Des mineurs de l'Aide sociale à l'enfance du Nord disent avoir subi des violences lors de séjours organisés dans des familles qui n'avaient aucune autorisation pour les accueillir. Ancien président du Conseil départemental du Nord, Jean-René Lecerf répond aux questions de France Bleu Nord.
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00:00Bonjour Jean-René Le Serre, ces adolescents, il y a quelques années on aurait parlé d'enfants de la DAS pendant 7 ans.
00:05Entre 2010 et 2017, ces mineurs de l'aide sociale à l'enfance ont été envoyés en séjour dans l'Indre, en Creuse ou en Haute-Vienne.
00:12La ZEU est un service du département, vous avez pris la tête du département du Nord en 2015.
00:17Quand est-ce que vous avez été mis au courant de cette affaire ?
00:19J'ai été mis au courant de cette affaire début 2018, c'est-à-dire que cette affaire c'était une omerta totale.
00:24Et bien sûr j'ai des relations cordiales avec mes prédécesseurs, que ce soit Bernard de Rosier, que ce soit Patrick Cannaire, Didier Manier,
00:30les anciens présidents qui ont également été exercés leurs responsabilités pendant effectivement ces dérives.
00:36J'ai appris les choses, non pas par mes services, je les ai appris par la gendarmerie, par les autorités judiciaires.
00:42Donc à partir du moment où j'étais au courant, j'ai fait ce qu'auraient fait mes prédécesseurs, parce que je parle aussi un peu en leur nom.
00:50C'est-à-dire que j'ai immédiatement mis fin à ces pratiques, et puis j'ai procédé à une refonte globale du service de l'aide sociale à l'enfance.
00:57J'ai appelé l'une des spécialistes les plus connues en France de ces problèmes, qui a pris la tête du service, qui a fait venir ses collaborateurs,
01:07et je pense que le climat a changé totalement à partir de ce moment-là.
01:10Aucune alerte n'est remontée jusqu'à vous entre 2015-2017, non plus chez vos prédécesseurs,
01:17alors que l'enquête de la CELU et l'investigation de Radio France a permis de révéler que des signalements avaient été remontés pour le coup jusqu'au service de l'ASE, de l'aide sociale à l'enfance.
01:24C'est-à-dire qu'il n'y a pas eu de communication entre l'aide sociale à l'enfance et la présidence du conseil départemental.
01:30Aucune. En plus, si vous voulez, il y a aussi des vice-présidents en charge de l'aide sociale à l'enfance qui, pas davantage, n'ont été mis au courant.
01:37On a un peu l'impression, si vous voulez, qu'il y a eu, de la part d'un très petit nombre de personnes, des services, une sorte d'omerta sur ce dossier,
01:46parce que ce dossier était déjà relativement ancien. Des collaborateurs, des amis des uns et des autres étaient peut-être impliqués,
01:52parce qu'il y a aussi des autorités en charge de la tarification qui ont dû être au courant.
01:56Parce que lorsque vous tarifiez, lorsque vous payez, vous devez vérifier également que la structure est effectivement agréée, bien sûr.
02:03Alors c'est quand même une double souffrance, si vous voulez, pour les présidents précédents comme pour moi.
02:08Une souffrance devant, bien sûr, la maltraitance des enfants, qui est avérée,
02:11et une souffrance devant le fait qu'il y a aujourd'hui un risque de stigmatisation des travailleurs sociaux, des éducateurs,
02:17des familles d'accueil qui, dans leur immense majorité, font un travail tout à fait remarquable.
02:20Vous parlez d'un petit groupe de personnes, à priori, selon vous, qui auraient continué à confier ces enfants, ces adolescents, à ces familles dans l'Indre,
02:29dans la Creuse ou encore en Haut-Dienne. Pourquoi est-ce qu'ils ont continué à le faire, s'ils avaient eu des alertes ?
02:34Écoutez, d'une part, le fait qu'il y ait des déplacements qui soient hors département n'est pas critiquable,
02:40puisque vous avez parfois, au niveau du monde, des alertes, il y avait des suspicions de violences.
02:45Pourquoi est-ce qu'on a continué à les confier à ces familles ?
02:47Il va de soi que ces alertes n'ont pas dû être prises suffisamment au sérieux par des responsables,
02:53et même des hauts responsables, effectivement, au niveau des services.
02:56Après, si vous voulez, moi, je ne veux pas faire le travail de la justice.
02:59La justice, aujourd'hui, n'a pas appelé les responsables de l'époque.
03:06Elle n'a pas davantage appelé les présidents de départements,
03:09mais les uns et les autres sont bien évidemment à la disposition de la justice.
03:12Il y a le travail du président de département qui dirige 10 000 personnes,
03:17qui gère 20 000 enfants sous la prédiction de l'enfance dans le département du Nord.
03:20Moi, je m'intéressais davantage, à l'époque, à essayer de gérer l'arrivée massive des mineurs étrangers isolés,
03:26et je me suis occupé plus de l'avenir que du passé, si je peux m'exprimer ainsi.
03:30Ces personnes qui ont géré ce dossier, qui étaient au courant, elles ont tous été sanctionnées ?
03:34Non, parce que je n'ai pas cherché à savoir qu'elles étaient effectivement dans un petit bureau de la tarification la personne qui était en cause.
03:44En revanche, les personnes qui dirigeaient l'Aide sociale à l'enfance ont été mutées.
