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00:00Damien Lecomte, bienvenue sur ce plateau. Vous êtes docteur en sciences politiques à l'université Paris 1.
00:06On va essayer de comprendre avec vous un peu mieux ce qu'il se passe, non pas depuis vendredi, mais depuis la mi-juillet, ici en France.
00:1541 jours sans gouvernement, c'est du jamais vu, je le disais tout à l'heure, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
00:20Est-ce que c'est grave ?
00:22Oui, ça pose un vrai problème, parce qu'effectivement on a un gouvernement qui est officiellement démissionnaire,
00:26puisqu'il a été démis de ses fonctions par le président, donc il doit gérer les affaires courantes, comme on dit,
00:30mais il y a un grand flou sur quelle est l'étendue réelle de ses pouvoirs, parce qu'effectivement c'est sans précédent sous la Ve République.
00:36Donc la question va se poser, est-ce que ce gouvernement peut prendre des décrets, est-ce qu'il peut déposer des projets de loi ?
00:40Donc évidemment n'importe quel décret est susceptible d'être attaqué sur cette base qu'il est démissionnaire.
00:44Il va bien falloir qu'il y ait un budget qui soit adopté avant la fin de l'année, donc ça va poser de vrais problèmes
00:48si on a un gouvernement qui reste démissionnaire encore longtemps.
00:51Donc là on est vraiment entré dans une phase d'urgence, il faut vraiment qu'un nom sorte du chapeau ?
00:56Il serait effectivement urgent qu'on ait un gouvernement qui soit nommé, un gouvernement de plein exercice,
01:00et qui soit, alors après évidemment il sera contrôlé par l'Assemblée Nationale,
01:03et il devra faire la preuve de sa capacité à ne pas être censuré, à travailler, à élargir sa base majoritaire,
01:09parce que nécessairement s'il vient de l'une des principales coalitions à l'Assemblée,
01:13il aura forcément besoin de travailler pour élargir sa majorité, et faire adopter des textes à la majorité absolue,
01:18mais il serait urgent d'avoir un gouvernement de plein exercice,
01:20qui soit en mesure d'exercer pleinement ses pouvoirs et de déposer des projets de loi.
01:23Pour ceux qui sont partis en vacances et ont un peu perdu le fil de ce qui s'est passé ces dernières semaines,
01:29par rapport à la mi-juillet ou la fin juillet, et là à la fin août, est-ce que quelque chose dans le casse-tête a changé ?
01:36Ce qui a changé depuis les élections, c'est d'abord le Nouveau Front Populaire s'est accordé sur le nom d'une candidate
01:41pour la direction du gouvernement, ce qui n'était pas gagné, ils ont mis quelques semaines,
01:44mais effectivement ils ont Lucie Castex qui est leur candidate pour être Première Ministre.
01:48Et le Nouveau Front Populaire s'appuie sur une légitimité qui est que de toutes les coalitions qui se sont présentées devant les électeurs,
01:53c'est cette coalition qui a le plus grand nombre de députés, elle a une majorité relative,
01:56alors une majorité très relative, c'est vrai, mais néanmoins ils ont plus de députés que la coalition centriste
02:00et que la coalition autour du Rassemblement National.
02:03Et par ailleurs, il s'appuie aussi sur le fait que le résultat des élections législatives,
02:07ça a été une défaite du Rassemblement National en raison de ce qu'on a appelé le Front Républicain.
02:11Un Front Républicain dont le Nouveau Front Populaire a été le moteur et dont les députés d'Emmanuel Macron ont beaucoup bénéficié.
02:17Il y a plus de la moitié d'entre eux qui ont été élus du fait des désistements de candidats de gauche.
02:22Et donc il s'appuie sur le fait qu'ils sont la force majoritaire au sein de ce Front Républicain
02:26et que la logique voudrait qu'il y ait un gouvernement minoritaire dirigé par Lucie Castex
02:31qui ne pourrait se maintenir que si la coalition centriste accepte de ne pas le censurer,
02:36mais évidemment après ce gouvernement Lucie Castex serait obligé de négocier, de discuter, de passer des compromis,
02:41mais néanmoins ça implique qu'il y ait un esprit de responsabilité des uns et des autres
02:45pour acter le fait que le Nouveau Front Populaire est la force majoritaire au sein du Front Républicain.
02:49Est-ce qu'à l'heure où l'on se parle, ces centristes, les macronistes au sens large,
02:56seraient d'accord pour laisser ce gouvernement minoritaire et ne pas le censurer ?
03:02C'est plutôt non. A priori on a entendu François Bayrou dire ce week-end
03:07ministre LFI ou non, moi je n'en veux pas de ce gouvernement.
03:10Très clairement pour l'instant c'est un non absolu.
