Réalisé par Bertrand Coq et Elodie Duboscq, ce documentaire revient, avec des archives jamais vues jusqu’ici, sur les relations entre le chef du Kremlin et les chefs d'État de l'Hexagone.
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00:00Décembre 2019. Emmanuel Macron reçoit à l'Elysée les présidents ukrainiens et russes, en compagnie de la chancelière allemande, Angela Merkel.
00:16Volodymyr Zelensky, élu quelques mois plus tôt, est un novice en politique. Vladimir Poutine, lui, dirige la Russie d'une main de fer depuis 20 ans.
00:31La Russie va faire tout le nécessaire pour apporter son eau bolle à ce travail.
00:37De cette rencontre, la première entre les deux hommes, le président français attend beaucoup.
00:43Je crois que la tenue de ce sommet et des heures de discussion que nous venons d'avoir est en soi un acquis.
00:50Rien moins que le règlement d'un conflit vieux de 5 ans au cœur de l'Europe, depuis que les Russes ont annexé la Crimée et que des séparatistes aidés par le Kremlin se sont emparés d'une partie du Donbass.
01:04Aujourd'hui, j'ai insisté sur la nécessité pour l'Ukraine de restaurer le contrôle entier sur ses frontières.
01:13L'avenir montrera que les espoirs du président français étaient vains.
01:19Rien n'empêchera Vladimir Poutine d'envahir l'Ukraine 2 ans et 3 mois plus tard.
01:33Depuis Jacques Chirac, tous les présidents français ont cherché à nouer une relation de confiance avec le maître du Kremlin.
01:52L'intérêt de Poutine pour Chirac, c'est qu'il a affaire à un vieux renard de la politique.
01:57À travers des documents d'archives assemblés pour la première fois, ces 23 ans d'histoire récente que nous allons revisiter.
02:05Nous vous étions naïfs mais on ne veut pas le reconnaître.
02:09On a parfois le sentiment qu'on a envie d'écarter la Russie.
02:14Et si toute l'histoire des relations entre Poutine et les présidents français était celle d'une illusion ?
02:21Les présidents français, ils ont fait ce qu'ils ont pu. J'ai pu apprécier la fermeté de vos convictions.
02:28C'était un homme extrêmement froid. Vous ne passeriez pas vos vacances avec lui.
02:33Le mensonge pour Poutine, il doit être sidérant.
02:37La seule chose qui compte pour lui, c'est le rapport de force.
02:41Il est toujours simple de commencer un conflit, beaucoup moins de savoir le terminer et de bâtir une paix durable.
02:49Alternance, séduction, menaces et manipulations, l'ancienne espion du KGB finit toujours par l'emporter.
03:05Chirac est un enfant de la guerre froide.
03:08Il a connu la Russie soviétique et le démantèlement de l'URSS.
03:14Russophile, russophone, il parle un peu la langue de Pouchkine.
03:19Il s'inscrit dans la tradition gaulliste d'une relation franco-russe garante de l'indépendance de la France.
03:26La première erreur capitale qui pourrait être faite serait de sous-estimer la Russie, bref de l'humilier.
03:38Chirac s'entendait bien avec Yeltsin, la même faconde, la même chaleur dans les rapports d'homme à homme.
03:50Ils s'entendent très bien, ils se rencontrent, ils boivent de la vodka ensemble, ils vont au sauna ensemble.
03:57Et somme toute, Chirac accompagne la Russie dans son intégration progressive dans le monde occidental.
04:08À la veille de l'an 2000, l'homme qui succède à Yeltsin est encore un inconnu, même pour les Russes.
04:16Il était un petit homme gris effacé.
04:19Tout ce qu'on savait de lui c'est qu'il avait été un agent du KGB.
04:23L'ancien espion au physique de Passe-Muraille se révèle vite comme l'homme de fer dont la Russie a besoin pour sortir des années de chaos post-soviétique.
04:41S'appuyant sur les services de sécurité dont il est issu, il réduit les oppositions au silence et met au pas les oligarques.
04:53Dans sa guerre en Tchétchénie, il ne fait pas de détails.
05:03Grossny, la capitale, est rasé.
05:07Il avait promis de buter jusque, je cite dans les chiottes, les combattants tchétchiens, donc on a vu cette brutalité tout de suite.
05:15Nous considérons que la Tchétchénie est une affaire très grave en matière de non-respect des droits de l'homme, que la brutalité de l'armée russe est très sérieuse.
05:22En même temps, Chirac considère aussi que la Tchétchénie a toujours été un problème pour la Russie, a toujours été un problème difficile qu'il faudra bien le régler.
05:30À Paris, pour avoir émis quelques réserves dans cette affaire pourtant considérée comme interne à la Russie, on essuie la première bouderie poutinienne.
05:40Chirac charge son nouvel ambassadeur à Moscou, Claude Blanchemaison, de le rapprocher du dirigeant russe.
05:50Eh bien il me dit je ne connais pas Poutine, je l'ai invité à Paris, il fait la tête, il ne me répond même pas, ce n'est pas très poli, enfin j'ignore, parce que moi je veux évidemment avoir des discussions avec lui, voir un peu ce qu'il a dans le ventre.
06:06En septembre 2000, Poutine consente enfin à venir à Paris, où il est reçu comme un tsar.
06:15Poutine un peu timide, le président bon enfant, comme on connaissait Chirac, et jouant les vieux politiciens, très expérimenté.
06:26L'autre est un animal froid quand même, donc ce n'est pas la même chose, il se prête moins aux embrassades et aux effusions.
06:31À ce moment là, c'était un Poutine jeune, qui n'avait pas encore toute l'expérience, tout le blindage qu'il a acquis par la suite, et Poutine écoutait Chirac et dialoguait avec Chirac, il avait l'impression d'apprendre des choses.
06:44Et ce qui est intéressant, il l'a appelé le professeur pendant longtemps, parce que Chirac lui disait un certain nombre de choses qui étaient des conseils, comment aborder un tel, comment aborder tel autre.
06:53Le 11 septembre 2001, Al-Qaïda change la face du monde, en faisant tomber les tours jumelles à New York.
