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La conférence Nourrir la planète s'adresse à des responsables et des dirigeants d’entreprise du secteur, mais aussi des pouvoirs publics et de tous ceux qui souhaitent mieux comprendre les grands enjeux de notre souveraineté alimentaire.

Successivement, la crise covid, la guerre en Ukraine et les grandes manifestations agricoles, ont jeté une lumière crue sur la crise d’identité et les fragilités du modèle agricole européen. Les grandes politiques publiques comme la PAC ou celle, à venir, du Green deal appliqué à l’agriculture, font désormais l’objet de questions. Les orientations choisies peuvent-elles permettre de produire suffisamment pour assurer la souveraineté alimentaire de l’Europe et le rôle stabilisateur des exportations, sans ruiner l’environnement et les perspectives des agriculteurs ?

Il y aura 10 milliards d’humains sur la planète à nourrir en 2050. C’est aujourd’hui que le réarmement productif doit être mené. L’Europe veut-elle être actrice de la mutation ? Ou la subir ?

https://www.lopinion.fr/evenements/nourrir-la-planete-comment-rearmer-la-ferme-france

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00:00...
00:05Et je vous propose maintenant
00:07une petite séance de 20 minutes
00:09de survol, vision dézoomée,
00:13prospective.
00:14Jean-François n'est pas du tout avec nous.
00:17Jean-François.
00:21Quelle politique commerciale pour nos céréales ?
00:24Alors, ça a l'air assez sectoriel.
00:26Ça va bien au-delà de ça, parce qu'on va parler de géopolitique,
00:28on va parler d'influence, on va parler aussi de démocratie.
00:32Et ça, c'est un sujet vraiment important
00:34qui nous est ramené sous les yeux par l'actualité russe, notamment.
00:38Je vais recevoir pour en parler Sébastien Abyss.
00:42Vous êtes directeur du Club Déméter.
00:45Ben oui, tu viens.
00:53C'est pas un secret, on se tutoie dans la vie,
00:55on va pas faire semblant de ce que vous voyez là.
00:57Sébastien Abyss est sans doute un des meilleurs connaisseurs
01:00des échanges agroalimentaires de la planète.
01:04Un spécialiste des céréales, auteur d'une géopolitique du blé,
01:07mais ça va bien au-delà de ça, parce qu'il est capable
01:09de faire dans l'opinion des chroniques
01:10sur la géopolitique de la pistache, de la mangue,
01:14et il nous a même écrit une cartothèque de la pastèque.
01:17Donc voilà, il est multicarte.
01:20Et il a écrit aussi un splendide Everest agroalimentaire,
01:23dont on reparlera sans doute.
01:25Et je reçois aussi Jean-François Loiseau,
01:27président d'Inter Céréales.
01:31La grande... Voilà, on va faire comme ça.
01:34On est un peu... Ça vous va, le... Oui, voilà.
01:38Je vous laisse prendre un micro, chacun.
01:40Président d'Inter Céréales et nouvellement élu
01:42président de l'ANIA, ça, c'est tout frais,
01:44et ça date de la semaine passée.
01:46Alors, notre filière céréalière nourrit la France.
01:52Elle nourrit bien au-delà de la France.
01:54Peut-être, avant de commencer à parler du futur
01:57et de la politique commerciale,
01:58on peut faire un petit état des lieux.
02:00Quelle est la présence de nos céréales françaises,
02:05le blé et les autres,
02:06sur la scène européenne et internationale ?
02:09Où est-ce qu'ils vont, ces céréales ?
02:11On vend, par exemple, la moitié de notre blé hors de France.
02:13Mais où et pourquoi ? Qui commence ?
02:16Jean-François, c'est à vous.
02:18Bien. Bonjour à tous et merci de l'invitation.
02:22Alors, la France a toujours été
02:25un grand pays producteur de céréales,
02:27particulièrement de blé tendre.
02:29C'est lié à l'histoire et aux terroirs en même temps,
02:32blé, maïs, orges,
02:34et notamment orges de brasserie et blé dur.
02:37Et en gros, depuis, on va dire, le début des années 80,
02:42la France exporte principalement du blé tendre.
02:44Elle exporte aussi les autres productions,
02:46mais surtout du blé tendre.
02:48Alors, en Europe, est-ce qu'on peut parler d'exportation
02:51quand on vend du blé aux Pays-Bas, en Belgique ?
02:54J'allais dire presque l'Angleterre.
02:56Pour le coup, on peut dire oui,
02:57exportation pour l'Angleterre, maintenant.
02:59Mais pour l'Italie, l'Espagne, le Portugal,
03:02c'est quasiment maintenant du commerce de proximité.
03:05Je vois notre ami et grand spécialiste
03:08Jean-François Lépi dans le fond de la salle.
