• il y a 3 mois
C'est l'une des révélations de cette rentrée littéraire : Célestin de Meeus est ce matin l'invité de Marie Misset pour son premier roman, "Mythologie du .12" (Editions du Sous-Sol)

Retrouvez Nouvelles têtes présenté par Mathilde Serrell sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/nouvelles-tetes

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Transcription
00:00Marie Mycée, à vous, votre nouvelle tête, est un écrivain et poète qui vient de gagner
00:05le prix Stanislas pour son premier roman, Mythologie du 12, Célestin de Méus est dans
00:12notre studio.
00:13C'est parti !
00:14Bonjour Casimir, tu as manqué quelque chose de vraiment formidable.
00:17Oui.
00:18Ah bon ?
00:19Je leur ai dit un poème de Jacques Prévert.
00:20Et alors ? Je ne vois pas ce qu'il y a de formidable ? La poésie, ça n'est jamais
00:25bien.
00:26Tu n'aimes pas la poésie ?
00:27Oh non, alors, c'est toujours ennuyeux.
00:29Tu ne te sens jamais l'âme d'un poète, toi, Casimir ?
00:33Moi, non.
00:34Dans la suite de ce bel épisode de L'Île aux enfants de 1975, on découvre qu'en fait
00:39Casimir est un poète qui s'ignore, car il aime la rosée du matin.
00:43On sait aussi que Casimir ne vous a pas lu Célestin de Méus pour dire des choses pareilles.
00:47Vous, vous êtes un poète parfaitement assumé, puisque avant de venir au roman et à la
00:52fiction avec Mythologie du 12, ce roman haletant qu'on ne lâche pas d'une semelle et dont
00:56je suis ressorti, c'est véridique, les mains moites.
00:59Vous avez peaufiné vos mots, votre langue grâce à la poésie.
01:02Ça a été votre école.
01:04Vous dites que la poésie, ça a été là où vous avez dompté le langage.
01:08C'est un animal sauvage pour vous, le langage Célestin de Méus ? C'est un truc qu'on
01:11doit dresser, dominer ?
01:12Alors, dompter, n'exagérons rien.
01:14La poésie a été pour moi une manière d'apprendre à écrire, parce que la poésie
01:25nécessite d'être assez précis et que pour savoir, en tout cas, c'était mon cas, pour
01:31savoir ce dont il est question quand on écrit, il m'a fallu passer par la poésie.
01:36Vous exerciez en même temps que vous exerciez à la poésie pas mal de petits boulots, vendeur
01:41de chaussures, ouvrier à l'usine, prof à domicile.
01:44C'est quelque chose qui pouvait nourrir votre écriture ou ça l'entravait plutôt, ces
01:47petits boulots ?
01:48Un peu des deux.
01:49Au début, en tout cas, ça l'entravait, ça me prenait quand même pas mal de temps,
01:56mais c'était plutôt dans l'écriture de la fiction que ça me nourrissait plus que
02:01dans la poésie.
02:02C'est qu'en vendant des chaussures, par exemple, je tombais souvent sur des scènes
02:05relativement cocasses et que je récupérais dans des histoires que j'écrivais par la
02:10suite.
02:11Vous rangiez dans des tiroirs pour pouvoir les utiliser plus tard ?
02:13Voilà, j'ai plein de tiroirs.
02:14On m'a dit ça.
02:16Vous avez entrepris, par exemple, pour écrire, de prendre un train de Vladivostok à Ostende,
02:21un train qui peut être un peu mythique pour les poètes, même si, en l'occurrence, ce
02:24n'est pas le transsibérien.
02:25Dans ce poème paru en 2021, Kaval en Russie, vous parlez de la Belgique comme d'un petit
02:29pays dont vous n'avez jamais rien voulu savoir.
02:31Je vais essayer de créer les conditions d'un clash avec Charline ici présente.
02:36Vous avez besoin de voyager, de bouger pour écrire de la poésie ? C'est un truc qu'on
02:40fait en bougeant ?
02:41J'ai besoin de voyager parce que je m'ennuie assez vite et peut-être plus particulièrement
02:48en Belgique encore.
02:49Charline, c'est maintenant.
02:50Je suis en France, donc je suis mal placée.
02:54Je vais être solidaire avec mon compatriote.
02:55Je ne sais pas si je voyage pour écrire de la poésie, mais c'est pour ouvrir l'œil
03:09quelque part, pour élargir l'horizon, en termes juste de regard, mais en termes mentaux
03:21aussi.
03:22Votre roman commence dans un endroit a priori beaucoup moins poétique qu'un train pour
03:27la Russie que le transsibérien puisque c'est un parking de supermarché.
03:30L'astrophysicien Aurélien Barraud, lui, il y voit un exemple du contraire de la vie,
03:34les parkings de supermarché.
03:35C'est ce qu'il disait dans La Tête au Carré.
