• il y a 2 mois
Sandrine Josso est députée de la 7e circonscription de Loire-Atlantique. ll y a un an, la députée a été victime de soumission chimique, droguée à son insu par un ami sénateur. Sandrine Josso décide alors de porter plainte et de médiatiser son affaire pour en faire un combat politique au nom de toutes les victimes. Le premier ministre lui a confié une mission et la députée a six mois pour remettre des préconisations au gouvernement. Une mission qui commence alors même que le procès Pélicot vient d'ouvrir un débat public sur la soumission chimique. Comment libérer la parole des victimes ? Comment faciliter la course contre la montre d'une victime de soumission chimique à l'hôpital ? Quelles solutions pour une meilleure information au public et une détection plus accessible ?
Un reportage réalisé par Maïté Frémont, Mathieu Lépine, Marion Devauchelle et Bertrand Martineau.

C'est une partie essentielle du travail parlementaire qui est de nouveau mise en lumière à travers ce reportage où les journalistes de la rédaction suivent un député dans sa circonscription pour expliquer son travail sur le terrain. C'est aussi un voyage sur un territoire, avec ses enjeux locaux, et une rencontre avec ses habitants. Suivez votre député sur LCP !

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Transcription
00:00C'est sûr que ce procès va faire avancer les choses, parce que vous vous rendez compte
00:16tout ce dont on parle.
00:21C'est assez choquant comme histoire.
00:22C'est pas aux femmes de faire attention de laisser leur père, c'est aux hommes de
00:23pas mettre de la drogue dans les verres des femmes.
00:25Quand on est victime, on est un peu mise de côté, on ne nous croit pas, c'est un peu
00:31la honte, entre guillemets, et qu'il ne faudrait pas en faire, il faudra en parler et assumer
00:35pleinement que ce n'est pas normal.
00:44Sandrine Jossot, députée de la 7e circonscription de Loire-Atlantique.
00:48Nous sommes ici au Palais de Justice d'Avignon où a lieu un procès hors norme dont le
00:55sujet est la soumission chimique.
00:57Une femme, Gisèle Pénicaud, a été droguée à son insu par son mari.
01:02C'est un procès que je viens observer parce que j'ai un combat aujourd'hui qui est la
01:09soumission chimique étant donné que j'ai déjà été moi-même victime et à la tête
01:14d'une mission gouvernementale sur le sujet.
01:20Ce vendredi-là, Sandrine Jossot est venue soutenir Caroline Darrian, la fille de Gisèle
01:25Pénicaud, lors de son témoignage.
01:31Elle est aussi revenue, Caroline Darrian, sur la révélation qui la concerne, plusieurs
01:36photos d'elle, des photos prises à son insu, elle comprend et alors elle est persuadée
01:42elle aussi d'avoir été droguée.
01:49Les deux femmes, unies par le même combat, sont devenues très proches.
01:53La députée est la marraine de l'association créée par Caroline Darrian.
01:57Celle-ci a décidé de garder le silence le temps du procès.
02:01Et c'est Sandrine Jossot qui prend son relais face à la presse ou au public.
02:06Juste un peu de votre statut, est-ce qu'on ne pourrait pas organiser, et qui pourrait
02:13le faire, je ne sais pas, mais un rassemblement de femmes, parce que moi je suis puissante,
02:18je suis petite, mais je suis quand même concernée, peut-être des petites filles,
02:23peut-être des mères après deux mois, c'est tout, on a tous un point commun avec elles,
02:27nous sommes toutes des femmes.
02:29C'est quelque part un cas d'étude, à plein d'endroits, je peux aujourd'hui en venant
02:34ici rencontrer des personnes, des experts, mais aussi des avocats, des associations.
02:40Un procès historique qui lève un tabou sur ces violences sexuelles.
02:48Vous êtes avec moi dans la salle d'audience, et c'est intéressant de se rendre compte
02:54à quel point c'est important de briser le silence.
02:56On a toujours entendu des victimes et des professionnels du droit, avocats comme magistrats,
03:02évoquer le huis clos comme étant dans l'intérêt de la victime, et c'est intéressant aujourd'hui
03:08qu'on écoute la parole des personnes victimes de ce procès et qu'ils disent que dans leur
03:13intérêt, cette audience doit être publique.
03:16La levée du huis clos permet aussi à la Cour, mais aussi à la France entière, de
03:22voir que finalement, on est capable de parler de certains sujets qu'aujourd'hui, il va
03:30falloir mûrir, c'est-à-dire parler de la sexualité, de choses très intimes de la
03:35femme, de ce qui se passe pendant les viols, donc là, on brise le silence à plein d'endroits.
