• il y a 2 mois
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Flavie Flament reçoit Maryse Burgot, grand reporter, pour répondre à la question : reporter de guerre, comment travailler au péril de sa vie ?

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Transcription
00:00Bonjour, Maryse Burgo.
00:01Bonjour.
00:01Bienvenue dans cette émission que vous connaissez bien.
00:03Bah oui.
00:04C'est un petit peu l'événement, en fait.
00:06C'est un peu votre maison, ici. Vous avez travaillé à Télématin ?
00:08Oui, j'ai commencé, en fait, ici.
00:10Je me levais très tôt, comme vous, là.
00:12Vous êtes l'autrice d'un livre,
00:14« Loin de chez moi, grand reporter et fille de paysan »,
00:17qui paraît demain aux éditions Fayard.
00:19Et c'est un livre hyper inspirant sur votre parcours
00:22et c'est un livre aussi bouleversant sur tout ce que vous avez pu voir,
00:25parce que vous êtes témoin du monde et vous êtes aussi passeuse.
00:29Rien ne vous prédestinait à sillonner la planète au péril de votre existence,
00:33parce que, comme moi, vous avez grandi finalement
00:36dans les champs et les mains dans la terre.
00:38Oui, oui, parce que mes parents sont agriculteurs,
00:40paysans bretons.
00:42Ils sont des gens qui…
00:44On les voit, là, vos parents, avec votre livre dans les mains.
00:47Oui, parce que l'une de mes sœurs, Joëlle,
00:50était à la maison quand ils ont reçu le livre cette semaine-là
00:54et elle a fait cette photo et je l'ai trouvée merveilleuse
00:56parce qu'ils sont tellement souriants.
00:59Ce sont mes parents.
01:00Je vois leur fierté et je vois le chemin que j'ai parcouru.
01:05Voilà, j'ai vécu dans un milieu très rural, très agricole,
01:08très bienveillant, ultra bienveillant, très travailleur.
01:11Mais on n'avait pas beaucoup de livres à la maison,
01:13on n'en avait pas, en fait, c'est pas un milieu intellectuel.
01:15Alors, c'était pas écrit mon parcours,
01:21mais je leur dois tout néanmoins et je serai très, très fière de mes parents.
01:24Et eux sont fiers, évidemment, de vous, j'imagine,
01:27puisque tout Bazouge-la-Pérouse, ce village dont vous êtes originaire,
01:30est branché sur France Télévisions.
01:32Bah oui, c'est-à-dire que s'il y a bien un endroit où je suis un peu une star,
01:36c'est quand même à Bazouge-la-Pérouse, un peu plus de 1000 habitants.
01:39Et c'est vrai que j'y connais tout le monde, c'est mon enfance,
01:43c'est là que j'ai grandi.
01:44Donc, en effet, c'est un village où tout le monde me connaît.
01:47Alors, ils ont connu la petite Maryse, la Maryse des Champs,
01:51et puis ils voient aussi la Maryse que l'on voit là sur les terrains,
01:54sur le front, au travers du monde.
01:57Être grand reporter, écrivez-vous, c'est la chance de ma vie.
02:00Et ça, c'est quelque chose, en fait, que vous dites encore aujourd'hui,
02:02en dépit de tout ce que vous avez vu du monde,
02:05en dépit aussi de ce que vous avez enduré,
02:07et je dirais même en dépit de la pire épreuve de votre vie,
02:09c'est que vous avez, en 2000, été otage, avec votre caméraman
02:13et votre preneur de son, du groupe Abu Sayyaf.
02:17C'était aux Philippines, sur l'île de Jolo.
02:20En dépit de tout ça, vous dites effectivement que c'est la chance de votre vie.
02:24Ah mais quel immense privilège !
02:27Moi, je me lève le matin,
02:28je ne sais pas systématiquement ce que je vais faire dans la journée.
02:31Je peux me retrouver à l'autre bout de la planète
02:36pour couvrir un conflit ou pas, d'ailleurs,
02:38parce que je ne fais pas que les conflits.
02:39Ça, ce sont des images de la libération quand j'étais otage.
02:43Voilà, quand vous avez été otage,
02:45votre détention va durer sept semaines, Maryse Burgo,
02:49et ça a été, vous le dites, la pire épreuve de votre vie.
02:51Vous n'êtes pas dit à un moment donné que tout ça, ça n'en valait pas la peine ?
