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00:00Jeudi dernier, Camilia, 7 ans, descend, traverse les passages cloutés en bas de chez elle à Valory.
00:08Elle est heurtée par un motard qui était sur une roue arrière en contresens.
00:15Elle a été tuée, non pas sur le coup, mais quasiment sur le coup, avec de nombreuses fractures.
00:23De façon un peu exceptionnelle, l'auteur s'est arrêté.
00:29L'auteur est en situation régulière sur le territoire français.
00:33Il est français, du reste.
00:35L'auteur a un permis de conduire, etc.
00:37Et du coup, il n'a pas du tout le profil qu'on a l'habitude d'avoir.
00:41Et après avoir été mis en examen, il a été placé sous contrôle judiciaire.
00:46– Il a été remis en liberté, c'est pas sûr qu'il revienne en liberté.
00:48– Le papa de Camilia qui est avec nous, Slim Totioussaïa, merci d'être avec nous.
00:53Il est avec nous en direct.
00:55Vraiment, merci d'être avec nous ce soir.
00:57Je pense à vous depuis des jours et des jours.
01:00Je trouve que vous avez un comportement exemplaire.
01:02Je me mets à votre place tous les jours.
01:04Je sais que ça doit être extrêmement compliqué.
01:06Et je sais que vous êtes dans une peine immense.
01:11J'aimerais que vous parliez avec votre cœur ce soir.
01:13Je n'ai même pas envie de vous poser de questions.
01:15Parce que je pense que vous avez plus à dire.
01:18Et vous avez d'autres choses à dire que mes questions.
01:20Mais sachez que toute la France s'est mise à votre place.
01:25Et toute la France a envie de vous soutenir et de vous dire qu'on est avec vous.
01:32– Alors, ce que je veux dire, toute la France a été derrière Camilia.
01:36D'accord.
01:37Au point que je me demande, est-ce que je suis le seul papa de Camilia ?
01:44Parce que les réactions que j'ai vues sur les réseaux sociaux, c'est exceptionnel.
01:48À son image.
01:50Donc après, je ne devais pas parler avant son enterrement,
01:54comme j'ai dit à tous les médias.
01:56Parce que je voulais m'occuper de l'enterrement de ma fille avant.
02:00La mettre à sa place.
02:02Et après, passer à autre chose.
02:05Sauf que ce matin, je lis sur un journal
02:10que la personne qui a causé la mort de ma fille,
02:14c'est une personne exemplaire.
02:16C'est une personne de bonne famille.
02:18C'est une personne modèle.
02:20D'accord ?
02:22En fait, ce que je voulais savoir,
02:24est-ce qu'il y a un critère pour tuer une personne ?
02:28– Non mais c'est inadmissible d'entendre ça.
02:31Je suis d'accord avec vous.
02:33Moi, je ne peux pas entendre ça.
02:35Ce papa, il ne reverra jamais sa fille.
02:37C'est une personne exemplaire.
02:40– Ce que je voulais savoir,
02:42je demande à tous les gens qui sont sur le plateau,
02:44j'ai juste une question.
02:46Est-ce que vous considérez ce qui est arrivé à ma fille un accident ?
02:48Oui ou non ?
02:49– Non.
02:50– Non, c'est un abruti.
02:53Et je le dis…
02:55– C'est un abruti.
02:57C'est un jeune.
02:59Ça aurait pu être n'importe qui.
03:02C'était lui, malheureusement, pour lui.
03:05Mais du moment où tu prends la décision
03:09de bafouer le code de la route,
03:13là, tu dois assumer.
03:16Tout simplement.
03:18Moi, je vais vous dire,
03:20il y a quelque chose que personne ne la connaît.
03:23J'ai fait trois étages en trois pas.
03:27Parce que j'ai entendu le coup
03:29et j'ai entendu mon fils qui criait,
03:31« Maman, Camille est morte ».
03:33Je ne peux pas vous dire qu'est-ce que vous ressentez à ce moment-là.