03:09Il pourra en parler 10 fois mieux que moi.
03:11Et la France exporte du blé en dehors de l'Europe.
03:15Et en gros, sur la moitié de la production française,
03:19sur une moitié de la collecte française,
03:21il y en a 50 % qui restent en Europe
03:24et 50 % qui partent sur les Pays-Tiers.
03:26Et dans les Pays-Tiers, vous avez évidemment l'Afrique,
03:29le continent africain.
03:31Et là, je pense que Sébastien en parlera
03:32pour des raisons géopolitiques majeures.
03:35Et l'Afrique, ce sont évidemment les pays du Maghreb,
03:38en priorité, de très gros volumes historiques,
03:42même si ça change beaucoup maintenant,
03:43avec notamment des pays comme l'Algérie, la Tunisie.
03:47Il y a eu l'Égypte, sommairement,
03:49le Maroc, les pays de l'Afrique de l'Ouest,
03:54avec 2 types de clients,
03:55des clients, on va dire, office d'Etat, public.
03:58Et donc là, c'est plus le gouvernement qui achète.
04:02Certes, le ministre de l'Alimentation,
04:04mais plutôt le Premier ministre ou le président.
04:07Ce sont des choix politiques.
04:09Et c'est ce qui pose bien des problèmes
04:11en ce moment pour la France.
04:12Et puis, vous avez des entreprises privées,
04:14des meuniers, principalement.
04:1680 % du blé exporté, c'est du blé qui est destiné à Meunry.
04:19Ensuite, vous avez les pays du Moyen-Orient,
04:22donc l'appareil des grands pays publics.
04:25Pas de secret.
04:26Dans ces grandes monarchies très démocratiques,
04:28le blé, ça s'achète au doigt et à la baguette,
04:30sans faire de jeu de mots.
04:32Et puis, vous avez l'Asie,
04:34certains pays d'Asie, principalement la Chine,
04:37surtout sur des productions comme le blé tendre
04:40et l'orge de brasserie,
04:42puisque la Chine transforme beaucoup d'orges en malte.
04:45Donc ce qui fait que...
04:46Je ne parle pas d'autres pays, il y en a d'autres.
04:48On fait un peu de Cuba,
04:51ça et là, un peu d'Europe du Nord, quelquefois.
04:54Ce qui fait que la France a une position historique
04:57extrêmement puissante.
05:01Et la difficulté aujourd'hui, c'est que,
05:03indépendamment quasiment de la compétitivité,
05:07qui est un vrai problème...
05:08Tout à l'heure, la 1re table ronde
05:09avec Audrey et Thierry Blandinière l'évoquait.
05:13Indépendamment de ces sujets de compétitivité
05:15qui est un vrai problème,
05:16en tout cas pour les entreprises françaises,
05:18y compris d'export,
05:20il y a aujourd'hui des choix politiques
05:23qui sont faits par beaucoup de ces pays
05:25qui posent problème à notre petit pays qu'est la France.
05:29Parce qu'il faut bien se rappeler que nous sommes un petit pays.
05:32Alors Sébastien, ces céréales qu'on vend
05:35dans le bassin méditerranéen, bien au-delà,
05:38ça sert à quoi ?
05:39Ça sert à notre balance commerciale ?
05:41C'est la 1re chose à laquelle on pense,
05:42mais ça sert à quoi d'autre ?
05:45Bon, d'abord, bonjour à tout le monde.
05:49En fait, moi, j'ai...
05:51J'ai une particularité dans le paysage de la matinée,
05:56c'est que je suis le moins spécialiste
05:57des questions agricoles et alimentaires de la salle,
06:00pas juste du panel.
06:02Et donc je vais rester dans un registre
06:03qui m'est beaucoup plus proche,
06:06qui est de regarder la chose au-delà des questions agricoles,
06:10d'autant plus que l'opinion a piqué une de mes formules.
06:13Et comme toujours,
06:15ce que j'aime inventer comme formule n'est pas copyrighté
06:17parce qu'il faut que les idées circulent.
06:20Donc sur le réarmement agricole et alimentaire du monde,
06:23en fait, dont les céréales font partie,
06:25puisque c'est la moitié des terres cultivées dans le monde
06:27et la moitié des calories aujourd'hui
06:29qu'on consomme sur la planète.
06:30Donc en fait, quand vous regardez
06:31le réarmement agricole et alimentaire mondial,
06:33vous pouvez pas échapper à la problématique céréalière.
06:36Et cette problématique céréalière, elle est connue.
06:39Peu d'acteurs productifs,
06:42une planète qui en consomme de plus en plus,
06:44l'ensemble du vivant, les êtres humains,
06:47plus nombreux, de milliards en plus depuis 20 ans,
06:49les animaux, les chiens et chats,
06:52qui sont la 3e population mondiale à la maison.
