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00:00 Robert, 20 ans après, qu'est ce qu'il reste de cet Euro 2000 ?
00:09 Qu'est ce qu'il reste ?
00:11 Je crois comme tous les acteurs, comme le sélectionneur et surtout comme tous les fans,
00:17 que de grands souvenirs.
00:19 Parce que ça fait déjà 20 ans.
00:22 Ça passe vite. Mais ça a été un moment assez fort pour le football français.
00:33 Parce que si tu veux, et c'est ce que je souhaite à la nouvelle génération,
00:37 c'est qu'on a quand même réussi à faire le doublé.
00:39 Coupe du monde, euro, et c'est pas facile.
00:46 C'est une vraie consécration ce que l'on a réussi.
00:53 D'autant plus que la France était attendue. Favori.
00:56 Oui bien sûr, mais ça de toute façon, que tu aies un titre ou pas,
01:02 la France, quoi qu'il arrive, on sera toujours et on fera partie des favoris.
01:07 Parce qu'on a quand même, depuis des années je trouve,
01:11 à chaque fois eu des grands joueurs et une belle équipe de France.
01:15 Le début de compétition, il n'est pas évident pour toi,
01:18 tu es sur le banc, les deux premiers matchs.
01:21 Oui, mais je le savais.
01:24 Tu le savais ? Comment tu as vécu ça ?
01:28 Comment tu vis quelque chose comme ça ?
01:30 À l'entraînement, il faut être impliqué, il faut être motivé en sachant que tu ne vas pas jouer.
01:34 Oui, mais tu sais, là on parle de l'équipe de France, c'est pour ça,
01:38 je dis souvent, ce qui se passe en club et en sélection, ça n'a rien à voir.
01:41 Déjà, si tu veux, d'être sélectionné et d'être parmi l'élite du football français,
01:50 c'est déjà pas mal.
01:53 Et puis après, il y a une hiérarchie qui s'est toujours installée à notre époque,
02:00 que ce soit avec Aimé Jacquet ou Roger Lemaire.
02:04 Et puis, si tu veux, il y a eu un discours, les deux ont été clairs avec moi,
02:08 ils m'ont dit "écoute, tu es dans le groupe, mais tu n'es pour l'instant pas titulaire".
02:15 Donc moi, j'ai accepté et puis après, j'ai joué mon rôle de remplaçant du mieux possible, tout simplement.
02:22 Tu joues le troisième match de poule contre les Pays-Bas, c'est ça ?
02:25 Oui, on perd 3-2.
02:27 Et le souvenir du match ?
02:30 Honnêtement, ça a été un très bon match, spectaculaire, deux belles équipes sur le terrain.
02:39 Les deux avaient un peu la même notion de vouloir attaquer, de vouloir marquer à chaque fois.
02:46 Et honnêtement, les Pays-Bas, cette année-là, c'était fort, c'était très solide même.
02:53 Une belle équipe, ouais.
02:54 Honnêtement, c'était une belle équipe, ouais.
02:56 Après, ça s'enchaîne, ces matchs-là, c'est deux combats, l'Espagne et le Portugal.
03:01 Oui, bien sûr, parce que si tu veux, quand tu sors du groupe, tu sais pratiquement que tu vas jouer contre une grosse nation,
03:09 parce qu'on est en train de jouer 2-0 et plus tu vas vers la finale, et quoi qu'il arrive, tu vas rencontrer que des belles équipes.
03:17 Et sur notre chemin, tu as l'Espagne, et l'Espagne, c'est fort, c'est avec des grands joueurs.
03:26 Et le Portugal, demi-finale, en fait, c'est la même chose.
03:30 Donc, le chemin, il est dur quand même.
03:34 C'est deux matchs particuliers en plus pour toi, c'est affectif.
03:38 Ouais, sur un plan personnel, c'est affectif, c'est dur parce que je sais ce que je suis en train de réaliser.
03:48 D'un côté, je vais décevoir ma mère parce qu'elle est Espagnole, et en plus on les bat.
03:54 Et ensuite, sur notre chemin, on joue le Portugal, donc je sais qu'avant le match, je risque de refaire mal à mon père,
04:02 parce que lui, il est Portugais, et c'est ce qui se passe.
04:05 C'est ce que je disais à mes parents, après eux, ils sont hyper fiers de ce que j'ai fait,
04:12 et de ce que l'on a fait avec la France.
04:15 Mais honnêtement, ils étaient tristes.
