• il y a 6 mois
Enquêtes d'opinion après enquêtes d'opinion, le verre européen reste désespérément à moitié vide pour les 45 millions de Français inscrits sur les listes électorales. Dans un récent Eurobaromètre, ils sont même majoritairement pessimistes quant au sort des 27 pays membres, le score le plus élevé de l'Union européenne.


Qu'à cela ne tienne, le désamour a ses raisons que L'Express a choisi de ne pas ignorer. Dans ce nouveau long format, nous avons demandé à Olivier Costa et Thierry Chopin, tout deux politologues et spécialistes de l'Europe, de poser un diagnostic sur cette "exception française". Leurs analyses sont à retrouver sur notre site, et tous nos réseaux sociaux.

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Transcription
00:00 Concernant le futur de l'Union Européenne, vous êtes plutôt comment optimiste ou pessimiste ?
00:05 La question a été posée lors d'une grande enquête d'opinion dans les 27 pays membres de l'UE
00:09 et les résultats ont été publiés en avril.
00:11 À voter.
00:12 Et la France est encore une fois distinguée par sa vision, disons, très sombre de l'avenir.
00:17 Le résultat de cette Eurobaromètre, c'est que 52% des Français ont une vision pessimiste
00:23 de l'avenir de l'Union Européenne.
00:25 C'est simple, c'est le pire score des 27 pays membres.
00:28 Dans certains pays comme l'Irlande, ce pessimisme concernant l'UE ne concerne que 13% de la population.
00:34 Au Danemark, c'est 15%, 31% en Espagne, 32% en Italie, 36% en Allemagne.
00:40 En fait, on est le seul pays de l'UE où les pessimistes sont majoritaires.
00:44 Alors, c'est quoi notre problème avec l'Europe ?
00:47 On peut dire qu'il y a toujours une relation un peu tendue des citoyens français à l'intégration européenne.
00:53 C'est quelque chose en fait qui est de l'ordre de cette ambivalence
00:56 qu'on pourrait qualifier d'un "je t'aime moins non plus" en ce temps.
00:59 Alors déjà, depuis quand ça dure ce pessimisme à la française ?
01:03 Depuis que l'Eurobaromètre existe.
01:05 Vous avez ici en rouge le taux d'optimisme moyen en Europe, si l'on peut appeler ça comme ça,
01:11 et en bleu le score pour la France.
01:14 Et ça peut s'expliquer déjà par certains événements historiques.
01:16 Commençons déjà avec le non au référendum de 2005,
01:19 qui avait été vécu comme un séisme politique à l'époque.
01:22 Les français ont traduit à travers ce vote, que je regrette, mais qui est là, leur insatisfaction.
01:30 Et puis la crise des subprimes, la crise de la dette en Europe,
01:33 la guerre en Syrie et la crise des réfugiés qui s'en suit.
01:36 En France, le discours politique, c'est quand même souvent cristallisé contre l'Europe,
01:40 qui ne contrôle pas assez ou qui contraint trop,
01:43 ou qui n'est pas à la hauteur ou qui est même co-responsable de certaines crises.
01:46 C'est un discours qu'on retrouve beaucoup à l'extrême droite et gauche du spectre politique
01:50 et qui accroît la méfiance envers Bruxelles.
01:52 Nous ne pouvons pas perdre de vue que la première menace à la démocratie qui s'oppose à nous,
01:58 ce n'est pas l'extrême droite, c'est l'Union européenne.
02:01 Mais le maître bruxellois a déjà corrigé l'esclave français.
02:06 Il va falloir sortir des traités européens.
02:08 Il faut revoir nos règles.
02:12 Mais on a aussi parlé à un politologue, Olivier Costa, qui y voit deux autres raisons.
02:18 La France a été une grande puissance et être dans l'intégration européenne,
02:22 c'est faire un peu le deuil de ça.
02:23 Et je pense qu'il y a une certaine nostalgie chez les citoyens de la petite Europe.
02:28 Une Europe qui serait un club à 10, 12, éventuellement 15.
02:31 Et finalement, c'est assez logique parce que plus le groupe est grand
02:34 et moins on se sent en capacité de contrôler ce qui se passe dans l'Union européenne.
02:39 Il y a un deuxième problème qui est très spécifique,
02:41 c'est que l'intégration européenne a toujours été très centrée sur l'économie.
02:45 Au début, on disait le marché commun, c'était la communauté économique européenne.
02:49 C'est par l'économie qu'on s'est intégré.
02:51 Et en France, on a toujours eu un rapport un peu problématique à l'économie,
02:55 en tout cas assez différent des autres États.
02:58 Alors, comme on pouvait s'y attendre depuis 1979,
03:01 le taux de participation aux européennes est en être cul.
