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Pierre Fagnart revient sur les enjeux du deuxième tour des élections législatives françaises avec Marine Buisson, Cheffe du pôle Idées, et Joëlle Meskens, Envoyée permanente à Paris pour le Soir.

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00:00Le second tour des élections législatives françaises, c'est ce dimanche, vous l'aurez
00:04lu dans les colonnes du soir, le premier tour de dimanche dernier s'est soldé par une
00:08vague, par un tsunami estampillé Rassemblement National, le parti d'extrême-droite atteignant
00:14des scores jamais vus dans l'histoire française.
00:16Une question donc aujourd'hui, qu'espérez-vous du scrutin de dimanche prochain ?
00:20Les appels aux barrages républicains vont-ils produire leurs effets ? Comment fonctionne
00:28le principe des triangulaires ? On va poser toutes ces questions à deux de nos expertes.
00:32On est pour se faire en connexion avec Joël Mesquens, notre envoyé permanent à Paris.
00:37Bonjour Joël.
00:38Bonjour Pierre.
00:39Bonjour Marine.
00:40Nous sommes également avec Marine Buisson, la chef du Polydé.
00:44Bonjour Marine.
00:45Bonjour.
00:46Joël, je vais d'abord me tourner vers vous.
00:48On a fait une vidéo ensemble la semaine dernière où je vous avais demandé un petit peu quelle
00:52était l'ambiance en France à quelques jours du premier tour.
00:55Maintenant qu'on connaît les résultats du premier tour, est-ce que cette ambiance
00:58a changé ? Est-ce qu'elle est plus tendue, plus apeurée, plus crispée ?
01:02Elle reste très tendue, même si, on va dire, pour le touriste qui débarquerait aujourd'hui
01:10à Paris, il ne se rendrait pas forcément compte de l'enjeu qui se passe ici.
01:14J'étais frappée hier soir par le monde sur les terrasses parisiennes qui discutaient
01:19d'autres choses que de politique parfois, donc tout n'a pas été enseveli par ce
01:25contexte, ce climat.
01:26Mais bien sûr, pour qui s'intéresse à la politique, évidemment la tension est toujours
01:32extrêmement forte, même si, on va dire que le climax, c'était dimanche soir quand
01:36on a vu les chiffres, les résultats du premier tour des législatives avec, à ce moment-là,
01:42une possibilité de majorité absolue pour l'extrême-droite, c'était évidemment
01:47du jamais vu.
01:48Mais depuis lors, les choses ont un peu changé, il y a eu ces accords qui ont été passés
01:53entre le camp macroniste et le Nouveau Front Populaire, donc l'Alliance de Gauche, pour
01:58faire barrage à l'extrême-droite et donc, d'une certaine façon, l'hypothèse de
02:03cette majorité absolue au Rassemblement National s'est quelque peu écartée.
02:07On parie, on table plus aujourd'hui sur une majorité relative pour le parti de Jordan
02:13Bardella et de Marine Le Pen.
02:15Marine, on enregistre mercredi, on connaît depuis hier soir, mardi soir, la liste finale
02:20des candidatures.
02:21On sera face à de nombreux duels, mais aussi à des triangulaires, ce qui peut parfois
02:25paraître un petit peu étonnant pour les Belges que nous sommes.
02:27C'est quoi une triangulaire dans l'esprit électoral français ?
02:31Ce n'est pas très compliqué, une triangulaire, c'est quand on a trois candidats qui sont
02:37qualifiés pour le second tour, donc les deux qui sont arrivés en tête et un troisième
02:42candidat ou une troisième candidate qui a eu plus de 12,5% des voix.
02:47Donc, il y a eu énormément de triangulaires annoncées.
02:52Il y en a eu finalement moins que prévu grâce au désistement, justement, de certains candidats
02:59macronistes au profit du Nouveau Front populaire ou l'inverse.
03:03Donc, finalement, le nombre est assez restreint.
03:06On arrive à une petite centaine et une quadrangulaire, c'est-à-dire quatre candidats cette fois-ci.
03:11Donc, il y a aussi des conditions dans lesquelles tous les candidats restent en place.
03:16Joël, parce que si on pose la question-là, c'est parce qu'il y a eu une pression parfois
03:20importante sur des candidats arrivés troisième pour mettre en place ce fameux barrage républicain.
03:27Oui, tout à fait, mais si on regarde ça, en fait, le chemin parcouru est inédit.
03:32C'est assez incroyable de voir qu'en quelques heures, à la fois le camp présidentiel et
03:37le Nouveau Front populaire et la gauche ont réussi à s'entendre pour faire se désister
03:44des candidats.