03:488h moins 10, vous êtes sur France Bleu Nord, nous sommes en direct avec Jean-René Le Serre,
03:52ancien président du Conseil départemental du Nord entre 2015 et 2020.
03:56Jean-René Le Serre, il a annoncé cette affaire, le volet maltraitance dont on vient de parler,
03:59et au départ, l'Aide sociale à l'enfance a quand même confié des adolescents à une association qui n'avait aucun agrément, aucune autorisation.
04:05Comment c'est possible au départ ?
04:07C'est-à-dire qu'ils ont été débordés de ce que vous disiez tout à l'heure, l'arrivée massive de mineurs dont il fallait s'occuper.
04:12L'arrivée massive de mineurs, elle date pas de 2010, elle est bien postérieure.
04:16Donc au départ...
04:17C'est-à-dire qu'il y a eu zéro contrôle au début pour savoir si cette association avait un agrément ?
04:20Je pense qu'au départ, effectivement, il y a des...
04:24Non pas des excuses, mais des explications qui sont effectivement le fait que l'Aide sociale à l'enfance est une responsabilité extrêmement lourde, extrêmement difficile,
04:33que vous avez des enfants qui sont des enfants extrêmement difficiles à placer également,
04:37et que les travailleurs sociaux se retrouvent dans l'obligation, en quelque sorte,
04:40ou de les placer ou de les laisser dans un milieu qui est un milieu particulièrement anxiogène, si je peux m'exprimer ainsi, et j'emploie un doux euphémisme.
04:47Donc il y a eu aussi la tentation de se dire, il y a des gens qui acceptent effectivement ces enfants-là,
04:54dans l'Indre, dans Lyon également,
04:58eh bien, on espère que ça se passera bien.
05:01Mais bon, ce sont des fautes qui sont des fautes qui me paraissent indiscutables.
05:05Cette vingtaine de personnes qui sont jugées à partir d'aujourd'hui à Châteauroux,
05:08est-ce que le département a lancé une procédure contre elles ?
05:11Vous avez quand même donné plus de 600 000 euros à ces familles,
05:14donc qui n'avaient pas d'agrément, encore une fois, pas d'autorisation, c'est de l'argent public, tout ça.
05:18Est-ce que vous considérez que le département est aussi victime ?
05:22Le département n'est pas cité dans ce procès.
05:24Pourquoi vous n'êtes pas porté parti civil dans ce procès ?
05:26Il y a une règle qui s'appelle la règle des mauditures.
05:29Personne n'est autorisé devant les juges à se réclamer de sa propre turpitude.
05:34En l'espèce, c'est extrêmement difficile que le département qui a fauté
05:37vienne effectivement en réclamation dans ce cadre-là.
05:41Moi, je ne l'ai pas décidé et je pense que mon successeur n'en a pas décidé davantage.
05:45Ce qui va venir après ce procès, ce qu'on entend déjà chez ceux qui travaillent à l'aide sociale à l'enfance,
05:51c'est l'opprobre, la stigmatisation des travailleurs sociaux qui travaillent pour ce service,
05:56des gens qui ont une partie de vocation dans leur métier,
05:59qui expliquent qu'eux aussi ont appris ça.
06:02Qu'est-ce que vous voulez leur dire ?
06:03Aujourd'hui, vous avez travaillé avec eux lors de votre présidence,
06:08ce sont ces gens qui se sentent mal aujourd'hui de travailler à l'ASE quand ils voient ce qui s'est passé.
06:11Je les connais bien, mais ces gens ont un amour de leur travail qui est absolument indiscutable,
06:17une empathie avec les enfants qui est absolument également indiscutable.
06:20Donc, ils font un travail remarquable.
06:22Je pense qu'ils ont repris confiance à partir du moment où Anne de Vreze,
06:25c'est la personne que je citais tout à l'heure, est arrivée
06:28et où ils ont vu qu'il y avait effectivement une modification totale
06:31dans le fonctionnement de l'aide sociale à l'enfance.
06:34Maintenant, la meilleure façon de leur exprimer notre reconnaissance,
06:37c'est d'essayer de trouver les moyens pour que l'aide sociale à l'enfance ait des moyens supérieurs,
06:40financiers et davantage d'embauches.
06:43Moi, j'ai travaillé pour tenter de recruter des assistants familiaux.
06:46Dans les mairies, je suis allé effectivement faire la promotion de ce métier.
06:52Aujourd'hui, il y a davantage d'assistants, alors qu'il n'y en avait pour ainsi dire pas autrefois,
06:56il n'y avait que des assistants.
06:57Donc, c'est bien qu'il y ait effectivement des deux.
06:59Vous êtes optimiste sur l'avenir de l'ASE ?
07:01Je suis optimiste modérément parce que vous savez qu'aujourd'hui,
07:04notre pays rencontre des difficultés financières importantes
07:07et que dans les économies, sont prévues également les économies vis-à-vis des collectivités,
07:10donc des départements.
07:11Les départements, déjà, ont beaucoup de mal à s'en sortir
07:13sur les problèmes du grand âge et sur le problème du handicap.
07:16Il faut absolument que, d'une manière ou d'une autre,
07:18on arrive à sanctuariser les crédits départementaux consacrés à l'aide sociale à l'enfance.
07:22Ou alors, si on n'en est pas capable, il faudra retransférer cette compétence à l'État.
07:26Jean-René Le Serre, ancien président du Conseil départemental du Nord.
07:29Merci beaucoup d'avoir répondu aux questions de France Bleu Nord ce matin.
07:32Bonne journée.
07:33Bonne journée.
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