03:04 On est passé d'un plus haut avec 60,7% de participation en 1979
03:09 à un plus bas avec 40,6% en 2009.
03:14 Mais regardez ce qui se passe en 2019.
03:18 Un bond de 8 points de la participation.
03:21 Mais le phénomène quand même majeur de cette élection,
03:23 c'est qu'on a eu plutôt une bonne participation, je crois qu'il faut le redire.
03:27 L'élection européenne est devenue en France le deuxième scrutin le plus important,
03:31 après la présidentielle, mais devant les législatives.
03:35 Alors, qu'est-ce que ça veut dire ce regain d'intérêt pour l'Europe ?
03:38 Et attention, ça n'a rien à voir avec un regain d'optimisme.
03:41 Pour Olivier Costat, ça s'explique déjà par le fait
03:44 que l'on comprend mieux les enjeux du scrutin européen.
03:47 Maintenant, il est clair que l'élection européenne ne consiste pas simplement
03:50 en allant aller désigner 20 ou 22 députés de telle partie
03:55 et 17 d'un autre et 5 d'un autre dans un Parlement
03:58 qui est toujours composé à peu près de la même manière,
04:01 mais qui a des conséquences directes parce qu'en fonction des résultats de l'élection,
04:05 on va avoir telle ou telle personne comme président de la Commission,
04:08 on va avoir telle majorité au Parlement européen,
04:11 on va avoir une réorientation du programme politique de l'Union européenne pour 5 ans.
04:15 Donc forcément, c'est plus intéressant si on va voter pour une élection
04:19 qui est quelque part à un enjeu plus clair.
04:21 Le deuxième point, c'est peut-être le plus important,
04:23 les partis populistes ont complètement changé de stratégie par rapport aux européennes.
04:28 Il faut quand même se rappeler qu'au moins jusqu'en 2016,
04:31 le discours de Marine Le Pen, c'était ça.
04:33 Ce référendum sur notre appartenance à l'Union européenne,
04:36 je le ferai en France parce que vous avez le droit à la parole.
04:43 Et qu'aujourd'hui, le ton a quand même bien changé.
04:45 Je dis d'autant plus volontiers que le Frexit n'est nullement notre projet.
04:49 Nous, nous voulons réformer l'Union européenne de l'intérieur.
04:52 Il y a eu un changement de fusil d'épaule.
04:56 Thierry Chopin est également politologue et spécialiste des questions européennes.
05:00 Dans beaucoup de partis d'extrême droite qui défendait,
05:05 disons jusqu'au Brexit, une stratégie de rupture.
05:11 Après l'élection présidentielle de 2017,
05:13 il y a effectivement cette prise de conscience par l'extrême droite en France
05:17 que le discours de l'Exit ne fonctionnait plus
05:21 et qu'il fallait recentrer le narratif politique sur des thèmes beaucoup plus traditionnels
05:25 pour l'extrême droite comme celui de l'immigration,
05:28 comme celui de la sécurité ou comme celui encore de l'identité.
05:32 Avec un tel revirement, les électeurs ont en fait le sentiment
05:35 de pouvoir voter pour un programme de réforme
05:37 plutôt que pour un programme simplement anti-Europe.
05:40 Ça, c'est beaucoup plus mobilisateur.
05:41 C'est un peu comme si les Français avaient digéré leur appartenance à l'Union européenne.
05:45 Aujourd'hui, il n'est plus vraiment question de rester ou de quitter l'Union européenne.
05:49 Et donc, ça contribue à normaliser cette élection et à normaliser les campagnes politiques.
05:53 Et je dirais que c'est peut-être aussi une bonne nouvelle d'un point de vue démocratique
05:56 parce qu'on voit que c'est une élection qui prend son sens
05:59 et qu'on n'est plus dans une espèce de lutte très très simplificatrice
06:03 entre ceux qui aiment l'Europe et ceux qui ne l'aiment pas.
06:05 Donc, si l'on résume, le pessimisme et la méfiance des Français
06:08 envers l'Union européenne est bien réel,
06:10 mais ça ne se traduit plus par un désintérêt pour l'élection, bien au contraire.
06:14 Et il y a une dernière chose qui devrait nous faire relativiser
06:17 ce pessimisme des Français à l'égard de l'Union européenne,
06:19 c'est le pessimisme des Français pour leur propre pays.
06:22 Regardez ce graphique, notre taux de confiance envers notre propre gouvernement
06:27 est largement inférieur à notre taux de confiance dans les institutions européennes.
06:31 De quoi attester l'idée un peu caricaturale que c'est vrai en France,
06:36 on est tout simplement pessimiste de nature.
06:38 On en avait d'ailleurs déjà fait un explainer à l'Express.
06:41 N'hésitez pas à aller le voir et à vous abonner à notre chaîne.
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