07:16Je veux redire au peuple américain la solidarité de tous les français dans cette dramatique épreuve.
07:23Nos français vont en particulier à toutes les victimes, à leurs familles, à leurs proches.
07:30Poutine est le premier chef d'état à appeler George Bush pour lui exprimer sa solidarité.
07:38Les russes offrent leur aide aux américains, et c'est un moment où se crée un début de confiance russo-américaine qui n'ira pas très loin.
07:50Les américains, aveuglés par leur désir de vengeance, ne se contentent pas d'envahir l'Afghanistan pour en chasser les talibans.
08:03En 2002, ils désignent l'Irak de Saddam Hussein comme soutien du terrorisme et détenteur d'armes de destruction massive.
08:12L'Irak doit se désarmer.
08:15Un dossier est monté, des fausses preuves présentées à l'ONU par les plus hauts responsables américains.
08:23Saddam Hussein possède déjà deux des trois composants clés nécessaires à la fabrication de la bombe atomique.
08:30Jusqu'au bout, la France va tenter de s'opposer à cette guerre.
08:34Il n'y a pas là de justification à une décision unilatérale de recours à la guerre.
08:43Jacques Chirac alerte George Bush sur les conséquences d'un changement de régime à Bagdad.
08:53La France se cherche des alliés.
08:57Le 10 février 2003, Poutine vient à Paris.
09:02Nous avions un texte qui était préparé avec les allemands pour dire que la guerre ne pourra intervenir qu'en dernier ressort.
09:08Et nous nous disons, nous allons essayer d'associer les russes à ce texte.
09:12Le président Poutine vient, le président Chirac va le chercher à l'aéroport, ce qui est assez rare, mais la gravité de la situation l'exigeait.
09:20Il lui parle de ce texte que nous préparons et Poutine est en accord avec le texte.
09:26Nos deux pays cherchent à régler de façon politique et diplomatique cette crise.
09:31Nous croyons que l'utilisation de la force peut être lourde de conséquences.
09:37Merci beaucoup.
09:39Merci beaucoup.
10:07La France d'un vieux continent comme le mien, l'Europe, qui vous le dit aujourd'hui, qui a connu les guerres, l'occupation, la barbarie.
10:20L'usage de la force ne se justifie pas aujourd'hui.
10:25Il y a une alternative à la guerre.
10:29En dépit des efforts de la France, les Etats-Unis envahissent l'Irak en mars 2003.
10:36Saddam Hussein est chassé du pouvoir.
10:40Une intervention qui provoque une déstabilisation de toute la région, dont les conséquences se font encore sentir aujourd'hui.
10:51Et je pense que de ce jour-là, le début de confiance qui aurait pu naître chez les Américains vis-à-vis de Poutine s'est effacé.
10:56Ils se sont dit que Poutine n'est pas du bon côté.
10:58L'affaire de l'Irak a rapproché un peu plus Jacques Chirac et Vladimir Poutine.
11:08Vive la Russie, vive la France et vive l'amitié entre nos deux pays.
11:14Depuis trois ans, les deux hommes se voient régulièrement comme à Sochi, la cité balnéaire sur la mer Noire.
11:29On savait que Poutine aimait Sochi, c'était une marque de confiance de sa part de nos invités.
11:33Chirac, comme il était toujours assez sympathique, dit à Poutine, viens donc prendre une bière avec moi au bar tout à l'heure.
11:45Ils ont discuté.
11:46Naturellement, Poutine ne buvait pas la bière de l'hôtel, il avait son propre porteur de thé.
11:52On ne sait jamais ce qui peut arriver avec des breuvages étrangers.
11:58La France caresse même le projet d'un espace économique commun avec la Russie et l'Allemagne.
12:07La France est favorable à l'objectif à terme d'un continent sans ligne de partage.
12:15Toujours cette obsession française d'arrimer la Russie à l'Europe.
12:21Chirac était dans la tradition française, c'est-à-dire il y a cette espèce de romantisme, de bienveillance à l'égard de la Russie.
12:33Il faut dire qu'à l'époque, Poutine regardait encore vers l'ouest.
12:39Poutine est très demandeur d'investissements étrangers, occidentaux, de coopérations.
12:46Il a même dit dans une des réunions auxquelles j'ai participé, j'ai besoin de la France pour m'aider à développer l'état de droit en Russie.
12:54C'est pareil surréaliste en 2023.
12:58Les think tanks les plus en cours au Kremlin réfléchissaient à la façon pour la Russie d'avoir des liens organiques avec l'OTAN.
13:08Ça allait très loin, il y a eu des réflexions à ce sujet.
13:11Il y avait une ouverture de la Russie au monde extérieur et bien somme toute, on dira aujourd'hui c'était naïf.
13:17Je ne crois pas que c'était naïf, c'était la réalité du monde tel qu'il était, la Russie jouait le jeu.
13:24En 2004, Poutine est invité aux célébrations du 60e anniversaire du débarquement.
13:30Le président russe n'a déjà plus rien du petit homme timide des débuts.
13:38Trois mois plus tôt, il a été réélu triomphalement.
13:43Il fait beau, tous les grands de ce monde sont là, en apparence la concorde règne.
13:53Mais déjà les nuages s'amoncèlent, car 2004 c'est aussi l'année qui voit changer le visage de l'Europe.
14:02Effectivement en 2004 l'Union Européenne a un petit peu changé avec un déplacement de son centre de gravité vers l'Est.
14:11Des pays autrefois dans l'orbite soviétique rejoignent l'Union Européenne.
14:19Mais ils adhèrent également à l'OTAN.
14:31Les Russes se sentent encerclés.
14:36La même année, les révolutions de couleur en Ukraine et en Géorgie éloignent un peu plus Poutine du bloc occidental.
14:48Je crois que c'est une des grandes erreurs que nous avons faites.
14:51C'est d'avoir sous-estimé le poids de 70 ans de soviétisme dans la tête des dirigeants russes.
14:59En 2007, l'orage éclate à la conférence sur la sécurité à Munich.