06:54Je rappelle, après Chine et Inde,
06:55et dont la consommation de céréales est massive,
06:59on n'en parle jamais, mais en tout cas,
07:00c'est la 3e population mondiale à la maison.
07:03Effectivement, on n'en parle jamais.
07:04En effet, on n'en parle jamais.
07:05Non, mais c'est pour ça, je préfère élargir un peu le scope
07:08parce que le pet foods a le vent en poupe
07:09et c'est pas inintéressant de regarder aussi ça
07:13parce qu'on tape beaucoup sur la vache,
07:14mais très peu sur les chiens et les chats
07:15dans leur bilan environnemental.
07:17Je n'ai rien contre les animaux domestiques, je précise.
07:21Simplement, voilà.
07:22Derrière, il y a aussi ce qui a été fort bien évoqué
07:25depuis le début de la matinée,
07:26c'est tout l'appel sur le fait
07:28que l'agricole n'est pas que de l'alimentaire.
07:30Les céréales rentrent dans cette catégorie
07:33d'une production qui est à la fois alimentaire,
07:35mais qui est aussi la mobilisation de la biomasse
07:37dans son sens large.
07:38Et il faut que tout le monde soit parfaitement conscient,
07:41ce qui est un vrai sujet sur l'éducation à l'agriculture,
07:45c'est que dans le monde dans lequel on doit aller,
07:47moins de pétrole, c'est plus d'agricole.
07:50Sauf que là, il y a un petit problème.
07:52C'est que finalement, les terres agricoles dans le monde,
07:54700 millions d'hectares cultivés aujourd'hui tous les ans,
07:57c'est la taille de l'Australie.
07:59Si on prend l'ensemble des terres agricoles
08:01qui produisent aujourd'hui, c'est la taille de l'Australie
08:03pour 8 milliards d'habitants
08:06et tout le reste que j'ai évoqué.
08:07Donc, en fait, on a un sujet,
08:09c'est où trouver plus de place pour faire de l'agriculture.
08:13Et là, la géopolitique et le climat s'en mêlent
08:15puisque les grands gagnants, a priori,
08:17c'est ceux qui vont être dans le Grand Nord,
08:19d'où la conquête du Grand Nord qui est lancée.
08:23Moi, j'ai toujours été sensible au fait que la Russie,
08:25depuis une dizaine d'années, dans son narratif agricole,
08:28a passé son temps à expliquer à une partie de la planète
08:30que certes, elle tiendrait le robinet céréalier,
08:33mais deux, qu'elle allait faire en Sibérie
08:37ce qu'une partie du monde ne pourrait plus faire,
08:40et en Sibérie, en plus, elle ferait peut-être
08:42même de l'agriculture organique, y compris des céréales,
08:45ce que certains consommateurs réclameraient.
08:48Donc, il y a un sujet sur où produire demain,
08:51sachant qu'en fait, on a intérêt à pouvoir produire
08:54autant qu'aujourd'hui le plus longtemps possible
08:57là où on produit actuellement.
09:00Le produire plus, c'est mieux.
09:01Moi, je commence à être mal à l'aise avec la formule.
09:04Je crois que produire mieux,
09:05il n'y a pas de débat, bien sûr, qu'il faut y aller.
09:07Par contre, produire le plus longtemps possible
09:10ce qu'on produit aujourd'hui dans le monde,
09:12ça, ça va être un défi redoutable,
09:14parce qu'il y a un problème climat...
09:15On ne parle même pas de faire plus,
09:16on parle de continuer à faire la même chose.
09:18Et parce qu'il y a un problème géopolitique.
09:20Et les céréales, donc, doivent considérer la variable,
09:24évidemment, climat,
09:26avec tout le sujet de la recherche
09:28qui a été fort bien évoqué tout à l'heure,
09:32le dérisking qui a été évoqué par ailleurs,
09:34dont il faut intégrer le climat et d'autres variables,
09:38mais pas oublier la géopolitique.
09:40Et moi, je le dis
09:44en étant très préoccupé
09:47par les bascules dans lesquelles on est en train de se situer.
09:51Je suis réserviste.
09:54Cette année, on nous a dit
09:55protéger et stabiliser, c'est plus les mots d'ordre.
09:58C'est durcir et vaincre.
10:01On change d'époque.
