Pascal Praud revient pendant deux heures, sans concession, sur tous les sujets qui font l'actualité. Aujourd’hu, il reçoit Bernard Hinault.
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00:00Bernard Hinault qui vient avec son livre Hinault 75, oui 75-86 chez Mareuil Editions, c'est écrit avec Jean Cléder.
00:09Vous êtes le dernier vainqueur du Tour de France, vous êtes un personnage qui a marqué évidemment son époque
00:14et dans ce livre il y a de nombreux documents, il y a des photographies inédites.
00:18Et je regardais votre palmarès, 5 Tours de France, Tour d'Italie, Tour d'Espagne, Tour de Romandie, etc.
00:25Paris-Roubaix bien sûr, La Flèche-Vallone, Liège-Bastogne, Liège, toutes les grandes courses, etc.
00:33Est-ce qu'il y a une chose que vous n'avez pas gagnée, mais une des choses prestigieuses ?
00:38Par exemple le record de l'heure, ça vous ne l'avez pas fait par exemple ?
00:41Non, parce que c'est fait pour être battu, donc ça sert à rien.
00:44Non, la seule chose que j'aurais voulu gagner c'est le Milan-Sanremo,
00:49et l'année où j'étais bien préparé, plus que les autres années, on était 300 au départ,
00:55et puis sur le bord de la rivière, il y a un petit pont,
00:58et il y a eu une grosse chute, il y en a 60 qui sont passés, 60 qui sont restés là,
01:02et j'étais juste derrière, donc le temps de remettre tout en route,
01:06les autres avaient 2 minutes d'avance, c'était fini.
01:08À chaque fois que vous venez, je cherche la question que je ne vous ai pas déjà posée,
01:12parce qu'effectivement on a l'impression qu'on vous interroge et on vous parle toujours,
01:15et on vous pose toujours les mêmes questions.
01:17Ce qui est intéressant, et je fais le parallèle aussi avec Alain Prost ou Michel Platini ou Bertharino,
01:25vous êtes des solistes, vous étiez des grands champions,
01:28et vous n'êtes pas devenus des entraîneurs, les trois, Michel Platini l'a fait très peu finalement,
01:35parce que Michel Platini, on devinait qu'il était peut-être tellement excédé,
01:42parce que les joueurs n'étaient pas au niveau que lui était,
01:45parce qu'au fond, ça l'agacait trop d'être entraîneur.
01:48Vous-même, vous n'avez pas été directeur sportif, pourquoi ?
01:51C'est un peu ça, parce qu'un courant qui va me demander beaucoup d'argent, je vais lui demander beaucoup de résultats.
01:55Ça paraît logique, non ?
01:57Et aujourd'hui, il n'y a pas un courant qui est capable de dire
01:59je vais te donner tant de résultats pour tant d'argent que tu me donnes.
02:03Mais est-ce que vous auriez pu transmettre ce savoir, est-ce que vous avez le sentiment quand même que...
02:09Je pense qu'on n'aurait pas été trop mauvais, mais un peu comme Michel, j'aurais été très exigeant sur les résultats.
02:14C'est-à-dire, je donne mes conseils, je donne ce qu'il faut faire,
02:18mais si on n'est pas à la hauteur, ça ne va pas bien se passer.
02:20Ça veut dire quoi, ça va pas bien se passer ?
02:23Il n'y a pas l'argent, c'est tout, enfin ça !
02:25C'est un deal qu'on va faire.
02:27Moi, si je suis entraîneur, je fais un deal.
02:29Si tu veux de l'argent, d'accord.
02:31Moi, j'estime que tu vaux tant, et voilà une liste de courses.
02:36Si tu me gagnes tout ça, tu as dix fois ce que tu me demandes.
02:38Mais au moins, je sais pourquoi je vais te les donner.
02:40Je ne vais pas les donner comme ça pour s'amuser.
02:43Est-ce que vous diriez que vous êtes le même sur un vélo que dans la vie ?
02:46On aime toujours gagner.
02:48J'ai eu une période où j'étais en activité, j'avais envie d'y aller, d'y aller, de gagner.
02:54Mais ça, c'est une chose qui est innée.
02:56On l'a au départ, on ne l'a pas.
02:58Mais vous vous définissez comment ?
03:00Comme quelqu'un de très difficile à vivre, par exemple, pour les autres ?
03:04Il faut demander à ma femme.
03:06Vous avez peut-être un peu de lucidité sur vous, dans le travail, par exemple,
03:09ou vous définissez, si on travaillait ensemble, si vous étiez européens, par exemple ?
03:13Je suis à l'écoute, je pense que chacun a des idées.
03:17Il les défend.
03:19Mais si on peut me prouver que ce n'est pas bon, je vais dire ok.
03:23Mais c'est comme ça qu'on avance.
03:25Il n'y a pas de tranquille solution.
03:27Est-ce que dans la famille Hino, est-ce que vos enfants ont été tentés par le vélo ?
03:31Est-ce que les petits-enfants sont tentés par le vélo ?
03:33Ou est-ce que vraiment c'est trop dur d'avoir un grand-père qui a été champion ?
