Portrait de Charlotte Martin, jeune athlète anorexique sauvée par son amour du sport et de la vie !
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00:00Courir, courir plus vite, courir tout le temps, prendre le départ, sentir l'adrénaline qui
00:08monte, le coeur qui tape, les jambes qui tremblent, et puis courir encore jusqu'à être enfin
00:11sur la ligne d'arrivée.
00:12Gagner et voir la fierté dans les yeux de mon père, je suis enfin en train de devenir
00:16la fille qu'il a toujours rêvé d'avoir.
00:18J'arrive à gagner des cours, j'ai amélioré mes temps, tout le monde était fier de moi
00:27et du coup ça me donnait envie de maigrir encore plus, et à partir d'un certain point
00:30en fait le corps il est tellement maigre qu'il ne peut plus rien faire, du coup j'ai commencé
00:35à tomber dans les pommes pendant les courses.
00:36Je suis allée à l'hôpital et là ils m'ont dit que ça n'allait pas du tout, que mon
00:40coeur ne battait quasiment plus, que je n'avais plus de tension et que si je continuais comme
00:44ça, j'allais mourir.
00:45J'ai essayé de me forcer, de me regarder, mais en fait je pleurais, je pleurais parce
00:55que je me disais mais je suis horrible, je suis grosse, et en fait je me détestais.
00:59J'avais l'impression d'être un fantôme un peu, de ne pas être moi quoi.
01:02Dans les magasins c'était l'enfer, je lisais tout, je reposais le truc parce que je me
01:12disais qu'il y avait trop de calories dedans, fallait des paquets de glucides, fallait des
01:15paquets de protéines, et à la fin je mangeais des figues ou des pommes, je ne mangeais rien
01:20d'autre.
01:21Je faisais à peu près six séances de course à pied par semaine, dont deux infractionnées.
01:31J'allais faire du renforcement musculaire trois fois par semaine, et à la fin de la
01:36semaine, j'allais faire souvent le week-end du vélo de route pour faire des sorties longues.
01:39Et parfois je me levais à 4h du mat, je faisais des abdos dans ma chambre, ma mère elle m'entendait,
01:44je courais sur place, elle montait, elle me disait mais qu'est-ce que tu fais Charlotte ?
01:46Et je lui disais bah rien, je n'arrive pas à dormir, mais elle voyait bien que je mentais
01:49parce que j'étais en brassière.
01:50Ma mère s'inquiétait, mais pour mon père, ce n'était pas grave, j'allais continuer
01:55à gagner.
01:56Je me détestais, je détestais la personne que j'étais et je ne savais même pas qui
02:04j'étais en fait.
02:05Je n'arrivais même plus à courir, je ne gagnais plus de course, ça n'allait pas,
02:11je sentais que j'étais faible, qu'il y avait un truc, mais en même temps, je n'arrivais
02:15pas à remonter à la surface, je ne pouvais pas manger, je n'y arrivais pas.
02:19Il est 3h du matin, cette nuit-là, j'ai tellement mal dans le dos que je me dis que
02:24ça y est, je vais mourir.
02:25J'appelle ma mère pour lui dire que ça ne va pas du tout et elle décide de m'emmener
02:28à l'hôpital dans un service spécialisé pour les TCA.
02:31Mon cœur bat à 30 bpm, j'ai 6-4 de tension, je ne suis plus que l'ombre de moi-même.
02:36Je me tue à petit feu.
02:38Si tu continues, tu vas mourir.
02:40Comme si les paroles de ce médecin ne me faisaient ni chaud ni froid.
02:43Mais finalement, c'est ça que je voulais, mourir et ne plus souffrir.
02:49Les jours passent et se ressemblent tous à l'hôpital.
02:57J'en peux plus et je n'ai plus envie de laisser l'anorexie me tuer.
03:00Alors je décide de dresser la liste de mes rêves et d'élaborer mon plan de sortie.
03:04C'était long et il y a eu des rechutes, mais ces quelques rêves m'ont permis de
03:08retrouver la force de me battre.
03:10Il y avait notamment partir faire de l'humanitaire en Inde, faire du parapente, faire du sport,
03:14profiter de la nature, être bien dans mon corps et dans ma tête.
03:17La montagne et les heures passées à courir pour me retrouver seule avec moi-même sur
03:23les sommets et prendre conscience que cette chance de monter là-haut, je l'ai toujours
03:26parce que je me suis battue.
03:27Petit à petit, j'ai réussi à reconstruire ce corps et cette âme.
03:41J'ai fait de la course à pied car j'aimais ça et c'était ma méditation.
03:44J'ai apaisé mon esprit avec le yoga.
03:46J'ai découvert l'alpinisme avec des copains et je me suis rendu compte de l'aspect éphémère
03:50de la vie.
03:51Un jour, j'ai demandé un saut en parapente à mes parents et je me suis dit mais il
03:58faut être complètement tarée pour faire un truc comme ça.
03:59En vrai, j'ai eu la trouille, mais c'est quand même ouf de voler comme un oiseau.
04:14J'ai crié et je me suis dit, c'est ça la liberté.
04:18Moi qui voulais mourir, qu'est-ce que j'aurais raté ?
04:22Et comme la vie est bien faite, Blablacar a mis dans ma voiture un parapentiste, Nicolas.
04:28Et deux jours plus tard, on vole au-dessus du lac d'Annecy.
04:32Depuis, on ne s'est plus jamais quitté.
04:33Au sport qui m'aurait fait beaucoup de mal, mais surtout,
05:03au sport qui m'aura sauvée.