03:45On en arrive à des situations complètement baroques dans certaines circonscriptions ou,
03:48par exemple, dans la circonscription de l'ancienne première ministre Elisabeth Borne, le candidat
03:55de Nouveau Front populaire a dû s'effacer et donc invite ses électeurs à voter pour
04:01cette ancienne première ministre qui représente vraiment un peu l'esprit de ce bon quinquennat
04:07d'Emmanuel Macron avec ses passages en force lors de la réforme des retraites, par exemple.
04:12Et on a, à l'inverse, dans une circonscription de la Somme, François Ruffin, qui est un peu
04:18le héros de la France insoumise, qui est soutenu par le camp présidentiel qui s'est
04:23désisté en sa faveur.
04:24Donc, on a ces configurations un peu baroques inédites, mais qui sont à la mesure, à la
04:30hauteur de l'enjeu du moment.
04:31C'est historique. Jamais on n'aurait pu imaginer cela.
04:35Et pour cause, jamais l'extrême droite n'a été aussi près du pouvoir.
04:39Et ce barrage républicain qu'on croyait mort, qui s'effilochait d'année en année, d'élection
04:44en élection, finalement, se révèle aujourd'hui plus vigoureux que jamais.
04:48C'est une énorme surprise.
04:49Là, vous parlez de désistement entre guillemets pour le bien commun, pour le bien de la République.
04:54On a encore quand même des situations dans lesquelles des candidats et des candidates
04:58refusent de se désister, restent en triangulaire, en quadrangulaire, comme Marine l'a dit,
05:03et donc amènent beaucoup plus d'incertitude dans ce deuxième tour.
05:07Oui, mais elles sont vraiment minoritaires, c'est assez marginal, je pense qu'on arrive
05:12vraiment, je crois, à une vingtaine de circonscriptions où les candidats se sont maintenus, plus
05:18d'ailleurs dans le camp présidentiel que dans l'alliance de gauche, où les choses
05:22ont été plus claires, mais c'est vraiment marginal.
05:25Cela dit, la grande importance, évidemment, qui va se jouer, le grand enjeu qui va se
05:29jouer dimanche, c'est de savoir, maintenant les candidats se sont désistés, mais que
05:34feront les électeurs eux-mêmes ? Encore une fois, c'est difficile de leur dire de
05:38voter exactement la même chose, le contraire de ce qu'ils auraient aimé voter dans ce
05:45deuxième tour.
05:46Ils se retrouvent orphelins, bien souvent, de leur premier choix et doivent voter par
05:51la seule motivation de faire barrage à l'extrême droite.
05:54Pour certains, ça va peut-être être un geste difficile, les reports en tout cas ne
05:58seront certainement pas automatiques et c'est difficile de les extrapoler à quelques jours
06:04de l'élection.
06:05Oui, Marine, dans une France aussi polarisée, avec des camps qui s'invectivent depuis
06:09plusieurs semaines, c'est presque impossible de faire des prévisions sur les reports de
06:13voix ?
06:14C'est vraiment très compliqué et comme le disait Joël, il y a quelque chose qu'il
06:17faut vraiment prendre en considération, c'est que les partis, les candidats auront beau
06:23donner des consignes de vote, ce n'est pas pour ça que les électeurs derrière et les
06:28électrices vont suivre.
06:29C'est très compliqué, on l'a vu pour des électeurs, Joël parlait de la circonscription
06:36d'Elisabeth Borne, il y a aussi la circonscription de Gérald Darmanin qui est intéressante,
06:41qui est quand même un ancien LR qui est passé dans le camp présidentiel, ministre de l'Intérieur,
06:47qui incarne vraiment la frange droitière du gouvernement Macron et donc là, on a des
06:53électeurs de gauche du Nouveau Front Populaire qui, pour faire barrage au Rassemblement National,
07:00vont devoir aller voter pour une figure comme Gérald Darmanin.
07:04C'est très compliqué donc même si les consignes de vote sont relativement claires
07:10maintenant, à quelques jours du deuxième tour, c'est absolument imprévisible d'essayer
07:15de savoir comment est-ce que les électrices et les électeurs vont reporter leur voix
07:19justement.
07:20On se concentre aussi un petit peu sur le Rassemblement National, on a longtemps dit
07:24que c'était un parti sans appareil de parti, qui manquait aussi de candidats solides et
07:29expérimentés.
07:30Là, quand on voit la liste des candidats investis par le Rassemblement National et
07:35les casseroles déterrées sur les uns et les autres, les unes après les autres, on
07:38a parfois l'impression d'être, c'est moins l'expression, mais dans un sketch presque.
