L'homme d'affaires vedette de la tech et des télécoms français est l'auteur de "Une sacrée envie de foutre le bordel", qui retrace son parcours de Créteil à la création de Free. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-mardi-01-octobre-2024-2302424
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00:00Et avec Léa Salamé, nous recevons ce matin, dans le Grand Entretien, le fondateur du
00:04groupe Iliad Free, il publie un livre d'entretien avec Jean-Louis Missica intitulé « Une sacrée
00:12envie de foutre le bordel », c'est publié chez Flammarion.
00:16Et on attend vos questions et vos réactions au 01-45-24-7000 et sur l'application de
00:23Radio France.
00:24Xavier Niel, bonjour.
00:25Xavier Niel, bonjour.
00:26Xavier Niel, bonjour.
00:28Dans ce livre donc, vous revenez sur votre étrange parcours qui a fait d'un enfant
00:32de Créteil, l'un des patrons les plus puissants et les plus riches de France.
00:37On rappelle que vous avez fondé un mastodonte de l'internet, des télécommunications,
00:43que vous avez financé des myriades de start-up, que vous avez fondé Station F, le plus grand
00:50campus de start-up au monde, l'école 42, totalement gratuite, vous êtes aussi patron
00:56de presse avec des titres comme Le Monde, L'Obs ou Télérama… Je m'arrête là
01:00pour vous demander ce qu'est ce livre, Xavier Niel ? Une autobiographie, une confession,
01:09un manuel pour devenir milliardaire ? Pourquoi cette sacrée envie de foutre le bordel ? C'est
01:15votre besoin à vous de lutter contre l'embourgeoisement, contre le sommeil et le conformisme de la
01:22bourgeoisie ?
01:23Il y a pire comme question.
01:24Non, l'idée c'était simplement de raconter un parcours et de donner envie, ou de dire
01:29à tout un chacun que c'est possible de faire quelque chose de sa vie, quel que soit
01:32son passé.
01:33Vous l'avez rappelé, je suis allé en prison, j'ai arrêté mes études à 18 ans, j'ai
01:38fait énormément de conneries, de bêtises, j'ai passé mon temps à me planter.
01:42Mais au bout, quand on a envie, on peut faire des choses.
01:45Et c'est ça, c'est d'essayer de donner envie à des gens, des jeunes, de se prendre
01:49en main et de faire des choses.
01:50Il y a des gens qui me disent que c'est un livre politique, moi je pense que c'est
01:53exactement l'inverse.
01:54C'est un livre antipolitique, c'est un livre qui consiste à dire arrêtons de nous
01:56reposer sur les politiques, qui sont là pour mettre des structures, tant mieux pour eux,
01:59mais prenez-vous en main, faites des trucs, faites des choses.
02:02On va parler des politiques et c'est vrai que d'une certaine manière, il faut dire
02:04aux parents qui nous écoutent et qui ont des ados qui ne sont pas forcément bons à
02:08l'école comme vous, qui n'étaient pas forcément à l'aise avec eux-mêmes ou
02:11avec leur corps comme vous, vous racontez aussi le timide que vous étiez, qu'il ne
02:16faut pas désespérer, que peut-être ils peuvent devenir Xavier Niel.
02:19Mais quand même, vous avez fait un Olympia il y a une dizaine de jours, un stand-up
02:23qui nous a un peu étonnés sur le thème « comment devenir milliardaire en une heure
02:26». On s'est demandé si c'était la crise de la cinquantaine, Xavier Niel.
02:29Dans votre livre, vous parlez des start-upers de la Silicon Valley qui se rêvent en maître
02:33du monde.
02:34Vous écrivez « ils disent beaucoup de conneries parce qu'ils ont trop de fric et qu'ils
02:37s'emmerdent ». Est-ce aussi votre cas ?
02:38Alors je ne sais pas si je m'emmerdais, je ne suis pas sûr de m'emmerder.
02:41En tout cas, c'était une expérience différente.
02:44C'est l'éditrice de ce livre qui, plein de flatteries, m'a dit « après Michel
02:47Obama, c'est toi, il faut y aller ». J'ai dit « ouais, on l'air » et je me suis
02:50retrouvé deux mois après à l'Olympia.
02:51Donc, ce n'était peut-être pas complètement prévu et on a voulu le faire sérieusement
02:55en essayant de faire quelque chose qui pouvait attirer un public jeune.