10:03Et il faut comprendre,
10:04sur la planète agricole, alimentaire ou céréalière,
10:07et encore une fois, je ne suis pas le spécialiste de ces sujets,
10:10mais globalement, tout le monde doit comprendre
10:13que pour l'Europe, on sort d'une grande séquence,
10:15ce que j'ai appelé la fin des 30 glandeuses il y a 3 ans,
10:19on rentre dans une séquence où plus d'inconforts vont venir
10:22et donc, nécessairement, tout le monde,
10:24et pas que les spécialistes de cette salle,
10:26tout le monde doit comprendre qu'on va devoir,
10:28beaucoup plus qu'avant,
10:29redistinguer l'essentiel du superflu.
10:31Et juste pour faire comprendre de manière imagée,
10:34et ça fait quelques semaines que je le dis ainsi,
10:37on a eu, autour des années 90,
10:41une hyperdomination artificielle
10:43étatsunienne et un peu européenne,
10:45enfin, avec un système, finalement,
10:48où les Etats-Unis nous dictaient ce qu'il fallait qu'on fasse,
10:51ça aussi, ça a été évoqué précédemment,
10:53et on ne s'est pas rendu compte
10:54des très, très grandes transformations mondiales.
10:57On est, aujourd'hui, non pas dans l'effet papillon
11:00où des événements dans le monde ont des conséquences
11:02quelques semaines, quelques mois plus tard,
11:04à l'autre bout de la planète, chez nous ou chez les autres.
11:07On est sortis d'une grande séquence de sinomondialisation.
11:10La Chine a pris les commandes en 2008
11:12après la crise financière internationale,
11:14et on ressort un peu de cette séquence
11:16parce que la Chine a des nouvelles problématiques.
11:19Et on avait, dans cette séquence-là,
11:21non pas l'effet papillon, mais l'effet pachyderme
11:23dans un magasin de porcelaine.
11:24On s'est rendu compte que la planète
11:26a 8 milliards d'habitants galopant vers le développement humain,
11:30avait une empreinte environnementale
11:32et sur les écosystèmes peu soutenable.
11:34C'était le côté l'éléphant dans le magasin de porcelaine.
11:36Aujourd'hui, il faut que tout le monde comprenne bien
11:40qu'on est dans le temps de l'hippopotame.
11:43L'hippopotame, c'est quoi, la différence de l'éléphant ?
11:46Plus féroce, plus véloce.
11:48Plus féroce, les relations internationales se durcissent.
11:52Et donc, en fait, il faut en avoir conscience
11:55pour continuer à faire des choses ici
11:57ou vis-à-vis du reste du monde.
11:59Et le temps géopolitique se raccourcit terriblement.
12:03Et donc, ce temps de l'hippopotame nous oblige, en Europe...
12:08Je partage complètement la remarque de Jean-François Loiseau.
12:11La France, aujourd'hui, dans le monde,
12:13c'est un confetti sur un planisphère.
12:14Par contre, c'est vrai que quand on met l'accent
12:16sur les questions agricoles et alimentaires,
12:18notre petit hexagone a une taille qui augmente
12:23dans les relations internationales,
12:25en termes d'enjeux, en termes de capacités à faire
12:27sur le plan commercial, scientifique, les écoles.
12:30Plein de choses.
12:31Donc le grand sujet demain pour ces questions,
12:34moi, c'est deux points.
12:36S'unir pour changer.
12:38Plus il y a de collectifs France gagnant,
12:40entreprises, sciences, écoles, sociétés civiles,
12:44tout le monde sur les questions agricoles et alimentaires,
12:46c'est un beau sujet.
12:47C'est un beau sujet pour faire des combats pour la paix.
12:50C'est pas parce qu'il y a des pays dans le monde
12:52qui utilisent l'alimentaire pour faire la guerre
12:55qu'on doit, en Europe, oublier
12:56que nous, on a utilisé l'agricole pour faire la paix.
12:59Et ça, c'est vraiment important.
13:00La 2e chose, Emmanuel, je finis.
13:01C'était pour juste...
13:03Il y a quelques années, dans l'opinion,
13:05vous aviez défini l'agriculteur comme un casque bleu.
13:07Oui, mais justement, ce casque bleu
13:10qu'est l'agriculteur, il peut pas être ignorant
13:13que quand vous devez être sur un terrain d'instabilité
13:16ou conflictuel,
13:18quand bien même vous travaillez à la stabilité et la paix,
13:20vous devez être conscient qu'il y a stratégiquement des risques
13:24et que tout le monde ne vous adore pas forcément.
13:26Donc aujourd'hui, l'agriculteur, il est peut-être encore
13:28un casque bleu, mais à la différence d'il y a quelques années,
13:30moi, ce que je constate,
13:33c'est que les acteurs européens, quels qu'ils soient,
13:38redécouvrent que l'agriculture, c'est central.
13:40Ca, c'est extrêmement intéressant.
13:42On n'a jamais eu autant un boulevard
13:45pour recentraliser stratégiquement la question agricole
13:47en Europe et en France,
13:49parce qu'elle est au coeur de tous les sujets.
