La militante afroféministe et communiste Angela Davis a montré sa détermination à l'Agora de la Fête de l'Huma, samedi 14 septembre 2024. La chroniqueuse jeux vidéo et présidente d'Afrogameuses Inviciblejane était invitée aux côtés du vidéaste Bolchegeek sur notre plateau Twitch pour réagir à chaud au passage de l'icône pop et politique qu'est Angela Davis.
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00:00Là, Anthony, trip à l'Ice Time, tout le monde a noté qu'elle porte le keffier.
00:04Vous vous imaginez qu'elle aurait pu être arrêtée un jour, interpellée dans la rue aujourd'hui en France ?
00:09Il y a tout un tas de générations qui sont réunies devant et qui sont là pour des raisons politiques,
00:14pas juste pour voir une rockstar ou quelqu'un comme ça.
00:18Il y a un lien qui s'est fait avec cette période-là et les combats de cette période-là.
00:21Je vais bien dire que c'est ma militante, tu vois un peu.
00:24C'est ma tante du côté militantisme.
00:27Et du coup, la voir tout à l'heure sur scène, ça a été incroyable.
00:31Ça y est, nos invités sont arrivés.
00:32Vous l'avez compris, c'est la troisième fois qu'elle vient à la fête de l'UMA.
00:35Une scène porte son nom, vous venez de l'entendre sur notre chaîne Twitch.
00:38C'est une immense figure afroféministe et communiste.
00:41Vous l'avez compris, on va continuer à parler d'Angela Davis autour du thème
00:44« Une écoute politique et populaire ».
00:46Latifa Madiani, bonjour.
00:47Bonjour.
00:48Tu es journaliste à la rubrique « Débats et idées »,
00:50notamment spécialisée dans les questions féministes et anticoloniales.
00:53Oui.
00:54Bolchekik, bonjour. Benjamin.
00:55Bonjour.
00:56Tu es vidéaste obsédé, pop culture et politique, on peut dire ça.
00:59Ouais, on va dire ça.
01:00Et tu es aussi chroniqueur pour l'humanité depuis deux ans maintenant.
01:02Ouais.
01:03Tous les premiers dimanches du mois, c'est ça ?
01:05Le deuxième dimanche.
01:05Le deuxième dimanche du mois, voilà.
01:07Donc allez vous abonner aussi à la chaîne YouTube.
01:09Jennifer, bonjour.
01:11Hello.
01:12Tu es chroniqueuse jeux vidéo, présidente d'Afrogameuse,
01:14dont le but est d'encourager un écosystème du jeu vidéo
01:17plus représentatif des minorités ethniques.
01:19On a déjà reçu ma papapapapapapapa hier,
01:21qui a commencé à nous parler de ton assaut,
01:23mais on va revenir dessous parce qu'on a encore plein de questions à te poser.
01:26Alors comme on vous l'a dit,
01:27l'humanité a un lien particulier avec Angela Davis.
01:31On la suit depuis les années 70,
01:32depuis sa première exposition médiatique,
01:34depuis le début de son combat en fait.
01:36Elle est venue plusieurs fois à l'humanité.
01:38Je crois qu'on a quelques visuels à vous partager.
01:41La Tifa, toi Angela Davis,
01:42ça a été une figure à laquelle tu t'identifiais,
01:45à laquelle tu avais envie de ressembler ?
01:47Ah oui, complètement.
01:50Les années 70, Angela Davis,
01:53pour ma génération, c'était vraiment...
01:56C'était plus qu'une icône au sens...
01:59Oui, la coupe afro, les lunettes cerclées,
02:03le point levé, le make-up free, etc.
02:05On s'est identifiés à cette image.
02:07Mais c'était plus que ça,
02:09parce que c'est la pensée qu'elle a pu porter,
02:12le combat qu'elle a mené,
02:14auquel on s'est identifiés.
02:15Il faut savoir que,
02:17Alger des années 70,
02:19on disait que c'était la Mecque des révolutionnaires.
02:21C'était la capitale du Third Monde.
02:23Et à cette époque-là,
02:24Alger a accueilli le mouvement des Black Panthers
02:27et les leaders des Black Panthers.
02:28Et Angela Davis était de ce mouvement.
02:30Et elle a inspiré, effectivement, ce mouvement.
02:34Donc, pour nous, c'est...
02:37Que dire de plus ?
02:39Et alors, ce qu'il y a d'intéressant,
02:40c'est que cette représentation-là,
02:44il se transmet de génération en génération,
02:47sans discontinuer.
02:48Justement, Jane aussi,
02:49quand on en parlait un peu en préparant l'émission,
02:51tu nous disais que toi aussi,
02:52alors que vous n'êtes pas du tout de la même génération avec la Tifa,
02:54toi aussi, c'est une personne qui t'a inspirée.
02:56Dis-nous en plus.
02:58Moi, j'ai grandi en connaissant Angela Davis
03:00comme étant une icône,
03:01même si je n'étais pas encore dans les parages à cette époque-là.
03:05Et en fait, c'est clairement quelqu'un
03:06auquel j'ai pu tout de suite m'identifier.
03:08Rien que par ce qu'elle représente,
03:10le fait de porter sa coupe afro,
03:13sa peau,
03:14tout ce qu'elle incarne,
03:15j'ai pu me retrouver ça.
03:16Et c'est vraiment ce qui m'a inspirée aussi
03:18dans ma propre lutte antiraciste,
03:21et pour les droits des femmes aussi.
03:23Et encore aujourd'hui,
03:24c'est vraiment, pour moi, un guide,
03:26une icône qui me guide dans les actions
03:28que je mets en place côté militantisme.
03:30Et je la considère un peu,
03:31j'aime bien dire que c'est ma militante.
03:33Tu vois un peu ?
03:34C'est ma tante du côté militantisme.
03:37Et du coup, la voir tout à l'heure sur scène,
03:39ça a été incroyable.
03:41J'en ai encore la chair de poule aujourd'hui.
03:43C'est incroyable de se dire aussi
03:44que je suis aujourd'hui si proche d'elle,
03:46alors que je l'ai suivie de loin pendant aussi longtemps.
03:50C'est fou, c'est vrai qu'on est très proche d'elle.
03:51À mon avis, on l'a vue passer, je ne sais pas.
03:53Je pense qu'elle n'est pas loin.
03:54Alors, elle est en train de partir de scène,
03:55mais c'est vrai que c'est un moment assez fort.
03:57On est en train de voir sur les écrans,
03:59on a reçu Angela il y a quelques années.
04:01On l'a eue en interview en vidéo.
04:03Il me semble aussi qu'on avait prévu quelques unes
04:06des années 70 justement.
04:07Je pense que Latifa, tu vas pouvoir un peu nous en parler.
04:09Alors, j'ai noté normalement les dates et les unes.
04:13Il y en a une du 29 septembre 1971
04:16qui s'appelle Angela, la bataille.
04:18Est-ce que la régie, vous l'avez sur le coude ?
04:20Ok, ça arrive.
04:22Ça arrive, ça arrive.
04:23Latifa, toi, c'est des unes dont tu te rappelles,
04:26qui t'ont marquée.
04:27Voilà, celle-là par exemple.
04:29Angela Davis, la machination.
04:30Alors, celle-là, c'est du 1er septembre 1971.
04:32Oui, Angela Davis, la machination,
04:34c'est en ce qui concerne effectivement la poursuite.
04:40Pourquoi elle a été traquée, accusée de meurtre et emprisonnée.
04:46Et c'est toute une machination effectivement
04:48qu'il y avait derrière.
04:50Parce que, pourquoi en fait ?
04:52Elle l'explique très bien.
04:53Elle portait un combat extrêmement important, antiraciste.
04:57Il faut rappeler quand même qu'Angela était aussi
05:00une militante communiste.
05:01Elle l'est toujours, comme elle l'a dit tout à l'heure.
05:04Et elle a profondément dérangé.
05:07Et du coup, une machination a été montée contre elle.
05:11Et elle a été poursuivie, traquée.
05:13Elle a fini par être arrêtée et elle a été emprisonnée.
05:16Donc ça, il ne faut pas l'oublier.
05:19Et s'il n'y avait pas eu un formidable mouvement international,
05:22une mobilisation internationale incroyable,
05:24elle le dit elle-même, elle serait peut-être encore aujourd'hui
05:27en train de croupir en prison, comme Moumia Abou-Jamel,
05:30pour qui aujourd'hui, elle a son tour, elle se bat.
05:33C'est vraiment quelqu'un qui a pu, j'ai l'impression,
05:35rassembler en fait les gens.
05:37Et ça, c'est extrêmement rare que autant,
05:39rien que parce qu'elle incarne, elle a réussi à rassembler
05:42tellement de monde autour d'elle à l'international,
05:45comme tu dis, qu'ils ont réussi à la libérer
05:47contre Ronald Reagan quand même.
05:49C'était assez impressionnant, mais j'imagine
05:51qu'on va revenir là-dessus après.
05:53Peut-être on va commenter la deuxième une.
05:55On en a une deuxième, en fait, on en a deux.
05:57On a deux unes assez historiques.
05:58Voilà, Angéla Labataille, celle-là du 29 septembre 1971.
06:02Benjamin, qu'est-ce que tu penses de cette une ?
06:04Qu'est-ce qu'elle t'évoque ?
06:06C'est très pop culture dans le visuel, dans le format.
06:09En fait, c'est devenu pop culture.
06:11En fait, c'est vrai que c'est typiquement...
06:14C'est devenu une esthétique, en fait,
06:16mais qui renvoie justement à une période, déjà,
06:19c'est-à-dire les années 70-80,
06:21et à des formes de militantisme.
06:22C'est pas juste un truc nostalgique de ces visuels-là
06:26et de ce look aussi qui est devenu iconique.
06:28Parce qu'en fait, déjà, d'une chose,
06:30ce look et même les pancartes en blanc, etc.,
06:33ils renvoient pas juste à une esthétique,
06:35mais à un vrai mouvement politique,
06:37et même à des vrais mouvements politiques,
06:39sur toutes les questions que vous avez évoquées.
06:40Et puis, il y a même cette idée que...
06:43Tu parlais de genre...
06:45Tu l'as connue avant, la coupe afro,
06:47le look iconique.
06:48En fait, même cet aspect esthétique,
06:50en réalité, il est politique dans le sens,
06:52comme tu disais, de te reconnaître dedans et tout ça.
06:54Donc, ça...
