Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Notre pays consacre moins de 2,8 % de ses dépenses de santé à la prévention. Situé à la 20e place des 26 pays européens de l’OCDE en matière de prévention, il se situe loin, très loin, derrière le Danemark, l’Italie, le Royaume-Uni, mais aussi de pays à plus faibles revenus comme l’Estonie ou la République tchèque.
Pourquoi un tel retard ? La prévention pourrait-elle être la clé des maux qui touchent le monde de l’hôpital en France depuis plusieurs années ? Pourrait-elle être la réponse aux défis sanitaires qui se multiplient ?
Avec Dominique Pon et Étienne Gernelle
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00:00Nous accueillons Dominique Bond, directeur général adjoint de DocaPost, directeur général de la Poste Santé Autonomie. Etienne, je vous laisse mener cet entretien.
00:14Alors on va s'asseoir à côté comme ça va être plus intime. Moi je suis particulièrement content de discuter avec vous.
00:25On vient de parler d'action publique et de la difficulté de faire changer l'action publique. Et la Poste c'est quand même un objet très particulier en France,
00:35d'une entreprise publique, parce que c'est une entreprise, mais c'est quand même une entreprise publique. Et en fait on ne connaît pas d'exemple.
00:44On s'est posé la question l'autre jour d'entreprise qui a changé autant de nature, de fonctionnement et d'activité dans les 20 dernières années, on n'en connaît pas d'autre.
00:53Et ce qui est intéressant c'est que c'est une entreprise qui se trouve dans la sphère publique. Donc ça contredit quand même beaucoup de choses que l'on pense vraies.
01:00Et donc j'ai envie de commencer par là, en tant qu'expert, parce que vous à la Poste vous êtes experts en transformation de soi-même, un peu comme moi quand j'ai maigri.
01:12Qu'est-ce que vous avez pensé du débat d'avant ? Est-ce que l'évolution du débat en matière de santé et de l'évolution du rôle de l'Etat en matière de santé, est-ce que ça bouge ?
01:23Est-ce que ça ne bouge pas ? Est-ce que ça pourrait bouger plus vite, vous qui êtes des experts en changement ?
01:29Merci beaucoup pour l'invitation. Je vais répondre avec la double casquette d'un très jeune postier, donc juste un an et demi d'expérience.
01:37Et j'observe avec beaucoup d'admiration ce qui a été fait par cette entreprise publique en matière de transformation, mais aussi avec une casquette de 4 années passées au sein même de la sphère publique,
01:46à côté d'Aurélien Rousseau, moi, pour porter une politique publique de transformation sur le numérique.
01:52Et ce que je retiens globalement de notre système de santé, c'est qu'il y a énormément de gens très intelligents, de bonne volonté, beaucoup d'initiatives,
02:04mais qu'en vrai, on progresse à la vitesse de la tectonique des plaques. En vrai, c'est ça. Si on ne se ment pas, en fait, ça avance très, très, très lentement.
02:14Il y a peut-être eu, dans les 20 dernières années, moins de 5 grandes réformes qui sont passées à l'échelle sur tout le territoire français.
02:20On est les rois de l'expérimentation. Il y a plein de gens de bonne volonté. Aurélien Rousseau, Xavier Bertrand, ce sont des gens déterminés, sincères, intelligents, déterminés.
02:31En plus, tu as remarqué, en fait, dans la vraie vie, ils ont fait très peu de choses pour modifier structurellement, de façon systémique, le système de santé curatif aujourd'hui pour aller vers le préventif.
02:44Moi, mon feeling, c'est que quand il y a vraiment une sorte d'énergie et qu'il y a surtout une volonté avec un modèle financier derrière, à ce moment-là, les bonnes énergies se mettent en marche.
02:58On l'a entendu tout à l'heure. La clé, c'est que si on transformait le système de financement pour aller de plus en plus et sincèrement vers le préventif et de façon courageuse,
03:07y compris avec les rappels à l'ordre de Bercy, de la direction de la Sécurité sociale et de l'ACNAM. J'ai connu ça aussi à cette époque-là.
03:15Si on modifie le système de financement, à ce moment-là, des gens de bonne volonté qui vont s'inscrire là-dedans, il y en aura plein.
03:21Je vais vous dire un deuxième truc. C'est que ça ne va pas bouger comme d'hab jusqu'au moment où on va être dans le mur.
03:28Clairement, rien qu'avec le vieillissement de la population, dans le mur, on va y aller. Globalement, on est 15 millions de Français à avoir plus de 60 ans aujourd'hui, 20 millions à peu près dans 5 ans.
03:38En 2060, on frôlera les 90 ans d'espérance de vie. Ça veut dire que nous tous, on va passer un tiers de notre vie après 60 ans.
03:46Les maladies chroniques, les problèmes de vulnérabilité et l'entrée dans la dépendance, de toute façon, on va se le prendre plein fer.
03:53Mon feeling à moi, je peux me tromper, mais je pense vraiment que ça ne suffira pas d'avoir des EHPAD et des hôpitaux.