02:58J'ai des copains qui ont plus de 80 ans, même un copain qui a plus de 90 ans qui est
03:01venu me voir.
03:02Je pense qu'il n'a rien compris parce que nos références étaient les « Nasituation
03:04Squeezie ». Donc, il s'est dit « qu'est-ce que c'est que ce truc ? ». Mais après,
03:06il m'a dit « c'était incroyable ». Donc, il est très bien élevé, déjà.
03:10Le premier chapitre du livre, Xavier Niel, a pour titre « Comment on remet en route
03:15ce putain d'ascenseur social ? ». Ça donne, entre le titre du livre et ceux des
03:21chapitres, il y a des gros mots, ça donne une idée de la fluidité de la conversation
03:26que vous avez avec votre vieux pote Jean-Louis Missika.
03:29« Comment donc on remet en route ce putain d'ascenseur social ? ». Et vous consacrez
03:34de longues pages au sujet qui est au fond central dans votre réflexion, pourquoi la
03:38France, pourquoi notre pays fait partie des plus mauvais élèves en matière d'ascenseur
03:44social dans le classement de l'OCDE ? Pourquoi un jeune des banlieues ou de la France périphérique
03:51n'arrive pas, dans la République, à se faire sa place au soleil ? Selon vous, qu'est-ce
03:57qui coince ? Où est-ce que c'est grippé ?
03:59Je crois que « où c'est grippé », c'est qu'il pense que ce n'est pas possible,
04:05que toute forme de jeunesse qui vient d'endroits plus ou moins difficiles, il pense que c'est
04:09impossible, qu'on ne peut pas le faire.
04:10Et en fait, le sujet, c'est exactement l'inverse, c'est que ce n'est pas un privilège
04:15réservé aux jeunes mâles blancs qu'on fait à chausser, de créer des boîtes,
04:18de faire des trucs, d'être entrepreneur.
04:20Entrepreneur, c'est un mot large, c'est de faire quelque chose, c'est de se prendre
04:22en charge et de faire un truc.
04:23Et aujourd'hui, il pense qu'il y a une forme de destin et qu'on ne peut pas sortir
04:27de ce destin.
04:28Donc moi, je pense l'inverse, je pense qu'avec juste la volonté d'essayer, ce n'est
04:33même pas d'avoir des idées, ce n'est pas d'être intelligent, c'est de se mettre
04:36en scène sur des réseaux sociaux, c'est de créer quelque chose, c'est de faire
04:39quelque chose, c'est d'avoir un micro talent et essayer de l'utiliser pour faire
04:43des trucs.
04:44Vous écrivez dans le livre « C'est la diversité qui fait la force ». Mettez un
04:46étudiant HEC plutôt riche, un élève plutôt pauvre qui vient par exemple d'une de vos
04:50écoles gratuites et un designer, les trois réunis, ça fait un carton.
04:54Pourquoi en France, ces trois-là ne se rencontrent pas ?
04:57Parce qu'ils n'osent pas se rencontrer, parce qu'ils vivent chacun dans leur monde
05:01et qu'ils ont l'impression qu'ils ne vont pas pouvoir se croiser et que quand
05:03ils vont se croiser qu'ils sont différents.
05:04Franchement, c'est tous les endroits de mixité, tous les endroits de mélange, c'est
05:09là où on crée des grandes choses.
05:10Si vous prenez Google, ça existe parce qu'il y a quelqu'un qui est issu de l'immigration
05:14qui arrive, qui rencontre un bon Américain classique.
05:17Ils ont la chance tous les deux de commencer une bonne école, ils lâchent leur école,
05:20ils vont créer Google.
05:21Et vous avez énormément de succès qui sont comme ça.
05:23Elon Musk, je sens que vous allez m'en parler, mais Elon Musk, lui, il arrive d'Afrique
05:28du Sud, c'est un immigré aux US, il part avec un parcours différent.
05:32Le bon dit que c'est un génie, il a eu de la chance, il a eu le courage de faire
05:34des trucs et de créer des choses.
05:35Ça a fait un incroyable entrepreneur, il a d'autres défauts.
05:39Oui, mais pas que, parce que vous ne l'épargnez pas dans le livre.