15:05Poutine provoque la stupéfaction.
15:09Le format de la conférence me permet d'éviter les excès de politesse.
15:15Au mépris de toutes les conventions diplomatiques, il s'en prend violemment aux Américains.
15:22Les États-Unis ont dépassé leur frontière nationale et s'imposent aux autres États dans tous les domaines.
15:29Économique, politique et humanitaire.
15:33Qui va aimer cela ?
15:35Qui va aimer cela ?
15:39Poutine a fait un discours en disant bon, j'ai été bon garçon jusqu'à présent, j'ai joué le jeu avec les occidentaux,
15:46je n'ai pas été payé de retour, par conséquent à partir de maintenant,
15:50je défendrai strictement les intérêts que je considère être les intérêts de la Russie.
15:55Les occidentaux avaient fait, il est très dur, mais ce n'est pas pour autant qu'ils ont réagi.
16:00Je pense qu'on a sous-estimé ce discours de Poutine qui finalement exprimait un ressentiment,
16:07une frustration de ne pas être pris au sérieux.
16:11Un discours qui porte en germe tous les événements des années à venir.
16:19Jacques Chirac, lui, s'apprête à quitter l'Élysée.
16:25Rien n'aura pu altérer son amitié pour Vladimir Poutine.
16:33L'année précédente, en 2006, il lui a remis la Légion d'honneur
16:37lors d'une discrète cérémonie en tout petit comité.
16:42Même les images ont l'air d'avoir été prises à la dérobée.
16:46Diffusée le soir même par la télévision russe,
16:49on y voit Chirac décrocher de sa veste un ruban rouge avant de l'épingler au revers de Poutine.
16:58On n'était pas naïf, on savait très bien à qui on avait affaire.
17:02Je pense que Chirac fait partie des gens qui, de bonne foi et malgré son expérience politique,
17:08ont cru que tendre la main aux Russes était un moyen de les attirer dans le camp de l'Occident.
17:15Après avoir quitté ses fonctions, Jacques Chirac reverra Vladimir Poutine à Paris comme en Russie.
17:32Et le 30 septembre 2019, le dirigeant russe assistera aux obsèques de l'ancien président en l'église Saint-Sulpice à Paris.
17:44Seul chef d'état d'envergure présent ce jour-là.
17:55Avec Nicolas Sarkozy, l'ambiance va changer.
17:59Vous devenez ainsi le sixième président de la cinquième république.
18:04Vladimir Poutine et lui sont de la même génération.
18:08Mais celui qu'on surnomme parfois Sarko l'américain entend se démarquer de son prédécesseur,
18:14accusé d'être trop complaisant avec le maître du Kremlin.
18:21Avec lui, plus question de serrer les pognes comme il dit.
18:25Il fallait vraiment être ferme vis-à-vis de Vladimir Poutine.
18:30Poutine, lui, a redressé l'économie, concentré les pouvoirs entre ses mains et verrouillé les oppositions.
18:41C'est donc un homme sûr de sa force que Nicolas Sarkozy affronte peu de temps après son élection.
18:48Le conseil diplomatique russe était venu me voir en me disant il y a des grandes chances que monsieur Sarkozy soit élu.
18:53Mais s'il continue à adopter ce ton avec nous, les choses ne pourront pas bien se passer.
18:57Donc nous avions quelques avertissements.
19:01La rencontre a lieu au G8, en Allemagne, sur la mer Baltique.
19:07Face à Poutine, Nicolas Sarkozy parle droit de l'homme, journaliste assassiné, homosexuel persécuté, répression en Tchétchénie.
19:18Le russe l'écoute, puis...
19:21Poutine le coupe tout de suite et lui dit, attends, tu vois, mon pays, il est comme ça, et ton pays, il est comme ça. Donc tu t'écrases.
19:34Poutine a cassé Sarkozy. Parce que Poutine, c'est non seulement un homme du KGB, mais au sein du KGB, c'était un recruteur.
19:43Et donc il sait parfaitement manier les hommes.
19:47Poutine s'est-il vraiment permis d'humilier à ce point le président français ?
19:54Moi, j'ai posé directement la question à Nicolas Sarkozy, qui m'a assuré que jamais Poutine ne lui avait parlé de façon aussi grossière que ce qui a été dit.
20:03Je lui fais crédit, mais il s'est passé quand même quelque chose.
20:07Lors de la conférence de presse qui suit, Nicolas Sarkozy apparaît groggy.
20:12Mesdames et messieurs, chaos debout. Je vous demande de bien vouloir excuser mon retard, qui est dû à la longueur du dialogue que je viens d'avoir avec M. Poutine.
20:27Qu'est-ce que vous préférez que je réponde aux questions ? Alors, y a-t-il des questions ?
20:35Plusieurs personnes ont cru, quand il est ressorti, qu'il titubait, qu'il était tout pâle et se sont dit qu'il a bu, alors qu'il ne buvait jamais. D'ailleurs, Poutine non plus.
20:46Je crois que c'est à partir de cette première rencontre que Sarkozy a complètement changé d'attitude.
20:54Quatre mois plus tard, Nicolas Sarkozy est à Moscou en visite officielle.
20:59Avec Vladimir Poutine, l'heure est à la détente. Sourire, poignée de main.
21:07Je comprends bien que ces 15 dernières années pour la Russie ont représenté beaucoup d'épreuves.
21:13Et croyez bien que la France comprend la volonté de la Russie de revenir sur le plan international à la place de celle de la Russie.
21:21Le maître du Kremlin est au petit soin pour le président français, qui l'embarque dans son 4x4 pour une virée entre copains.
21:33Lors de la conférence de presse commune, le ton est conciliant. Les sujets qui fâchent, on en parle, mais on n'est pas obligé d'être d'accord sur tout.
21:43Je voudrais préciser que la France ne souhaite donner de leçons à personne, que je reconnais et que je comprends la spécificité russe,
21:53et que j'ai fait valoir sur un certain nombre de questions mes convictions avec franchise.