13:51Et il faut être cohérent.
13:52Donc la cohérence, c'est le prix de l'alimentation
13:54dans nos sociétés européennes, qui est artificiellement bas,
13:57vive l'inflation alimentaire,
13:59si on veut être cohérent avec les enjeux planétaires
14:00et les valeurs qui sont les nôtres en Europe et en démocratie.
14:04Deux, l'industrie et l'industrie du futur.
14:07S'il n'y a pas d'industrie, il n'y a pas de consommateur,
14:09le ventre rempli.
14:10Donc ça, il faut être très clair aussi.
14:11L'agriculteur sans industrie, c'est compliqué.
14:13Le consommateur sans industrie, chasse et cueillette,
14:16c'est pas forcément à la portée de tout le monde.
14:18En tout cas, moi, je constate que quand je mis emploi,
14:21je suis quand même assez très vite en vulnérabilité alimentaire.
14:25Donc voilà, l'industrie, il faut revaloriser l'industrie.
14:28Et puis derrière, c'est le jeu collectif européen.
14:31Jusqu'à quand, par exemple, sur les céréales,
14:33on va pouvoir exporter des céréales hors d'Europe
14:35avec le drapeau français ?
14:37Est-ce qu'il faut un drapeau européen ? Je sais pas.
14:39Je sais que c'est techniquement compliqué.
14:41Mais la lisibilité de l'offre européenne,
14:42la compétitivité européenne,
14:45c'est vrai que demain, elle est questionnée dans un monde
14:47où on n'est pas tout seul, où on n'est pas si gros.
14:49Et évidemment, il y a le sujet européen.
14:51Après, le grand sujet sur l'Europe,
14:52c'est est-ce que l'Europe veut jouer collectif
14:54et est-ce que l'Europe laisse l'agriculture
14:56au centre de son expression de puissance,
14:58sachant que l'Europe a déjà du mal à se penser comme puissance ?
15:02Et pardon de le dire, mais comme il y en a même qui expliquent
15:04que l'Europe doit être détricotée aujourd'hui,
15:06évidemment, je suis un peu préoccupé
15:08quand on me dit qu'il faut durcir et vaincre.
15:12Jean-François Loiseau, c'était un excellent panorama.
15:15C'est dur de venir derrière, mais...
15:16Non, ça va aller.
15:20Ce n'est pas des questions.
15:22Non, mais la question, voilà.
15:23La question, c'est, on est dans cette période
15:25où l'Europe se cherche, ne sait plus où elle va,
15:28ce qu'elle veut, et elle a besoin de se recentrer, peut-être.
15:32On est à un moment politique en France
15:34où on a tous quand même l'impression
15:35d'être un peu au bord du vide sans savoir
15:36où on sera la semaine prochaine
15:38et dans deux semaines, d'une plus forte raison.
15:40Qu'est-ce qui, selon vous, doit guider le choix politique
15:45dans la politique commerciale céréalière ?
15:47Alors, on a parlé de choses assez techniques.
15:48Qu'est-ce qui fait qu'on peut continuer
15:49d'exporter la compétitivité ?
15:50Mais pour vous, ça va au-delà.
15:52C'est carrément une idée philosophique
15:54de ce qu'on doit faire.
15:55Alors, Sébastien a cité une formule tout à l'heure,
15:57et si tu permets, Sébastien,
15:59je me souviens très bien de cette formule
16:01parce que je pense que quelques personnes
16:03dont je fais partie l'ont utilisée.
16:05C'était le... Il y a des témoins dans la salle.
16:07C'était le lendemain, en fait, de l'acte de guerre
16:09de la Russie en Ukraine.
16:10C'était, il faut réarmer l'agriculture
16:13et l'agroalimentaire.
16:15Pendant 50 ans, il y a eu...
16:16Parce que les choix politiques,
16:19je regarde, M. le ministre, de vos prédécesseurs,
16:21étaient d'avoir, en tout cas en France et en Europe,
16:25une force de frappe, une politique agricole
16:28et agroalimentaire structurante
16:32qui innove et qui se développe,
16:34notamment à l'international.
16:36Ce sujet-là redevient central.
16:39Quand nous écoutons Sébastien,
16:41nous devons répondre à cette question.
16:43Et finalement, la France dans tout ça,
16:44demain, ou l'Europe...
16:46Tout à l'heure, la personne qui était à votre place
16:48a interrogé les 2 intervenants.
16:51Que faut-il demander à tel ou tel ministre demain ?
16:53Mais je suis désolé,
16:54c'est pas de demander à tel ou tel ministre.