03:46Grâce au débat public ouvert par le procès Pellicot, la députée espère que les victimes
03:52n'aient plus honte de porter leurs affaires devant la justice.
03:56Seulement une victime sur dix porte plainte, ce que Sandrine Josseau a elle-même fait
04:01il y a un an.
04:03Moi, c'est la première fois que je vis une violence sexuelle, c'est la première fois
04:08de ma vie.
04:11En novembre 2023, Sandrine Josseau a été victime de soumission chimique, droguée
04:16à son insu par un ami sénateur qu'elle connaissait depuis dix ans.
04:21Je pense qu'on ne s'en remet jamais totalement en vrai, ça apporte une vraie, comment on
04:27peut dire, ça nous apporte une tristesse, quelque part en nous.
04:33Des fois, je suis mais en vrac total, donc des fois, j'ai des matinées quand j'apprends
04:39certaines choses, etc.
04:41Je suis épuisée, donc je dois me reposer après un petit temps, après je recommence,
04:48je remonte sur le ring, mais c'est épuisant, mais c'est inimaginable.
04:54On peut aller chercher quelque chose avec ces douleurs-là, ça peut se transformer en
05:01action.
05:02La députée a très vite médiatisé son affaire et en a fait un combat politique.
05:08Je le fais pour les victimes, parce que comme je suis députée, je me dois, en cohérence
05:19avec la représentation que je porte, dire les choses pour ces personnes qui ne peuvent
05:27peut-être pas aussi facilement que moi avoir une tribune.
05:30De victime, elle est devenue actrice et s'investit dans une mission gouvernementale, stoppée
05:38nette par la dissolution, mais aujourd'hui relancée.
05:41Pour moi, la soumission chimique, c'est en même temps un empoisonnement et un crime
05:49prémédité.
05:50C'est quand même, je pense, une des formes de violences sexuelles les plus, je ne sais
05:59pas comment vous dire, les plus pernicieuses en vrai.
06:04Quand, avec la sénatrice, on a commencé nos auditions, on a réfléchi à savoir par
06:11quoi on commence.
06:12Et toutes les deux, on a été d'accord sur le fait qu'on devait commencer avec des victimes.
06:19Dans ce livre blanc, la députée compile des centaines de témoignages de victimes
06:25qu'elle reçoit chaque jour.
06:27Je n'ai plus que ma robe et mes chaussures, mes autres affaires sont trempées, je m'enfuis,
06:32ma culotte et mes collants à la main, je n'ai jamais vécu un moment aussi angoissant
06:36de ma vie.
06:37C'est plein de détails, c'est comme si j'avais levé un voile.
06:43Je me dis, mais il y a tout ça.
06:46Toutes les victimes, je pense, doivent être recensées, il faut qu'on fasse des choses
06:52pour faciliter le recensement des victimes, qu'elles veuillent porter plainte ou pas.
06:57Combien sont-elles vraiment à franchir la porte d'un commissariat ? Selon les derniers
07:05chiffres, 2000 personnes ont porté plainte pour soumission chimique en 2022, un chiffre
07:11en hausse de 69% par rapport à l'année précédente.
07:14Mais, avant même l'enquête judiciaire, une course contre la montre s'enclenche,
07:24celle pour obtenir des éléments de preuve.
07:33A l'hôpital de Nantes, il existe un parcours pour accueillir les victimes de soumission
07:37chimique.
07:43Et vous, c'est combien par jour de femmes que vous envoyez ?
07:47Sur les soumissions chimiques, on sait qu'à peu près, on envoie, on va dire, je sais
07:54que pour les agressions sexuelles, on envoie à peu près une quinzaine par an.
07:58Elles ont un trou noir, elles ne savent pas ce qui s'est passé, elles se posent plein
08:01de questions, elles ont des éléments où elles se disent, là, je ne reconnais pas
08:05les lieux, mes habits ne sont pas les miens, je me suis retrouvée dans une tenue.
08:11Donc là, vraiment, c'est le trou noir.
08:13Et là, effectivement, tous les indicateurs sont là.
08:15Que c'est la soumission chimique.
08:16Il y a eu une agression sexuelle.
08:17Oui.
08:18Bonjour madame.
08:19La patiente est d'abord entendue et examinée médicalement, le temps est compté, les traces
08:26des drogues s'estompent au bout de huit heures.