21:59Monsieur Poutine m'a répondu avec la même franchise, parce que nous considérons tous les deux que l'amitié ça consiste à se dire les choses.
22:08A croire que Nicolas Sarkozy a trouvé son mal alpha.
22:15Il n'est pas poutinolat, ce serait exagéré, mais il a reconnu en Poutine mieux qu'un ancien policier quand même.
22:21Donc un dirigeant dur, avec beaucoup de trompes, il doit se dire que pour diriger la Russie, de toute façon, on ne peut pas être un gentil chrétien démocrate européen de l'ouest.
22:33Entre temps, le président russe a terminé son second mandat.
22:43Interdit de se représenter par la constitution, il a troqué son fauteuil avec celui de son premier ministre Medvedev.
22:50Un tour de passe-passe qui lui permet de conserver le pouvoir.
22:55Bientôt, un petit pays lui fournit le prétexte à montrer ses muscles.
23:05Août 2008, la Russie envahit la Géorgie au soutien de deux provinces séparatistes, l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie.
23:18La France assure alors la présidence de l'Union Européenne.
23:24Nicolas Sarkozy propose sa médiation.
23:28Ce que j'ai vu, c'est qu'à partir de la guerre en Géorgie, Sarkozy avait su trouver le ton juste en envoyant Kouchner, son ministre des Affaires étrangères, à la fois chez les Géorgiens et à la fois chez les Russes.
23:44Qui aurait pu penser il y a deux mois que l'Union Européenne, regardez, avec ses véhicules, serait là et seule au monde à avoir fait quelque chose ?
23:51Ce n'est pas de l'autosatisfaction ni un cocorico, rien n'est terminé, bien sûr.
24:00Puis Nicolas Sarkozy se rend lui-même dans les deux capitales.
24:06La paix progresse, c'est déjà pas si mal.
24:11A Moscou, il est reçu par Medvedev, toujours flanqué de Poutine.
24:16Il y avait Sarkozy qui était devant Medvedev et moi qui étais devant Poutine. Je constate que le vocabulaire de Poutine est un vocabulaire ordurier.
24:26La médiation française obtient un cessez-le-feu.
24:31Un accord de paix est signé entre Mikhaïl Saakashvili et Dimitri Medvedev.
24:37Sarkozy s'est mis dans la position de monsieur Périchon, il a l'impression d'avoir sauvé la Géorgie, sauvé la paix en Europe.
24:46Il y avait un papier que nous avions signé, il avait d'ailleurs tenté de le falsifier.
24:52Il ne prétend pas résoudre, je l'ai dit au président Saakashvili, tous les problèmes de la région, tous les problèmes de la Géorgie,
25:00dont je comprends parfaitement le souci de garantir son intégrité territoriale, qui me semble d'ailleurs garantie par l'esprit de ce texte.
25:15Dans l'accord que nous avions signé, les Russes s'engageaient à ne pas reconnaître l'indépendance de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud.
25:26Mais les Ossètes du Sud et l'Abkhazie se sont déclarées unilatéralement indépendantes et la Russie les a reconnues.
25:35La Géorgie ne récupérera jamais ces deux provinces.
25:42La grande victoire diplomatique, proclamée un peu vite par Nicolas Sarkozy, s'est révélée n'être qu'un marché de dupes.
25:51Nous étions naïfs. Nous étions naïfs mais on ne veut pas le reconnaître parce que c'était trop gros.
25:58On aurait dû comprendre qu'on avait affaire à des gens sans foi ni loi.
26:03Le grand menteur, c'était Poutine. Il ment comme il respire. C'est même pas une pathologie, c'est son être.
26:12En 2009, Nicolas Sarkozy ramène la France dans le commandement intégré de l'OTAN.
26:21Ce choix atlantiste va-t-il l'éloigner de la Russie, de Vladimir Poutine ?
26:28La suite prouve que le Russe peut toujours compter sur son ami français.
26:35C'est d'abord la construction d'une cathédrale orthodoxe à Paris, quai Branly, à deux pas de l'Elysée et du quai d'Orsay.
26:44C'est surtout, en 2011, la vente de deux frégates Mistral à la Russie, l'un des fleurons de notre industrie de défense, contre l'avis de l'état-major.
27:00La Russie est un pays ami de la France.
27:05J'ai eu l'occasion à de nombreuses reprises de travailler avec le président Medvedev.
27:10Et je veux dire que je lui fais confiance.
27:14Nicolas Sarkozy y tenait vraiment, c'est-à-dire qu'il a choisi de vendre des Mistral alors qu'au sein des forces armées, beaucoup de personnes s'y étaient opposées fermement.
27:30C'était une idée de tendre la main, car il estimait que nous avions des intérêts communs avec les Russes,
27:34nous avions des intérêts communs notamment dans le lutte contre le terrorisme, pour la stabilité du monde.
27:38Nous faisions ça dans un esprit qui est toujours ce qui préside dans la diplomatie française, c'est contribuer à la stabilité du monde.
27:462011, c'est aussi l'année des printemps arabes et de la révolution libyenne.
27:55La fuite, puis la mort lynchée par la foule du dictateur Kadhafi à la suite de l'intervention franco-américaine.
28:04Impressionne beaucoup Poutine.
28:10Vive Benghazi, vive la Libye, vive l'amitié entre la France et la Libye.
28:20Les Russes ont toujours estimé que nous avions été au-delà du mandat qui avait été donné par les Nations Unies.
28:26La méfiance de Vladimir Poutine envers l'Occident s'en trouve renforcée.
28:31De son côté, Nicolas Sarkozy ne reviendra jamais sur la confiance qu'il avait accordée au maître du Kremlin, même après avoir quitté l'Elysée.
28:46Pour l'ancien président, la Russie n'a jamais été une menace et l'isoler n'a aucun sens.
28:52Il le redit devant un parterre d'étudiants moscovites en 2015, c'est-à-dire après la sécession d'une partie du Donbass et l'annexion de la Crimée.
29:03Contre nous, il faut choisir le rapprochement et le dialogue parce que l'éloignement est une erreur.
