• il y a 6 mois
Analyse et décryptage du paysage politique français, à quelques jours du premier tour des élections législatives. Les débatteurs du jour sont : Guillaume Roquette x Pauline de Saint-Rémy x Thomas Legrand.

Retrouvez le débat du 7/10 sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-du-7-10

Category

🗞
News
Transcription
00:00France Inter, Léa Salamé, Nicolas Demorand, le 7-10.
00:07Dimanche, ce sera le premier tour des élections législatives et on continue dans le débat du 7-10
00:14à analyser le paysage politique français entré dans des turbulences inédites depuis la dissolution de l'Assemblée Nationale.
00:22Au micro d'Inter ce matin, Pauline de Saint-Rémy, cheffe du service politique de Politico,
00:27Thomas Legrand, éditorialiste au quotidien Libération, producteur d'enquêtes de politique sur Inter
00:34et Guillaume Roquet, directeur de la rédaction du Figaro Magazine.
00:38Bonjour à tous les trois et soyez les bienvenus à notre micro.
00:43Un mot pour commencer sur le dernier sondage IFOP pour Radio France et Le Parisien,
00:48publié samedi en tête à 35,5% le RN et ses alliés LR.
00:56Vient ensuite le nouveau Front Populaire à 29,5% puis la majorité présidentielle Ensemble à 19,5%.
01:04L'opinion vous semble-t-elle cristallisée ou vous attendez-vous encore à des mouvements dans les jours qui viennent ? Guillaume Roquet.
01:12Écoutez, les jours se suivent et les sondages se ressemblent.
01:15Donc il semblerait que les Français aient globalement pris leurs décisions,
01:20ce qui signifie qu'ils ont pris le risque d'aller vers un bouleversement fort,
01:26c'est-à-dire ou bien un gouvernement qui serait dirigé par le RN et ses alliés,
01:31ou bien une impasse institutionnelle.
01:33Parce qu'on voit que le bloc de gauche est quand même assez nettement derrière
01:39et que la majorité n'est pas capable, même la majorité relative sortante,
01:45avec tous les bémols qui s'imposent, n'est pas capable de construire une offre alternative.
01:50Elle n'a pas suffisamment d'alliés pour ça.
01:52Pauline de Saint-Rémy, votre lecture de la photographie de l'opinion ?
01:56Alors oui, les trois blocs, comme on dit désormais, semblent assez constitués.
02:02Manifestement les uns et les autres, et notamment Emmanuel Macron,
02:04ont encore l'espoir de faire bouger les choses d'ici au premier tour et au second dans 15 jours.
02:11Mais c'est aussi le symptôme d'une campagne extrêmement courte
02:13qui leur a été compliquée de faire évoluer les scores par rapport à ceux des élections européennes.
02:18On notera sans doute, alors je ne sais pas exactement ce que dit ce sondage,
02:21mais que la participation augmentera beaucoup aussi, et je pense qu'on en parlera plus tard.
02:27On va en venir effectivement sur la question des triangulaires.
02:30Thomas ?
02:31C'est vrai que ça a l'air figé et ça ressemble aux européennes
02:35où les sondages ne sont pas trompés et on dit à peu près tous la même chose.
02:39Ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas d'incertitude.
02:41Parce qu'en fait tout va se passer entre les deux tours et tout va dépendre finalement du troisième.
02:47C'est-à-dire les macronistes au sens très large, qui sont de moins en moins macronistes d'ailleurs,
02:52auront un petit peu la main.
02:55Qu'est-ce qu'ils vont dire ?
02:56Parce que partout le Front National ou quasiment partout le Rassemblement National sera en tête
03:00et il y aura des duels avec la gauche ou des triangulaires avec un troisième qui sera la Macronie.
03:08La Macronie ensemble, le groupe ensemble.
03:11Quelle sera l'attitude d'Emmanuel Macron et des leaders de la majorité relative sortante ?
03:20Ça sera important même si on sait que les consignes de vote sont de moins en moins écoutées.
03:24Le nombre de triangulaires c'est crucial ça ?
03:26Il va exploser. Il faut quand même rappeler un tout petit point technique.
03:29Plus de 100 ?
03:30Oui plus de 100. Certains disent même 200. Il faut rappeler qu'il y en a eu 8 seulement en 2022.
03:34C'est un sujet qui a toujours beaucoup occupé les journalistes.
03:36Chaque élection on en parle énormément alors qu'en fait il est de l'ordre du symbolique.
03:39Là ça va être stratégique.
03:41Pourquoi stratégique ? Continuer ?
03:43Parce que s'il y en a 200, l'attitude que vont adopter les troisièmes,
03:48le plus souvent ce sera effectivement le camp central si je peux utiliser cette expression,
03:52sera déterminante dans le résultat.
03:55Maintenant vous posez la question de l'attitude qu'ils vont adopter.
03:57Ils ont une réunion je crois cette semaine, les chefs de file macronistes pour se mettre d'accord là-dessus.
04:02Ça me semble un petit peu écrit.