03:59Il faudra aider les gens à partir de la cinquantaine à repérer leur fragilité, à être coachés, à être appelés parce que, bien sûr, ils sont de bonne volonté.
04:06Mais c'est bien quand même qu'on nous rappelle qu'il faut faire ta gastro, etc. C'est bien quand il y a des gens qui nous aident, qui nous coachent, etc.
04:13Moi, je pense que pour être en bonne santé, il va falloir réfléchir dans une logique où le système de santé accompagne les gens à partir d'un certain âge
04:21pour petit à petit nous coacher et nous réorienter vers le parcours de soins quand c'est nécessaire, regarder nos habitudes de vie, nous conseiller un certain nombre de choses.
04:30Je pense qu'on n'aura pas le choix et que, de toute façon, si on ne le fait pas, on va crasher le système.
04:35Comme une entreprise, avec une entreprise, si elle ne change pas, elle se crache.
04:39Franchement, le groupe La Poste, qui existe depuis six siècles, qui distribue du courrier, en l'espace d'une décennie, avec l'arrivée du numérique, ils perdent leur métier.
04:48Imaginez qu'en dix ans, vous perdiez le métier de médecin ou le métier de journaliste. C'est un truc de fou.
04:54En dix ans, cette entreprise a réussi à se transformer, à se diversifier dans la banque, dans l'assurance, dans la logistique, aujourd'hui dans la santé et dans l'autonomie, dans le numérique.
05:03Et aujourd'hui, dans le groupe La Poste, c'est un groupe qui fait 35 milliards, 45% de son activité à l'étranger, donc on est même devenu un modèle à l'étranger.
05:11Et le courrier représente plus que 15% de l'activité.
05:14Quand on voit qu'un groupe d'ADN public, d'intérêt général, a réussi à se transformer, franchement, c'est jouable que dans notre pays, au niveau de l'État et au niveau de notre système de santé, on peut être capable aussi de faire ce genre de transformation.
05:28Il faut nommer Philippe Bell à Matignon, c'est ça l'histoire ?
05:31Proposez-lui, tiens.
05:33Alors il y a deux sujets qui concernent directement sur le sujet de la prévention, prévention et santé.
05:40C'est un, l'aide à domicile, parce que La Poste, c'est le dernier kilomètre, c'est ça aussi, c'est l'assistance, l'aide et la relation humaine, parce que ça va avec, à domicile.
05:53Et puis il y a le sujet des données de santé dont on a parlé par ailleurs tout à l'heure.
05:56Et donc du cloud souverain, du cloud de confiance, en gros, on n'a pas envie de donner nos habitudes de vie, on n'a pas envie de donner à n'importe qui.
06:11Donc expliquez-nous, dans chacun des deux secteurs, ce que vous faites et pourquoi.
06:16Le premier point, c'est un point de conviction, et comme je le dis avec beaucoup d'humilité parce qu'on peut se tromper,
06:21mais notre conviction, c'est que pour les sujets de prévention, avec l'arrivée du vieillissement de la population,
06:28les professionnels de santé, les médecins, les infirmières, les hospitaliers, les pharmaciens,
06:34ils vont avoir besoin de bras armés, capables de faire le aller-vers pour leur compte auprès de tous les français,
06:40notamment les populations les plus vulnérables, c'était cité tout à l'heure.
06:44Moi je crois, Xavier Bertrand aussi disait qu'on aura besoin de ça.
06:47Ça ne suffira pas, bien sûr, qu'il y ait tout notre système de santé, mais je pense qu'il faut qu'il y ait des acteurs,
06:52avec de la délégation de tâches à notre niveau, capables pour leur compte d'aller faire du repérage de fragilité,
06:58d'aller apporter de l'information, repérer, collecter de la data pour le compte des médecins et des hôpitaux,
07:03pour qu'on puisse piloter des politiques publiques.
07:06Et le groupe La Poste, avec cette grande force humaine et notre capacité à aller dans toutes les maisons françaises,
07:12on a fait l'acquisition de prestataires de santé à domicile, de plateaux infirmiers pour faire de la télésurveillance,
07:18de services d'aide et d'accompagnement à domicile.
07:20Donc tous ces sujets du aller-vers, les gens pour le compte des médecins et des hôpitaux,
07:24pour les aider à organiser ces sujets, de bien vieillir à domicile et de prévention.
07:29Parce que sincèrement, chaque fois qu'on travaille avec des médecins, et c'est eux les donneurs d'ordre,
07:33nous on est des simples exécutants, on les aide à améliorer les sujets de prévention.
07:36Je donne un seul exemple, aujourd'hui l'IHU, l'Institut hospitalier universitaire de Toulouse,
07:42qui est autour du bien vieillir, avec le professeur Vélas,
07:46qui est l'un des promoteurs en France d'une initiative reconnue par l'Organisation mondiale de la santé,
07:51qui s'appelle I-COP, qui est du repérage de fragilité des seniors.