06:56En fait, c'est toujours la question.
06:58C'est que pour nous, maintenant,
06:59c'est devenu presque une esthétique
07:01qu'on pourrait penser dépolitisée,
07:02c'est-à-dire qui serait réduite à l'esthétique,
07:04mais en réalité, elle renvoie à un sens
07:06et à des combats et des luttes très, très concrètes.
07:09Et là, on voit bien qu'effectivement,
07:11il y a tout un tas de générations
07:13qui sont réunies devant
07:14et qui sont là pour des raisons politiques,
07:16pas juste pour voir, je ne sais pas, une rock star
07:18ou quelqu'un comme ça.
07:20Il y a un lien qui s'est fait avec cette période-là
07:22et les combats de cette période-là, quoi,
07:24qu'il y a là-dedans.
07:25C'est vrai que ça a été un moment assez fort.
07:26Alors, la scène était...
07:27Enfin, l'agora était blindé,
07:28on ne pouvait pas circuler.
07:29Vous, vous avez...
07:30Alors, vous n'avez pas vu la fin
07:31parce que vous deviez vous installer,
07:32mais comment vous...
07:33Comment vous avez vécu ce moment ?
07:35C'était très fort.
07:36C'était très fort.
07:37On a entendu des chants antifascistes et tout.
07:38C'était quand même un moment assez fort, Latifa.
07:40D'abord, on a eu la chair de poule, hein.
07:43C'est clair, ça a donné des frissons.
07:46Moi, ce qui...
07:48Ce qui m'a marquée, c'est-à-dire...
07:50Elle a dit un certain nombre de choses.
07:52Je vais reprendre, hein, juste.
07:53Il y a trois, quatre citations, des phrases fortes.
07:56« La radicalité, c'est simplement
07:58prendre un problème à sa racine. »
08:00Elle dit ça.
08:01Elle dit encore
08:02« Le féminisme est l'idée radicale
08:04que les femmes sont des personnes. »
08:06Troisième phrase.
08:07« La Palestine est un test moral pour le monde. »
08:10D'ailleurs, elle a entonné
08:11« Free Palestine », tout le monde a...
08:13A noter qu'elle porte le keffier.
08:15Vous vous imaginez qu'elle aurait pu être arrêtée
08:18un jour, interpellée dans la rue,
08:19aujourd'hui, en France ?
08:20Donc...
08:21Et quatrième phrase très forte qu'elle a dite.
08:23« The hope is a discipline. »
08:25« L'espoir est une discipline. »
08:27« C'est un travail. »
08:28Voilà.
08:29Donc, ces phrases-là
08:32qu'elle a déclamées aujourd'hui,
08:34et à chacune de ces phrases,
08:36elle a été ovationnée.
08:38Donc...
08:39Et chacune de ces phrases,
08:40c'est pas que des phrases...
08:41– Il y a Angéla Davis qui se passe juste derrière moi.
08:42Alors, c'est pour pas que le jazz s'inquiète,
08:43il y a beaucoup de monde.
08:44Il y a tout un cordon de sécurité autour d'elle
08:46pour être sûr que tout se passe bien.
08:47Et voilà, vous l'avez vue très, très rapidement,
08:49mais vous l'avez vue.
08:50Excuse-moi, la tifa continue.
08:51– Non, ce ne sont pas que des phrases comme ça.
08:52Chaque phrase...
08:53– Ça va ?
08:54– Chaque phrase porte...
08:55– Oui, oui, non.
08:56– Euh...
08:57Une pensée très forte.
08:59Parce que, voilà.
09:00Angela Davis, on l'a dit,
09:02c'est pas ce que tu disais, ben Benjamin,
09:05y compris son look, il est politique aussi,
09:09mais elle porte une pensée très forte.
09:11Et cette pensée-là,
09:12il ne faut pas oublier qu'elle est prof de philo, hein,
09:15aussi, en plus d'être militante du mouvement des droits civiques,
09:19militante du communisme, militante des Black Panthers,
09:21c'est une prof de philo,
09:22elle a fait des études à la Sorbonne, etc.
09:25Et donc, elle porte une pensée profonde.
09:28Elle a même, on va dire, inventé des concepts,
09:32des concepts extrêmement importants,
09:34dont le concept de l'intersectionnalité.
09:36Elle en a encore parlé tout à l'heure.
09:38Bon, je pense qu'on aura l'occasion d'y revenir,
09:39parce que j'avais choisi un extrait...
09:41– Tout à fait.
09:42– ... qui me permet de revenir à ça.
09:44Et du coup, je préfère laisser la parole aux autres.
09:47– Jane, je te vois extrêmement émue.
09:49– Oui.
09:50– Raconte-nous.
09:51– J'essaie de cacher l'émotion.
09:52– Ah ben non, mais c'est très bien.
09:53– C'est vraiment...
09:54C'est impressionnant quand tu rencontres quelqu'un
09:57pour lequel tu as...
09:58Je sais pas comment on dit ça en français,
10:00mais j'ai look up à cette personne-là
10:02depuis des années en fait,
10:03depuis mon adolescence,
10:04dès que j'ai posé les yeux sur elle
10:05et que j'ai compris ce qu'elle incarnait
10:07et les valeurs qu'elle portait.
10:08Et même lorsque j'ai lu sa biographie,
10:11on découvre vraiment une personne si inspirante,
10:13une personne tellement engagée,
10:15une personne tellement passionnée
10:16et qui l'incarne par sa propre vie.
10:18Et c'est vraiment ça qui fait que...
10:20Je pense qu'aujourd'hui,
10:21elle a inspiré tellement de gens
10:22à eux-mêmes lancer leur propre combat.
10:25Et surtout, c'est pour moi
10:26un symbole de la persévérance en fait,
10:28parce que je ne connais pas...
10:30Alors évidemment, il y a plein de personnalités
10:32publiques, politiques,
10:34qui incarnent ces choses-là,
10:36mais je trouve qu'il y a un truc
10:37qui est mis en place,
10:38c'est le fait que souvent,
10:39on nous montre des photos
10:40de ces militants-là,
10:41des photos en noir et blanc,
10:42et du coup, c'est des choses
10:43qui nous font croire
10:44que c'est des personnes qui datent
10:45et qui vivent plus à notre époque,
10:47alors qu'en fait,
10:48elles existent toujours,
10:49elle est toujours là,
10:50elle est toujours présente,
10:51et il faut continuer en fait
10:52de non seulement rendre hommage,
10:53mais continuer à les montrer,
10:55continuer à les mettre en avant,
10:56parce que je pense que c'est ce qui va faire
10:58qu'on va continuer
10:59à inspirer les nouvelles générations
11:02pour continuer ces luttes-là,
11:03parce qu'elles ne s'arrêtent jamais en fait.
11:06Peut-être que tu commençais à parler
11:07d'intersectionnalité.
11:09Est-ce qu'on ne commencerait pas
11:10à regarder les extraits, la régie ?
11:12Quand vous voulez, ouais.
11:13Donc c'est vrai qu'on vous a demandé
11:15de travailler pour venir à cette émission.
11:17Vous avez tous les trois
11:19choisis un extrait chacun.
11:21Alors dans le contexte de la libération
11:24de toutes les nationalités opprimées
11:26et de la libération de la classe ouvrière.
11:29Et voilà, la régie,
11:31ils sont au top de toute façon,
11:33ils bossent toute la journée
11:35de à peu près 10h jusqu'à 23h.
11:38C'est quand vous voulez.
11:40On regarde et après,
11:41Latifat, tu nous expliques.
11:44Je crois qu'il faut projeter
11:47la libération des Noirs
11:49dans le contexte de la libération
11:51de toutes les nationalités opprimées
11:53et de la libération de la classe ouvrière.
12:04France Culture 1975.
12:06Elle dit qu'il faut regarder la lutte
12:08contre le racisme comme centrale
12:10dans la lutte anticapitaliste.
12:14Elle explique pourquoi d'ailleurs
12:16quand ils sont au pouvoir,
12:17les capitalistes font tout pour diviser.
12:20Ils divisent la classe ouvrière
12:22et ils divisent les Noirs contre les Blancs.
12:25Et en fait,
12:26pourquoi j'ai choisi cet extrait ?
12:28Bon, rappelons qu'Andréa Délis
12:30on dit que c'est une icône
12:32de la lutte antiraciste, anticapitaliste,
12:34féministe, anticolonialiste.
12:36Et d'ailleurs elle dit que
12:37sa vie appartient à ces luttes.
12:38Parce qu'aujourd'hui,
12:40on se perd dans des polémiques
12:42stériles et contre-productives
12:44au sujet d'une prétendue primauté
12:46d'un combat ou d'une domination
12:49devant l'autre.
12:51On dit la classe plutôt que la race,
12:53la race plutôt que la classe,
12:55le féminisme contre la classe.
12:57Non.
12:58Pour Angela Davis,
12:59la question ne s'est jamais posée vraiment
13:01parce qu'en fait,
13:02son enfance a été rythmée
13:04par le bruit des attentats du Ku Klux Klan.
13:06Il faut savoir qu'elle habitait
13:08dans un quartier qui s'appelle Dynamite Hill
13:10à Birmingham, en Alabama.
13:13Voilà.
13:14La région la plus ségrégée,
13:16comme elle dit, des États-Unis à l'époque.
13:18Sa grand-mère lui raconte
13:20l'esclavage qu'elle a subi.
13:22Elle porte ça, il faut quand même se le mettre en tête,
13:24Angela Davis.
13:25Donc elle a vécu là-dedans
13:27et elle a construit sa pensée
13:29à partir de sa vie,
13:31à partir du terrain.
13:32Très tôt, elle avait 14 ans
13:34quand elle a fui,
13:36parce qu'elle considérait qu'elle vivait un enfer.
13:38Les bombardements du Ku Klux Klan, etc.
13:40Les gens qui étaient obligés d'être armés.
13:42Il faut savoir que ses parents étaient enseignants
13:44et qui étaient déjà des militants communistes.
13:46Donc à 14 ans, elle part.
13:48Elle arrive à décrocher, à faire des études
13:50à New York.
13:51Et c'est là qu'elle dit, d'ailleurs, à un moment donné,
13:53qu'elle comprend.
13:55Alors, c'est là, dit-elle,
13:57je suis devenue membre d'un mouvement de jeunesse communiste
13:59et c'est là que toutes les humiliations
14:01de mon enfance ont trouvé
14:03une explication.