03:37Actuellement, ce qu'on appelle croissance, c'est essentiellement de détruire un espace
03:43gorgé de vie et de le remplacer par un parking de supermarché.
03:46À la fin, la vie est morte.
03:47Il y a de la poésie pour vous dans les parkings de supermarché.
03:50Célestin Dominguez, s'il y a de la vie, pourquoi ces lieux comme ça vous inspirent ?
03:54Parce qu'on y reste longtemps, dans ce parking, dans cette vieille clio dégueulasse.
03:58Oui, c'est des zones d'ennui.
03:59Après, pour moi, c'est littéralement des utopies, ces zones-là.
04:02C'est des non-lieux dans lesquels on s'ennuie énormément et pourtant, c'est quand même
04:09un peu le cœur de la consommation, du divertissement, d'une certaine vie qui se fait le week-end
04:17et aux heures libres.
04:20Mais il y a quelque chose de beau dans cet ennui, dans cette espèce de grotesque qu'il
04:29y a, sur cette surabondance de choses, cette surconsommation.
04:33On a l'impression que personne n'a envie d'être là, mais que tout le monde est quand
04:36même content d'y être.
04:37C'est vrai, on voit des gens qui s'ennuient, mais en toute insouciance au tout début du
04:45roman.
04:46Votre héros Théo, il ne rentre même plus dans le supermarché, il s'ennuie devant.
04:49Votre roman met en scène trois personnages, il y a Théo et Yamax, deux mecs en fin d'adolescence
04:54un peu désœuvrés qui traînent sur des parkings de zone indus et un médecin que
04:58sa femme vient de quitter, mais qui se rassure en faisant le compte de tout ce qu'il possède.
05:01Vous, vous naviguez entre deux âges, comme dit la chanson, vous aviez envie de mettre
05:05en scène un conflit, du moins une incompréhension actuelle entre générations ?
05:08Oui, j'avais surtout envie d'essayer de comprendre quelle était cette haine qui pouvait
05:14exister entre différentes générations, une haine qui est nourrie par cette incompréhension-là.
05:21Et du coup, mettre ces deux personnages antithétiques a priori et antagonistes m'a permis de comprendre
05:34en fait...
05:35Et de remonter un petit peu !
05:36Je n'ai pas compris à la fin !
05:37De remonter, parce qu'on revient carrément à la mythologie grecque, comme quoi entre
05:44générations on a toujours essayé de se tuer quoi !
05:47Effectivement, que ce soit sur les pères sur les fils ou les fils sur les pères, il
05:51en est un peu question dans le bouquin aussi.
05:53Est-ce que pour finir, vous pouvez nous lire, Célestin, un extrait de votre roman mythologie
05:58du doux ? Je vous laisse sélectionner, vous en avez choisi un parmi trois, je vous laisse faire.
06:02Son pote était tout simplement pété.
06:06Fumer une cigarette, boire un coup de rosé lui ferait certainement le plus grand bien,
06:10ce qu'il lui dit.
06:11Mais à ce moment-là, Théo s'énerva d'autant plus et dit qu'il n'y pigeait de toute façon
06:15que dalle, ce qui le blessa, car lui aussi avait du mal à supporter toutes ces informations.
06:19Avoir le monde partir chaque jour de plus en plus en couille, mais quoi ? C'était déjà
06:24à peine s'il savait prendre soin de lui-même, avait-il envie de répondre, à peine s'il
06:28savait dire le nom de l'actuel premier ministre, à peine s'il savait lire un plan, se repérer
06:33sur une carte sans GPS.
06:35Alors le monde, le monde était énorme, trop vaste, immensément peuplé, huit milliards
06:40de paumés comme lui, et bientôt dix, voire douze, à se débattre avec la vanité et
06:45le pouvoir et la connerie et conjointement avec l'idée de n'être rien, ou si peu,
06:50une goutte d'eau perdue dans un désert trop blanc.
06:52Ce qui n'empêchait pas qu'il y était sensible, évidemment, à la beauté comme à la destruction,
06:57alors oui, bien sûr qu'à un certain niveau il comprenait Théo, tout comme il comprenait
07:02qu'avoir l'orage n'était qu'un sale moment à traverser, mais il se dit aussi qu'en cet
07:06instant le mieux était de prendre sur lui, d'essayer de temporiser, de le calmer, d'être
07:11un bon pote.
07:12Pourquoi Théo se mettait-il à ressasser ce genre de choses ? Max n'en avait aucune idée.
07:16Merci beaucoup, Célestin Dominis, d'être venu ce matin nous voir.
07:21C'est très beau, c'est vraiment très beau, tout du long.
07:23Votre livre s'appelle Mythologie du 12, il est à retrouver aux éditions du Sous-Sol
07:27et à lire en apnée.

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