03:12Alors dans un premier temps c'était avant tout la participation de la France Insoumise à ce gouvernement
03:16qui était agitée comme une ligne rouge absolue.
03:19Alors il y a eu cette déclaration de Jean-Luc Mélenchon qui a laissé ouvert la voie
03:24à un soutien sans participation de la France Insoumise à un éventuel gouvernement de Lucie Castex.
03:30Et donc depuis les députés et les dirigeants de la coalition centristes expliquent que
03:35en fait c'est pas ça le vrai problème, le vrai problème finalement c'est le programme de maintenant général.
03:39L'ennui c'est que de toute façon le gouvernement quel qu'il soit
03:42devra négocier, discuter et passer des compromis.
03:45Donc même si un gouvernement Lucie Castex nommé, de toute façon, et d'ailleurs Lucie Castex l'a dit,
03:48elle est prête à discuter.
03:49Ce ne sera pas le programme, tout le programme, rien que le programme du nouveau Front Populaire.
03:52Effectivement il y avait cette idée que Jean-Luc Mélenchon avait défendu l'application intégrale du programme
03:56mais de toute façon mathématiquement à l'Assemblée Nationale il faudra délibérer, discuter, passer des compromis
04:00et ça Lucie Castex l'a dit.
04:01Donc les réactions aujourd'hui de la coalition macroniste laissent entendre qu'en fait ils refusent d'engager
04:07n'importe quel compromis avec le programme du NFP.
04:09Alors ils ont le droit de dire que c'est un programme qui leur paraît dangereux, irréaliste, etc.
04:13Ils ont le droit de le penser.
04:14Mais le fait est que c'est ce programme qui est arrivé en tête du Front Républicain
04:18et qui a le plus de députés à l'Assemblée Nationale
04:20et donc s'ils refusent d'engager la moindre discussion
04:22alors c'est eux qui organisent le blocage finalement de cette Assemblée.
04:25Comment expliquer que 50 jours après ces élections législatives anticipées
04:31il n'y ait qu'un seul nom, qu'une seule candidature dont on parle, celle de Lucie Castex
04:35et qu'il n'y ait personne d'autre ?
04:36Eh bien c'est bien le problème c'est qu'aujourd'hui c'est la seule option qui est avancée
04:41mais Emmanuel Macron semble absolument en rechercher une autre
04:44mais il n'y a aucune option évidente alternative qui se propose à lui.
04:48On pouvait imaginer que la coalition centriste passe une alliance avec le groupe Les Républicains
04:54parce que c'est vrai que de ce point de vue là ça serait une coalition qui aurait plus que 200 députés
04:57donc ça leur donnerait...
04:58Resterait minoritaire quand même.
05:00Resterait très minoritaire mais ça leur donnerait une majorité relative devant le NFP
05:03mais d'abord c'est une coalition qui n'a pas été présentée devant les électeurs
05:06ça serait une coalition des perdants puisque Les Républicains eux aussi sont sortis très affaiblis de ces élections
05:11et de toute façon jusqu'à présent Laurent Wauquiez et la droite ont systématiquement rejeté
05:15toute coalition gouvernementale avec le groupe centriste.
05:19On a entendu des rumeurs de la nomination d'un premier ministre qui serait issu du centre gauche
05:26par exemple Bernard Cazeneuve
05:27et qui pourrait essayer de mener une coalition avec au moins une partie des socialistes
05:31mais pour l'instant les socialistes, en tout cas la direction avec Olivier Faure,
05:34maintient qu'ils font partie du Nouveau Front Populaire
05:36et qu'ils n'entendent pas quitter cette coalition avec laquelle ils se sont présentés devant les électeurs.
05:40Donc si Emmanuel Macron recherche à recréer une coalition centriste
05:45qui s'élargirait sur sa gauche et sur sa droite,
05:48on voit mal comment il pourrait y arriver parce que Les Républicains n'en veulent pas
05:51et les socialistes ne veulent pas quitter le Nouveau Front Populaire.
05:53C'est un exercice de communication, d'affichage ces consultations ?
05:57Ou c'est un peu de la poudre aux yeux ?
06:00Est-ce qu'on ne peut pas penser tel qu'on connaît le président
06:03et il ne chemine pas un peu tout seul sur ce sujet ?
06:05C'est bien possible.
06:06Alors après on peut tout à fait considérer qu'il est dans son rôle de chef de l'État
06:09de consulter les partis, les groupes parlementaires pour voir quelles sont les majorités possibles.
06:13Le problème c'est que la situation était déjà connue avant ces consultations
06:16et qu'il n'y a pas tellement d'éléments nouveaux qui apparaissent.
06:19Simplement maintenant il faudrait que tant que les partis, les groupes
06:24restent sur les positions qui sont les leurs aujourd'hui,
06:26il n'y a aucune solution vraiment possible.