14:05L'oppression des Noirs par les Blancs
14:07était sous-tendue par un système capitaliste
14:10qui en tirait des bénéfices.
14:12Et c'est de là qu'elle explique sa prise de conscience
14:14et son engagement politique.
14:16Et donc, l'intersectionnalité,
14:18c'est aussi la lutte
14:20féministe, où elle explique
14:22aussi pourquoi
14:24l'exploitation des femmes, la domination,
14:26le patriarcat, elle fait le lien avec
14:28le système capitaliste.
14:30Donc, c'est pour ça que pour nous,
14:32c'est très important, je crois,
14:34de revivifier
14:36la pensée
14:38d'Angela Davis, parce que je pense
14:40que ça va nous permettre
14:42de dépasser nos divisions
14:44et de pouvoir mieux avancer.
14:46Je ne sais pas ce que vous en pensez.
14:48Qu'est-ce que vous en pensez ? Alors, l'intersectionnalité,
14:50finalement, quand on écoute Angela Davis,
14:52elle prend tout son sens, elle paraît
14:54évidente.
14:56C'est un concept que j'ai
14:58beaucoup étudié,
15:00si on peut dire ça comme ça. J'ai aussi
15:02beaucoup lu Bell Hooks et puis pas mal
15:04de militantes
15:06qui parlent de l'intersectionnalité et qui l'apprennent.
15:08Et ça fait intrinsèquement partie
15:10de mes propres luttes aujourd'hui.
15:12On parlait tout à l'heure d'afro-gameuse.
15:14Je veux dire, rien que dans le nom,
15:16déjà, on comprend de quoi ça parle.
15:18On est vraiment dans un cadre de lutte
15:20intersectionnelle où on essaye
15:22de montrer que non seulement
15:24les femmes, mais aussi les femmes noires,
15:26plus précisément, existent
15:28en tant que personnes qui jouent
15:30aux jeux vidéo, bien sûr, mais aussi en tant que
15:32créatrice, en tant que développeuse, etc.
15:34C'était important parce que le truc, à la base,
15:36c'est que beaucoup de gens me disent aujourd'hui
15:38« Oui, mais il y a des combats plus importants.
15:40Oui, mais pourquoi est-ce que tu ne parles pas juste des femmes ? »
15:42Pourquoi est-ce que... Et en fait,
15:44le fait d'avoir lu Angela Davis,
15:46d'avoir découvert son parcours,
15:48c'est clairement quelque chose qui, pour moi,
15:50a inspiré le fait de continuer cette lutte-là
15:52et de se dire que l'engagement
15:54qu'on porte, il est intéressant
15:56et non seulement il est intéressant, il est puissant
15:58et il a le mérite d'exister, en fait.
16:00Et c'est vraiment quelqu'un comme elle qui donne
16:02la force de pouvoir continuer à porter
16:04des sujets comme ça parce que l'intersectionnalité,
16:06finalement, touche tout le monde.
16:08Et effectivement, moi, je suis vraiment pour
16:10cette espèce de convergence des luttes
16:12où
16:14on se rend compte que toutes les oppressions,
16:16en fait, se forment
16:18les unes avec les autres
16:20et que pour les combattre, il faut aussi
16:22les combattre les unes envers les autres,
16:24tout simplement.
16:26Benjamin, tu es d'accord avec cette idée
16:28d'intersectionnalité, de convergence des luttes ?
16:30C'est des thèmes que tu abordes dans tes vidéos,
16:32toujours avec une vision un peu plus marxiste,
16:34mais c'est des enjeux
16:36que tu connais.
16:38La preuve que ça va avec une vision marxiste,
16:40justement, Angela Davis,
16:42c'est ce que tu viens d'expliquer.
16:44Mais en fait, c'est vachement intéressant parce que
16:46à gauche, dans les mouvements progressistes,
16:48justement, on essaye de
16:50pas trop que ce soit
16:52s'attacher à un être humain,
16:54à une icône, etc.
16:56Mais en fait, au-delà de ça,
16:58c'est une question d'incarnation.
17:00Elle incarne déjà parfaitement
17:02des idées,
17:04qui sont aussi importantes
17:06et pas juste la figure.
17:08On dit souvent que quelqu'un
17:10est de tous les combats.
17:12Là, c'est vraiment littéral.
17:14C'est vrai jusqu'à aujourd'hui,
17:16comme tu disais, avec la Palestine, etc.
17:18Et aussi, une autre chose,
17:20c'est qu'elle incarne aussi
17:22ce passage de Flambeau
17:24et ce que tu disais sur la machination,
17:26comme tu le disais tout à l'heure,
17:28de cette passion de, justement,
17:30criminaliser les militants
17:32avec des méthodes, en plus,
17:34qui étaient vraiment lamentables
17:36et qui l'ont rendue aussi.
17:38Parce qu'elle a surmonté ça grâce à la mobilisation
17:40internationale autour de ça.
17:42Mais c'est pareil, c'est pas juste elle.
17:44Elle incarne aussi
17:46la criminalisation des militants.
17:48Je crois qu'on a un petit problème avec ton micro, Bolchigui.
17:50Ce que je vous propose, on va regarder l'extrait de Jane
17:52et comme ça, pendant ce temps-là, on va changer ton micro.
17:54Est-ce que je l'aurais pas éteint ?
17:56Non, en fait, on t'entend,
17:58mais ça grésille un peu. On regarde l'extrait de Jane.
18:00Jane, t'as choisi, toi, ce visuel,
18:02un visuel hyper esthétique aussi.
18:04Il y a un travail esthétique assez fort.
18:06Un visuel d'Amnesty. Est-ce que tu peux nous expliquer
18:08pourquoi t'as choisi ce visuel
18:10et avec cette citation ?
18:12La citation, je n'accepte plus les choses
18:14que je ne peux pas changer.
18:16Je change les choses que je ne peux pas accepter.
18:18C'est clairement quelque chose qui me
18:20parle complètement et qui me définit
18:22aussi beaucoup dans la manière dont j'ai décidé
18:24de commencer à m'engager.
18:26C'est un visuel que
18:28justement, j'ai découvert
18:30peut-être autour de 2019
18:32et en fait,
18:34c'est quelque chose qui a lancé
18:36en moi l'envie de m'engager parce qu'en 2020,
18:38on a tous vu passer
18:40la mort de George Floyd et le mouvement
18:42Black Lives Matter. En fait, c'est
18:44un moment qui a été hyper puissant
18:46pour moi parce qu'effectivement,
18:48voir diffuser un petit peu partout
18:50la mort de George Floyd,
18:52ça a vraiment animé
18:54quelque chose en moi. Je pense que
18:56les personnes noires étaient énormément en souffrance
18:58à ce moment-là et moi, j'en faisais partie.
19:00C'est à ce moment-là que je me suis dit
19:02que ce n'était juste pas possible de continuer à avoir
19:04de telles atrocités et que
19:06je voulais aussi qu'on se rappelle que ce sont des choses qui arrivent en France.
19:08J'ai commencé
19:10à suivre également le travail de Assa Traoré
19:12sur les violences
19:14contre les policiers et ce qui s'est passé
19:16avec son frère, Abdama Traoré.
19:18C'est à partir de ce moment-là que j'ai vraiment
19:20commencé à avoir une véritable prise de conscience.
19:22Et la partie où elle dit
19:24« j'ai envie de changer les choses que je ne peux pas
19:26accepter », c'est réellement ça. C'est comme ça que
19:28le militantisme a réellement commencé pour moi.
19:30Angela Davis, pour moi, c'est
19:32vraiment le point de départ vers le militantisme.
19:34Alors que je savais que
19:36certaines réalités existaient,
19:38je me les suis
19:40prises de plein fouet à ce moment-là
19:42quand j'ai découvert ce visuel-là et avec
19:44le contexte politique. C'est à partir
19:46de ce moment-là que je me suis dit « ok, moi aussi, à ma manière,
19:48je vais faire ce que je peux pour faire changer
19:50les choses ». Sans elle,
19:52peut-être même
19:54que je ne serais pas là, peut-être même qu'il y a des choses
19:56que je n'aurais pas commencé à
19:58défendre certaines idées.
20:00C'est quelqu'un que
20:02j'ai vraiment envie de remercier aussi pour
20:04l'ouverture d'esprit dont elle fait preuve
20:06parce que, comme on le disait tout à l'heure encore une fois,
20:08c'est quelqu'un qui, justement, pour
20:10les droits de tous les êtres humains, au-delà de ça,
20:12l'écologie, le décolonialisme,
20:14et voilà,
20:16juste pour ça, en fait, moi, j'ai vraiment
20:18envie de la remercier. Je vois Rokhaya Diallo
20:20passer dans mon street. En même temps,
20:22voilà encore une militante à moi.
20:24Moi, je ne les vois pas,
20:26donc c'est bien que vous me le disiez parce que moi, je ne les vois pas. Super.
20:28Effectivement, il y a du beau monde.
20:30Benjamin, peut-être que tu voulais finir ton idée.
20:32Tu as été coupée. Normalement, c'est bon, ton micro fonctionne ?
20:34Oui, là, c'est bon. Incroyable. Désolé pour ça.
20:36Non, mais en plus, très rapidement, c'était pour dire
20:38dans ce qu'elle incarnait, justement, au-delà de
20:40la personne elle-même, c'est qu'elle incarne, justement, cette machination
20:42et cette criminalisation qu'il y a eu à cette époque-là,
20:44et elle, elle l'a surmontée grâce à cette
20:46mobilisation, mais ce n'est pas le cas de tout le monde.
20:48C'est-à-dire que ça n'a pas été la seule. Et tu disais, bon,
20:50il y a Abou Djamal, il y a des gens qui sont restés en prison,
20:52et il y a des gens qui ont été littéralement assassinés
20:54dans les mêmes mouvements, des gens avec qui elle militait
20:56qui font partie de ce mouvement-là. Donc, quelque part,
20:58elle incarne aussi
21:00tous ces gens-là. C'est-à-dire qu'elle incarne aussi la mémoire
21:02de tous ces gens-là et les combats
21:04de tous ces gens-là.
21:06Latifa, tu veux rebondir
21:08sur l'essai ? Qu'est-ce que ça t'évoque, cette affiche
21:10que tu vois en face de toi ?
21:12Qu'est-ce que ça m'évoque, l'affiche ?
21:14La citation, le visuel ?