03:38Je descends, je trouve ma fille par terre.
03:41Le jeune homme, très respectueux,
03:44vient vers moi et me dit « Monsieur, désolé, désolé ».
03:47Je roulais à 20, à 30.
03:50À ce moment-là, dans ma tête, ma fille n'est pas morte,
03:53elle est juste inconsciente.
03:56Il y a du sang qui sort de sa bouche.
04:00Je me retourne vers mon fils, je lui dis
04:02« Mais dis, pourquoi vous avez traversé par là ? »
04:07Mon fils, en panique, me dit
04:09« Je vous jure, papa, non, on est passé par le passage piétan. »
04:15À ce moment-là, je me retourne vers le passage piétan,
04:18je regarde ma fille.
04:22Là, on ne parle plus de conscience.
04:25Elle est entre vie et mort.
04:28Est-ce que vous savez, ma fille,
04:30elle a fait un vol de combien de mètres ?
04:34Entre 20 et 23 mètres.
04:38Ça me rend fou, je vous jure.
04:40Je deviens fou avec votre témoignage.
04:42Je pense que tous les Français qui nous regardent ce soir,
04:45c'est insupportable.
04:46Avant tout ça, malgré cette situation,
04:48j'ai gardé mon calme.
04:50Et le jeune, je lui dis « Je ne t'en veux pas.
04:52Je veux juste que ma fille soit en vie. »
04:56Je lui dis « Arrête-là. »
04:58« Je veux juste qu'elle soit en vie.
05:00Je veux m'occuper de ma fille. »
05:03Je ne sais pas les pompiers d'où ils sont sortis.
05:06Est-ce qu'ils étaient en train d'attendre ?
05:08Ils ont fait leur maximum.
05:10Malheureusement, c'était trop grave.
05:12Ça a dépassé leurs moyens.
05:15Les médecins, il y avait tout le staff.
05:18Il y avait tout le staff.
05:24Je vous jure, s'il y avait...
05:26Si on lui aurait laissé 1% de chance pour survivre,
05:32elle serait restée en vie.
05:35D'accord ?
05:36Tout ça...
05:38Les médecins, je ne sais pas dire,
05:40ils nous ont menti.
05:43Ils ont eu la peine pour nous.
05:47Ils ont essayé de faire traîner
05:51leur résultat au maximum.
05:54Pour ne pas nous dire, dans le mur,
05:58« Monsieur, Madame Osaga, vous pouvez rentrer chez vous. »
06:02Il n'y a rien à faire.
06:04Ils l'ont gardé, ils ont fait des tests,
06:06ils ont fait, ils ont fait, ils ont fait.
06:10Voilà.
06:11– Quand vous avez appris la remise en liberté
06:13sous contrôle judiciaire du motard,
06:16comme vous nous l'avez dit,
06:17c'est là que vous avez décidé de vous exprimer,
06:19parce que je me mets à votre place.
06:21Je vous jure qu'on a une colère incroyable,
06:24et une peine incroyable pour vous.
06:28– Honnêtement, je ne suis pas en colère.
06:30Parce que la personne, ou le juge qui a pris cette décision,
06:33je ne pense pas que le soir même,
06:34il s'est ouvert une bouteille de champagne,
06:36il a dit « Waouh ! »
06:37Il a laissé un criminel sur la route.
06:41Les enfants sont encore en danger.
06:43Non.
06:44Tout le monde l'a dit.
06:46Il a appliqué les règles.
06:49Mais d'après moi, les règles,
06:51c'est comme si on va dans un entretien d'embauche en fait.
06:54Voilà, il a coché toutes les cases,
06:56ben du coup, ouais, il sort.
06:59Voilà, il sort.
07:01Donc, au revoir.
07:06– Slim Toti, ça y est, est-ce qu'aujourd'hui,
07:11je ne sais pas, je me mets à votre place,
07:14comment ça se passe vos journées ?
07:17À quoi vous pensez ?