04:18 Oui, parce qu'ils défendent leur pays, ce qui est logique.
04:23 Et ça ne joue pas grand chose, ces matchs, c'est des histoires de pénalty aussi.
04:28 Généralement, les matchs comme ceux que l'on a joués, l'Espagne ou le Portugal, ça se joue à peu de choses,
04:38 à des petits détails, notamment le penalty face au Portugal.
04:44 Si le juge de touche ne voit pas la main d'Abel Javier, on continue, et après on ne sait pas ce qui se passe.
04:54 Et c'est Zizou qui prend en charge le penalty, qui le transforme et qui nous permet d'aller en finale.
05:01 Entre les matchs, comment ça se passait ? Est-ce que tu as des anecdotes ? La vie de groupe ?
05:06 Honnêtement, c'était magnifique.
05:09 Honnêtement, complètement différent de la Coupe du Monde,
05:17 parce qu'on avait tous pris deux ans de plus, on avait joué un maximum de matchs avec nos clubs respectifs,
05:24 et puis on avait tous pris de l'expérience.
05:29 Et honnêtement, pas parce qu'on a gagné, mais il y avait une vraie cohésion.
05:37 En plus, entre toutes les générations, et ce qui est marrant, c'est que moi j'étais entre les deux,
05:42 parce que j'étais entre les anciens et les jeunes qui arrivaient,
05:47 comme Pat Gira, Trézéguet, Henri, et moi j'étais au milieu,
05:54 j'étais un peu la bascule, c'était sympa.
05:59 Mais honnêtement, on a très bien vécu.
06:01 Et avec le staff, avec Roger Lemaire, comment ça se passait ? Certaine autonomie ?
06:05 Magnifique, magnifique.
06:07 Oui, parce que quand tu as des joueurs comme Deschamps, Blanc, Decailly,
06:18 tu peux voyager et surtout quand tu es sélectionneur, tu leur fais confiance.
06:24 Et c'est ce qui s'est passé, on s'est autogéré,
06:28 et après bien sûr tu as besoin d'un entraîneur ou un sélectionneur,
06:32 parce que c'est lui qui met son once de départ.
06:36 Mais ce que je veux dire, c'est que quand tu as des joueurs comme ça,
06:40 de cette qualité, après l'harmonie qu'il y a eu dans le groupe,
06:45 encore une fois, je me répète, c'était fabuleux. Vraiment.
06:48 Le jour de la finale, c'est fabuleux aussi.
06:51 Toi tu commences sur le banc, comment tu vis ça ?
06:55 Comment je le vis ?
07:00 Jusqu'à la fin du quinquennatième.
07:02 Oui, mais en fait, face à l'Espagne, le Portugal, c'est stressant.
07:09 Même si tu es sur le banc, c'est dur.
07:13 Parce que l'enjeu est lourd.
07:18 Et ce que l'on recherche quand tu es un sportif de haut niveau,
07:23 quand tu représentes la France, ton pays,
07:27 le plus important, c'est de soulever le trophée.
07:30 Et là, c'est la dernière marche, et c'est certainement la plus difficile,
07:36 parce que c'est les Italiens.
07:39 Tu connais les Italiens, on les connaît tous,
07:42 on sait comment ils fonctionnent, on sait comment ils jouent.
07:46 Et ça a été très dur jusqu'au bout.
07:50 Tu rentres à la 87ème, tu y croyais encore ?
07:53 Non.
07:54 Tu t'échauffes, c'est ça ?
07:56 Non, honnêtement, je vais te faire rapide.
07:59 Roger a fait déjà ses deux changements,
08:02 puisqu'il a fait rentrer en jeu David et Sylvain.
08:06 Et donc moi je suis encore en train de m'échauffer,
08:09 mais avec Nico et Nelka,
08:11 ce qui veut dire qu'il y a un ou deux qui va rentrer.
08:14 Et moi je décide de ne plus m'échauffer,
08:17 parce qu'on perd 1-0, parce que c'est la fin du match,
08:20 et parce que s'il veut vraiment prendre des risques,
08:23 il faut mettre Nico devant.
08:26 Autant jouer avec cinq attaquants.
08:29 Et je ne sais pas ce qu'il se passe,
08:32 et je crois qu'il faut demander à Roger,
08:34 en fait il décide de me faire rentrer.
08:36 Voilà, tu l'as dit, 87ème,
08:38 en plus il me dit "tu vas remplacer Elisa,
08:41 je veux que tu occupes tout le flanc gauche".