16:56Est-ce que la France, ses dirigeants de demain,
16:58et donc ça se passe au plus haut sommet de l'Etat,
17:01ou les dirigeants de l'Europe,
17:02si les pays européens veulent se mettre d'accord,
17:05est-ce que nous voulons être une puissance,
17:08dans le sens un peu arde du terme,
17:10agricole et agroalimentaire ?
17:12Oui. Moyennant quoi, nous nous en donnons les moyens.
17:15Tout à l'heure, j'ai entendu parler d'innovation.
17:16Nous faisons comme aux Etats-Unis ou en Chine.
17:20Nous développons de vraies politiques d'innovation
17:22publiques ou privées.
17:24Est-ce que nous voulons avoir
17:26des exploitations agricoles très innovantes ?
17:29Visiblement, le mot est un peu compliqué
17:31à prononcer en France.
17:32Et néanmoins, si on veut passer le cap
17:33de la transition, notamment agricole, décarbonée,
17:37il faut que nous soyons dans ce sujet d'innovation.
17:39Personne, très peu de personnes en parle aujourd'hui en France.
17:42Et quand il en est question en France,
17:44je suis désolé de le dire,
17:45c'est toujours de façon négative,
17:47anxiogène et plutôt même répressive.
17:49Et donc, est-ce que nous ne pouvons pas,
17:50et moi, c'est ce que j'attends des dirigeants de demain,
17:52je pense qu'il faut attendre des dirigeants de demain,
17:54Sébastien, c'est qu'ils nous emmènent plutôt
17:56sur des trajectoires un petit peu de conquête, de développement.
17:59Donc notre pays et l'Europe doivent reprendre
18:03cette grande place qui est de la puissance agri-agro
18:07pour des raisons alimentaires, pour des raisons,
18:09et ça a été très bien dit tout à l'heure,
18:10du fait que finalement, tout ça, c'est du vivant.
18:14Le vivant des carbones, le végétal,
18:18absorbe le gaz carbonique.
18:20Il y a plein de sujets, je dirais, naturels
18:23pour lesquels les concitoyens se mettront d'accord.
18:26Puis moi, je pense qu'il faut aussi aborder
18:28ces sujets un peu géopolitiques d'une façon très sérieuse.
18:31L'alimentaire, c'est totalement vital dans des pays
18:36pour lesquels il n'y a pas les terres
18:37et pour lesquels le climat est en train de détruire
18:40les possibilités.
18:41L'Afrique, aujourd'hui,
18:43la multiplication de la population en Afrique,
18:45je pense que c'est plus d'un milliard dans 20 ans,
18:50je crois, on se trompe tellement les chiffres vont très vite,
18:53a besoin de se nourrir tous les jours.
18:55Alors la Russie a pris la place de l'Europe,
18:59en tout cas de la France, en faisant des dons importants,
19:02en amenant de la logistique pour nous déstabiliser,
19:06pour déstabiliser la France, pour déstabiliser l'Europe,
19:09et même, dans certains pays, pour nous chasser quasiment
19:12de ces pays un peu historiques.
19:13Je pense que la France n'était pas colonisateur, colonial
19:17quand elle vendait du blé en Afrique.
19:19Or, nous avons à relever ce défi,
19:20et moi, je pense qu'il faut arrêter d'être timide sur le sujet.
19:24Il y a, dans notre pays, des entreprises de grande qualité
19:28qui savent faire le boulot jusqu'aux portes des clients.
19:31Il faut les accompagner.
19:33Quand nous exportons un bateau de blé,
19:35ça monte tout de suite à 10 millions d'euros,
19:3810, 12, 15 millions de dollars.
19:40Il faut que l'Etat nous accompagne dans des garanties
19:43auprès des pays qui achètent,
19:45parce que ça, c'est une réelle difficulté.
19:47Nos concurrents ne se privent pas, mais flûte, alors.
19:50Pourquoi ne le faisons-nous pas ?
19:51Quand nous avons, dans notre pays, même en Europe,
19:55la mise en place d'une politique industrielle
19:57sur l'aéronautique, l'espace,
20:01sur le nucléaire, pourquoi est-ce que, en France,
20:04et personne n'en parle...
20:06Alors, les élections, ça, c'est clair,
20:07c'est pas le sujet aujourd'hui.
20:09Pourquoi est-ce que nous ne mettons pas en place
20:11une nouvelle politique alimentaire très puissante,
20:15nationale et internationale,
20:17pour les thèmes qui rassemblent tout le monde ?
20:19Il faut investir.
20:21C'est le vivant. Ce sont beaucoup d'emplois.
20:24Il y a, aujourd'hui, 1,5 million d'emplois
20:27qui gravitent en France autour de l'agricole
20:29et de l'agroalimentaire.
20:31Je parle pas des CDD, des saisonniers,
20:33d'emplois stables.
