés de l'héroïne.
22:02En tout cas, c'est des drogues très prohimées. Donc voilà, c'est une partie de la plus haute annexe du tableau des stupéfiants.
22:15Ce qui fait qu'on ne peut pas faire de projet de recherche autour de cette question-là.
22:20Et le reclasser au sein de drogues moins dangereuses qui ont un intérêt thérapeutique permettra aussi aux scientifiques de lancer des projets de recherche autour du cannabis aux États-Unis, s'il est légalisé d'un point de vue fédéral.
22:32Certains États dépénalisent, d'autres légalisent. Est-ce que vous pourriez expliquer la nuance ?
22:37La dépénalisation ou la décriminalisation, c'est par exemple ce qui a été fait au Portugal pour l'ensemble des drogues depuis 20 ans.
22:46Ça consiste à sortir les usagers de la réponse pénale.
22:50C'est-à-dire que le simple usage, la simple consommation, la simple détention pour un usage personnel, donc ça veut dire une quantité maximale,
23:04ne fait plus l'objet d'une amende.
23:10Ça peut rester un délit, mais en tout cas, la prise en charge, les personnes sont redirigées vers les services sanitaires.
23:18Donc il n'y a plus personne qui peut aller en prison pour simple usage, pour simple consommation.
23:26Ça, c'est la dépénalisation.
23:28La légalisation, mais par exemple, si on reprend l'exemple du Portugal, la cocaïne par exemple est dépénalisée, ce n'est pas pour ça qu'elle est légalisée.
23:38La légalisation, ça consiste à autoriser non seulement l'usage personnel, mais également la distribution, la commercialisation et la production.
23:47Donc c'est l'ensemble de la filière.
23:50La légalisation va de paire avec une régulation de l'offre, de la distribution et de la consommation par des instruments classiques,
24:01les outils de la régulation, les taxes, les autorisations, les limites sur le traçage, les encadrements des produits qui peuvent être vendus.
24:12Dans certains états, sur le cannabis, les eatables, tout ce qui peut se manger, tout ce qui est mangeable, c'est interdit.
24:24Dans d'autres états, c'est autorisé.
24:26Dans certains états, le cannabis légal, il y a une limite sur le taux de THC pour éviter les produits trop chargés.
24:34Dans d'autres états, non.
24:36Mais c'est dans un cadre de légalisation que ces éléments de régulation peuvent être mis en œuvre.
24:46Dans un cadre prohibitif, c'est interdit.
24:49Donc après, c'est le marché illicite et le marché illicite se régule selon d'autres logiques que les logiques de santé publique.
24:57— Une autre question dans le chat qui revient sur le moment où on parlait de légalisation, par exemple, de l'usage récréatif du cannabis,
25:06c'est qu'ils se demandent est-ce qu'on a un recul sur l'impact sur le marché noir d'autres substances, lorsque le marché du cannabis devient légal ?
25:15Est-ce que ça entraîne une hausse de consommation d'autres drogues qui, elles, sont...
25:18— Ça ne s'est pas vérifié dans les états qui ont légalisé, non plus dans les états européens qui ont légalisé.
25:31Mais ça, c'est vraiment un argument qui est souvent ressorti, le basculement du marché noir vers, par exemple, la cocaïne, les armes, etc.
25:43Mais ça ne s'est pas vérifié, en tout cas. Il n'y a pas eu de hausse de vente.
25:50— Dans certains états, on voit une baisse de la criminalité liée aux autres produits stupéfiants.
25:57Donc dans certains états, c'est ce qu'on voit.
25:59Mais ce qu'il faut voir, c'est que la prohibition nourrit la vente jointe ou la vente de différents produits stupéfiants ensemble.
26:12C'est-à-dire qu'aujourd'hui, si on prend en France ou dans des états qui sont arc-boutés sur la prohibition, les vendeurs de cannabis ne vendent pas que du cannabis.
26:24C'est-à-dire que ce qui veut dire qu'un acheteur de cannabis qui lui est intéressé par ce produit-là, lorsqu'il va être en contact avec un vendeur de cannabis, il va aussi être en contact avec une offre d'autres produits.