05:41Puisque vous dites que la diversité, c'est la force, comment vous avez reçu les déclarations
05:45du ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, il y a deux jours, qui dit que l'immigration
05:48n'était pas une chance pour la France ?
05:49Je pense qu'on a un instant où on a complètement segmenté la France.
05:53C'est devenu noir blanc, le gris n'existe plus.
05:55Moi, ce que je peux voir, c'est que je vais vous citer deux exemples.
06:00Ça a été créé avec des personnes différentes issues de l'immigration et on a rendu des
06:05dizaines de milliards d'euros de pouvoir d'achat aux Français.
06:07Heureusement que ces personnes qui avaient immigré en France étaient là.
06:12Je vous le prends un autre exemple, Station F, je l'ai créé avec une femme qui est
06:16incroyable, qui est née en Iran, qui est née aux US, qui est née aux US, qui est d'origine
06:20iranienne et qui est venue à Paris par amour de la France.
06:23Et c'est avec elle qu'on a créé Station F, qui est un endroit destiné à aider les
06:26jeunes entrepreneurs.
06:27Plus de 1000 entreprises là-bas, c'est destiné à aider.
06:30Heureusement qu'elle était là.
06:31Et dans cet endroit-là, on a des jeunes de 65 pays.
06:34Moi, je suis assez content d'avoir de l'immigration.
06:37Donc, je pense que ce qu'il voulait dire, c'était peut-être qu'il y a une immigration
06:39qui lui pose peut-être un problème, mais toute l'immigration n'est peut-être pas
06:42le sujet.
06:43Je suis d'origine en partie normande.
06:44Si je regarde bien dans mes racines, je ne suis pas sûr que ça soit complètement parfait
06:49à ses yeux.
06:50Vous racontez les débuts de Free, que vous êtes seulement cinq à créer.
06:55Parlez-nous du test des deux pizzas, théorisé par Jeff Bezos, le fondateur d'Amazon.
07:01En fait, on a constaté un truc, c'est que si on veut faire quelque chose, si on est
07:04une armée mexicaine, on n'arrive à rien à créer.
07:05Si vous prenez l'iPhone, c'est un tout petit groupe de personnes, un peu plus d'une dizaine
07:08de personnes qui inventent et qui créent l'iPhone.
07:10Chez Free, c'était pareil, on était cinq, on s'est mis à cinq dans un bureau et on
07:13a créé Free.
07:14Et on pense qu'on peut avoir de l'innovation ou créer des grandes choses que quand on a
07:17un nombre restreint.
07:18Mais vous pouvez l'imaginer, si vous êtes 30 dans une salle à faire une grande réunion,
07:21si vous arrivez à en sortir un truc, appelez-moi, c'est parce que vous êtes un petit groupe
07:24que vous arrivez à créer des choses.
07:25Donc, quand on commande plus de deux pizzas, c'est qu'il y a un drôlement de...
07:28Si on n'arrive pas à nourrir un groupe avec plus de deux pizzas, ça ne va pas marcher.
07:31Vous déplorez aussi le manque de femmes dans l'entrepreneuriat, je vous cite, il n'y a
07:36pas assez de femmes créatrices d'entreprises, seulement 30%.
07:39Et si tu prends les licornes, c'est pire, sur 30, il y en a une seule qui compte des
07:43femmes parmi ses co-fondateurs.
07:45Les fondateurs de licornes, je les adore, c'est comme ça que c'est écrit, les fondateurs
07:49de licornes, je les adore, mais ils ont toujours un peu les mêmes têtes, trois mecs blancs
07:53qui ont fait une école de commerce, moi j'ai envie que la France des start-upers ressemble
07:55à la France qu'on voit dans le métro, ou dans la rue, on y revient toujours.
07:59On y revient toujours, c'est votre souhait, c'est ce que vous avez tenté de faire dans
08:03vos entreprises et vous le dites, et pourtant on sent que la France est un peu une exception
08:08de ce point de vue-là, où la diversité, ou en tout cas le mélange, ou en tout cas
08:13l'ascenseur social, la méritocratie, est grippée, reste grippée.
08:16Hier, à votre place, on avait Gérald Darmanin qui reconnaissait lui-même, qui a fait un
08:19méa culpa en disant « on a raté la promesse initiale d'Emmanuel Macron, on va lutter
08:25contre l'assignation à résidence, et bien on n'y est pas arrivé sept ans après ».