04:04Je ne vois pas comment ils peuvent faire autrement que d'adopter une sorte de ni-ni dans la mesure...
04:11Attendez, avant d'arriver au ni-ni, juste un mot.
04:14On a déjà un élément de réponse avec Jean-Yves Le Drian qui a déclaré dans Ouest France
04:19qu'en cas de duel entre le RN et le Nouveau Front Populaire au second tour,
04:26il appelait à voter pour un candidat de gauche.
04:29Je n'aurais aucune difficulté à voter pour un candidat socialiste, écologiste ou communiste
04:35pour repousser le RN mais jamais la France insoumise.
04:41Ce sera ça la ligne d'après vous ?
04:43Oui, en toute logique ça devrait être ça parce qu'effectivement les leaders de la majorité macroniste
04:48prennent bien soin, ils ne parlent pas du Nouveau Front Populaire, ils parlent de la France insoumise.
04:53Bon, ceux-là effectivement ils ne sont pas très fréquentables et puis il y a les autres qui eux sont très bien.
04:57Je pense qu'il y a deux arrières-pensées derrière ça.
05:00D'abord l'espoir de pouvoir en décrocher quelques-uns en se disant après tout,
05:05si dans une triangulaire possible, c'est-à-dire s'il y a trois candidats qui se qualifient pour le second tour,
05:11le candidat macroniste décide de se retirer au profit d'un candidat socialiste ou d'un candidat communiste,
05:18eh bien que s'il n'y a pas de majorité à la sortie,
05:23les députés élus se disent finalement je pourrais rejoindre le cercle de la raison pour reprendre l'expression de Thomas Legrand.
05:29Je pense que c'est aussi une façon...
05:31C'est pas la mienne, je la conteste.
05:32Oui c'est vrai, c'est celle d'Alain Minc pour être précis.
05:34Mais enfin vous êtes souvent proches d'un point de vue des idées.
05:37Le sujet c'est surtout qu'il y a derrière ça une façon de s'en sortir idéologiquement en disant
05:44oui c'est vrai les filles du côté de l'antisémitisme ne sont pas très claires mais quand même les autres ça va.
05:49Or moi ce que je vois c'est une alliance de tous ces gens,
05:52donc je veux bien qu'ils n'aient pas la même étiquette politique,
05:55n'empêche ils ont signé ensemble une plateforme, ils se sont mis d'accord sur les investitures,
05:59donc il va falloir expliquer aux français qu'on est d'accord sur tout, on y va ensemble,
06:03mais quand même on n'est pas si d'accord que ça, je ne trouve pas ça cohérent.
06:07Jean-Luc Mélenchon a refusé samedi de s'éliminer ou de s'imposer à Matignon si la gauche remportait les législatives,
06:14tout en disant qu'il était bien évidemment prêt à occuper le poste de premier ministre.
06:20Comment comprenez-vous sa position Thomas Legrand ?
06:23Je ne la comprends pas très bien, je pense qu'il veut faire foirer le Front Populaire.
06:29Pourquoi ?
06:30Parce que tout le monde sait, et ça revient à ce qu'on se disait sur l'entre-deux-tours,
06:34tout le monde sait que si, et beaucoup de journaux plutôt à droite affichent,
06:38quand ils parlent du Front Populaire affichent l'image de Jean-Luc Mélenchon,
06:42tout le monde sait que l'un des enjeux de l'entre-deux-tours,
06:45ça sera justement est-ce qu'on assimile le Front Populaire à Jean-Luc Mélenchon
06:50ou à plutôt celui qui a fait gagner la gauche aux européennes, c'est-à-dire Raphaël Glucksmann.
06:55Et Jean-Luc Mélenchon pour moi c'est un peu, vous savez, ce vieux gars qui est au bout du bar
07:01et qui continue à se liloquer en gueulant contre tout le monde, alors qu'il ne faut pas qu'il reste là.
07:06Le patron commence à mettre les chaises sur les tables,
07:08on baisse un peu la lumière pour bien faire comprendre que c'est fini,
07:11il faut pas rester là M. Jean-Luc, il reste là.
07:13Il reste là, c'est un petit peu embarrassant,
07:16mais je crois que c'est de la responsabilité maintenant des gens du Front Populaire,
07:21des leaders du Front Populaire, de dire, c'est vrai qu'ils ne peuvent pas dire
07:25et qu'ils ne veulent pas dire qui serait leur candidat pour Matignon,
07:28parce que ça dépend du résultat et du rapport de force après l'élection,
07:32mais ils pourraient au moins dire qui ça ne serait pas.
07:35Et ça ne serait pas Jean-Luc Mélenchon, il n'aurait pas d'assentiment du Front Populaire
07:40pour que ça soit Jean-Luc Mélenchon.
07:41Donc c'est une fausse idée de penser et de laisser penser,
07:45et lui le laisse penser à dessein, que Jean-Luc Mélenchon pourrait être le Premier ministre
07:50si cette idée s'installe, et je vois que Guillaume Roquet a bien envie de l'installer,
07:54si cette idée s'installe, ça plombe le Front Populaire.