08:44 Et moi dans ma tête, je l'ai dit et je le répète,
08:47 mais en fait ça ne sert à rien.
08:50 Comme quoi parfois ça joue à peu de choses.
08:54 Le seul qui est croyé quand je rentre sur le terrain,
08:58 le seul c'est Dizé Deschamps.
09:01 Non, mais parce que, si tu veux,
09:04 on connaît nos adversaires, on connaît les joueurs,
09:06 on se connaît tous.
09:08 Et à ce moment-là, les années 2000,
09:10 le championnat italien c'était pour moi le meilleur.
09:14 Et c'est ce qu'on appelait le fameux "catenaccio",
09:17 c'est-à-dire qu'une fois qu'il marque, c'est terminé.
09:20 Même pour eux, gagner à zéro, c'était suffisant.
09:26 Et puis, c'est la magie du football,
09:31 ça se joue à rien,
09:34 et le but de Sylvain nous a remis sur le droit chemin.
09:39 Après, tu as eu une petite pression de Marcel Decailly, c'est ça ?
09:44 Raconte-nous un petit peu.
09:47 Martino, Martino, je vais te faire rapide.
09:50 En fait, on égalise,
09:54 et puis on se dirige vers les prolongations.
09:58 Donc Roger fait son speech,
10:01 il faut y croire,
10:03 enfin bref, le discours normal d'un entraîneur.
10:06 On rentre sur le terrain,
10:09 je suis tout seul,
10:11 et arrive derrière moi discrètement Marcel Decailly.
10:14 Il se met là, derrière,
10:17 et il me dit "on va voir de quoi tu es capable".
10:21 Mais le truc c'est qu'il repart direct.
10:24 Je n'ai même pas le temps de lui répondre.
10:27 Et là je me dis "mais qu'est-ce qu'il me veut lui ?"
10:31 Vraiment n'importe quoi, pas à ce moment-là.
10:35 En plus, tu as la pression, c'est la finale,
10:38 tu ne sais toujours pas ce qui va se passer.
10:42 Donc c'est du Marcel Decailly tout craché.
10:45 Tu l'as mal pris, tu as piqué.
10:48 Non, pas que je l'ai mal pris, mais ça m'a piqué.
10:51 Parce que je me dis "en fait, il n'a pas confiance en moi".
10:55 Il ne sait pas de quoi je peux être capable.
10:59 Le mec me dit "balance ça comme ça,
11:01 maintenant on va voir de quoi tu es capable".
11:04 Ok, on va voir.
11:06 Tu lui as montré ?
11:08 Oui, je lui ai montré non, parce qu'il me connaissait.
11:14 Parce que depuis 1996, ça faisait 4 ans,
11:18 j'étais appelé régulièrement,
11:20 que ce soit par Aimé ou par Roger.
11:23 Je pense qu'il savait de quoi j'étais capable.
11:30 Mais ça c'est du Marcel Decailly.
11:35 Peut-être qu'indirectement, ça m'a fait du bien.
11:38 On ne peut pas le savoir.
11:40 Tu as eu un éclat après, c'est toi le passeur décisif pour David Trezeguet.
11:45 Oui, après, je l'ai dit,
11:50 je pense que mes années Messines m'ont aidé à faire ce que j'ai réalisé.
11:57 Quand j'étais au FCMES, c'est ce que j'avais fait pendant 6 ans.
12:03 Et là, je me suis retrouvé sur le côté gauche,
12:06 à prendre le ballon, à prendre des risques,
12:09 à prendre des responsabilités,
12:11 même si je sais que le maillot bleu est lourd.
12:15 Mais il faut y aller.
12:17 Et je l'ai fait.
12:18 Et puis, attention,
12:19 je suis le passeur,
12:21 mais le but de David est juste exceptionnel.
12:25 Et à ce moment-là, de réaliser ça, c'est fort.
12:30 Tu ressens quoi à ce moment-là ?
12:32 Tu vois le ballon au fond des filets, tu ressens quoi ?
12:34 C'est le but en or ?
12:35 On sait que c'est le but en or et que c'est fini.
12:41 Et puis, ça a été tellement dur,
12:45 ça a été tellement stressant, usant.
12:48 Quand David marque, je n'ai plus d'énergie,
12:53 je n'ai plus de force.
12:55 Et pourtant, je n'ai pas joué beaucoup.