08:28Pourquoi ça grippe ? C'est la faute des blancs, pour parler comme dans votre livre,
08:37qui restent entre eux, ou c'est la faute de ceux qui sont moins blancs et qui n'arrivent
08:42pas à monter les échelons ? C'est la faute des deux.
08:45Moussa s'en est pas mal sorti, mais à côté de ça, je crois que c'est juste le sentiment
08:51que c'est pas possible, que ça va pas marcher.
08:53Et c'est notre job à tous, collectivement, et c'est l'une des raisons de ce livre,
08:56c'est de se dire « c'est possible, d'où vous puissiez venir, d'où vous puissiez
09:00arriver, vous pouvez faire un truc, créer un truc, ça marche, ça existe, c'est possible,
09:04essayez, si vous essayez pas, vous avez aucune chance ».
09:06Vous dites sans cesse « il faut se bouger, il faut pas attendre que l'État fasse le
09:09boulot », est-ce que vous pensez qu'en France, on a une mentalité d'assister ?
09:12Je pense qu'on est tellement bien assisté, et j'aime tellement ce pays, qu'à un
09:17moment, on y vit dans une forme de confort, on y vit à la fois d'un côté dans une
09:22forme de confort et de l'autre côté dans le sentiment que de toute manière, quoi qu'on
09:27fasse, ça ne marchera pas et on n'y arrivera pas.
09:29Parce qu'on est dans un pays où souvent, on a l'impression que c'est l'héritage
09:33qui est le meilleur moyen de réussir.
09:35C'est un moyen efficace, mais c'est pas un moyen qu'on choisit.
09:39On est comme ça, tant mieux pour ceux qui naissent de parents aisés, tant mieux pour
09:43eux.
09:44Mais moi, ce que j'ai envie, c'est que justement, cet ascenseur, ce putain d'ascenseur
09:48social fonctionne et marche, et que ça puisse exister pour tout le monde.
09:52Et encore une fois, c'est pas la réussite financière, c'est une des réussites, c'est
09:55qu'on soit capable de prendre en main sa vie et de faire quelque chose qui nous plaise
09:58et qui fasse que l'on ait une vie heureuse.
10:00Xavier Agnel, on l'a dit et on le redit, c'est un livre ouvert, franc, une conversation
10:06sans filtre.
10:08Vous n'essayez pas de cacher les choses ou de vous cacher vous-même.
10:13Vous racontez les débuts du mini-telros qui firent votre fortune.
10:17Vous racontez aussi que vous avez été agent de la DST, que vous avez piraté le téléphone
10:24de François Mitterrand quand il était président de la République.
10:28Expliquez-nous !
10:30La piraterie n'est jamais finie.
10:32Premier élément, c'est important, c'est Booba.
10:37Mais c'est un parcours différent, c'est un parcours, c'est un parcours de vie.
10:42Je suis né à Créteil, donc ce n'était pas dans une famille moyenne super heureuse.
10:47Mes parents ont été incroyables, ils ont tout donné à leurs enfants.
10:50Mais c'était, je suis devenu hacker, je suis devenu pirate, donc j'ai été, j'ai
10:54piraté le téléphone de François Mitterrand, j'ai été détecté par la DST.
10:57Ils n'avaient pas de service pour faire ça.
10:58Plutôt que d'aller en prison, à l'époque, j'ai décidé peut-être d'aider la DST.
11:01Ça me paraissait un choix, peut-être pas intelligent, mais sur l'instant, ça m'a
11:04paru un choix raisonné.
11:06Et puis après, c'est un parcours de vie.
11:07Je suis arrivé dans le Minitel, c'était le Minitel rose qui marchait à ce moment-là.
11:10Donc, c'est un parcours différent, c'est un parcours avec plein de problèmes, plein
11:14de plantages tout le temps, plein d'erreurs, plein de conneries que j'ai pu faire.
11:17Mais c'est un parcours de vie. On n'a pas, on n'a pas tous été parfaits.
11:20On a tous fait des bêtises.
11:21Elles sont d'une importance différente.
11:22Les miennes étaient plutôt importantes.
11:24Voilà, mais je suis confortable avec ça.
11:27Il n'y a pas de raison de le cacher.