20:35On ne parle jamais de ces gens-là.
20:36On les met sur le côté.
20:38Donc, pour moi, nos grands décideurs doivent se pencher.
20:42C'est une question vitale pour les générations futures.
20:45Je vais vous reposer. Ca sera le mot de la fin.
20:47Je vais vous le poser à chacun.
20:48Ca vous laisse le temps de réfléchir.
20:50Sébastien, si on devait trouver une devise en 3 mots
20:53pour cette politique de commerce agricole
20:56et agroalimentaire français-européen,
20:58qu'est-ce que ça pourrait être, les 3 mots ?
21:00Je sais pas. Moi, on m'a expliqué que la puissance,
21:03c'était le vouloir, le pouvoir et les moyens.
21:06Voilà.
21:08Du pouvoir, on en a.
21:09Du vouloir, il est questionné.
21:12Et les moyens, c'est, encore une fois,
21:14pour filer la métaphore du domaine militaire.
21:17En fait, le réarmement,
21:19quand on est sur du capacitaire, comme on dit techniquement,
21:24c'est tellement lourd, le capacitaire,
21:26que si vous désarmez pendant un temps
21:28et que d'autres accélèrent,
21:29vous avez un trou et des fenêtres de vulnérabilité
21:32dans lequel on est actuellement
21:34d'un point de vue militaire et agricole.
21:35Et si vous relancez du capacitaire
21:37pour redéployer des moyens de la cohérence, de la constance,
21:40de la performance, tout ce que vous voulez,
21:43ça va prendre du temps.
21:44Relancer, réindustrialiser,
21:46sans savoir, en plus, si on aura des gens à l'intérieur,
21:49des compétences, les métiers adaptés, les moyens.
21:53Voilà. Donc la relance du capacitaire, ça prend du temps.
21:55Le sujet, c'est pas...
21:57Est-ce que demain, on peut être bon en 2025 ?
22:00On est dans une fenêtre de vulnérabilité.
22:02Le sujet, c'est comment on prépare le post-2030
22:05et climatiquement et économiquement
22:08et sur le plan social.
22:10Je rejoins complètement les préoccupations
22:12qu'Audrey met souvent en avant.
22:14L'agriculteur de demain, il va pas être l'agriculteur d'hier.
22:17Il aura peut-être droit d'être un sans-issue du monde agricole.
22:21Enfin non, surtout d'arrêter ça.
22:23On parle beaucoup d'animals et non-issus du monde agricole
22:26qui viennent. On en a besoin.
22:27Mais il y a un truc, aujourd'hui, que je comprends pas.
22:29Quand vous êtes agriculteur, vous devez l'être toute la vie.
22:31Vous avez pas le droit d'arriver à 40 ans
22:32ou à 40 ans de faire un autre métier.
22:34Demain, il va falloir penser plein de mobilité
22:37dans le monde agricole, dans l'exploitation.
22:39Je sais que c'est difficile.
22:41Mais si on n'a pas un narratif un peu gagnant,
22:45on a le droit d'avoir un narratif gagnant en France
22:47et de se dire que demain, il va falloir mettre en place
22:48plein de nouvelles choses à domicile
22:50et vis-à-vis du reste du monde.
22:52Le monde change et il faut accepter
22:55de le regarder tel qu'il est, en train d'advenir.
22:57Et la réalité en France change.
22:59La réalité en France change.
23:01Et pour le citoyen,
23:02moi, je me remets toujours sur le citoyen consommateur,
23:05c'est de constater que pendant trop longtemps,
23:08il est passé à table tous les jours en payant pas cher
23:13sans penser à celles et ceux qui le nourrissent en permanence.
23:17Ca, si on n'a pas une correction mentale de bon sens,
23:22c'est pas compliqué et en plus, ça intéresse les gens.
23:25Moi, je n'ai jamais vu dans aucun endroit,
23:27quand on parlait des questions alimentaires, un désintérêt.
23:30Par contre, j'ai vu dans beaucoup d'endroits
23:32un manque de connexion entre la question alimentaire
23:35et l'acte productif agricole.
23:37Donc il faut recentraliser l'agriculture,
23:39pas oublier les mondes de la mer,
23:42et remettre de l'éducation au productif
23:47et peut-être, du coup, revaloriser des choses
23:50dès le plus jeune âge.
23:52Et donc c'est ça qu'il faut mettre en place,
23:53c'est penser la suite.
23:55Et comme dit Jean-François, peu importe un peu...
23:58Le court terme, c'est pas le sujet.
23:59Le sujet, c'est où on va vers 2050
24:01et sachant qu'en 2050, en effet, au niveau mondial,
24:06je rappelle qu'on va perdre de la population dans le monde
24:10à partir de 2064.