02:54Non, au contraire, c'était une épreuve, c'est une cicatrice.
02:59À jamais, ce moment que j'ai passé avec mon équipe,
03:04prisonnière dans la jungle d'un groupe de terroristes radicaux.
03:08Mais je n'allais certainement pas leur offrir cette victoire,
03:12de briser en plus ma carrière.
03:14Donc, ils ne m'ont pas brisé et c'est moi qui ai gagné sur ce coup-là.
03:18Vous rentrez d'Israël, vous avez passé cinq semaines, plus d'un mois,
03:22vous avez couvert la guerre en Ukraine, l'Inde, le Kosovo, l'Afghanistan, l'Irak.
03:27En fait, partout où le son coule au nom de la guerre,
03:31et pourtant, vous ne posez pas, et c'est ça, moi qui m'assiduais à la lecture de votre livre,
03:34vous ne posez pas sur le monde un regard, je dirais, désespéré.
03:39Pire, vous êtes même optimiste.
03:41Y a-t-il d'autres choix que d'y croire ? Écrivez-vous.
03:44Oui, pour nos enfants, nous avons un devoir d'optimisme
03:48et puis moi, je vois toujours dans les tragédies où que j'aille,
03:52il y a toujours une personne qui vous fait une rencontre,
03:55et souvent, je les cherche d'ailleurs, ces rencontres,
03:58qui vous fait dire que tout n'est pas absolument noir.
04:00Comme en Ukraine, où j'ai croisé cette femme qui avait sauvé un soldat ukrainien
04:06qui a été torturé par les Russes,
04:07elle l'a caché dans sa cave pendant des mois et des mois.
04:10Elle aurait pu être tuée par les Russes, elle était sous occupation russe à ce moment-là.
04:14Elle l'a fait parce que c'était une juste, d'une certaine manière,
04:17elle l'a fait au péril de sa vie.
04:19Quelle magnifique histoire !
04:20Moi, j'étais bouleversée de rencontrer cette personne, bouleversée.
04:23Je conseille vraiment votre livre parce que justement,
04:25il est jalonné de rencontres et de rencontres aussi avec des enfants.
04:28Les enfants, on les a vus dans vos reportages,
04:31d'aucuns vous ont accusé un peu d'abuser de ces images-là pour sensibiliser le monde.
04:35Vous, vous l'assumez.
04:36On n'a pas beaucoup de temps malheureusement,
04:37mais c'est vrai que la question qu'on peut se poser quand on voit ces images-là
04:40et quand on lit votre livre, c'est comment est-ce qu'on peut reprendre une vie normale après ?
04:43Et comment est-ce qu'on peut travailler au péril de sa vie ?
04:46Vous savez, vraiment, les gens que nous filmons avec...
04:51Moi, je travaille en équipe avec un géri,
04:53je suis en ex-reporteur d'images, souvent un monteur et un fixeur.
04:58J'ai l'habitude de vraiment ne jamais me plaindre
05:01parce que ce sont les gens que nous filmons qui sont...
05:05Vous voyez, là, on est en Ukraine.
05:07Ce sont les gens qui souffrent, nous, pas du tout.
05:08Donc vraiment, c'est parfois difficile pendant trois, quatre semaines.
05:13Enfin moi, quand je reviens, je suis dans ma maison bien confortable.
05:16Je vous le dis d'ailleurs, je fais le ménage de façon méthodique,
05:18je m'occupe du linge sale, je reprends une vie normale.
05:21Oui, je crois que c'est ma manière d'atterrir dans la vraie vie,
05:25celle qui est la mienne, et puis de mettre un peu de normalité aussi autour de moi.
05:30J'ai des enfants, je ne vais pas leur raconter mes guerres en permanence.
05:33Ils ont leur propre vie.
05:35Et vraiment, par respect pour les civils à qui nous parlons,
05:38il n'est pas question une seule seconde que j'ai des états d'âme ou que je me plaigne.
05:42Personne ne m'oblige à aller faire ça.
05:44Au contraire, j'ai envie de continuer à faire ce métier.
05:48Donc, aucun état d'âme.
05:50Donc, vous n'irez pas tailler vos rosiers et prendre le large.
05:53Merci beaucoup, Maryse Burgo, « Loin de chez moi »,
05:55c'est un livre vraiment que je vous conseille, bouleversant.
05:58Grand reporter et fille de paysan, c'est aux éditions Fayard.
06:00Merci à vous.

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