11:28Les bêtises, comme vous dites, il y a eu la prison où vous avez passé un mois
11:31condamné pour abus de biens sociaux.
11:32Vous dites dans le livre que vous n'avez appris presque rien à l'école.
11:36Qu'est-ce que vous avez appris en prison ?
11:39La vraie vie, parce que j'avais oublié, je me sentais imbattable.
11:43C'était il y a 20 ans, je me sentais imbattable.
11:46J'avais tout réussi.
11:46Surpuissant.
11:47Surpuissant.
11:48Le gris.
11:49Ouais, et c'était imbattable et rien ne pouvait me planter.
11:54Et qu'est-ce que vous apprenez ?
11:55Que globalement, c'est assez sain d'être au top et de se planter, d'être
12:00milliardaire à 5h59 et à 6h01, d'avoir tous ses comptes saisis, de ne plus avoir
12:04de logement parce que son logement est saisi.
12:06Franchement, c'est une expérience de vie.
12:09Je ne la souhaite à personne, mais c'est une expérience de vie incroyable parce que
12:12vous apprenez la vraie vie.
12:13Vous revenez sur Terre, vous retrouvez des vrais gens qui ont commis des délits.
12:18Donc, ça a été une expérience incroyable.
12:21J'ai eu la chance qu'elle soit courte, un mois.
12:23Mais franchement, c'est une expérience formatrice parce que vous avez un avant et
12:26un après et que dans l'après, vous n'oubliez plus jamais d'où vous venez.
12:31Et puis, le juge Van Rymbeek, qui vous a mis en examen, vous a donné le meilleur
12:35conseil de votre vie. Dites-vous, à l'avenir, mordez la ligne jaune,
12:40roulez un peu dessus, mais ne la dépassez pas.
12:43Ça ne changera pas grand-chose pour vous, mais ça changera plein de choses pour
12:48notre pays. Fin de citation.
12:50Vous continuez à mordre la ligne jaune ?
12:54Je me suis embourgeoisé. Je suis sûr que je me suis embourgeoisé.
12:55En tout cas, c'est la vision qu'on en a et j'ai envie que ça ne soit pas le cas.
12:59Probablement moins qu'avant, mais c'est le jeu.
13:01On vieillit. J'espère que j'espère que je continue à la mordre.
13:05Je ne suis pas sûr de la mordre toujours autant.
13:07Vous vous êtes embourgeoisé.
13:09On n'est pas à l'abri.
13:10Vous gérez des grandes entreprises qui ont un bilan comptable, Xavier Niel, qu'il faut
13:14maintenir à l'équilibre. Aujourd'hui, la France est face à un budget impossible.
13:173000 milliards d'euros de dettes, un déficit qui va dépasser les 6%.
13:20Vous feriez quoi pour trouver de l'argent pour le budget 2025, par exemple ?
13:25Il faut trouver 20 à 30 milliards d'euros.
13:27Si vous étiez aux manettes, vous diminuez le nombre de fonctionnaires, vous baissez
13:30les dotations en collectivité locale ou vous augmentez l'impôt des plus riches et des
13:33grandes entreprises ?
13:35Je crois que je me débrouille pour que mon état soit plus efficace.
13:38C'est à dire qu'on est en France, le pays où on est le plus taxé.
13:41Et pourtant, le sentiment, je crois que le sentiment partagé par tout le monde, c'est
13:45que ça ne marche pas. Et on n'a pas transformé cet état en un état, en un pays
13:51efficace. Je peux vous donner des dizaines d'exemples, mais on n'a pas tenu compte du
13:54numérique. Quand vous allez, quand vous avez déposé plainte au commissariat, vous
13:58êtes entendu dans un commissariat.
13:59On continue d'avoir un policier en face de nous à taper à la machine.
14:03Il n'y a plus une entreprise qui fait ça. On vous enregistre, on vous transforme ça
14:05en texte. Ça marche super bien.
14:07Il n'y a pas de problème. Et si vous voulez les policiers qui vous font ça, c'est des
14:10policiers qui ne sont pas sur le terrain. Donc, on a un état non efficace.
14:13La même chose dans les hôpitaux. Donc, je pense que le vrai sujet, c'est
14:16l'efficacité de cet état.
14:17Les 4% de déficit, 5% de déficit, 6% de déficit, 6% de déficit
14:21cette année, c'est un problème.