21:16Bon, le visuel, alors,
21:18il faut savoir, je ne sais pas, que quand même,
21:20les affiches qui ont été faites
21:22sur Angela Davis, il y en a eu plusieurs
21:24énormément,
21:26ce sont les deuxièmes qui se vendent le plus
21:28après celles du Tché.
21:30Enfin, je ne sais pas si vous voulez me corriger,
21:32mais c'est ce que j'ai lu. On te croit.
21:34Ah oui, c'est ça.
21:36Il me semble.
21:38Est-ce que ça m'évoque ?
21:40Ça m'évoque les copines
21:42de la fac.
21:44J'avais des copines, elles se coiffaient comme ça.
21:46Toi aussi ou pas ?
21:48Moi aussi, je me souviens.
21:50C'est bien ce que tu nous avais dit.
21:52Oui, c'est vrai.
21:54C'est vrai, complètement.
21:56Ce n'est pas un hasard si aujourd'hui, je porte mon afro.
21:58Si même j'ai commencé
22:00aussi à porter l'afro,
22:02parce que ça aussi, c'est clairement un objet politique.
22:04C'est ce qu'on disait, oui.
22:06Ça a aussi un effet avec ça.
22:08C'est au-delà des idées qu'elle incarne.
22:10C'est physique aussi.
22:12Ça permet à d'autres personnes de pouvoir s'identifier
22:14et s'assumer plus pleinement dans un cadre sociétal
22:16où on nous dit, tu dois ressembler à ça.
22:18En fait, non.
22:20Je vais ressembler à Angela Davis et moi aussi,
22:22je vais prendre une décision politique
22:24rien que par ma propre esthétique.
22:26Oui, mademoiselle Attiba.
22:28Justement,
22:30pour montrer
22:32l'actualité,
22:34la modernité de sa pensée
22:36et la continuité,
22:38c'est quand même...
22:40On peut dire que ses thèses se retrouvent
22:42aujourd'hui dans les mouvements
22:44d'émancipation Black Lives Matter
22:46et Me Too, par exemple,
22:48qui sont pourtant des mouvements des années 2000
22:50et qui sont fortement inspirés
22:52par ce qu'elle a toujours
22:54défendu.
22:56Elle est venue l'année dernière,
22:58Angela Davis,
23:00et elle avait donné une conférence
23:02et elle avait dit,
23:04par rapport à ses mouvements,
23:06on peut cultiver cette attitude-là
23:08en France, faire confiance
23:10à l'intelligence des gens,
23:12à la créativité collective des solidarités.
23:14Elle a donné l'exemple
23:16de la bataille des femmes de chambre
23:18de l'hôtel Batignolles.
23:20Ça, c'était à l'époque,
23:22parce que quand elle était venue, il y avait ça.
23:24D'ailleurs, on sera chez le Kéké demain.
23:26Et aujourd'hui, à Marseille,
23:28c'est Jason Blum.
23:30Et elle dit,
23:32elle a trouvé
23:34admirable cette bataille
23:36pour montrer comment
23:38ces femmes-là,
23:40de couleur, ouvrières, ont réussi
23:42à faire plier un grand groupe hôtelier
23:44après 22 mois de lutte.
23:46Elle était très contente parce qu'elle
23:48se rend compte que finalement,
23:50sa pensée se traduit
23:52dans les luttes aujourd'hui,
23:54dans les luttes ouvrières,
23:56dans les luttes des femmes ouvrières
23:58et des femmes noires ouvrières.
24:00Et c'est là où
24:02cette question d'intersectionnalité,
24:04on ne devrait même pas en débattre,
24:06parce qu'elle est sur le terrain.
24:08Ce que tu disais par rapport au black féminisme,
24:10j'appelle ça le black féminisme,
24:12elle a expliqué
24:14qu'à l'époque,
24:16dans son parcours de militante...
24:18Il y a Assa Traoré derrière nous, décidément.
24:20Ça n'arrête pas de s'enchaîner.
24:22Il a fallu qu'elles se battent,
24:24parce que les femmes se battent contre
24:26leurs copains noirs.
24:28Parce que, soi-disant,
24:30leur combat de femmes était en cause
24:32de leur masculinité.
24:34Donc, je ne sais pas si...
24:36Et on en est là encore aujourd'hui.
24:38Voilà.
24:40Peut-être qu'on va regarder ton extrait,
24:42Benjamin, parce que je crois qu'il n'y a pas de son.
24:44Donc on le regarde ensemble
24:46et tu nous le commandes, t'expliques pourquoi tu nous l'as choisi.
24:48Est-ce que vous êtes prêts à l'envoyer ?
24:50Il n'y a pas de son, mais c'est normal.
24:52Tu m'avais demandé des exemples
24:54vraiment pop culture et qui soient visuels.
24:56C'est un exemple
24:58qui peut être assez anecdotique.
25:00C'est une série qui s'appelle Hunters,
25:02qui a été produite sur des chasseurs nazis.
25:04C'est totalement fictif.
25:06Il est produit par Jordan Peele,
25:08qui est quelqu'un qui met souvent
25:10des questions politiques,
25:12et notamment liées au mouvement afro-américain,
25:14dans des trucs très pop culture.
25:16Il y a un personnage dans cette équipe
25:18de chasseurs, qui est donc Roxy,
25:20et qui est un personnage, vous voyez même les visuels.
25:22Là on voit par exemple sur cette image
25:24les panneaux emblématiques
25:26de cette époque-là,
25:28des mouvements politiques afro-américains.
25:30Et on a vu aussi un petit peu avant,
25:32c'est un truc très pop et très fun, il y a de la bagarre et tout,
25:34des affiches qui renvoient
25:36beaucoup à l'esthétique années 70, notamment de la Blacksploitation,
25:38qui est aussi un imaginaire
25:40qui a contribué à mettre en avant
25:42cette archétique de look,
25:44parce que c'est aussi un cinéma
25:46où on commençait à voir des héroïnes
25:48noires, badass,
25:50vraiment où il y avait ce truc-là,
25:52et donc qui a convergé aussi un petit peu, et qui renvoie
25:54à cette époque, et qui est, là on le voit,
25:56c'est qu'on ne peut pas dissocier du côté politique,
25:58ou alors il faut vraiment faire
26:00un énorme effort de dépolitisation pour la durée de l'esthétique,
26:02et je ne l'ai pas pris au hasard non plus, parce que
26:04l'actrice qui s'appelle Tiffany Boone,
26:06qui est une jeune actrice américaine,
26:08a préparé le personnage,
26:10alors ce n'est pas Angela Davis,
26:12mais elle a dit,
26:14moi j'ai préparé le personnage, en regardant les interviews
26:16d'Angela Davis,
26:18et d'autres leaders comme ça, des Black Panthers,
26:20etc., et elle a vraiment été chercher
26:22volontairement l'aspect politique
26:24de ce truc-là,
26:26même si c'est une série vraiment très popcorn,
26:28donc j'ai vraiment trouvé cet exemple-là,
26:30parce que justement, je trouve que ça montre
26:32qu'il y a toujours cette
26:34contradiction un petit peu, qui est difficile à dépasser,
26:36entre quand quelque chose
26:38devient une icône pop, c'est-à-dire vraiment une esthétique
26:40des années 70 qui renvoie à ça,
26:42on pourrait rajouter aussi toute l'esthétique du radicalisme
26:44justement militant de cette époque,
26:46avec dans les films où on va avoir des personnages,
26:48et notamment les personnages masculins, avec les Berets,
26:50les Ranjos, etc.,
26:52qu'on peut retrouver un petit peu, qui renvoient à ça,
26:54il y a une forme de dépolitisation,
26:56et de réduction à la posture et à l'esthétique,
26:58et un truc, quelque chose de nostalgique,
27:00mais en réalité, c'est en tension
27:02avec le fait qu'on ne peut pas complètement
27:04sortir ça d'une histoire
27:06des combats, et que ça continue
27:08aussi à les faire vivre,
27:10et alors l'autre exemple, du coup je n'ai pas pu prendre cet autre exemple,
27:12parce qu'il n'est pas visuel,
27:14mais Angela Davis, dans la pop culture,
27:16c'est aussi beaucoup dans la musique,
27:18c'est-à-dire qu'il y a eu énormément de chansons
27:20sur elle, et notamment des chansons de
27:22Yoko Ono et John Lennon,
27:24et des Stones, enfin voilà,
27:26c'est quand même pas rien d'avoir des chansons de ça,
27:28donc il y a eu vraiment un...
27:30ça fait partie de la mobilisation
27:32autour de ces questions-là,
27:34il y a eu aussi une mobilisation dans le domaine culturel
27:36et artistique, et je rajoute un truc pour la France,
27:38parce que des fois on ne s'en souvient pas,
27:40mais la chanson Lily, de Pierre Perret,
27:42bon Pierre Perret maintenant est un petit peu
27:44loin de ça,
27:46mais dans Lily,
27:48le troisième couplet, le personnage de Lily
27:50va aux Etats-Unis,
27:52et rencontre Angela Davis, qui est citée nominalement,
27:54et ça finit sur
27:56la solution de la chanson, comment Lily s'en sort,
27:58c'est qu'elle lève le poing,
28:00et voilà, on a un peu oublié ça,
28:02qu'en fait elle est vraiment présente
28:04beaucoup aussi dans la musique
28:06à ce moment-là, et pareil, dans une forme
28:08d'incarnation de combats
28:10de combats de l'époque, et je rajoute juste un petit truc
28:12parce qu'on en avait parlé tout à l'heure,
28:14sinon je l'ai oublié, et parce que tu prenais l'exemple
28:16de Valérie Pécresse,
28:18peut-être tu veux en parler ?
28:20Non mais vas-y, le truc c'est qu'on en parle !
28:22Sur cette idée d'archétype, qui est que
28:24toutes les figures historiques, et notamment de lutte,
28:26le Tché, tout ça,
28:28deviennent des figures pop à un moment,
28:30et qui peuvent un peu être dépolitisées,
28:32et qui du coup deviennent un petit peu
28:34neutralisées dans un certain sens,
28:36c'est très criant avec Martin Luther King,
28:38où l'image qu'on a gardée de lui,
28:40enfin qui est présentée aussi dans les imaginaires,
28:42est une image très modérée, très polissée,
28:44c'est le cas avec Mandela aussi,
28:46alors que pareil, il était en prison,
28:48il était traité de terroriste, il était proche
28:50du parti communiste aussi, enfin c'est toujours un peu les mêmes trucs qui disparaissent.