07:42Ce qu'il faut se dire aussi, c'est qu'on est, c'est un parti qui a eu une croissance,
07:48c'est du jamais vu en fait, on est passé de 8 députés à 89, 88, il y en a un qui
07:54est parti.
07:55Et là, on prédit entre 240 et 270 députés selon les prévisions, mais il faut aller
08:02les chercher, c'est ça, il faut les trouver.
08:04Donc c'est-à-dire qu'on va, c'est très très large, et là, c'est assez infligeant,
08:10il y a des candidats, des candidates qui annulent, qui refusent des débats entre les autres
08:16Il y a des candidats par peur, incompétence, il y a des candidats, donc Mediapart a fait
08:22la liste, une liste de 70 candidats problématiques, donc c'est-à-dire problématiques, ça veut
08:26dire qui ont tenu des propos xénophobes, racistes, antisémites, sexistes, homophobes,
08:31transphobes.
08:32Il y a une candidate qui s'est retirée parce qu'on a trouvé une photo d'elle affublée
08:39d'une casquette nazie.
08:40Enfin voilà, on ne parle pas, ce n'est pas des casseroles, ce n'est pas des dérapages,
08:43c'est des faits graves dans une démocratie.
08:45Et oui, c'est quand même préoccupant.
08:48Cette incompétence vraisemblable, Joël, ça percole un petit peu dans l'esprit des
08:54Français ou, de toute façon, la partie de la population qui a décidé de voter pour
09:00le Rassemblement National ne changera pas d'avis, peu importe ce qu'on dit, ce qu'on
09:04voit de leurs candidats ?
09:05Oui, c'est une très bonne question.
09:09Rien ne semble avoir prise sur les électeurs en réalité, ni l'incompétence, les hésitations
09:16sur le programme, ni ces, je ne vais pas parler de dérapages, mais ces saillies racistes,
09:24on va dire, ces postes, ces publications racistes ou homophobes ou sexistes que l'on voit ou
09:29antisémites que l'on voit sur les réseaux sociaux et qui concernent un quart, un cinquième
09:33ou un quart même, des candidats investis par le Rassemblement National, tout cela
09:39ne semble avoir en réalité aucune prise sur l'électorat.
09:43C'est comme si vraiment le pays avait envie de cela, avait envie d'essayer, comme disent
09:51les électeurs, ce qu'on n'a encore jamais essayé et en réalité rien n'a de prise
09:56sur cette espèce de rouleau compresseur, si ce n'est peut-être ces barrages républicains
10:01dont on ne verra seulement dimanche soir, si oui ou non, ils auront fonctionné.
10:05Marine.
10:06Oui, c'est drôle, ça me fait penser vraiment à la campagne présidentielle américaine
10:11juste avant que Trump soit élu président.
10:14Je veux dire, les journalistes et les opposants politiques ont fait leur travail, ils ont
10:20quand même documenté de faits, d'accusations d'agressions sexuelles, il y avait une dizaine
10:28de cas, mais absolument rien n'a pu arrêter cette espèce de ferveur qu'il y avait pour
10:36Trump.
10:37Là, c'est vraiment fort similaire.
10:38Marine, toujours sur le Rassemblement National, c'est Jordan Bardella qui en est le président,
10:43c'est lui qui est le candidat premier ministre, pourtant on sait que c'est Marine Le Pen
10:47la patronne du parti.
10:48Là, elle tire les ficelles dans l'ombre, elle attend son or ou on pourrait la voir
10:52jouer un rôle plus important dans les semaines à venir ?
10:54Il y a plusieurs raisons pour sa mise en retrait, je mets de gros guillemets parce qu'elle
10:59est quand même visible et on l'entend sur les plateaux.
11:02La première raison, c'est que c'est un duo, ils ont vendu un duo en fait, ils ont
11:08vendu un ticket aux Français, ça fait déjà depuis l'automne dernier qu'ils parlent
11:12de ce duo-là, qu'ils mettent en avant la complémentarité des deux profils, ce qui
11:15est le cas.
11:16Jordan Bardella, il est allé attirer un électorat que Marine Le Pen n'arrivait pas à saisir,
11:21c'est-à-dire les jeunes, les femmes, ça c'est assez important, et les personnes
11:27aussi issues des grandes métropoles.
11:29Donc il y a aussi une complémentarité de profil, elle est plus âgée, elle est héritière
11:35d'une espèce de dynastie politique, lui on nous vend, parce qu'après c'est pas
11:41forcément le cas, mais on nous vend que c'est un jeune homme qui est issu d'un quartier
11:45populaire défavorisé.
11:46D'un milieu modeste.
11:47Et donc il y a vraiment cette complémentarité des profils.