07:54On s'aperçoit que quand nous, on est leur petit bras armé, leur simple exécutant,
07:59pour aller voir des populations les plus vulnérables, les plus rurales,
08:02pour inciter les gens à rentrer dans ce programme I-COP,
08:05on a une adhésion, une adhérence à ces systèmes, de rentrer dans le parcours de soins bien supérieur.
08:11Donc nous, notre proposition, c'est de dire, on veut bien vous aider,
08:14être partenaire des professionnels de santé sur des programmes de santé que vous définissez vous même,
08:18mais notre conviction, c'est que la prévention devra adresser la multitude,
08:22et la multitude c'est aller vers les gens à domicile, 85% des gens veulent vieillir à domicile,
08:27ils ne veulent pas forcément passer 30 ans de leur vie à l'EHPAD ou à l'hôpital, ça paraît évident ça.
08:33Et ça c'est une grosse activité maintenant ?
08:36Oui, on commence, c'est plus de 300 millions d'activités aujourd'hui,
08:40donc on le fait à petits pas, parce qu'au début les gens disaient,
08:44la pause vous feriez mieux de distribuer le courrier à l'heure,
08:46plutôt que d'aller faire rentrer dans la santé.
08:48Moi je pense qu'on aura une place légitime comme acteur d'intérêt général, éthique,
08:53et qui aura aussi la capacité à produire des outils numériques, pour répondre à ta question,
08:58avec un maillot, et moi j'ai toujours eu ce maillot depuis que je bosse dans la santé,
09:02même quand j'étais au ministère, un maillot souverain aussi sur la donnée de santé,
09:06sur la technologie de santé, donc aujourd'hui on a monté une initiative
09:10avec la Caisse des dépôts et consignations de fédérer les gros industriels français,
09:13notamment d'assosystèmes, des acteurs aussi de l'IA, de l'intelligence artificielle,
09:19notamment Mistral, pour proposer des plateformes françaises, souveraines,
09:23pour les données de santé, pour stocker, stocker de l'IA,
09:26pour les cas d'usages inventés par les médecins et les hôpitaux,
09:29et tout le monde nous dit, ouais mais vous êtes des petits poussés par rapport à Google, Amazon, etc.
09:34Moi je vous dis un truc, en France avec la qualité des données de santé,
09:37des professionnels de santé, on va construire une IA,
09:40pour les systèmes de prévention souveraines françaises et européennes,
09:43je suis convaincu de ça, profondément convaincu.
09:45Il n'y a pas de complexe à faire, c'est-à-dire que Mistral dans l'IA,
09:47il n'y a pas de complexe à faire, d'assosystèmes,
09:49dans les systèmes de santé, il n'y a pas de complexe à faire, et vous non plus,
09:51vous n'avez pas de complexe à faire.
09:53En fait l'histoire c'est qu'on nous intoxique le cerveau,
09:55on nous fait croire par les cabinets conseils, par tout le discours ambiant,
09:59que si tu n'es pas chinois ou américain,
10:01si tu n'as pas des grosses plateformes de big data,
10:04si tu n'as pas des fermes de processeurs, une capacité à traiter tout ça,
10:08tu ne pourras rien faire dans le numérique,
10:10tu ne pourras rien faire en médecine numérique,
10:12tu ne pourras rien faire en intelligence artificielle.
10:14C'est un peu comme si on nous racontait qu'il n'y avait que des forêts avec des baobabs,
10:17ben non, il y a des forêts avec des chaînes, avec des êtres, avec des boulots,
10:20et souvent c'est des écosystèmes plus résilients,
10:22et donc aujourd'hui avec les moyens technologiques qu'on a,
10:25avec les expertises qu'on a en France et en Europe,
10:27même si on ne fera pas peut-être de l'IA généraliste sur des sujets très précis,
10:31notamment des sujets médicaux,
10:33je vous prédis que dans très peu de temps,
10:35on sera meilleur que les américains et les chinois sur ces sujets,
10:38et en plus on intégrera à la source une notion de garantie éthique,
10:43il faut savoir que quand on est sur l'intelligence artificielle,
10:45c'est l'Europe qui a impulsé ce qu'on appelle l'IA Act,
10:48qui impose ce qu'on appelle la garantie humaine de l'IA,
10:51c'est-à-dire la capacité et l'obligation que des professionnels experts vérifient
10:55que l'IA ne déconne pas,
10:57et donc ça je pense qu'en France et en Europe,
10:59si on enfourche ce sujet de l'IA éthique souveraine,
11:02vous verrez qu'on sera de très gros acteurs de la santé numérique.
11:06Et c'est un enjeu de liberté.
11:07C'est un enjeu de liberté et d'éthique de notre système de santé,
11:10moi j'adore mon système de santé qui est basé sur la solidarité,
11:13je n'ai pas envie qu'il dérive.
11:15Merci beaucoup Dominique Poirot, un peu d'énergie !