14:23Mais le vrai sujet de fond, c'est comment cet état
14:27efficace sur les impôts.
14:30On va monter les impôts sur les plus riches.
14:32C'est super, c'est de la démagogie.
14:35Mais en fait, au bout, ce n'est pas les plus riches que l'on va taper.
14:36Ça va être tout le monde parce qu'on sait très bien que quand on dit ça, c'est la
14:39chose qu'on va mettre en avant. Et au bout, on va aller taper des entreprises
14:42moyennes et on va les emmerder.
14:44On va taper des gens qui sont moins riches que moi et on va les ennuyer.
14:48On va les empêcher d'investir. Mais au-delà de ça, qu'est ce qu'on va faire?
14:51Vous ne parlez plus de chômage. On ne parle plus de chômage ici.
14:53Je suis venu il y a dix ans chez vous.
14:54On parlait de chômage, vous ne parlez plus de chômage.
14:56Qu'est ce qui s'est passé? On a eu une stabilité fiscale pendant sept ans.
14:58Cette stabilité fiscale, qu'est ce qu'elle a fait?
15:00Elle a fait que le monde entier est venu investir en France.
15:02Des talents sont venus en France.
15:04Ces gens-là, quand vous commencez à bouger ça, quand vous remettez de
15:07l'instabilité, ces gens-là, ils repartent.
15:09Ils vont partir. Vous, vous allez partir, par exemple.
15:12Vos amis riches vont partir.
15:14Bernard Arnault va prendre son billet s'il augmente, si Benchal Barnier annonce
15:17l'augmentation des impôts demain.
15:18Demandez-lui. Moi, je serai le dernier à partir.
15:19J'aime trop ce pays pour pouvoir partir de ce pays.
15:21Je le trouve incroyable.
15:22Je le trouve fantastique et je l'aime tellement que je passe mon temps à
15:26essayer de raconter à tout le monde qu'il doit venir s'installer en France,
15:28qu'il doit venir en France.
15:29Donc, je ne vais pas vous dire ça.
15:30Je serai le dernier à partir, pas moi.
15:32Et ce n'est pas la fiscalité qui me fera partir.
15:34Je pense juste qu'on a une image qui a changé ou qui a pu changer et que j'ai
15:37peur qu'elle change dans un sens négatif, négatif aujourd'hui.
15:41Ce n'est pas pour autant qu'on a géré ce pays.
15:42Je ne dis pas que tout est parfait et tout est optimal.
15:44Allez, on passe au Standard Inter où nous attend Damien.
15:47Bonjour, bienvenue.
15:51Bonjour Xavier, enchanté de vous parler.
15:54Je vous entends depuis quelques jours parler de ce livre et il y a quelque
15:58chose qui m'a marqué.
15:59Vous venez d'ailleurs d'en parler sur votre rôle, sur votre efficacité
16:04ou d'homme d'affaires, de créateur plutôt que de politique.
16:08Vous semblez, je ne vais pas dire discrédité, mais enfin,
16:12dire que les politiques sont dans un temps court et renoncent à beaucoup de
16:16choses, ça m'évoque un peu Elon Musk et d'autres personnes que je
16:20qualifierais de libertariens.
16:22Est-ce que vous ne pensez pas que vous allez un peu à l'encontre
16:28de quelque chose qu'il faudrait restaurer ?
16:30Et finalement, est-ce que ce n'est pas un manque de courage de votre part de
16:34ne pas vous engager ?
16:36Merci, Damien, pour cette question franche et carrée.
16:40Xavier Niel vous répond.
16:42Moi, je ne suis pas un homme politique, je ne fais pas de politique.
16:44Vous me posez une question sur la société, je vous réponds sur là-dessus.
16:47Moi, mon métier, c'est de diriger des entreprises avec d'autres.
16:51Ce n'est pas moi qui les dirige, en fait, c'est de faire des choses
16:52collectivement et de créer des choses collectivement.
16:54Je n'ai pas un avis extrême, je ne sais pas si je suis libertarien,
16:59je suis pour une liberté individuelle de tout à chacun.
17:02Je crois dans les structures de mon pays.
17:04Je ne sais pas si je crois dans les politiques.
17:06Je pense qu'on a besoin de politiques pour fixer les barrières et les limites.