24:12C'est ça, la convergence d'années.
24:13Donc on a 40 ans d'ascension de demande alimentaire
24:17et non alimentaire devant nous.
24:20Donc il n'y a aucune raison de faire moins d'agriculture.
24:23Le sujet, c'est faire mieux d'agriculture
24:26et de faire en sorte que partout sur la planète,
24:28on puisse être très collectif,
24:32parce que si sur le plan agricole, ça va moins bien demain,
24:34Jean-François l'a dit,
24:35il y a beaucoup d'endroits, y compris par chez nous,
24:38où ça va être compliqué.
24:39Il faut peut-être réfléchir à un concept
24:40de dissuasion alimentaire.
24:42La dissuasion alimentaire, c'est quoi ?
24:44C'est d'expliquer que là-dessus,
24:45il faut une permanence à la terre.
24:47Comme on dit sur la dissuasion nucléaire,
24:48il faut une permanence à la mer,
24:49parce que ça explique à tout le monde
24:51qu'on est protégé et ça dissuade les autres
24:53de nous chatouiller de trop près.
24:55Il faut une dissuasion alimentaire
24:57avec une permanence à la terre
24:58ou à l'aquacole,
25:00c'est-à-dire qu'on soit capable de produire
25:02ce qui compte réellement dans le monde
25:04d'aujourd'hui comme de demain
25:05et qui permet à la fois ici
25:07de mettre tout le monde en sécurité
25:08et en même temps d'expliquer au reste du monde
25:10qu'ils peuvent compter sur l'Europe et la France
25:12et que parfois, on va avoir aussi besoin du reste du monde
25:15parce qu'on aura des besoins dans certaines filières,
25:17dans certains métiers, dans certaines innovations.
25:20On est dans un monde interdépendant.
25:22La seule différence, c'est qu'il y a plus d'hippopotames.
25:25Vouloir pouvoir s'en donner les moyens.
25:27Jean-François Loiseau, votre devise à vous.
25:30Alors, avant de répondre, je vais...
25:32Non, non.
25:34Je vais dire à Sébastien que depuis 50 ans en France,
25:37on a inventé ou 60 ans un système de distribution alimentaire
25:41qui est la grande distribution.
25:43Nous en avons tous besoin, nous y allons tous les jours,
25:45qui quand même a cassé un peu la dynamique
25:48parce que la chaîne alimentaire a été privée
25:52de moyens d'innovation, de moyens de développement
25:55et de moyens de conquête.
25:57Donc il y a un rééquilibre obligatoire à faire.
26:00Et nous avons tous intérêt,
26:02je parle avec une autre casquette, vous l'imaginez,
26:05à avoir une force agricole et agroalimentaire
26:08très puissante en France,
26:10avoir des marques, avoir des groupes,
26:12avoir des leaders, avoir des consolidants.
26:14C'est à ce prix-là que nous pourrons être
26:16créateurs d'emplois, innovateurs et se développer,
26:20sans oublier ces sujets, évidemment, de transformation.
26:23Alors je ne vais pas du tout faire de rapprochement
26:26avec l'environnement politique dans lequel nous sommes,
26:29mais quand même, bon, de toute évidence,
26:32il faut organiser un front, c'est clair.
26:35Il faut rassembler, il faut rassembler.
26:37Nous avons besoin de nous rassembler,
26:39toute la chaîne alimentaire, qu'est-ce que c'est que ces histoires
26:42de s'éparpiller pour aller seul conquérir le monde ?
26:45Et il faut reconquérir.
26:47Je pense que la reconquête, en tout cas dans le domaine
26:49agricole et agroalimentaire, elle est majeure.
26:52Nous avons à notre porte des clients solvables,
26:56quelques-uns moins solvables,
26:57et c'est là où l'Etat doit nous accompagner.
26:59Ce n'est pas l'Etat de l'autre côté de la table,
27:02c'est l'Etat à côté de l'entreprise.
27:04De quoi as-tu besoin pour pouvoir aller chez ton client ?
27:08On parle beaucoup d'export, c'est vague, ce terme export.
27:10Il faut parler de client, il y a des consommateurs au bout,
27:12qu'ils soient en Belgique, en Afrique ou en Asie,
27:14ce sont déjà des consommateurs, et surtout.
27:16Et donc que l'on soit en mode, de quoi as-tu besoin ?
27:19Je t'accompagne pour que tu sois puissant.
27:21L'Italie le fait très bien, l'Espagne le fait très bien,
27:23je ne parle pas des pays anglo-saxons.
27:25Cette dynamique en France, elle nous manque.
27:28Donc rassembler, accompagner et reconquérir.
27:32C'est parfait. Je vous remercie tous les deux.
27:34C'était... Comment dire ? Dynamique.

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