06:29Alors le Nouveau Front Populaire s'appuie sur sa légitimité de première coalition à l'Assemblée.
06:35Ils sont prêts à un compromis qui est de ne pas faire participer
06:39une part importante de la coalition au gouvernement.
06:42Mais pour l'instant le centre et la droite restent sur des positions assez figées.
06:46Comment vous l'expliquez l'annonce de Jean-Luc Mélenchon
06:49qui effectivement a annoncé qu'il était prêt à ce que des ministres insoumis
06:54ne soient pas dans ce gouvernement ?
06:56Si toutefois au gouvernement du Nouveau Front Populaire il y a,
06:59pourquoi fait-il ça ? Qu'est-ce qu'il a à y gagner ?
07:01Il l'a à gagner d'abord à mettre le centre devant ses contradictions.
07:04C'est-à-dire que puisqu'ils ont tellement mis la ligne rouge sur cette présence
07:08des ministres France Insoumise au gouvernement,
07:10qu'après tout ça les oblige à aller plus loin
07:13et à dire qu'en fait c'est vraiment le fait même de négocier du programme
07:16qui leur pose problème.
07:17Et puis sans doute, si on doit trouver des arrières-pensées stratégiques,
07:21on peut penser que Jean-Luc Mélenchon ne verrait pas tant de problèmes que ça
07:24à soutenir de l'extérieur un gouvernement de gauche
07:26qui de toute façon aurait une majorité très faible
07:28et ça lui laisserait une certaine liberté de parole à l'égard de ce gouvernement
07:31et ça lui permettrait de garder, de se ménager pour préparer d'autres échéances électorales.
07:36Ça n'affaiblit pas cette gauche dont on disait justement
07:39qu'elle avait réussi l'impossible, c'est-à-dire être unie
07:42auprès des européennes qui avaient été cataclysmiques ?
07:45Ça ne l'affaiblit pas nécessairement au sens où la France Insoumise
07:48ne quitte pas le Nouveau Front Populaire.
07:49Elle reste prête à soutenir le gouvernement qui serait issu de ses rangs
07:52mais du coup ça montre une certaine bonne volonté de la part du Nouveau Front Populaire
07:56d'engager, de faire des compromis et d'avoir un gouvernement minoritaire
08:00qui serait prêt à travailler avec d'autres députés et avec le centre
08:04pour trouver des majorités de circonstances, des majorités d'idées
08:07pour mettre en œuvre sa politique.
08:09Je vous repose ma question, celle que je vous posais tout à l'heure.
08:12On est quand même dans une situation où 40 jours plus tard,
08:14le casse-tête, les différents participants du casse-tête n'ont pas vraiment bougé.
08:20Non, effectivement, pour l'instant personne n'a bougé.
08:22On a entendu Marine Le Pen annoncer qu'elle censurait immédiatement
08:25tout gouvernement du NFP.
08:27Je ne sais pas si elle a dit ce qu'elle ferait en cas d'un gouvernement
08:30qui ne serait pas issu de la gauche.
08:32On peut imaginer que la seule autre option qui semblerait se dessiner
08:35pour Emmanuel Macron, ce serait un gouvernement issu du centre
08:38et ou de la droite.
08:40Encore une fois, on a vu que Les Républicains étaient contre
08:42une coalition gouvernementale, donc déjà ça paraît compliqué.
08:44Mais qui ne pourrait exister dans cette configuration qu'avec la tolérance,
08:48donc la non-censure du Rassemblement National.
08:50Auquel cas, ça apparaîtrait comme une vraie trahison de ce qu'a été
08:53le Front Républicain.
08:55C'est vrai qu'aujourd'hui, il y a vraiment que ces deux options
08:57qui apparaissent à peu près crédibles, c'est-à-dire faute d'une grande coalition
09:00dans laquelle personne ne croit à ce jour.
09:02C'est soit un gouvernement minoritaire NFP qui serait toléré par le centre,
09:05qui du coup devrait négocier pour appliquer sa politique,
09:08ou un gouvernement du centre ou de la droite
09:10qui serait toléré par le Rassemblement National
09:12et qui là ne serait pas conforme à la logique du Front Républicain
09:14qui a permis de battre l'extrême droite au second tour des législatives.
09:17Donc entre ces deux options, on voit qu'Emmanuel Macron
09:19n'arrive pas à se résigner ni à l'une ni à l'autre,
09:21mais on ne voit pas très bien quelle est l'alternative aujourd'hui.
09:24Le printemps a été très politique et cette rentrée le sera aussi.
09:28Ça s'annonce passionnant à suivre.
09:30Merci infiniment Damien Lecomte d'être venu.