Un drame : la mort d’un homme dans l’exercice de son métier et des mots qui nous interpellent, ceux de sa veuve : « La France a tué mon mari ».
L'édito Politique dans le 7/9 par Patrick Cohen (7h43 - 29 Août 2024)
Retrouvez toutes les chroniques de Patrick Cohen sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-politique
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00:00« L'édito politique Patrick Cohen et un drame dans votre édito, la mort d'un homme
00:08dans l'exercice de son métier et des mots qui nous interpellent, ceux de sa veuve, la
00:14France a tué mon mari ». Un drame qui nous saisit rend soudain dérisoire notre petit
00:19théâtre politique, l'adjudant Éric Comun qui a été tué lundi soir par un multi-récidiviste
00:24des délits routiers devait prendre sa retraite, en mai prochain il laisse deux enfants de
00:2817 et 12 ans et une femme qui, lors d'une cérémonie d'hommage à Mandelieu, a laissé
00:33éclater chagrin, colère et accusation. « La France a tué mon mari », a-t-elle répété
00:37cinq fois par son insuffisance, son laxisme et son excès de tolérance ? Attention, a-t-elle
00:43précisé, je ne parle pas d'étranger mais de récidiviste, et pour ce qui est de tolérance
00:47elle a évoqué 1981 dans une claire allusion à l'abolition de la peine de mort, 81 n'aurait
00:52jamais dû exister. Et que faire Patrick d'un tel discours ? Le considérer, le respecter
00:57dans sa souffrance et sa sincérité. En préalable à son message, la veuve d'Éric
01:01Commin a formulé deux requêtes, que les médias ne le déforment pas, c'est ce qu'on
01:05essaie de faire, et qu'il ne soit pas utilisé à des fins politiques. Peine perdue, Jordan
01:10Bardella, Éric Ciotti, Laurent Wauquiez, Éric Zemmour, entre autres, ont applaudi
01:13le discours sans dire s'ils en approuvent tous les termes, le regret de la peine de
01:17mort, et parfois en l'outrepassant, Bardella réclamant l'expulsion des délinquants étrangers.
01:22La droite et l'extrême droite qui récupèrent, et la gauche qui fait silence, comme souvent,
01:26parce qu'elles pensent, par principe, que le sujet profite au RN et qui donne l'impression
01:31de n'avoir plus rien à dire aux victimes de la délinquance. Or, en pleurant son mari
01:34mort par la France, par la faute, selon elle, d'une société pas assez répressive, Harmonie
01:40commun nous interpelle, décideurs et citoyens, et nous force à réfléchir, ni silence,
01:45ni démagogie. Et que lui répondre ? D'abord que la peine capitale n'aurait pas sauvé
01:49son mari, nulle part, à aucune époque, la peur de la mort n'a fait reculer la violence.
01:54Ce n'est pas la rigueur du supplice qui prévient le plus sûrement du crime, c'est la certitude
02:00du châtiment. J'ai cité Beccaria, 1764, « l'idée essentielle qui prévaut encore
02:05aujourd'hui, c'est l'application des peines qui dissuadent davantage que leur aggravation.
02:10C'est pour cela que la justice ne devrait pas laisser sans réponse. » Les récits
02:14vivent en série, Mme Comun a raison de le souligner. Rappelez aussi qu'il n'y a jamais
02:18eu autant de détenus en France, plus de 78 000 personnes ont passé l'été en prison,
02:24dont 3 500 sur des matelas posés au sol, dixième mois consécutif de hausse. Si la
02:29société est plus violente, elle n'est pas moins répressive.
02:32Un mot encore, Patrick, sur la peine de mort, c'est un débat qui n'est pas clos ?
02:35Hélas non, je ne crois pas. Six mois après la disparition de Robert Ballinter, j'ai
02:39entendu hier des commentateurs de chaîne Info, devinez laquelle, acquiescer sans tabou
02:45à l'idée d'en reparler, comme Michel Houellebecq l'avait fait il y a un an et
02:48demi dans un échange avec Michel Onfray. Un vieux souvenir de lecture à ce propos,
02:53Arthur Koesler racontait comment, dans l'Angleterre du XVIIIe siècle, qui condamnait à mort
02:57les voleurs de biens de plus de 40 shillings, les badauds qui assistaient aux pendaisons
03:01de pickpockets, se faisaient détrousser par d'autres pickpockets. Une histoire parmi
03:06mille autres, la vengeance et la violence n'ont pas de valeur dissuasive.