08:31Donc là, c'est la salle de consultation.
08:33C'est la salle des médecins.
08:34On ne juge pas, on essaie de la réinvestir dans le fait que, ben voilà, on est là pour
08:38elle, qu'il faut qu'elle raconte ce qu'elle a éventuellement subi, ce qu'elle pense avoir
08:42eu comme coups et blessures, comme violences, comme sévices, éventuellement de nature sexuelle,
08:49pour essayer effectivement de faire comprendre qu'on est là pour elle, pour déterminer
08:52effectivement qu'elle a été sous l'objet d'une soumission chimique, qu'elle a été
08:56victime d'agression, qu'elle a subi des violences, éventuellement sexuelles, dans
09:01le but effectivement de recueillir des éléments de preuve.
09:03Les échantillons biologiques, l'urine et le sang de la patiente vont ensuite être
09:09analysés ici, au service toxicologique de l'hôpital.
09:13L'alcool, médicaments ou encore drogue vont être recherchés avec un matériel performant
09:19dont s'est doté le CHU.
09:22En fait, on ne peut pas faire des examens comme ça de sang n'importe où.
09:28Ici, on est au CHU de Nantes, donc tout est concentré.
09:31Mais si vous êtes ailleurs, en pleine campagne, très loin du CHU de Nantes, vous avez très
09:37peu de chances d'accéder à des preuves comme ici finalement.
09:40Exactement, c'est beaucoup plus difficile pour les victimes de pouvoir faire l'objet
09:44d'investigation pour mettre en ajour des preuves.
09:47Les analyses sont gardées sous scellés durant trois mois, un temps qui peut s'avérer
09:53précieux.
09:54On a vu qu'on peut conserver des scellés, donc ça c'est aussi très rassurant.
09:58Donc ça permet aussi d'avoir une souplesse et de prendre en compte le temps de la victime.
10:05Il faut que, par exemple, tous les commissariats soient mieux coordonnés avec les travaux
10:10qui sont faits dans les CHU pour faire en sorte qu'on puisse avoir des preuves quand
10:15les victimes souhaitent porter plainte.
10:17Trois soumissions chimiques sur quatre sont aujourd'hui dues à des anxiolytiques et
10:22autres médicaments que l'on peut trouver dans nos armoires à pharmacie.
10:27Pour permettre une meilleure information au public et une détection plus accessible,
10:39la députée souhaiterait mettre à contribution les pharmaciens.
10:43Bonjour, vous allez bien ? Ça va et vous ? Ça va bien, merci.
10:51J'ai besoin d'avoir vos retours sur plusieurs sujets.
10:56Est-ce qu'il n'y aurait pas un endroit, par exemple comme dans une pharmacie, une
11:00possibilité de créer ce qui serait comme un kit du lendemain que vous pourriez avoir
11:09à disposition ?
11:10Sandrine Jossot propose que ces kits soient en vente dans toutes les pharmacies et remboursés,
11:18à l'intérieur des tests urinaires qui faciliteraient le parcours de la victime,
11:23mais aussi des numéros d'urgence pour mieux les accompagner psychologiquement.
11:27Ce kit du lendemain, c'est quelque chose qui est intéressant aussi par rapport à
11:33ce que vous savez faire, parce que vous faites quand même énormément de prévention dans
11:37votre métier.
11:38Bien sûr, ce kit est une très bonne idée, il s'inscrit d'autant plus dans nos missions
11:42de pharmaciens.
11:43Vous avez dit premier secours, dans nos nouvelles missions de pharmaciens, on est surtout un
11:47premier recours.
11:49C'est vrai que vous êtes partout, vous êtes même ouvert le dimanche, il y a toujours
11:52des pharmacies de garde.
11:53Ce qu'on va faire concrètement dans la continuité de notre mission, c'est auditionner
11:59tous les pharmaciens pour voir où on en est, est-ce qu'il y a des difficultés, comment
12:04y remédier.
12:05Et puis, travailler avec vous qui au quotidien, en fait, pourriez aussi bien être des vigis
12:14par rapport au détournement du médicament, et aussi des personnes ressources lorsque
12:21une personne a une suspicion de soumission chimique, une victime arrive, vous puissiez
12:27lui proposer le kit du lendemain.
12:30L'idée fait déjà son chemin dans les cabinets ministériels.
12:38Sandrine Josseau a six mois pour remettre toutes ses préconisations au gouvernement.

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