17:09Mais je pense que dans le même temps, nous tous, souvent, j'utilise le mot
17:13société civile, les gens détestent quand je dis ça, chacun d'entre nous,
17:15on doit s'engager, on doit faire des choses sans que ça soit des choses
17:18obligatoirement politiques.
17:20Donc, je n'ai pas un avis global sur la société.
17:21Il vous parle de manque de courage de ne pas vous engager.
17:23Sûrement, il doit avoir raison.
17:25Un manque de courage de ne pas m'engager.
17:26Mais ce n'est pas mon job, ce n'est pas mon métier.
17:28Mon métier, c'est de faire marcher des entreprises ou essayer de créer
17:31des choses avec d'autres.
17:33Enfin, vous concluez votre livre sur la politique.
17:35On apprend que vous verriez bien maire de Paris.
17:38Je trouverais ça génial d'être maire de Paris.
17:40Pourquoi pas un jour, dans 20 ans, quand je serais vieux, que j'arrêterais
17:42les télécoms ? J'adore, j'adorerais.
17:44J'adore les télécoms.
17:45J'adore Paris, vous écrivez.
17:46J'adore ma ville. Et puis, ce livre a été écrit avant les Jeux olympiques.
17:50Mais je pense que la terre entière aime Paris maintenant.
17:51Donc, ça va dans ce sens-là. J'adore cette ville.
17:53Donc, j'y fais plein de choses.
17:54Donc, maire de Paris, pourquoi pas ?
17:57Je ne sais pas. C'est un instant.
17:58Je trouve que le maire, c'est celui qui est à la proximité ou qui est
18:01proche et qui est au contact des Français.
18:05Donc, j'adore ce job et j'adore ce métier.
18:06Après, est-ce qu'entre le rêve, que dire ça, et la réalité après ?
18:11C'est un peu une déclaration de candidature.
18:13C'est une déclaration d'amour à Paris.
18:15Damien, notre auditeur parlait d'Elon Musk, que vous critiquez dans ce livre.
18:22Je vous cite « Elon Musk ne représente que lui-même et c'est déjà un boulot
18:26à plein temps. Il s'est enfermé dans un personnage d'extrémiste transgressif.
18:32Et je ne sais pas comment il va s'en sortir parce qu'à force de dire des
18:35conneries, vient le moment où tu les payes, où tu le payes.
18:40La moralité, c'est que tu peux être à la fois un entrepreneur brillant et un
18:45sale con. » Fin de citation.
18:47Il va le payer comment, selon vous ?
18:51Vous occasionnez de la violence, vous créez de la violence, vous créez des
18:54réactions. Il y a un moment où ce que vous pouvez dire peut avoir un impact
18:58sur vos entreprises, parce qu'à force de pousser le bouchon, vous avez des
19:03retours. Moi, je crois à une forme de morale, parce que quand on fait des
19:07conneries, on finit toujours par les payer.
19:09Donc, c'est mon côté. Vous allez me dire que j'ai peut-être trop fréquenté le
19:12jugement d'Owen Beck.
19:13Mais voilà. Et je pense qu'il dit un nombre de conneries impossibles,
19:17improbables. Et c'est fou de voir quelqu'un qui est un aussi brillant
19:21entrepreneur et quelqu'un qui dit autant de conneries à côté.
19:25Mais c'est le jeu. Ça fait partie de son personnage, de son
19:28image qu'il s'est créée.
19:30Il soutient Donald Trump.
19:32La montée des populismes partout aux États-Unis, partout en Occident, en
19:36Europe également, en France également, c'est quelque chose qui vous inquiète ?
19:40Je suis l'optimiste permanent, donc j'ai toujours l'impression que demain sera
19:43mieux. Ce sera mieux qu'aujourd'hui, donc je pense que ça se termine toujours bien
19:47à la fin de la fin. Donc, voilà, c'est le sujet.
19:50Je pense toujours que le bien va gagner.
19:51Je raconte toujours cette histoire.
19:53Quand le Covid est arrivé, tous les jours, j'ai cru que c'était le dernier jour du
19:56Covid et que le lendemain, ça allait disparaître à 100%.
19:58Parfois, le mal gagne.
20:00Je n'y crois pas, ça. Je crois toujours que le bien gagne.
20:03Je suis sûr que vous avez des tonnes d'exemples où le mal gagne, mais ça ne
20:06finit toujours pas de se remettre en forme.