29:12Les pays ne changent pas d'adresse et la France et la Russie ont besoin de travailler ensemble.
29:23Aujourd'hui, il fait partie de la minorité de l'élite française qui continue à trouver des excuses à Vladimir Poutine.
29:31Donc il est resté accroché à cette russophilie française qu'il n'avait pas du tout au début.
29:432012, François Hollande entre à l'Elysée.
29:48Monsieur le Président de la République.
29:53A Moscou, Poutine, lui, vient de retrouver son siège, après la parenthèse Medvedev.
30:00Vladimir Vladimirovich Poutine !
30:05En cinq ans, les deux hommes vont se voir plus d'une dizaine de fois.
30:10Hollande l'a vu beaucoup parce que la situation était sérieuse, la situation était grave et donc on a toujours continué à parler au russe.
30:19François Hollande n'est pas un passionné des affaires internationales.
30:24Mais le nouveau président français est rapidement confronté à la brutalisation du monde.
30:31C'est lui qui décide du retrait des forces françaises d'Afghanistan.
30:35Plus de 2000 d'entre vous seront rentrés en France avant la fin de l'année.
30:42C'est à lui que revient également d'expédier l'armée française au Mali pour bloquer l'avancée des djihadistes vers Bamako.
30:53La première rencontre avec Vladimir Poutine a lieu à l'Elysée, moins d'un mois après l'élection de François Hollande.
31:00Je ne connaissais pas jusqu'à présent, autrement que par les images, Vladimir Poutine.
31:06Donc je voulais savoir quel était le personnage dont j'aurais à gérer ou les excès ou les comportements.
31:15Je dois dire que sur beaucoup de questions, nous avons une certaine compréhension.
31:21En tout cas, nous sommes capables de nous entendre.
31:26Ce qu'il voulait, ce qu'il veut toujours dans les entretiens, c'est impressionner son interlocuteur.
31:33Créer une forme de tension pour bien faire comprendre qu'il n'est pas un personnage comme les autres.
31:42Plusieurs décisions, me semble-t-il, ont été prises sans tenir compte de la position russe
31:47et sans tenir compte de nos intérêts dans le domaine de la sécurité.
31:50François Hollande ne cédera jamais à la séduction de Vladimir Poutine.
31:57Convaincu dès le départ que la seule façon de traiter avec lui est d'établir un rapport de force.
32:05Nous avons eu une discussion animée, parfois jusqu'au désaccord.
32:09Et j'ai l'impression que ce n'est pas seulement une bouteille de vin, mais de la vodka qu'il faudrait boire.
32:13Le Président Poutine dit toujours les choses franchement.
32:16Et je le fais chaleureusement.
32:19Approchez, vous allez sentir la chaleur.
32:23J'ai assisté plusieurs fois à plusieurs rencontres entre François Hollande et Vladimir Poutine au Kremlin.
32:29C'est toujours assez glaçant et c'est toujours assez tendu en fait.
32:33Vladimir Poutine s'est mis en contact avec le président de la République.
32:36Et la première impression étant toujours la bonne, selon l'expression même de François Hollande,
32:42le français se gardera toujours de faire confiance aux russes.
32:47C'est le cas de la dernière fois.
32:49Le président de la République a été un peu déçu.
32:52Il a été en colère.
32:54Il a été en colère.
32:56Il a été en colère.
32:58Il a été en colère.
33:00Il a été en colère.
33:02Il a été en colère.
33:03Le français se gardera toujours de faire confiance aux russes.
33:09Il a sans doute eu moins d'attente vis-à-vis de Vladimir Poutine.
33:14Sarkozy a gonflé les muscles.
33:16François Hollande, je pense qu'il s'est moins fait avoir en fait.
33:19Je confirme qu'il ne s'est jamais fait d'illusion sur la nature du personnage.
33:26Mais ça ne veut pas dire pour autant qu'on ne peut pas avoir de relation d'État à État et de chef d'État à chef d'État.
33:34En cette année 2013, la guerre fait rage en Syrie.
33:42Avec l'appui des russes, Bachar Al-Assad fait la chasse aux djihadistes,
33:47n'hésitant pas à bombarder les populations civiles.
33:52Les occidentaux soupçonnent le régime d'utiliser des armes chimiques.
33:59Un an plus tôt, Barack Obama avait prévenu.
34:04La ligne rouge pour nous serait de voir des armes chimiques être déplacées ou utilisées.
34:14En fait, dès 2012, les premières alertes arrivent en Syrie sur l'utilisation de chlore notamment.
34:23Poutine, de son côté, nie ou minimise.
34:27Août 2013, les États-Unis, la France et l'Angleterre décident de frapper ensemble.
34:35Mais au dernier moment, les anglais et les américains se dégonflent.
34:39La France se retrouve seule.
34:44Barack Obama m'appelle au dernier moment, au lieu de convenir de lancement de l'opération,
34:49me demande un délai pour avoir un temps de discussion avec la Russie et surtout avec son congrès.
34:58Les avions français avaient les moteurs allumés et d'un seul coup, on est trahi par notre allié.
35:08François Hollande est furax.
35:11Oui, je le suis, parce que je comprends que ce n'est pas simplement le fait d'être allié.
35:17Je comprends que ce n'est pas simplement un sujet syrien.
35:22Cette reculade achève de convaincre Vladimir Poutine de la faiblesse des occidentaux.
35:29C'est un tournant absolument central, pas seulement dans l'affaire syrienne et du Proche et du Moyen-Orient, mais mondial.
35:38C'est à ce moment-là que Vladimir Poutine a pensé que le déclin de l'Occident, que la faiblesse des démocratiques lui permettait d'avancer beaucoup plus loin.
35:52Trois mois plus tard, une crise au cœur de l'Europe va accentuer cet antagonisme.
35:57Les Ukrainiens se soulèvent contre le refus de leur président de signer un accord d'association avec l'Union Européenne.
36:09Moscou y voit la main de l'Occident.
36:13Ça a été compris par Vladimir Poutine comme une tentative, non pas d'agression, mais en tout cas de dissociation.