07:58Guillaume Roquet a été interpellé.
08:01Moi je regarde les chiffres.
08:04Il y a 230 investitures France Insoumise dans le nouveau Front Populaire.
08:09C'est 50 de plus que les socialistes.
08:11Oui mais le résultat ça ne sera pas ça.
08:13Vous savez que la France Insoumise au second tour ne sera pas soutenue par les centaines de jours.
08:20Ils ont le plus gros contingent, ils ont un parti qui fonctionne comme une secte
08:26où quand vous n'êtes pas d'accord avec le chef vous êtes mis dehors,
08:29donc je pense qu'il y aura un vote d'adhésion à Jean-Luc Mélenchon chez ses troupes,
08:36et puis il l'a dit, j'ai l'intention de gouverner ce pays.
08:39C'est ce qu'a dit Jean-Luc Mélenchon ce week-end.
08:41Et puis il y a un troisième point.
08:43Philippe Poutou aussi a l'intention de gouverner ce pays.
08:45Oui mais sauf que Philippe Poutou n'a pas failli se qualifier pour le second tour de la présidentielle.
08:49Et donc je pense qu'il y a effectivement...
08:52Vous voyez le pouvoir défenseur de Mélenchon ici, c'est Guillaume Roquet.
08:54Non mais si vous voulez, je pense qu'il y a un moment où il faut être cohérent.
08:57On ne peut pas, quand on est François Hollande, dire ah bah moi j'ai toujours été social-démocrate
09:01et s'allier avec Mélenchon, après dire ah oui mais Mélenchon c'est pas dangereux.
09:04Il a dit qu'il se taise.
09:06Quand l'extrême-droite arrive, la gauche s'unit, c'est une loi des reins, c'est comme ça.
09:08Pauline de Saint-Rémy, votre analyse de la stratégie de Jean-Luc Mélenchon ?
09:12Je suis d'accord avec Thomas Legand sur le constat, c'est-à-dire le fait que Jean-Luc Mélenchon
09:17veuille manifestement faire foirer, je reprends votre terme, la campagne.
09:20Expliquez-moi pourquoi.
09:22Justement, j'allais vous dire la question, c'est pourquoi.
09:24Une explication assez simple, c'est qu'il a 2027 à l'évidence en ligne de mire.
09:29Une autre explication qui va avec, c'est que manifestement la majorité absolue,
09:37les sondages peuvent se tromper, mais n'est pas à la portée du nouveau Front Populaire.
09:41Dans ces conditions, ils ne peuvent espérer qu'au mieux une majorité relative.
09:44A un moment où justement, les résultats des élections européennes font qu'on assiste à une sorte,
09:49ou on assistait en tout cas à une sorte de rééquilibrage au sein des forces de gauche
09:53avec des figures dites de la social-démocratie qui vont arriver à l'Assemblée Nationale
09:57ou encore celle de Raphaël Glucksmann qui a pris beaucoup de poids, évidemment.
10:02C'est un mauvais moment pour une victoire de la gauche.
10:05Pour Jean-Luc Mélenchon, à l'évidence, le rapport de force ne lui convient pas.
10:09Et si tenter qu'il devait y avoir une majorité relative, il faudrait alors rentrer dans une politique de compromis,
10:14quel que soit le Premier Ministre, qui serait plutôt en faveur des modérés du camp de la gauche
10:18et donc pas en faveur de Jean-Luc Mélenchon.
10:20Moi je pense qu'il a l'âge et le compérement de tout tenter, de rechercher le moindre petit trou de souris.
10:26Il y a, disons, un gros trou de rat.
10:28Ce qui est intéressant, c'est qu'il y a un programme de ce nouveau Front Populaire.
10:33Donc effectivement, Jean-Luc Mélenchon incarne par sa personne une radicalité parfois violente,
10:39en tout cas dans les mots, qui peut faire peur.
10:41Donc je comprends bien que la gauche se dise « on va essayer de trouver quelqu'un d'autre ».
10:45Alors M. Glucksmann nous avait dit « ça pourrait être Laurent Berger ».
10:47Pas de bol, il ne lui avait pas demandé avant.
10:49Et Laurent Berger, ancien patron de la CFDT, dit « moi je n'ai jamais demandé ça, je ne veux pas y aller ».
10:53Et en tout cas, ce qui est sûr, c'est qu'ils vont être élus sur un programme.
10:59Donc ils vont vouloir mettre en œuvre.
11:01Et celui-ci est au moins aussi dangereux, en tout cas à mes yeux, que la personne de Jean-Luc Mélenchon.
11:05Écoutez, merci à tous les trois pour cet échange de campagne.
11:11Pauline de Saint-Rémy, chef du service politique de Politico.
11:15Thomas Legrand, éditorialiste à Libération, enquête de politique sur Inter.
11:21Et Guillaume Roquet, directeur de la rédaction du Figaro magazine.

Recommandations