20:08Il n'y a pas que des bonnes nouvelles.
20:10Vous avez intégré le conseil d'administration de la maison mère de
20:12TikTok. TikTok qui inquiète beaucoup de parents qui voient leurs enfants
20:15river sur ce réseau social.
20:18Vous les rassurez ce matin, vous leur dites non, vous avez raison de vous
20:21inquiéter et il ne faut pas laisser les enfants toute la journée sur TikTok.
20:25Il y a deux messages sur TikTok. Le premier, c'est que je pense que c'est
20:28les réseaux sociaux sont une addiction et une addiction, ça doit se
20:32traiter. Pour certains enfants, ça doit se traiter comme une addiction.
20:34Le premier exemple, le premier élément, c'est de ne pas prendre d'exemple sur
20:37ses parents. Donc, si les parents ont une addiction, il ne faut pas s'étonner
20:39que les enfants en aient une. C'est le premier sujet.
20:41Le deuxième sujet, c'est de faire comme on fait avec des gens qui ont une
20:45addiction, c'est de limiter les gens qui ont une addiction.
20:48C'est le premier élément. Vous me posiez la question qu'est ce que je suis
20:50indirectement? Qu'est ce que je suis allé faire dans ce bordel?
20:54Chez TikTok, c'était une société qui avait cinq personnes qui la
20:57contrôlaient, cinq administrateurs. Sur ces cinq administrateurs, il y avait
20:59trois Américains et deux Chinois.
21:02Je ne sais pas si ça leur a paru pas idiot et ça m'a paru pas idiot que pour
21:05une fois, l'Europe soit présente et puisse faire valoir son point de vue,
21:09ses idées. Donc, il y a des gens me l'ont reproché.
21:12Je ne sais pas, on reproche que ce truc là existe et dans le même temps, on
21:16me reproche d'y aller et tenter d'imposer ou pas d'imposer, d'apporter
21:20une idée ou une vision européenne.
21:21Ou une régulation européenne.
21:24La régulation, elle est là et elle est faite par les régulateurs.
21:25C'est au sein de l'entreprise. Qu'est ce qu'on est capable de faire pour aider
21:29à ce que tous ces réseaux deviennent des endroits de formation incroyable?
21:33Les jeunes apprennent avec ça.
21:34Ils apprennent avec YouTube. Alors évidemment, ça dépend ce que vous
21:37regardez. Ça dépend ce que les algorithmes vous mettent devant vous.
21:40Mais il faut travailler là dessus. Si vous prenez l'équivalent de TikTok en
21:43Chine, c'est le meilleur outil de formation en Chine.
21:45Vous dites dans le livre que Google et Facebook vont disparaître.
21:50Vous trouvez ça sain et free.
21:52Aussi, ça va disparaître.
21:53C'est un signe de renouvellement du capitalisme.
21:55Et vous trouvez ça sain aussi?
21:57Vous allez me traiter vraiment de masochiste.
21:58Mais non, c'est un renouvellement de la société.
22:01C'est sain, ce renouvellement.
22:03J'espère que ça disparaîtra dans très longtemps et que je ne serai plus là.
22:06Mais c'est sain, ce renouvellement.
22:07Vous avez besoin d'un renouvellement du capitalisme.
22:09Je ne peux pas vous dire. On vit dans un pays où la plupart de ceux qui ont
22:12réussi financièrement sont des héritiers.
22:15Et dans le même temps, vous dire toutes les entreprises doivent vivre ad vitam
22:18aeternam et je dois me créer un monopole et en bénéficier.
22:21Moi, personnellement et mes ayants droit, parce que vous êtes dans un pays où je
22:24rappelle que l'héritage est obligatoire.
22:26Vous êtes obligé de donner vos actifs à vos enfants.
22:28Donc, en espérant que Google et Facebook soient remplacés par des moteurs de
22:32recherche européens.
22:33Ouais, ce qui fait qu'on a une chance.
22:35Ce qui fait que ça redonne une chance et ça rebalaie les cartes.
22:39Donc, c'est une chance.
22:40Merci, Xavier Niel.
22:41Une sacrée envie de foutre le bordel.
22:44Vos entretiens avec Jean-Louis Missika publiés chez Flammarion.
22:49Merci encore d'avoir été à ce micro ce matin.