36:21Et donc de ce point de vue, tout ce qui était en train de se passer entre l'Union Européenne et l'Ukraine dans une négociation très intense, était annonciateur de cette épée de Damoclès qui allait leur tomber sur la tête, qui était l'intégration dans l'OTAN.
36:35Ils disaient, c'est pas possible, vous faites une erreur, c'est très grave pour nous, parce que ça va créer une frontière insupportable entre l'Ukraine et la Russie.
36:43Trois mois d'affrontements sur la fameuse place Maïdan et quelques dizaines de morts plus tard, le président prorusse est chassé.
36:55La vengeance de Poutine est immédiate.
37:02C'est l'invasion et l'annexion de la Crimée. Dans la foulée, le Donbass s'embrase.
37:08Des séparatistes russophones, soutenus en sous-main par l'armée du Kremlin, s'emparent de régions entières, déclenchant la première guerre d'Ukraine.
37:25François Hollande ne va pas ménager ses efforts pour tenter d'arracher un cessez-le-feu.
37:31Les 5 et 6 juin, il invite à participer aux cérémonies de commémoration du débarquement Vladimir Poutine et Petro Poroshenko, le nouveau président ukrainien.
37:46Quelques jours plus tôt, Poutine avait accordé une interview à TF1 et Europe 1.
37:51Bonsoir Monsieur le Président. Les Etats-Unis affirment détenir la preuve que vous, la Russie, intervenez en Ukraine en laissant des combattants franchir la frontière et même en fournissant des armes à ce que les Etats-Unis appellent les sécessionnistes. Ils disent avoir des preuves.
38:11Ils mentent. Il n'y a pas de personnel militaire, même pas de formateurs de l'armée russe dans les régions de l'Est et du Sud de l'Ukraine. Il n'y en a jamais eu.
38:20Persuadés du contraire, François Hollande et Angela Merkel réussissent à convaincre Poutine de rencontrer Poroshenko.
38:32Donc nous convenons avec Mme Merkel de nous retrouver dans un salon en Normandie et de ne pas accepter de photographe. Sauf qu'il y a eu une photographie quand même. J'avais veillé à ce qu'il y ait quand même une photographie pour que l'ensemble de l'opinion internationale puisse immortaliser ce moment.
38:57Ça a duré peu de temps mais suffisamment pour que les messages soient passés.
39:04De cette initiative naît le Format Normandie, une tentative de négocier la paix entre les deux ennemis à laquelle se joint l'Allemagne d'Angela Merkel.
39:14Dans les mois qui suivent, les quatre chefs d'Etat vont se revoir et se parler souvent, comme lors du sommet de Minsk en Biélorussie en février 2015.
39:28Des discussions interminables durant lesquelles les deux médiateurs se heurtent souvent à la mauvaise foi du dirigeant russe.
39:40Bon, nous discutons, c'est la nuit, c'est très pénible, la discussion n'avance pas.
39:45Tout à coup, dans mon souvenir, Angela Merkel, qui en a assez, c'est deux heures du matin, trois heures du matin, sort une photo où on voyait un colonel russe dans une des zones d'Ukraine mais occupée par les Russes.
40:01Bon, et dans mon souvenir, c'est Merkel qui dit à Poutine, alors qu'est-ce qu'il fait ce colonel ? Et la réponse a été, je crois, il a dû perdre son chemin.
40:18Le mensonge pour Poutine, il doit être sidérant.
40:23C'est pas un petit mensonge pour créer le change. Il faut que l'interlocuteur soit presque tétanisé par l'ampleur du mensonge.
40:33Les accords de Minsk permettent de geler le conflit en Ukraine.
40:39Ça permet de faire taire les armes, donc ça économise des vies et ça permet d'avoir l'illusion, c'est bien l'illusion, que la guerre est terminée.
40:48Et pendant ce temps-là, Poutine, lui, il a continué d'avancer.
40:53Mais François Hollande n'oublie pas l'annexion de la Crimée.
40:59Il prend alors une décision difficile, celle d'annuler la vente des deux frégates Mistral à la Russie.
41:07Chacun devant comprendre qu'un certain contexte empêchait la livraison de ces bateaux.
41:13Ce qui est intéressant, c'est que Poutine, quand je lui dis que je ne vais pas lui livrer, il encaisse, il ne comprend que le rapport de force.
41:22Et après il discute argent.
41:24Imaginez ce qui serait passé si les Russes avaient utilisé Mistral contre l'Ukraine dans la guerre russo-ukrainienne.
41:37Un an plus tard, les Russes sont plus que jamais engagés en Syrie au soutien de Bachar el-Assad.
41:44Hollande et Poutine affichent publiquement leur désaccord sur le sort à réserver au président syrien.
41:52Et pour ce qui concerne la France, il est clair que Bachar n'a pas sa place dans l'avenir de la Syrie.
41:59Le destin du président de la Syrie doit se trouver à 100% dans les mains du peuple syrien.
42:04Le leitmotiv, c'est le mot, des Russes est toujours le même.
42:09Oui, Bachar, évidemment, c'est contestable, mais c'est un patriote.
42:17Et d'autre part, si ce n'est pas lui, ça va être le chaos.
42:23À quoi il répond ? Non, mais le chaos, il y a déjà à l'époque 300 000 morts.
42:29Sous prétexte d'éradiquer les djihadistes, les Russes bombardent Alep.
42:35La cité est en grande partie détruite, façon Grossny en Tchétchénie.
42:43Alors, quand Poutine manifeste le désir de venir inaugurer sa cathédrale du Quai Branly, Hollande refuse de l'accompagner.
42:53Poutine annule son voyage.
42:56De toutes ses années et de ses rencontres avec Poutine, Hollande retient l'image d'un homme à la fois habile et brutal,
43:05obsédé par sa volonté de revanche et de restauration de l'empire russe.
43:11C'est toujours une tentation, l'illusion de se dire, je vais convaincre Poutine, je vais séduire Poutine.
43:18Poutine ne pouvait pas être séduit, en tout cas pas par moi.