11:51Autre chose, il y a une raison qui est judiciaire, c'est qu'à l'automne, Marine Le Pen,
11:58elle a un procès qui s'annonce pour elle, donc pas que pour elle, mais pour elle, une
12:02question de fond détournée quand elle était eurodéputée, détournée pour rémunérer
12:09des assistants parlementaires qui travaillaient en fait pour son parti et non pas pour l'Europe.
12:14Ce procès-là, ça peut se solder par une peine d'inégibilité, donc c'est-à-dire
12:18que qu'est-ce qu'on fait si Marine Le Pen ne peut pas se présenter à la présidence,
12:24à la prochaine élection présidentielle.
12:27Donc c'est aussi pour préparer le terrain, avoir quelqu'un qui puisse arriver en renfort
12:32et qui puisse prendre les rênes du parti.
12:35Et puis il y a aussi le fait que si Jordan Bardella devient Premier ministre, que le
12:38Rassemblement National, donc l'extrême droite, a plusieurs ministères, qui s'abîme
12:43sur l'exercice du pouvoir, qui fasse preuve d'incompétence, Marine Le Pen, elle sera
12:47à l'Assemblée Nationale, elle sera protégée, entre guillemets, et aura ses chances pour
12:51la présidentielle.
12:52Sa figure sera en quelque sorte préservée, sauvegardée.
12:55Joël, juste pour finir, il y a une idée qui commence à émerger en France, c'est
13:00celle d'une grande coalition alternative entre tous les partis républicains, démocratiques,
13:07une coalition qui irait de la droite traditionnelle jusqu'au vert.
13:11En fait, un système très belge, c'est quelque chose qui pourrait arriver en France ?
13:15Oui, on parle de coalition arc-en-ciel, on connaît bien ça en Belgique, avec les Suédoises
13:21ou les Vivaldi, on va peut-être apprendre à composer avec ces formulations ici, dès
13:26la semaine prochaine.
13:27C'est une idée qui a germé à partir du moment où les désistements ont permis d'imaginer
13:32un scénario qui ne serait pas le pire scénario, donc une majorité qui ne serait que
13:37relative pour le Rassemblement National et dans l'hypothèse où Jordan Bardella refuserait
13:42dans ce cas d'être appelé à Matignon, on pourrait bâtir, ce serait très hypothétique,
13:48on pourrait bâtir une grande coalition qui irait de la gauche à la droite républicaine,
13:55à ce qu'il reste de la droite de gouvernement.
13:57RFI, la France Insoumise, a déjà dit qu'ils ne voulaient pas y participer, que s'il y
14:03avait une grande coalition, ce serait uniquement sur leur programme.
14:06Donc il faudra voir, il y a deux gros problèmes pour cette idée qui est évidemment peut-être
14:13une arme, quelque chose d'inédit à imaginer pour ces circonstances tout à fait exceptionnelles,
14:18mais il y a deux gros problèmes.
14:19Le premier, il est arithmétique, est-ce que le compte y sera ? Si on fait le total des
14:24élus macronistes qui seront dans l'Assemblée Nationale dimanche soir, plus les élus de
14:31droite et les élus de gauche modérés, est-ce que le compte y sera ? Et d'autre part, pour
14:37faire quoi ? Et avec qui ? C'est-à-dire que les programmes resteront incompatibles
14:42entre les socialistes, les verts et la droite, les républicains ? Ça sera très difficile
14:48de trouver un chemin, si ce n'est sur des majorités de projets pour des textes très
14:54particuliers.
14:55Et puis, par qui incarner cette coalition qui serait une sorte de cohabitation avec
14:59Emmanuel Macron ? Parce qu'il est entendu qu'à ce moment-là, ce n'est plus lui qui
15:03pourrait piloter cette nouvelle majorité relative, qui lui serait en quelque sorte
15:07imposée.
15:08Et qui donc mettre à Matignon dans cette hypothèse-là une personnalité qui ferait
15:13consensus à gauche et à droite ? Ce n'est pas facile à trouver.
15:18Donc, on est dans ce scénario-là aujourd'hui, en tout cas on s'active beaucoup, les téléphones
15:24chauffent beaucoup à propos de cette hypothèse, mais on ne pourra vraiment commencer à sortir
15:30les calculettes et à échafauder les scénarios que dimanche soir parce que d'ici-là, c'est
15:35toujours le mystère très épais qui demeure.
15:38Merci beaucoup en tout cas Joël, merci également Marine et évidemment, dès dimanche soir,
15:43tous les résultats de ce deuxième tour des élections législatives françaises sera
15:47à suivre sur le site et l'application du soir.

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