03:37Mes petits-enfants, on trouvait que c'était peut-être un peu trop dur,
03:39donc ils pratiquent aujourd'hui le sport, mais pour leur vrai plaisir.
03:43Et puis mes petits-enfants, j'ai envie qu'ils fassent du sport, surtout.
03:45Je n'ai pas envie qu'on dise qu'ils sont obligés de faire du vélo. Non.
03:51Ils font du vélo, ils font du football, ils font du tennis, un peu tous les sports.
03:55Bon, je ne suis pas trop vieux encore, donc il faut que je participe.
03:59Vous participez à quoi ?
04:01Avec eux. Papy, on joue au football.
04:03Papy, on joue au rugby.
04:05On joue au tennis. Je ne suis pas bon, mais je participe avec eux.
04:09Et puis ils habitent à 50 mètres de chez vous, je crois.
04:11Est-ce qu'ils vous interrogent sur votre carrière ?
04:13Pas trop. Pas spécialement, parce qu'entre 8 et 10 ans,
04:17c'est plus quand ils voient les images.
04:19Ah, c'est toi, papy, ça ? Ah bah oui, c'est moi.
04:21Mais ils ne sont pas plus intéressés que ça.
04:23J'ai l'impression que vous ne vivez pas dans ce passé-là,
04:27qu'il a existé, que vous en êtes très content, très fier, bien sûr, mais que...
04:31On vit avec ce qu'on vit aujourd'hui.
04:33On ne va pas revenir sans arrêt en train de dire
04:35« Ah oui, mais j'ai fait ça, moi j'ai fait ça, j'ai fait ça... »
04:37Non ! C'est fait, c'est fait, on ne reviendra pas là-dessus,
04:39bien ou en mal.
04:41Donc il faut vivre avec l'avenir, et l'avenir,
04:43c'est le plaisir que j'ai avec mes petits-enfants et mes enfants,
04:45parce qu'on partage des moments maintenant,
04:47que je n'ai pas partagé avant.
04:49Avec vos enfants...
04:51Oui, parce que quand j'ai...
04:53Parce qu'il y a plus de temps, évidemment...
04:55J'étais 42 ans sur la route, quand même.
04:57Entre la partie compétition et la partie ASO,
04:59ça m'a pris beaucoup de temps.
05:01Ça fait 8 ans que j'ai quitté ASO.
05:03Ça fait...
05:05Christian, ça a été un peu dur,
05:07mais moi j'ai dit, je veux retransmettre
05:09à mes petits-enfants ce que mon grand-père
05:11a fait pour moi.
05:13Ce que je n'ai pas fait avec mes enfants.
05:15Et on partage des moments fantastiques maintenant,
05:17parce que je ne suis pas encore trop vieux.
05:19Christian Prudhomme, et ils ont 9 et 10 ans, je crois,
05:21vos petits-enfants. Ils s'appellent comment ?
05:238 et 10. Ils s'appellent comment ?
05:25Armand et Lucien.
05:27En plus, c'est des prénoms...
05:29C'est des prénoms sympas, parce que c'est des prénoms...
05:31Lucien, parce que ma mère s'appelait Lucie.
05:33Donc, on a mis un N un peu
05:35à la fin, quoi.
05:37Il est 12h28, et on marque
05:39une pause, et on est vraiment tellement heureux d'être avec
05:41Bernard Hinault et d'échanger avec lui,
05:43et puis de chanter !
05:45Bernard Hinault va chanter avec Athena Turner, et ça c'est beau !
05:47C'est un couple...
05:49Il n'y a qu'ici qu'on voit ça !
05:51A priori, vous n'avez plus d'auditeurs
05:53sur Europe 1.
05:55Il vaut mieux pas l'essayer !
05:57Vous pouvez vous invoquer sur
05:59bernardhinault018203921, tout de suite sur Europe 1.
06:01Europe 1, Pascal Praud.
06:03Donc, il y a ce livre de Bernard Hinault,
06:057586,
06:07Bernard Hinault, et alors c'est intéressant de vous lire,
06:09bien sûr, sur les journalistes, vous écrivez
06:11les journalistes, il faut les laisser parler.
06:13Ils ne sont pas sur le vélo,
06:15et c'est plus facile de parler, et à l'occasion
06:17de critiquer. Certains même se permettent
06:19de donner des conseils, de dire, ils devaient
06:21faire ceci, ils devaient faire cela,
06:23alors qu'ils n'ont jamais pratiqué. Cela dit,
06:25à l'époque, il y avait davantage de contacts directs
06:27avec un journaliste, il n'y avait pas d'attachés
06:29de presse. En plus, vous, vous avez sans doute connu les journalistes
06:31mythiques du journal L'Équipe.
06:33Bien sûr ! Et Chani, et toute la bande,
06:35même de différents journaux.
06:37C'était vraiment des gens qui étaient là
06:39pour le sport, et pas
06:41pour le scandale comme parfois aujourd'hui.
