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00:00 Le 5 juin 2004, le maire écologiste de Bègle, Noël Mamère, unissait Stéphane et Bertrand,
00:06 le tout premier mariage entre personnes de même sexe en France, alors que la loi Taubira,
00:11 qui rend cette union légale, n'a voté qu'en 2013.
00:14 Noël Mamère est avec nous ce matin pour revenir justement sur cet événement mari.
00:18 Bonjour Noël Mamère.
00:19 Bonjour.
00:20 20 ans après, est-ce qu'on peut dire aujourd'hui que vous êtes fier d'avoir marié Stéphane
00:26 et Bertrand ce 5 juin 2004 à Bègle ?
00:28 Je ne sais pas si il faut en dire de la fierté, en tout cas j'ai le sentiment d'avoir été
00:32 utile puisque 9 ans plus tard, la loi Taubira a donc été votée, a permis à des personnes
00:39 de même sexe, hommes ou femmes, de pouvoir se marier, de pouvoir construire une famille,
00:44 c'était ça l'essentiel.
00:45 C'était la fin d'une discrimination liée à l'orientation sexuelle qui était insupportable,
00:50 comme beaucoup d'autres discriminations qui continuent à subsister.
00:53 Évidemment on va revenir sur l'impact de cet événement, mais est-ce que vous pouvez
00:57 d'abord nous raconter comment vous en êtes arrivé à célébrer cette union dans votre
01:01 mairie de Bègle ?
01:02 Alors ça n'a pas été une initiative individuelle, je ne me suis pas réveillé un matin en me
01:07 disant "tiens je vais marier deux hommes ou deux femmes".
01:09 C'est une initiative collective qui a été prise après une attaque homophobe contre
01:13 un jeune homme qui s'appelait Sébastien Noucher en janvier 2004 et qui avait été
01:18 grièvement brûlé après une attaque homophobe, comme celle d'ailleurs que viennent de condamner
01:23 les tribunaux, ce qui prouve bien que la lutte contre le homophobie c'est un combat
01:26 de tous les jours.
01:28 A l'issue de cet événement a été constitué ce qui a été appelé un "manifeste pour
01:34 l'égalité des droits" par des militants LGBT comme le philosophe Didier Herribon,
01:39 Caroline Mécary, Daniel Bourillaud, qui sont des juristes pour la plupart, et qui ont demandé
01:46 à ce que ce manifeste soit signé par le grand nombre de personnes.
01:50 C'est un manifeste dans lequel figurait le mariage de personnes de même sexe.
01:55 Je l'ai évidemment signé, comme beaucoup de militants écologistes, et j'ai proposé
02:02 avec d'autres collègues qui étaient adjoints au maire de Paris, comme Clémentine Autain
02:06 et Christophe Girard, et puis Jacques Boutot qui était le maire du deuxième arrondissement
02:10 de Paris, qui était maire écolo.
02:12 Nous avons fait une conférence de presse en disant "nous on est prêt à marier des
02:16 personnes de même sexe".
02:17 Sauf qu'à l'époque Bertrand Delannoy, le maire de Paris, a refusé de leur accorder
02:22 la délégation de mariage, mais moi comme j'étais maire je pouvais m'accorder cette
02:27 délégation.
02:28 Et donc quand à la mairie de Bèges, deux hommes sont venus dire "voilà, on a entendu
02:32 le maire dans les médias, on ne vous laisse pas accéder, on souhaite se marier".
02:37 Et mes collaborateurs m'ont appelé, j'étais à l'Assemblée nationale, ils m'ont dit
02:41 "qu'est-ce qu'on fait ?".
02:42 J'ai dit "on va les marier".
02:43 Voilà, c'est comme ça qu'a commencé ce qui est devenu un parcours du combattant très
02:48 compliqué pendant plus d'un mois.
02:50 Oui, et d'ailleurs la journée même du mariage s'est déroulée dans un contexte assez inhabituel.
02:54 On peut dire que c'était en effet inhabituel, oui, puisque la mairie de Bèges était transformée
02:59 en citadelle à siéger avec des menaces de militants d'extrême droite extrêmement violents
03:07 qui voulaient empêcher ce mariage.
03:09 Donc ça m'a conduit, ça m'a obligé à dormir dans mon bureau de maire dans la nuit
03:13 du vendredi au samedi et nous avons été obligés de faire entrer les mariés par une
03:18 porte dérobée le jour du mariage puisqu'il y avait beaucoup de bruit, beaucoup de fureurs
03:23 et beaucoup de clameurs autour des grilles de la mairie de Bèges.