07:18Qu'est-ce que vous vous dites ?
07:19Je ne vous sens pas de haine,
07:21je ne sens pas de colère comme vous nous l'avez dit.
07:24– Non, parce que ça ne va pas avancer les choses.
07:28Aujourd'hui, j'ai deux objectifs dans ma vie.
07:31Trois.
07:32La première, c'est mon fils.
07:33– Bien sûr.
07:34– La deuxième, que la mort de Camilla,
07:38ça nous servira de leçon à tous.
07:42Que notre humanité, elle se remet en place.
07:48La troisième chose, c'est que la haine, ça ne résout pas les problèmes.
07:54La haine, ça ne sert à rien, ce n'est pas la solution.
07:57Parce que les messages que j'ai reçus,
07:59je ne les ai pas reçus des Tunisiens ou des Marocains,
08:02des Algériens ou des Chrétiens.
08:07On a reçu des messages de partout, de toute religion,
08:13de tous les pays.
08:15Donc là, on ne parle pas.
08:17Je suis contre de dire que la France…
08:20Arrêtez de bafouer la réputation de la France,
08:23parce que la France, elle n'a rien à voir ici.
08:26Ce n'est pas le problème de la France.
08:29La France, elle donne son maximum, mais le problème, ce n'est pas la France.
08:35– Je vous remercie d'avoir été avec nous, Slim Toti ou Saya, ce soir.
08:39Votre témoignage, vraiment, on est tous admiratifs,
08:42sachez-le, de tout ce que vous dites et de votre comportement
08:45et de votre discours qui remet vraiment les pendules à l'heure
08:51et qui fait beaucoup de bien, même si on a beaucoup de peine
08:55et on se met à votre place.
08:57– Est-ce que je peux vous demander quelque chose ?
08:59– Bien sûr, tout ce que vous voulez, oui.
09:02– Est-ce que vous n'auriez pas une photo d'un jeune, d'un adulte
09:07qui est en train de conduire sa moto sur une roue ?
09:11– Si, j'en ai une, j'en ai une, regardez, voilà, voilà, on ne voit rien.
09:22On ne voit rien, c'est ce qu'on voulait montrer, on ne voit rien.
09:27Non mais c'est fou.
09:29– Du moment, c'est comme si moi, demain, je prends ma voiture,
09:32je ferme mes yeux et je me dis, allez, je vais aller travailler.
09:35– C'est exactement pareil, c'était très important.
09:38Merci de m'avoir demandé ça.
09:40– J'ai écrasé deux enfants, mais c'est un accident de la route.
09:45– Non, ce n'est pas un accident de la route.
09:47– Si j'ai bu de l'alcool, que j'ai pris le volant,
09:49ce n'est plus un accident de la route.
09:51– C'est exactement pareil, je suis d'accord avec vous.
09:55Merci d'avoir été avec nous et vraiment, franchement,
09:59on est tous admiratifs de votre comportement, de votre discours
10:02et je vous jure, vous êtes un exemple incroyable,
10:06on a une énorme peine pour vous.
10:09– Je ne pense pas, ma fille, en vous parlant, en vous contactant,
10:13je pense aux quelques anges qui restent, qui vont devoir aller à l'école,
10:18qui soient en sécurité, parce que ce qu'on dit ce soir,
10:22ça ne va pas me ramener ma fille.
10:24Elle est partie, c'est fini, on va devoir vivre avec ça,
10:27mais il faut penser aux autres, il faut penser aux enfants.
10:31Il y en a encore des milliers qui vont devoir traverser
10:35les passages piétons, il y en a des milliers qui vont…
10:39Je ne sais pas, je me mets à la place d'autres parents,
10:42je leur demande de faire attention, de prendre soin de leurs enfants.
10:47Et voilà.
10:48– Merci, merci beaucoup.
10:50– Merci à vous.
10:51– Non, c'est moi qui vous remercie.
10:52– Merci.
10:53– Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org