06:43Avec les journalistes, celui qui me manquait de respect
06:45était Tricard, c'est tout, je ne lui parlais
06:47plus parce qu'il avait plus besoin de moi
06:49que de lui. Jérôme Bureau
06:51a passé son temps à foutre la merde,
06:53c'est vous qui écrivez ça, c'est lui qui a
06:55attaqué Aimé Jacquet au moment de la Coupe du Monde 98.
06:57Encore une fois, c'est facile de critiquer quand on n'a
06:59jamais été coureur cycliste. Moi, j'ai envie quand même
07:01de défendre les journalistes parce qu'en fait, deux métiers
07:03qui sont différents, c'est vrai que
07:05il est rare que les uns et les autres acceptent la critique.
07:07On peut dire ça comme ça.
07:09Ça dépend comment elle est faite. Oh, c'est rare.
07:11Mais moi, j'ai eu
07:13des mauvais moments avec certains journalistes
07:15et je dis, mais t'es Tricard à vie.
07:17C'est fini, je ne te parlerai plus jamais. C'est tout.
07:19Mais parce que vous trouviez que c'était injuste.
07:21Parce que c'était injuste, c'est qu'il n'était pas au courant
07:23de tout.
07:25Comme me dit mon petit-fils,
07:27il me dit, t'es pas à la maison,
07:29tu ne sais pas ce qui se passe à la maison.
07:31C'est la même chose. Oui, bien sûr, là, on n'écrit plus sur rien
07:33parce que par définition, on n'est pas
07:35dans votre chambre avec vos coéquipiers
07:37le soir, c'est vrai.
07:39Il y en a certains qui le font.
07:41Donc ça, c'est pas tout à fait normal.
07:43Alors, il y a des choses, peut-être,
07:45qu'on apprend, par exemple, la religion. De même, je suis
07:47athée, je ne suis pas religieux du tout.
07:49La question m'indiffère, c'est-à-dire que les gens peuvent croire
07:51ce qu'ils veulent, du moment qu'ils me respectent
07:53et qu'ils se respectent entre eux, je m'en fiche éperdument.
07:55Vous voyez, j'imaginais, moi,
07:57que vous étiez croyant.
07:59C'est bête, hein ? Je ne sais pas pourquoi.
08:01J'imaginais qu'il y avait quelque chose...
08:03Non, non, je pense que... Vous êtes athée ?
08:05Athée... Bon, il n'y a rien après...
08:07C'est pas moi qui décide, c'est à l'occasion,
08:09c'est là-haut qui décide, on meurt quand il veut,
08:11je m'en fous. Alors oui,
08:13mais c'est pas athée, ça.
08:15Parce que athée, vous pensez qu'il n'y a rien après ?
08:17Que c'est fini ?
08:19Il n'y a rien après, pour moi.
08:21Ah oui, c'est...
08:23C'est pas nous qui décidons, hein ?
08:25C'est tout, hein ? C'est la nature...
08:27Vous pensez, par exemple, que c'est pas vous ?
08:29Est-ce que c'est la science ?
08:31Est-ce que c'est vous qui avez décidé de gagner ?
08:33Ça, c'est sûr. Mais j'ai travaillé pour ça.
08:37Non ? Ah ben, je sais pas, moi,
08:39je vous pose la question,
08:41est-ce que c'était écrit, ou est-ce que vous avez...
08:43Rien n'est écrit,
08:45on a simplement... La nature nous a donné
08:47des capacités physiques, ou des anomalies,
08:49qui permettent d'être bons,
08:51et si on les travaille,
08:53on est le super bon.
08:55Donc,
08:57ça me paraît naturel.
08:59J'ai bossé pour y arriver, c'est tout.
09:01Le surnom du blaireau s'est mis à circuler progressivement,
09:03à un moment, Pierre Chani l'a écrit dans l'équipe,
09:05dont le tirage était très important,
09:07c'est lui qui a...
09:09C'est deux équipiers que j'avais, un équipier,
09:11un collègue
09:13avec qui je m'entraînais,
09:15qui ont dit devant Pierre Chani,
09:17c'est un blaireau.
09:19Et Pierre Chani a écrit, c'est un blaireau.
09:21Je me suis dit, c'est parti, mais l'animal me va bien.
09:23Vous lisiez l'équipe ?
09:25Pas toujours.
09:27Pas toujours, parce que c'est pas...
09:29Quand on connaît l'article, quand on sait
09:31qui va l'écrire, on sait qu'il n'y aura pas de vacherie.
09:33Et puis, il y en a d'autres,
09:35on peut se poser la question dans ces cas-là,
09:37mais ça vous revient toujours à l'oreille.
09:39S'il y a quelque chose qui a été dit en travers,
09:41il y a toujours quelqu'un qui va venir vous le dire.
09:43Donc dans ces cas-là, on lit
09:45le papier.
09:47Il y a des anecdotes sur le vélo, vous dites au championnat du monde
09:49d'Austunie, en 76,
09:51ça ne s'est pas très bien passé, deux coureurs
09:53de l'équipe de France sont venus me dire,
09:55si tu nous paies, on roule pour toi.
09:57Cette logique dans une équipe de France
09:59est difficile à comprendre.