03:27 Je peux même vous dire que j'ai entendu des protestataires crier les PD en temps de
03:33 concentration.
03:34 Donc ça fait quand même assez froid dans le dos tout ça.
03:37 Il est 7h48 sur France Bleu Girond.
03:39 Noël Mamère, ancien maire écologiste de Bèges et notre invité ce matin sur France
03:43 Bleu Girond, sur France 3 Nouvelles Aquitaine.
03:44 Est-ce qu'il y a 20 ans vous imaginiez l'ampleur, l'impact que ce moment a eu au final ?
03:49 Non, non, non.
03:50 Je dois dire que non.
03:51 Je savais bien qu'en prenant cette initiative, ça bougerait, il y aurait des réactions
03:59 mais je n'imaginais pas qu'elle prendrait une telle ampleur.
04:02 D'ailleurs il faut reconnaître que les associations LGBT ont été un petit peu prises de court
04:08 avec cette décision, ce qui fait que ce sujet-là, très important, a été en quelque sorte
04:15 sous-traité par la société, par des philosophes, des sociologues, des psychiatres qui se sont
04:20 exprimés pendant tout le mois qui a précédé le mariage et qui ont contribué à ce que
04:25 le débat entre dans notre société et finalement habitué la société française à cette idée
04:31 que si on était deux hommes ou deux femmes, on pouvait se marier et avoir la perspective
04:37 d'une famille et bénéficier surtout des mêmes droits que les autres puisque ce mariage
04:41 n'avait pas pour objectif de supprimer des droits à une partie de la société mais d'en
04:46 ajouter.
04:47 On a demandé, pardon Noël Mamère, à nos auditeurs ce matin s'ils pensent que c'est
04:52 bien le rôle des politiques de désobéir à la loi pour la faire évoluer.
04:55 On va écouter la réponse d'un bordelais, il s'appelle Helmut.
04:58 Si je reste un peu fidèle aux règles d'une société, donc je dirais non.
05:02 La loi, ça donne quand même un peu le cadre de la société, de la vie quotidienne, de
05:07 l'ensemble de la vie.
05:08 Donc il n'y a pas le droit de se superposer.
05:10 Alors Helmut, visiblement on n'est pas très d'accord avec l'initiative que vous avez
05:14 prise Noël Mamère.
05:15 Mais vous êtes convaincu, vous, que les politiques doivent agir, doivent parfois désobéir
05:19 pour faire avancer la loi ?
05:20 Oui, s'il n'y avait pas eu dans l'histoire de notre pays et d'autres pays des politiques
05:26 qui avaient désobéi, nos libertés ne seraient pas aussi larges qu'aujourd'hui.
05:31 Et donc le rôle d'un politique c'est de prendre des risques et c'est de considérer
05:35 que lorsqu'une situation est bloquée et que la politique ne peut pas y répondre et
05:40 que les moyens démocratiques qui sont à notre disposition ne veulent pas agir pour
05:44 le résoudre, alors il faut désobéir.
05:47 L'histoire de la désobéissance est remontée au 19ème siècle.
05:51 Henri David Thoreau est passé par Gandhi et Luther King, je ne me prends pas pour eux,
05:55 rassurez-vous.
05:56 Mais vous avez été sanctionné pour ce mariage.
06:00 Mais quand on désobéit, on ne le fait pas clandestinement, on ne le fait pas tout seul,
06:06 on le fait collectivement.
06:08 Quand je marie deux hommes, je le fais avec ma majorité, avec l'administration qui
06:14 a fait bloc, avec tous les militants.
06:16 Et quand un mois plus tard je vais arracher un pied d'OGM avec José Bové et les faucheurs
06:20 volontaires, je le fais devant les gendarmes.
06:23 Et j'assume les risques que je prends et ces risques, je les paie.
06:28 Après le fauchage d'OGM, j'ai été condamné à trois mois de prison avec sursis et à
06:33 100 000 euros de dommages et intérêts.
06:35 Et après le mariage de Bègle, j'ai été suspendu de mes fonctions de maire par le
06:40 Premier ministre, M. de Villepin.
06:43 Donc je pense que la désobéissance est une nécessité quand les sociétés sont bloquées.
06:50 Et je me sens autant à ma place d'écologiste quand je marie deux hommes que lorsque j'arrache