28:52Martin Luther King c'est pareil,
28:54c'est les engagements un petit peu socialisants,
28:56et les engagements contre la guerre du Vietnam
28:58qui ont été
29:00un petit peu effacés,
29:02et voilà, ça c'est un truc
29:04qui se retrouve souvent dans ces figures-là,
29:06et qui n'est pas possible,
29:08ou très difficile avec Angela Davis,
29:10parce que justement elle est toujours là, elle n'a jamais lâché l'affaire,
29:12elle est toujours entre guillemets
29:14subversive, et comme
29:16elle l'était à l'époque, et ce qui fait que
29:18par exemple, elle a atteint ce statut
29:20d'icône, mais on se retrouve en France
29:22avec Valérie Pécresse, qui ne veut pas
29:24qu'on nomme, c'est un lycée je crois,
29:26Angela Davis,
29:28parce que voilà,
29:30son discours sur...
29:32C'est contraire aux lois de la République.
29:34Donc voilà, on refuse, et du coup c'est devenu
29:36Rosa Parks, et ce qui est pareil,
29:38ce qui dit beaucoup, c'est que
29:40Rosa Parks, c'est pareil quelqu'un dont
29:42on a retenu dans l'imaginaire
29:44cette dame qui a refusé d'aller au fond du bus
29:46un jour, comme si en fait c'était
29:48une personne lambda qui en a
29:50eu marre de l'injustice, etc., et on a gommé
29:52le fait que Rosa Parks était une activiste.
29:54Oui, c'est ça, exactement.
29:56Et en fait c'est un acte qui s'inscrit dans un mouvement,
29:58et qui était organisé, Rosa Parks c'était pas juste
30:00une petite dame qui un jour a subi une injustice,
30:02et en a eu marre. Et qui n'a fait que ça d'ailleurs,
30:04parce qu'elle a continué de lutter juste après.
30:06Voilà, exactement, et sauf que du coup,
30:08on peut la polisser et dire
30:10non, non, Rosa Parks ça va pour faire un lycée, Valérie Pécresse,
30:12elle est d'accord, parce que justement,
30:14on a dans cet imaginaire l'idée que
30:16on en a une version un petit peu qui tranquillise
30:18un peu le pouvoir, qui tranquillise des gens
30:20qui les auraient foutus en taule
30:22à l'époque, parce que c'est les mêmes réactionnaires
30:24et les mêmes pouvoirs qui auraient fait ça,
30:26mais qui peuvent dire...
30:28Vous connaissez cette citation, je l'aime bien,
30:30qui dit que pour
30:32les modérés, ou les gens
30:34qui sont au pouvoir maintenant,
30:36ils sont toujours pour les mouvements
30:38de lutte et de droit civique
30:40qui sont passés, et jamais pour ceux de maintenant.
30:42Et les radicaux c'est l'inverse,
30:44c'est-à-dire que nous on est toujours pour ceux de maintenant.
30:46Et voilà,
30:48j'ai l'impression que ça se transmet beaucoup par ces archétypes-là.
30:50Je suis assez...
30:52Allez-y, allez-y.
30:54Je suis assez d'accord avec ça, parce que,
30:56sur Rosa Parks d'ailleurs,
30:58elle n'était pas la première femme à décider
31:00de ne pas s'asseoir derrière.
31:02Il y avait une jeune femme avant elle, je crois que son nom c'était Claudette,
31:04je ne me rappelle plus de son nom de famille,
31:06mais parce que Rosa Parks incarnait justement déjà ce militantisme,
31:08elle représentait quelque chose
31:10et elle était très active,
31:12ils ont décidé de plutôt utiliser
31:14l'image et de porter ce message-là,
31:16en gros de le faire incarner
31:18par Rosa Parks, parce que ça allait avoir
31:20plus d'ampleur, tout simplement.
31:22Et au-delà de ça,
31:24je trouve assez intéressant le fait qu'effectivement
31:26c'est la radicalité en fait d'Angela Davis
31:28qui était complètement questionnée
31:30et qui ne voulait pas être acceptée.
31:32Dans le même sens, on a des personnalités
31:34comme Mohamed Ali ou Malcolm X
31:36où eux, on les a plutôt...
31:38Finalement,
31:40pour eux, c'est l'incarnation justement du Rallye des Kalims
31:42qu'on ne va pas
31:44mettre en avant de la même manière qu'on met en avant
31:46Rosa Parks ou encore Angela Davis.
31:48Et je trouve que c'est quelque chose qui persiste
31:50encore énormément aujourd'hui
31:52dans le sens où, l'autre jour seulement,
31:54je regardais une émission et je voyais Rokhaya Diallo
31:56qui parlait tout simplement
31:58des personnes noires et des personnes blanches.
32:00Et j'ai vu sur le plateau que ça avait
32:02complètement... En fait, le débat,
32:04les personnes s'insurgeaient du fait
32:06qu'on puisse qualifier les blancs et les noirs
32:08alors même que, en fait, comment est-ce qu'on peut
32:10adresser ces questions-là si on n'arrive même pas
32:12à mettre les termes sur
32:14les mots en fait, alors que
32:16de base, ce ne sont même pas les noirs qui ont décidé
32:18ces appellations-là, ce sont les blancs qui ont décidé pour eux.
32:20Donc voilà, c'est toutes ces choses-là qui font aussi
32:22que c'est des sujets qu'Angela Davis
32:24adresse depuis très longtemps et qui
32:26continuent de persister aujourd'hui
32:28alors même que ça fait des
32:30dizaines d'années qu'on en parle
32:32et c'est important d'avoir une figure
32:34qui reste aussi stable dans son discours
32:36pour justement continuer à inspirer
32:38les personnes qui continuent ces luttes-là, je trouve.
32:40Latifa, tu voulais rebondir ?
32:42J'avais juste une anecdote que j'avais oubliée
32:44tout à l'heure. On adore tes anecdotes,
32:46Angela Davis.
32:48Elle est venue plusieurs fois en France et quand elle était venue
32:50pour faire ses études à la Sorbonne,
32:52elle raconte, elle est venue à Paris
32:54pour ses études, on m'a prise pour une Algérienne
32:56et traitée comme telle,
32:58moi qui pensais de façon naïve
33:00que le racisme n'existait pas en Europe, j'ai déchanté.
33:02Voilà, donc je voulais
33:04citer cette phrase parce qu'en fait
33:06elle a dit dans un contexte,
33:08c'était dans une interview
33:10où elle avait pris conscience
33:12à quel point elle avait eu une
33:14notoriété mondiale et du coup elle se sentait
33:16une responsabilité par rapport
33:18aux autres peuples et à l'image qu'elle pouvait
33:20incarner
33:22et c'est un peu pour cette raison-là
33:24qu'elle a été
33:26très choquée par la façon dont elle a été
33:28accueillie, enfin elle a subi
33:30le racisme quand elle est venue en France quand même.
33:32Et c'est pour ça qu'elle fait le lien
33:34aussi entre lutte anti-raciste
33:36et lutte anti-coloniale. Pourquoi
33:38une Algérienne ? C'est pas seulement par rapport
33:40au racisme, parce que c'est un pays
33:42qui était nouvellement indépendant,
33:44qui était une colonie française, etc.
33:46Donc voilà, l'un dans l'autre, la boucle est bouclée
33:48mais je pense que
33:50c'était important de
33:52rappeler
33:54ces aspects-là. En fait,
33:56elle a tellement
33:58suscité,
34:00quand elle a été en prison,
34:02elle a suscité un très fort mouvement
34:04de mobilisation pour sa libération
34:06et elle l'a ressenti presque comme une dette
34:08par rapport aux gens.
34:10Elle dit « j'étais devenue un symbole à détruire,
34:12j'ai compris que je ne pouvais pas
34:14m'écrouler. Malgré moi, je représentais
34:16la cause de millions de personnes qui me
34:18soutenaient en Inde, en Afrique,
34:20aux Etats-Unis, en France.
34:22Et jusqu'à aujourd'hui, on sent qu'elle porte
34:24cette charge quelque part.
34:26Et en même temps,
34:28tous ces messages qu'elle veut
34:30transmettre et qu'elle transmet
34:32absolument magnifiquement bien.
34:34C'est vrai qu'elle parle très très bien, ses messages sont
34:36très clairs. On ne peut qu'être d'accord
34:38avec Angela Davis quand on l'entend.
34:40C'est vrai, c'est difficile. Alors ne pas
34:42oublier son livre, elle l'a dit
34:44tout à l'heure, on l'a rappelé,
34:46son livre « Femme, race, classe »
34:48qui est une Bible, je dirais,
34:50qui est sorti en 1981
34:52mais qui a été traduit en France,
34:54donc qui est paru en France en 2022
34:56et qui reste d'une actualité
34:58absolument... C'est un livre
35:00indispensable à lire.
35:02J'ai moi-même été acheter un de ses bouquins tout à l'heure
35:04à la fête de l'UMA dans l'espoir de me faire
35:06dédicacer, on va voir si c'est possible.
35:08Elle a fait la préface d'un livre
35:10justement pour ce Moumia Abou-Jamel
35:12qu'elle dédicace au Village du Livre.
35:14Peut-être c'est le créneau.
35:16Jane, je te laisse la parole.
35:18Tu as commencé un petit peu à parler de ton travail
35:20à Afrogamers.
35:22Comment... Comment dire ?
35:24Comment ton amour
35:26d'Angela Davis a influé
35:28sur ta volonté de fonder cette association ?
35:30Peut-être que tu peux nous rappeler un petit peu ce que vous faites
35:32et un peu nous rappeler la genèse
35:34de cette association.
35:36En gros,
35:38j'ai décidé de me lancer
35:40pour créer cet asso Afrogamers
35:42parce que tout simplement, je suis une joueuse.
35:44Je joue depuis mon longue enfance
35:46et en fait, c'est vraiment à travers
35:48le jeu vidéo que j'ai découvert le racisme.
35:50C'est-à-dire que je jouais aux jeux en ligne
35:52avec plein d'autres gens dans le monde entier.
35:54On discutait en anglais et puis
35:56parce que je jouais un personnage
35:58noir, on a commencé à me balancer des
36:00N-words par-ci par-là.
36:02Parce que j'étais une femme et que je portais
36:04un pseudo
36:06féminin, en tout cas à consonance féminine.
36:08Pareil, on m'insultait avec
36:10des phrases sexistes
36:12et misogynes.