43:21C'est pourtant cet homme qu'Emmanuel Macron va s'efforcer de séduire, en lui déroulant le tapis rouge.
43:30C'est même le premier chef d'État qu'il reçoit, peu après son élection.
43:36Le président Macron a eu, comme ses prédécesseurs, le sens de l'intérêt d'une relation avec le grand voisin russe.
43:44Emmanuel Macron croit à la possibilité d'un reset.
43:47Emmanuel Macron croit à la possibilité d'un reset, c'est-à-dire une relance des relations entre la Russie et l'Occident.
43:55Il faut avoir ce dialogue avec la Russie.
43:57Poursuivre ces discussions.
43:58Travailler ensemble.
43:59Enforcer notre partenariat.
44:01Construire des solutions pragmatiques et exigeantes.
44:05Le décor de cette première rencontre est à la hauteur des ambitions du jeune président français.
44:13La magnificence du château de Versailles.
44:18Cette réception à Versailles est destinée, dans l'esprit d'Emmanuel Macron, pardonnez-moi l'expression, d'en mettre plein la vue à Vladimir Poutine.
44:27Ce sont les palais de la République avec une histoire et c'est vrai que Poutine aussi a le sens de l'histoire, même si son interprétation est parfois très personnelle.
44:38Entre un hommage à Pierre Legrand et un passage par la galerie des batailles, Emmanuel Macron et Vladimir Poutine posent les bases d'une relation personnelle.
44:50Mais cette première rencontre va débuter par des reproches.
44:55Le Poutine qu'il reçoit à ce moment-là est quand même celui qui est responsable d'ingérence dans sa campagne, par le biais des trolls russes.
45:08Dans la conférence de presse commune, Emmanuel Macron va dire des choses très dures à côté de Vladimir Poutine.
45:15Il va lui dire que ses agences RT et Spoutnik sont des agences de propagande, que ce ne sont pas des médias.
45:20Quand des organes de presse répandent des contre-vérités infamantes, ce ne sont plus des journalistes, ce sont des organes d'influence.
45:29Russia Today et Spoutnik ont été des organes d'influence durant cette campagne qui ont à plusieurs reprises produit des contre-vérités sur ma personne et ma campagne.
45:37Et là on voit Poutine courber la Chine, se laisser faire la leçon.
45:43J'étais en Russie à ce moment-là, les opposants russes étaient plutôt très contents en disant enfin il y a un dirigeant occidental qui lui dit la vérité, qui lui dit le cas de vérité en face.
45:56Par encunier, Vladimir Poutine invite Emmanuel Macron à Saint-Pétersbourg.
46:03Au faste de Versailles, Poutine répond par celui de la capitale des Tsars.
46:09A la grandeur, succès de la grandeur.
46:15Poutine l'a très très bien reçu, ils ont eu un contact personnel et ils se sont rencontrés très longtemps en tête à tête.
46:25Le déjeuner a dû se dérouler, je ne me souviens plus exactement, mais à 18h parce qu'ils se sont parlé pendant très longtemps et à l'époque avec le sentiment de pouvoir tracer des perspectives.
46:37Et je souhaite pour ma part que la Russie comprenne que la France est son partenaire européen crédible, ouvert et fiable pour préparer l'avenir.
46:53Et quelle plus belle marque de confiance que d'inviter son partenaire dans sa maison de vacances, le fort de Brégançon.
47:06Et ce jour-là, Emmanuel Macron découvre un Poutine ouvert et sympathique, presque un président normal.
47:15Poutine est très très content, il a offert des fleurs à Brigitte, il faisait beau, ils ont bien mangé.
47:22Ils sont restés beaucoup plus de temps que prévu ensemble, ils ont veillé tard le soir, ce que Poutine fait rarement.
47:29Là où on peut faire des critiques, c'est sur la tactique. Parler à Poutine, certes, le recevoir, certes. Fallait-il le recevoir dans la résidence d'été du président, c'est-à-dire dans le domaine privé, c'est quand même plus discutable.
47:47Avoir des gestes d'amitié débordant à l'égard de dictateurs, enfin, mon jugement c'est non. J'allais dire niet.
47:57Je suis très heureux de pouvoir l'accueillir dans ce lieu ô combien symbolique et sur les rives de cette Méditerranée qui ont toujours beaucoup compté pour la relation entre nos deux pays et pour l'imaginaire russe.
48:12Est-ce la magie de la Grande Bleue ? Toujours est-il que la rencontre de Brégançon débouche sur une concession.
48:20Ce que Poutine a accepté à Brégançon, c'est de rencontrer pour la première fois Volodymyr Zelensky qu'il n'avait jamais voulu voir. Il ne prononçait même pas son nom d'ailleurs.
48:35Vladimir Poutine tient parole. Le sommet a lieu à l'Elysée, créant l'espoir d'une détente.
48:42La réunion s'est tenue au mois de décembre 2019 avec promesse d'une nouvelle réunion à Berlin en mars ou avril. Mais évidemment, là, il y a eu la crise sanitaire, donc ce n'était plus possible.
49:01Qui aurait pu se douter que quelques mois plus tard, le monde allait entrer en hibernation, saisie des froids par une pandémie telle que les hommes en avaient perdu le souvenir.
49:17Pendant les deux années que dure la crise sanitaire, Poutine ne quitte quasiment plus le Kremlin, on le dit terrorisé par le virus.
49:27Poutine s'est complètement enfermé, à la fois physiquement et psychiquement.
49:35Il a, paraît-il, ressassé, lu des livres d'histoire à n'en plus finir, ressassé la grandeur de la Russie, le risque que tout soit abîmé par l'OTAN en Ukraine, etc.
49:51Il n'a pas de visiteurs du soir. Il n'a pas de gens qui lui donnent. Il n'y a pas de fou du roi qui lui raconte une autre histoire alors qu'à l'époque, il y en avait.
49:59Ce confinement a-t-il renforcé sa paranoïa ? En tout cas, c'est un homme plus dur, plus en colère contre l'Occident, plus inflexible encore qu'Emmanuel Macron retrouve en 2021.