26:40Et tiens, tu pourrais essayer ça, tu pourrais essayer ci, etc.
26:44Donc il y a toute une palette.
26:47Aujourd'hui, on le sait, dans les états où c'est légal, il y a un tel contrôle des boutiques qu'il n'y a pas une boutique.
26:54Évidemment, ça peut exister.
26:56Mais en tout cas, le risque est tellement grand pour une boutique légale qui vend du cannabis, légale, de perdre sa licence s'il se met à vendre autre chose,
27:05que cet effet-là de complémentarité, si on veut, de gamme, il n'est pas du tout là.
27:11Dans aucune boutique officielle de cannabis, on va vous présenter aussi systématiquement et aussi facilement d'autres produits stupéfiants.
27:21Donc cet effet de contagion ou d'escalier, etc., d'une drogue à l'autre, il est beaucoup plus lié à la prohibition que à l'encadrement.
27:32L'encadrement légal permet de briser cette association.
27:35Oui, parce qu'en fait, les trafiquants, les dealers n'ont pas attendu à l'égalisation pour aller vers d'autres drogues.
27:41Là, ça fait à peu près dix ans que les réseaux de deals se sont mis à proposer toutes sortes de produits.
27:53Alors qu'avant, on avait un vendeur spécialisé dans le cannabis.
27:56Maintenant, ce même vendeur va pouvoir proposer des drogues de synthèse, du cannabis, de la résine de cannabis.
28:01Je pense que justement, comme tu disais, la prohibition finalement, c'est l'ouverture d'un marché total.
28:09Parce que si le cannabis est légalisé, c'est une manne financière en moins.
28:16Oui, mais il faut quand même rappeler que le gros marché de masse, c'est le cannabis.
28:19Surtout les produits dont on parle, là, ça n'a rien à voir le volume de vente du cannabis.
28:28Et en valeur, ça n'a rien à voir avec ce qu'on peut voir sur d'autres drogues, qui restent, en tout cas jusqu'à une période récente,
28:36qui restent beaucoup moins généralement consommées, ou beaucoup moins consommées par une part importante de la population.
28:41Justement, sur la manne financière...
28:43On ne va pas peut-être parler du 3MMC, qui fait l'actualité pour d'autres raisons.
28:45Il y avait une question de MaxiChippy75 dans le chat qui disait,
28:50est-ce que c'est justement une manne financière importante aujourd'hui pour les états qui ont passé le cap de la légalisation du cannabis ?
28:56Encore une fois, c'est assez variable d'un état à l'autre.
29:00Ça dépend des états qui ont fait le choix d'avoir un niveau de taxes relativement bas,
29:05notamment pour lutter très très vite contre le marché noir,
29:09pour que le prix de vente légal soit inférieur au prix de vente du trafic.
29:15Donc là, il y a moins de recettes fiscales.
29:19Dans tous les cas, je dirais, on n'est pas sur un marché dont les taxes peuvent sauver les finances publiques qui sont dans un très mauvais état.
29:31Si on met à l'échelle de la France, compte tenu des niveaux de consommation, des niveaux de vente qu'on peut estimer par ailleurs,
29:40et des niveaux de taxes qu'on pourrait anticiper, on est de l'ordre de plusieurs milliards de recettes fiscales,
29:47peut-être de 3 à 5, certains disent un peu plus.
29:50On est loin d'être dans l'épaisseur du trait.
29:53On n'est pas non plus dans la résolution des déficits de 5% du PIB.
30:00On est entre les deux.
30:02En tout cas, c'est loin d'être négligeable.
30:06Ce n'est pas du tout anecdotique.
30:07Oui, il y a de la redistribution dans certains états de l'argent obtenu grâce à ces taxes sur le cannabis légale.
30:15Il y a des états, d'ailleurs, où l'Etat s'était interdit de récolter plus qu'un certain montant de recettes fiscales sur ces produits.
30:25Et donc, au Colorado, par exemple, c'est la troisième.

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