36:14C'est vraiment le mix des deux que j'ai vécu
36:16et que je n'avais jamais vécu dans la vraie vie avant.
36:18C'est-à-dire que ma première
36:20confrontation au racisme et au sexisme
36:22à la misogynoir,
36:24je l'ai eue à travers les jeux vidéo.
36:26Je pensais vraiment
36:28pendant longtemps être la seule à avoir vécu ça
36:30et à me dire que ce n'est pas vraiment un sujet pour les autres.
36:32Il n'y a que moi qui pense ça.
36:34C'est vraiment en appelant
36:36les personnes autour de moi
36:38et en utilisant les réseaux sociaux,
36:40la vie en ligne, que j'ai cherché
36:42à savoir s'il y a d'autres personnes qui vivent ça.
36:44Effectivement, j'ai découvert que
36:46c'était le cas et que je n'étais pas la seule
36:48avec les témoignages de plusieurs femmes noires
36:50qui m'ont répondu. Je me suis rendue
36:52compte que c'était un discours qui était complètement effacé.
36:54Je me suis rappelée
36:56à ce moment-là, évidemment, de la lutte
36:58d'Angela Davis et de ce qu'elle incarnait
37:00qui parlait de misogynes noirs depuis hyper longtemps.
37:02Rien que le fait de savoir
37:04que quelqu'un en a parlé avant,
37:06ça a fortement influé sur le fait que
37:08je voulais que ce discours, que cette réalité-là
37:10soit plus mise en avant.
37:16Cette accumulation du racisme et du sexisme
37:18que j'ai pu vivre et que
37:20plein d'autres femmes ont pu vivre, c'est vraiment
37:22quelque chose que j'avais envie de porter
37:24en France, dans un pays où je trouvais
37:26qu'on ne parlait pas assez de
37:28cette intersectionnalité-là précise.
37:30Et le fait de
37:32savoir qu'Angela Davis en parlait
37:34déjà, ça m'a inspirée
37:36à devenir en quelque sorte
37:38un porte-parole sur ces sujets.
37:40Et aujourd'hui, on parle beaucoup
37:42du sexisme. Évident que
37:44vivent les femmes dans le monde du jeu vidéo.
37:46Mais on ne parle toujours pas assez, je trouve,
37:48des problématiques racistes qui existent
37:50et qui pourtant sont réelles et qui sont devenues
37:52complètement banalisées. Et moi, avec Afrogamer,
37:54j'ai vraiment voulu
37:56mettre ça en avant, porter
37:58ce discours-là et surtout le ramener à la France
38:00et qu'on se confronte un peu aux problèmes
38:02qu'on a sur notre propre territoire et non pas
38:04que à ce qui se passe aux États-Unis.
38:06Évidemment, c'est important d'avoir
38:08des figures internationales et emblématiques
38:10comme Angela Davis. Mais on a aussi des figures
38:12françaises ici qui parlent de
38:14ces choses-là et des figures françaises
38:16qui...
38:18qui luttent, en fait, au quotidien
38:20contre le racisme et le sexisme.
38:22Rien que récemment, il y a eu un nouvel assaut
38:24anti-HSM, enfin un nouveau hashtag
38:26qui est sorti anti-HSM, qui lutte
38:28contre la misogynoir qui
38:30a pris forme. Et c'est bien
38:32pour montrer que cette lutte, en tout cas cette
38:34oppression, elle est permanente. Elle est permanente
38:36et moi, aujourd'hui, ce dont j'ai envie,
38:38c'est vraiment que les personnes se rappellent
38:40de ça, du fait que
38:42on ne vit pas tous à la même enseigne,
38:44malheureusement, et que
38:46comme Angela le dit si bien, en fait,
38:48on a besoin que le monde entier
38:50se sente concerné par ces
38:52luttes-là et que ces oppressions-là,
38:54elles nous concernent vraiment, nous tous et toutes,
38:56et c'est quelque chose que j'ai remarqué, justement,
38:58quand j'ai lancé AfroGamers, j'ai lancé un
39:00mini Kickstarter, une mini campagne
39:02de crowdfunding à l'époque, et c'était pas juste
39:04des femmes ou des femmes noires qui ont
39:06donné de l'argent pour cette cause-là, c'était
39:08vraiment tout le monde. Et c'est ce qui m'a
39:10vraiment permis aussi de croire à
39:12me dire que ce genre de projet
39:14peut exister, a le droit et mérite
39:16en fait d'exister, de prendre place
39:18dans cet univers, même s'il s'agit
39:20de luttes « digitales »,
39:22et bien le digital fait partie
39:24intégrante de nos vies, et en fait, c'est
39:26important pour nous de se rendre compte que ça a un impact
39:28sur nos vies, et
39:30rappeler aux gens aussi qui jouent
39:32en ligne typiquement qu'elles doivent
39:34faire attention à la manière dont elles parlent
39:36et qu'on est tous
39:38différents, mais qu'on appartient à une même
39:40humanité qui a le droit d'exister sur
39:42le même sol, tout simplement
39:44promouvoir en fait cette tolérance-là,
39:46et c'est vraiment Angela Davis qui m'a enseigné ça.
39:48Si je reprends un peu l'intitulé de
39:50la société, il me semble que vous militez à la fois pour plus
39:52de représentation des personnes noires,
39:54mais aussi
39:56dans les conditions de fabrication,
39:58en quoi c'est important de lier les deux ?
40:00On peut expliquer ?
40:01Le lien est simple, c'est simplement que
40:03les personnes qui font les jeux aujourd'hui dans l'industrie
40:05du jeu vidéo, c'est
40:0775% d'hommes, ce sont
40:0990%,
40:11on va dire, peut-être 95 même,
40:13de personnes blanches aussi,
40:15et on sait que
40:18quand tu crées une oeuvre, tu fais passer tes propres
40:20messages dans les oeuvres que tu crées.
40:22Donc les représentations que tu vas
40:24proposer dans tes jeux,
40:26vont avoir une influence parce qu'elles vont porter certains
40:28messages. Tu joues à Call of Duty,
40:30demain, Call of Duty, ça porte un message.
40:32Tu joues à n'importe quel autre jeu,
40:34c'est des messages politiques qui sont envoyés.
40:36Et donc le fait de ne pas pouvoir se voir
40:38à travers les personnages qu'on va
40:40proposer par exemple, de ne voir
40:42principalement que des personnages blancs ou que des
40:44personnages masculins, ça va
40:46te faire croire que tu n'existes pas dans ces espaces-là.
40:48Et c'est pourtant si important de se
40:50voir dans les espaces qu'on consomme, parce que c'est des
40:52choses qu'on consomme au quotidien, on achète ces jeux-là.
40:54Que ce soit pour le cinéma, la musique
40:56ou les jeux vidéo, on les achète
40:58et on les consomme. Et aujourd'hui, la population des
41:00joueurs de jeux vidéo, elle est
41:02mixte, elle est extrêmement diverse.
41:04Les gens du monde entier jouent
41:06depuis l'Afrique, en passant par l'Asie, vers les
41:08Etats-Unis et l'Europe. Du coup, moi,
41:10je pense vraiment
41:12que les jeux vidéo peuvent contribuer
41:14à changer le monde d'une certaine manière
41:16à travers les représentations qu'elles proposent.
41:18On voit par exemple l'impact
41:20qu'a eu Netflix. Netflix, justement,
41:22s'est démarqué non seulement en étant une plateforme de
41:24streaming, mais aussi parce qu'il proposait
41:26du contenu enfin diversifié
41:28qui pouvait parler aux gens de la communauté
41:30queer, les personnes
41:32issues de la diversité de manière générale.
41:34Et donc, ça a réellement eu un impact
41:36sur les gens. Le jeu vidéo est capable de faire la même
41:38chose, je pense, surtout parce que c'est vraiment un
41:40média qu'on peut utiliser pour incarner des réalités
41:42différentes. Le fait de pouvoir
41:44jouer un personnage trans, de pouvoir jouer
41:46des personnages de toutes origines,
41:48de ne pas continuer
41:50à créer ce que j'appelle l'Arabistan
41:52dans les jeux de guerre, par exemple.
41:54C'est vraiment plein de sujets comme ça
41:56qui sont...
41:58qui font vraiment partie du jeu vidéo,
42:00mais dont les gens ne se rendent pas forcément compte.
42:02Et je pense qu'il faut continuer à faire conscientiser
42:04ça. Et le message que
42:06j'ai envie de porter, c'est ça. C'est de
42:08vraiment penser au fait que le média qu'on
42:10consomme a un impact sur nous et que c'est
42:12important d'avoir des représentations, non seulement
42:14positives, mais aussi des représentations
42:16authentiques et justes. Et moi, c'est mon travail
42:18aujourd'hui de justement aider
42:20les développeurs à faire ça.
42:22J'ai d'abord créé l'association AfroGamers
42:24pour créer une communauté et puis faire
42:26prendre conscience, en fait, de la toxicité
42:28qui existe dans ces milieux-là.
42:30Et au niveau de mon travail, j'aide vraiment sur
42:32les représentations, même dans les jeux, parce que
42:34c'est quelque chose qui m'anime et je vais continuer
42:36de le faire dans le futur.
42:38Bravo.
42:40La Tifa, tu connaissais AfroGamers ?
42:42Non, je l'ai découvert grâce à
42:44cette émission, mais vraiment bravo pour ce
42:46travail. C'est extrêmement important parce qu'on est
42:48en plein dans la bataille des idées.
42:50La bataille médiatique,
42:52la bataille des idées que la gauche
42:54a perdue, est en train de perdre.
42:56Et je trouve que c'est formidable
42:58ce que vous faites.
43:00Alors,
43:02j'avais pensé à...
43:04Pour revenir à ce que disait Angela Davis,
43:06à ce qu'elle a dit tout à l'heure, à l'Agora,
43:08depuis quelques
43:10années, bon, elle est là d'ailleurs pour ça,
43:12mais depuis quelques années, elle porte trois combats.
43:16Les violences policières,
43:18parce que tu en as parlé tout à l'heure,
43:20bien sûr, aux Etats-Unis et en France.
43:24Elle était venue d'ailleurs, elle en avait parlé,
43:26quand il y a eu l'affaire George Floyd, on a eu aussi,
43:28nous, ici, des affaires.
43:30Le milieu carcéral, c'est pour ça
43:32d'ailleurs qu'elle s'est mobilisée, elle se mobilise
43:34actuellement pour la libération de Moumia Abou-Jamal.