12:57 Non, mais c'est vrai.
12:58 Mais ici, mentalement,
13:00 je pense qu'en beaucoup, on était très fatigué.
13:04 C'est pour ça que, en fait, David marque.
13:08 Donc, il court, c'est normal, il enlève son maillot.
13:11 Tout le monde le rejoint.
13:12 Mais moi, je passe derrière le but et je marche.
13:14 Tu t'arrêtes.
13:15 Non, je marche parce qu'en fait, je suis,
13:18 encore une fois, je me répète,
13:19 mais mentalement, je suis épuisé.
13:21 Tu as quelles émotions à ce moment-là ?
13:24 En fait, on ne peut pas le décrire.
13:28 C'était juste incroyable.
13:31 Tu sais pourquoi ?
13:32 Parce qu'en fait, ce que l'on venait de faire,
13:37 les deux buts, on les a marqués devant notre cop.
13:40 Et le bruit, c'était lourd.
13:49 Les tribunes tremblaient du stade.
13:52 Ah oui, oui, oui, oui.
13:54 Elles tremblaient.
13:55 Et puis, honnêtement, moi, ce qui m'avait frappé,
13:57 c'est le bruit des fans.
13:59 Parce qu'en fait, tout le monde était comme des fous.
14:05 Vraiment, vraiment.
14:06 Après, vous êtes resté longtemps sur la pelouse,
14:08 vous avez savouré.
14:10 En fait, on savait ce qu'on venait de faire et de réaliser.
14:17 Tout à l'heure, c'est qu'on fait le doublé.
14:22 Et en fait, on ne veut pas partir.
14:24 C'est pour ça qu'on reste un maximum de temps tous ensemble sur la pelouse.
14:29 Dédé reçoit le trophée.
14:33 Et là, bien sûr, on fait comme d'habitude le tour d'honneur.
14:36 Mais en fait, on n'a pas envie de rentrer.
14:38 On n'a pas envie de rentrer.
14:39 Et surtout, on a envie de savourer.
14:41 Parce que c'est juste magnifique ce qu'on vient de faire pour la France.
14:45 Là, vous discutez par petits groupes, c'est assez marrant.
14:48 Ce n'est pas commun.
14:51 Non, ce n'est pas commun.
14:53 Mais en fait, ça a été instinctif et ça a été naturel.
14:57 Et puis, en fait, c'est ce que je disais il y a quelques secondes.
15:00 C'est qu'on était tellement fatigué qu'on a décidé de s'asseoir.
15:04 On était là-bas, dans un coin de la pelouse.
15:07 Et puis, on a savouré.
15:11 En plus, on s'est mis devant nos fans, devant le club français.
15:16 Et puis là, on a juste regardé.
15:19 Et puis, quand tu as ce trophée au milieu de toi,
15:23 c'est vraiment une sacrée consécration.
15:27 Si tu avais une image de l'Euro 2000 à garder, c'est celle-là ?
15:32 C'est celle où il y a le trophée avec vous ?
15:35 Déjà, la première, c'est quand Dédé soulève le trophée.
15:39 C'est plutôt pas mal.
15:42 Quelques années avant, j'avais vu Michel Platini le faire.
15:49 Je l'ai déjà dit, mais je ne m'imaginais jamais à sa place.
15:55 Faire le même mouvement, déjà, c'est fort.
16:01 Donc, il y a cette image-là.
16:04 Et puis, quand on a décidé, ce petit groupe,
16:09 de s'asseoir avec le trophée au milieu,
16:12 et encore une fois, de regarder, de savourer cet instant avec les supporters français.
16:17 Tu y penses encore, 20 ans après ?
16:19 Ou ça te vient des fois à l'esprit ?
16:21 Oui, parce que ce qui est marrant,
16:25 c'est que ce soit toi ou les gens,
16:28 et c'est ça un peu la magie,
16:31 on reste nostalgique.
16:34 C'est ça, c'est la magie du football.
16:38 C'est clair.
16:40 Donc, c'est bien, bien sûr.
16:43 Après, à chaque fois, il y a des années où on fait quelque chose.
16:47 Là, c'est les 20 ans, donc c'est bien.
16:51 Ça reste marqué à vie, ça ?
16:53 Ah oui, bien sûr.
16:55 Oui, parce qu'un doublé, tu ne peux pas l'oublier quand même.
17:00 Donc, encore une fois, pour le football français, c'était top.
17:07 Ouais.
17:08 [Musique]