50:15Quand Vladimir Poutine, sous prétexte de manœuvre, masse ses troupes aux frontières de l'Ukraine, il aurait dû être évident que rien ni personne ne l'arrêterait dans son projet.
50:29Il y a eu une montée en puissance des préparatifs militaires dans la période de plusieurs mois avant l'attaque, quand les États-Unis savaient mais eux-mêmes n'y croyaient pas.
50:42Emmanuel Macron ne renonce pas à le ramener à la raison, misant sur ce qu'il croit être une relation personnelle forte.
50:52Emmanuel Macron regarde Vladimir Poutine avec son esprit cartésien, l'esprit français, et il se dit ce n'est pas possible parce que cette décision ne serait pas rationnelle.
51:04Il y a ce voyage à Moscou qui commence par une humiliation. Même pour discuter avec le diable, Macron n'aurait pas prévu une cuillère aussi longue.
51:19Merci beaucoup de ton temps et de l'accueil aujourd'hui.
51:23C'est une humiliation, évidemment, et Emmanuel Macron a refusé de se soumettre aux tests Covid, donc c'est le prétexte.
51:30Cet immense table dit tout le mépris du maître du Kremlin pour les leaders occidentaux dont Macron.
51:38C'est la mise en scène, si vous voulez, ça fait partie de la vie internationale, il y a toujours une mise en scène, la diplomatie, c'est aussi de la mise en scène.
51:44Monsieur le Président est venu en Russie en premier lieu pour aborder les sujets épineux relatifs à la sécurité européenne et globale.
51:53Vous avez une vision forte qui parfois n'est pas la même que celle des Européens ou des Occidentaux.
52:00Quand Emmanuel Macron est revenu de Moscou, il a clairement dit le Poutine que j'ai rencontré là n'est pas celui que j'ai connu et que j'ai rencontré à plusieurs reprises.
52:14Et puis, il y a cet appel de la dernière chance.
52:19Merci pour ta disponibilité ce matin.
52:22Si on veut donner une chance au dialogue, il faut calmer dans la région le jeu.
52:26Lors de cet entretien téléphonique, Emmanuel Macron, entouré de ses conseillers, tente de convaincre Poutine d'accepter le principe d'un sommet avec Joe Biden.
52:38Est-ce que tu es prêt à avancer et à dire aujourd'hui, je souhaite une réunion à deux avec les Américains puis élargie aux Européens ou pas ?
52:47En général, bien sûr, je suis d'accord. C'est la bonne direction.
52:51On voit en fait le dilettantisme et la légèreté avec laquelle Poutine parle à Macron.
53:00J'ai voulu aller jouer au hockey. J'ai parlé avec toi dans l'arrière-plan. Je vais commencer les exercices physiques.
53:08Merci en tout cas Vladimir.
53:10Merci monsieur.
53:12En raccrochant, il est persuadé qu'il a convaincu Vladimir Poutine.
53:16Le lendemain, il s'est aperçu qu'en fait Vladimir Poutine n'avait absolument aucune intention de donner suite à cette proposition.
53:24C'est légitime d'avoir tenté quelque chose même si c'était destiné à échouer.
53:32À ce moment-là, Poutine avait déjà décidé d'envahir l'Ukraine.
53:37Quatre jours après ce coup de téléphone, c'est la sidération.
53:44J'ai décidé de mener une opération militaire spéciale.
53:59En reniant sa parole, le président Poutine n'a pas seulement attaqué l'Ukraine.
54:04Il a décidé de porter l'atteinte la plus grave à la paix, à la stabilité dans notre Europe depuis des décennies.
54:14Quand l'invasion d'Ukraine commence, il est extrêmement choqué.
54:19Et il a un coup de téléphone avec Vladimir Poutine qui est assez vif.
54:24Il dit à Vladimir Poutine, tu as fait une connerie, je ne sais pas quand est-ce qu'on pourra se reparler.
54:30Et il lui dit aussi, mais je serai ferme, je ferai ce que j'ai à faire.
54:37Passé le choc et la déception, Emmanuel Macron tentera encore de reparler à Vladimir Poutine.
54:46Mais le président français affichera tout de suite un soutien sans faille à l'Ukraine.
54:53Il faut que l'Ukraine puisse résister, défendre son territoire, retrouver la liberté.
54:57C'est une agression impérialiste. L'Ukraine ne sera pas conquise.
55:05Fin 2022, Emmanuel Macron revient sur sa relation avec Poutine dans une émission réalisée par des journalistes autistes.
55:14Je dois vous avouer que je n'aimerais pas le rencontrer, il me fait assez peur.
55:19D'abord quand on le rencontre comme ça, il n'est pas désagréable.
55:23C'est le paradoxe.
55:25Ensuite, je pense qu'il n'y a rien qui justifie de déclencher la guerre.
55:31Il a essayé d'expliquer que c'était l'Ukraine qui le menaçait,
55:35parce qu'à travers l'Ukraine, c'était les Européens et les Américains qui voulaient menacer la sécurité de la Russie.
55:42Je crois que c'est faux.
55:44Et au fond, il a décidé de lancer cette guerre pour récupérer des territoires
55:49et pour réétendre la Russie et retrouver en quelque sorte le périmètre de l'Empire qui avait pu exister.
55:56Donc il a pris une très lourde responsabilité, pour lui, pour son peuple,
56:00évidemment pour le peuple ukrainien et pour nous tous.
56:03Voilà comment je vois les choses.
56:07Leur dernière conversation remonte au 11 septembre 2022.
56:12Peut-on imaginer qu'un jour, un président français reparle avec Vladimir Poutine ?
56:19On ne peut pas savoir quand et comment cette guerre se terminera,
56:23mais très probablement quand même autour d'une table de négociation.
56:27Et il faudra bien, à un moment donné, parler avec celui qui est à la tête de la Russie.
56:34Il faudra voir comment les Russes eux-mêmes s'occupent de Poutine.
56:37Nous ne choisirons jamais nos interlocuteurs, quels qu'ils soient.
56:39Donc on verra ce que ça donne.
56:42Mais la Russie ne va pas disparaître.