43:36Et la Palestine,
43:38n'oublions pas la Palestine,
43:40elle l'a dit tout à l'heure,
43:42et c'est là où on voit comment
43:44la bataille des idées,
43:46elle a complètement,
43:48aujourd'hui, du fait qu'elle a...
43:50que c'est la droite
43:52et l'extrême droite qui dominent
43:54dans la bataille des idées,
43:56ils ont inversé les valeurs.
43:58Comment, aujourd'hui, on se retrouve
44:00dans une situation où
44:02un drapeau palestinien
44:04revendiquant cesser le feu
44:06aujourd'hui, à Gaza,
44:08peut être considéré comme
44:10antisémite.
44:12Donc, je voulais souligner ça
44:14parce qu'Angela Davis a insisté aussi
44:16et je pense que pour nous c'est important de le rappeler.
44:20On peut le chat après ? Je voulais revenir vers toi Benjamin.
44:22On parlait des conditions de production
44:24des objets de pop culture, toi c'est un truc qui t'intéresse
44:26très particulièrement, tu fonds une grande partie
44:28de ton travail là-dessus, est-ce que tu peux nous expliquer
44:30un petit peu pourquoi c'est si important dans le jeu vidéo
44:32comme le tuyau des jeunes, mais globalement dans les séries,
44:34dans les films, dans la musique ?
44:36Déjà, pour ce que tu as dit, c'est-à-dire
44:38les questions effectivement de représentation
44:40dans le média lui-même
44:42et dans les équipes,
44:44évidemment, et parce que ça fait...
44:46c'est là aussi où se joue
44:48la bataille culturelle
44:50et comment dire...
44:52justement, c'est pas pour faire le vieux marxiste
44:54mais il y a un peu cette idée-là, c'est-à-dire qu'en fait
44:56on peut toujours dire
44:58qu'il faudrait plus de ci ou ça
45:00d'un point de vue un peu...
45:02comment dire... moral, de dire
45:04qu'il faudrait plus représenter ci ou en tout cas de manière
45:06moins stigmatisée et tout, mais si en fait
45:08dans les équipes, il n'y a pas des personnes
45:10qui sont sensibilisées à ça et surtout qui sont concernées
45:12par ça, et bien ça ne va
45:14jamais être fait d'une manière qui est
45:16très intéressante, voire ça ne va pas être fait
45:18du tout, et en même temps
45:20c'est toujours associé à
45:22comment est l'industrie, et c'est là en plus
45:24où c'est pareil, ça rejoint des questions
45:26de croisement avec la question
45:28de l'anticapitalisme, la question même de l'écologie
45:30du féministe, enfin tout quoi
45:32ce qu'on dit depuis le début, parce que
45:34je prends l'exemple de Netflix
45:36et qu'effectivement
45:38dans le jeu vidéo, il y a des choses qui se passent
45:40mais en fait, Netflix
45:42s'il y a des efforts qui sont faits
45:44sur ces sujets-là
45:46c'est pas par bonté d'âme
45:48des actionnaires de Netflix
45:50évidemment, je pense que tout le monde est conscient
45:52de ça, et c'est lié à plusieurs choses
45:54qui sont que, en fait, il y a un public qui a évolué
45:56qui en demande, et il y a aussi des créatifs
45:58qui ont évolué, et Netflix, d'un point de vue
46:00purement capitalistique, en fait
46:02ils sont obligés de se dire, écoutez
46:04les gens, maintenant ils sont ouverts
46:06à ça, même ils
46:08veulent de ça, et en plus
46:10sans rentrer dans les détails, c'est une plateforme
46:12donc ils ont un intérêt
46:14à ouvrir en fait
46:16avoir de la diversité
46:18dans leur catalogue, pour une raison qui est
46:20bassement matérielle, mais en réalité
46:22c'est aussi ça qui fait des portes
46:24ouvertes pour
46:26un public qui était en demande de ça, et aussi
46:28pour des créatifs qui voulaient faire ça
46:30Jordan Peele
46:32sur cette série, c'est Amazon je crois
46:34la série, mais voilà, c'est pas plus capitaliste
46:36que ça, mais Jordan Peele, lui, il le fait pas
46:38parce que c'est un truc qui marche, il a toujours parlé
46:40de ça, c'est des sujets qui lui tiennent à cœur
46:42juste maintenant il a une porte ouverte
46:44et les gens se rendent pas forcément compte, notamment les gens qui
46:46critiquent le fait que ça serait fait
46:48pour des raisons commerciales et tout
46:50en fait, le fait qu'il n'y avait pas par exemple
46:52ce type de représentation avant
46:54c'était aussi pour des raisons commerciales
46:56en fait, c'était aussi que
46:58les médias étaient détenus par des gens qui disaient
47:00non non, si on met
47:02des questions LGBT ça va faire un tollé
47:04le public veut pas
47:06si on met des personnages noirs
47:08mais qui sont pas, alors ok
47:10mais pas dans le rôle-titre, enfin genre vraiment
47:12c'est très criant l'évolution, et moi je rappelle
47:14toujours ce truc, par exemple le code Hays
47:16qui était un code d'Hollywood
47:18et qui a marqué énormément la culture populaire américaine
47:20qui était un code de censure qui interdisait
47:22ces représentations-là formellement
47:24et qui a du coup créé des archétypes
47:26des réflexes etc
47:28et du coup maintenant, il y a des portes
47:30qui s'ouvrent dans ces industries-là
47:32il y a des gens qui s'engouffrent dedans
47:34et ça c'est important, mais c'est toujours
47:36permis par des conditions matérielles
47:38et d'ailleurs si on veut aller plus loin, en fait en réalité
47:40il faudrait aussi remettre en cause le fait que
47:42on est dépendants
47:44de plateformes qui ont aussi des réflexes
47:46capitalistes
47:48et qui le font que tant que ça leur rapporte de l'argent
47:50et qui vont lâcher le truc
47:52dès le moment où ils considéreront
47:54que c'est plus intéressant
47:56pour eux, et voilà, il y a plein de choses
47:58enfin voilà
48:00c'est aussi un combat, et qui n'est pas que
48:02un combat culturel, qui est un combat aussi
48:04au sein même des gens
48:06qui travaillent là-dedans
48:08il y a vraiment un enjeu d'empouvoirer
48:10en fait les personnes
48:12minorisées pour qu'elles arrivent à créer
48:14ces œuvres-là, si on veut justement
48:16sortir un peu de ce fonds
48:18de ces objectifs capitalistiques
48:20parce qu'il y a une vraie problématique d'accès
48:22non seulement à l'éducation
48:24mais aussi aux finances nécessaires
48:26pour se mettre à créer un jeu ou faire un film
48:28etc, je pense qu'il y a une vraie
48:30demande aussi, et aujourd'hui
48:32je parlais tout à l'heure de Netflix, mais
48:34évidemment je pense qu'il y a des ambitions aussi commerciales
48:36et marketing pour Netflix, et pour tous ceux
48:38qui font ça, mais
48:40au-delà de ça, je pense que c'est quelque chose qui
48:42malgré tout fait évoluer
48:44les représentations, parce qu'on est passé
48:46de pas de représentation du tout
48:48à plus de représentation, certes, mais
48:50quel type de représentation est-ce qu'on a aujourd'hui ?
48:52Ce sont principalement
48:54honnêtement des choses qui pour moi
48:56restent assez superficielles
48:58et qui ne sont pas forcément authentiques. Par exemple
49:00demain, pour moi, il y a
49:02un énorme marché
49:04pour la représentation des cultures africaines
49:06par exemple, qui est sous-exploité aujourd'hui
49:08et pourquoi est-ce qu'on ne voit pas assez l'Afrique dans
49:10la pop culture de manière générale ?
49:12Parce qu'on connaît
49:14les difficultés qui sont
49:16propres au continent, mais en réalité
49:18le fait d'avoir un exemple comme Black Panther
49:20qui a pu autant
49:22impacter le monde entier, et pas que les
49:24personnes noires, et c'est ça qui est tellement important
49:26à dire, parce que oui,
49:28les représentations comptent et elles impactent finalement
49:30tout le monde, c'est hyper puissant en fait.
49:32Et je pense vraiment que si on veut
49:34aller vers des représentations plus justes, il faut
49:36aussi passer par le fait de
49:38donner des finances, de l'argent aux personnes
49:40concernées, et aussi tout simplement
49:42leur fournir les droits qu'elles méritent d'avoir aussi
49:44pour arriver à l'avenir.
49:46Angela qui repasse derrière nous, je suis désolé, mon regard est
49:48forcément attiré par elle.
49:50Merci beaucoup Jane. Il y a une question
49:52du chat, je crois qu'il voulait revenir sur ce que tu disais
49:54Latifa, une question de Master Chief
49:56À quel moment la gauche est en train de perdre
49:58sur les idées ? Je crois que c'était toi qui disais ça, non ?
50:00Je me trompe peut-être ?
50:02À quel moment la gauche est en train de perdre sur les idées ?
50:04Il faut refaire une émission
50:06Tu as 5 minutes devant toi,
50:08pas plus.
50:10Déjà de fait,
50:12objectivement,
50:14il faut quand même savoir que
50:1690% des médias sont
50:18entre les mains de grands
50:20multinationales
50:22capitalistes.
50:24Que Bolloré à lui seul, il détient
50:26plus de 50%
50:28de la scène médiatique,
50:30de la presse, etc.
50:32En fait, déjà, dans les faits,
50:34et objectivement,
50:38les idées, elles passent aussi par
50:40les médias, par les livres,
50:42et
50:44les médias, les livres, Bolloré,
50:46il en détient plus de 50%.
50:50Les médias indépendants,
50:52les médias d'opinion comme
50:54l'Humanité et les médias indépendants, il y a d'ailleurs
50:56le village des médias indépendants, là, ici,
50:58ils sont combien ?
51:00Ils représentent même pas 10%
51:02ce qu'on appelle les médias indépendants, c'est ceux qui ne sont
51:04pas financés par des gros groupes
51:06financiers. Et un gros groupe
51:08financier qui finance un média,
51:10il va automatiquement imposer une
51:12ligne éditoriale et vouloir
51:14que ce soit ses idées qui soient défendues.
51:16On l'a vu. On a vu ce qui s'est passé avec Europa.
51:18On a vu la grève du
51:20JDD. Donc, déjà,
51:22là, en ce sens, en fait,
51:24quand je dis que la gauche a perdu,
51:26je me suis peut-être mal exprimée.
51:28Mais en même temps,
51:30en même temps, en même temps,
51:32d'une certaine façon,
51:34la gauche, elle a passé beaucoup de temps
51:36à se diviser
51:38et à se disputer, justement, sur
51:40des questions dont on parlait tout à l'heure stériles.
51:42La classe, la race, le ci,
51:44le ça. Donc, ça aussi,
51:46c'est une façon de s'affaiblir.
51:48Angela Davis, elle a encore redit,
51:50il faut s'unir. Nous devons nous unir.
51:52Ils sont trop forts.
51:54Donc, c'est en ce sens. Donc, arrêtons
51:56de nous batailler,
51:58les batailles d'égo, d'avoir
52:00trop de candidats à des élections,
52:02alors qu'on pourrait s'unir. Bon, on l'a réussi
52:04avec le NFB. Là, c'est vrai que
52:06pour le coup, on a gagné,
52:08que c'est pas nous, c'est Macron qui s'est
52:10allié avec la droite
52:12et avec l'extrême droite pour nous imposer
52:14Barnier. Je veux bien, mais il faut reconnaître
52:16quand même que la gauche a aussi sa part
52:18de responsabilité. Voilà.
52:20– Très bien. Il nous reste une petite
52:22dizaine de minutes. Il nous reste
52:24une question. Je pense qu'il va nous prendre du temps.
52:26Tous les trois, vous avez beaucoup parlé
52:28de ce qu'incarnait Angela Davis.
52:30Est-ce qu'aujourd'hui,
52:32il y a une figure qui pourrait représenter
52:34ce que représente Angela Davis ? La réponse est non,
52:36d'accord. Mais est-ce
52:38qu'il y a des personnalités qui émergent ?
52:40Est-ce que dans 10 ans, on se rappellera d'une personnalité
52:42comme on se rappelle aujourd'hui d'Angela Davis ?
52:44– Moi, j'en ai une. – Vas-y, Latifa.
52:46– Moi, je dis Sophie Binet. Pour moi,
52:48Sophie Binet. Non, mais c'est vrai, je sais pas.
52:50Aujourd'hui, pour moi, Sophie Binet,
52:52elle incarne vraiment l'espoir
52:54pour demain.
52:56Dans ce qu'elle porte, dans ce qu'elle fait,
52:58le mouvement social,
53:00le rôle qu'il a joué
53:02dans la
53:04constitution
53:06du Nouveau Front Populaire,
53:08c'est-à-dire d'une union de la gauche
53:10aux législatives.
53:12Vraiment, un mouvement
53:14comme la CGT, mais le mouvement
53:16syndical, le mouvement social et le mouvement
53:18citoyen ont porté cette union
53:20et il faut qu'ils soient toujours là,
53:22toujours là, pour continuer
53:24à porter l'union,
53:26le rassemblement.
53:28Et je pense que Sophie Binet est vraiment
53:30une personne qui porte ça
53:32et qui le porte très bien.
53:34– Ça te tourne bien, parce que Sophie Binet sera l'invitée ce soir
53:36de Backseat. Elle sera pas sur notre chaîne,
53:38elle sera sur la chaîne de Backseat, mais je pense que ce sont des questions qui seront évoquées.
53:40Sophie Binet, vous êtes d'accord ?
53:42Est-ce que vous avez une autre idée ? Benjamin ?
53:44Jeanne, comme vous voulez.
53:46– Moi, j'ai quelqu'un, mais parce que
53:48c'est aussi une personnalité française
53:50que j'admire énormément, c'est
53:52Rokhaya Diallo. – Qu'on a vu passer derrière.
53:54– Je l'ai vu passer, vraiment, deux icônes en une journée,
53:56c'est compliqué pour moi.
53:58– C'est la fête de l'humain.
54:00– Oui, c'est vrai, c'est le meilleur endroit, en fait, pour ça.
54:02Pour moi, Rokhaya Diallo,
54:04parce que, pareil,
54:06elle incarne des idées
54:08très similaires à celles d'Angela Davis,
54:10même si dans son parcours de vie,
54:12les réalités ne sont pas du tout différentes,
54:14mais elle correspond vraiment aussi
54:16à la lutte de notre époque
54:18et à ce qu'on vit à notre époque.
54:20Je pense aussi à Assa Traoré,
54:22par rapport à toute la lutte qu'elle porte
54:24aussi vis-à-vis des violences policières,
54:26qui est extrêmement forte dans l'incarnation
54:28aussi de ces idées-là.
54:30Et vraiment, pour moi, Rokhaya Diallo,
54:34c'est un général
54:36qui a été envoyé au front,
54:38pas seulement pour représenter les femmes,
54:40pas seulement pour représenter les personnes noires,
54:42pas seulement pour représenter les musulmans,
54:44mais vraiment pour porter la voix
54:46de toutes les populations oppréciées
54:48et de toutes les luttes
54:50pour lesquelles on a envie,
54:52les causes pour lesquelles on a envie
54:54de se battre aujourd'hui.
54:56Elle parle évidemment d'écologie,
54:58elle parle de la lutte antiraciste,
55:00des droits des femmes,
55:02et elle le fait vraiment en ayant les yeux rivés sur elle.
55:04Et tous les jours, on la voit passer
55:06dans les médias, confrontée à des détracteurs
55:08qui sont complètement en opposition
55:10à ce qu'elle dit, et elle perdure depuis plus de 15 ans.
55:12Elle écrit des livres pour continuer
55:14à instruire les gens sur cette thématique-là,
55:16et pas que des livres sociologiques,
55:18elle essaie aussi de nous instruire
55:20juste à travers des œuvres de la pop-culture,
55:22elle écrit des BD. En fait, elle fait un travail
55:24qui, pour moi, est vraiment complet
55:26et qui, justement, va avoir
55:28aussi une portée internationale.
55:30Elle a commencé à écrire au Washington Post,
55:32au Guardian.
55:34Pour moi, c'est quelqu'un dont on se souviendra
55:36aussi dans 50 ans,
55:38dans 100 ans,
55:40elle s'est vraiment installée,
55:42et on n'attendait pas quelqu'un comme elle pour porter autant
55:44nos idées, avec autant d'éloquence
55:46aussi, il faut le dire,
55:48et autant de patience.
55:50Parce qu'il faut énormément faire preuve de patience
55:52quand on est Rockaïa Diallo face
55:54à l'adversité, je trouve.
55:56Benjamin, Sophie Binet,
55:58Rockaïa Diallo, quelqu'un d'autre ?
56:00Je n'aurais pas d'exemple, justement,
56:02parce que je me dis que
56:04une figure comme ça, en fait,
56:06ça naît organiquement
56:08des mouvements et de la lutte,
56:10et à la limite, je pourrais dire, je suis peut-être un peu
56:12cul-cul là-dessus, mais je me dis
56:14que ces luttes, elles existent toujours,
56:16elles sont toujours actuelles,
56:18et la jeunesse s'en empare, s'en réempare
56:20aussi, j'ai l'impression, de plus en plus,
56:22et je me demande même si
56:24il n'y a pas un retour vers des figures
56:26de radicalité qui correspondent
56:28aussi à ces décennies-là,
56:30et je me dis que, voilà, en fait, c'est peut-être
56:32là, dans la jeunesse, il y a des futures
56:34figures, et je ne souhaite en vrai à personne
56:36d'être la nouvelle Angela Davis, parce que je ne souhaite à personne
56:38de subir ce qu'elle a subi, mais en fait,
56:40il y a des gens qui vont incarner,
56:42qui vont se retrouver à incarner ces mouvements, parce que
56:44ces mouvements, ils existent, et en fait, ils ne feront
56:46qu'incarner tous les gens
56:48avec qui ils ont été dans la lutte.
56:50Donc, en fait,
56:52ça ne se décrète pas,
56:54mais là, il y a des
56:56potentialités qui sont énormes.
56:58Oui, juste,
57:00c'est juste ce que tu dis, et tu fais
57:02bien de le dire, parce qu'il ne faut pas non plus
57:04qu'on reste, qu'on s'accroche à des personnes.
57:06On a beaucoup tendance, en France,
57:08dans les médias, à vouloir dire,
57:10mais une personne qui s'incarne
57:12tel mouvement, et c'est vrai qu'il faut revenir
57:14au collectif, éviter l'individualisme,
57:16mais juste, si j'ai le temps,
57:18par rapport à la question du chat...
57:20Elle t'a perturbée,
57:22cette question-là, Thiba ? Elle m'a perturbée,
57:24mais voilà, ça me fait penser, quand
57:26quand même, quand quand même on criminalise
57:28des
57:30chercheurs et professeurs d'université,
57:32parce qu'ils se sont positionnés
57:34pour le cessez-le-feu à Gaza,
57:38qu'on les fait passer
57:40au tribunal, quand on
57:42traîne devant les tribunaux
57:44des syndicalistes, parce qu'ils
57:46organisent des manifestations
57:48pour la paix, etc., on ne peut pas dire
57:50que je suis désolée.
57:52Qui a gagné la bataille des idées,
57:54quand on est dans une situation pareille,
57:56avec un système répressif
57:58et de criminalisation
58:00des luttes, aujourd'hui, extrêmement
58:02dangereux. Donc, c'était pas
58:04du tout une façon de dire
58:06« Oui, la gauche, elle a perdu, parce que c'est de sa faute ».
58:08C'est en partie de sa faute, mais c'est parce que
58:10on est dans un système de plus en plus dur.
58:12Angela Davis, elle l'a dit tout à l'heure,
58:14elle a dit « Nous avons reculé ».
58:16Donc, heureusement, il y a cette jeunesse-là,
58:18et c'est vrai qu'elle existe,
58:20sur le terrain, qui est en train de reprendre le flambeau,
58:22et voilà, et l'espoir est là.
58:24Ça fait une très belle place, là, Thiba,
58:26parce que demain, justement, on a un plateau sur Twitch
58:28qui veut interdire la solidarité
58:30avec la Palestine.
58:32Donc, voilà, on parlera du rôle des médias,
58:34du rôle de la police, du rôle de la justice.
58:36Donc, voilà, c'est bien, tu as très bien disé.
58:38Je vous lis un peu le chat, vous avez l'air très satisfait
58:40de ce qui est en train de se dire.
58:42Beaucoup de merci à tous les trois sur vos prises de parole.
58:44Donc, c'est trop chouette.
58:46Je pense qu'on va s'arrêter là pour ce débat.