À force d’avoir crié au loup trop souvent, d’avoir surjoué depuis deux décennies la thématique de la faillite de l’État, le discours de l’insoutenabilité de la dette publique n’est plus audible. Souvenons-nous de la célèbre déclaration du premier ministre François Fillon de 2007 : « Je suis à la tête d’un État qui est en situation de faillite ». Ce type de surenchère n’aide pas le pilotage raisonné des finances publiques, surtout lorsque 17 ans plus tard, le même pays dispose d’une note encore très favorable sur le marché des fonds souverains et lève sans difficulté, et avec un spread très faible par rapport à l’Allemagne, plus de 250 milliards par an. C’est toute la difficulté du gouvernement aujourd’hui. Il en appelle à l’urgence, quand les grandes agences de notation font preuve de mansuétude et alors même que le spread des OAT à 10 ans ne témoigne d’aucune perception d’une montée du risque par les opérateurs de marché. [...]
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00:00A force d'avoir crié au loup trop souvent, d'avoir surjoué depuis deux décennies la thématique de la faillite de l'État,
00:16le discours de l'insoutenabilité de la dette publique n'est plus audible.
00:21Souvenons-nous de la célèbre déclaration du Premier ministre François Fillon de 2007.
00:26Je suis à la tête d'un État qui est en situation de faillite.
00:30Ce type de surenchère n'aide pas le pilotage raisonné des finances publiques,
00:34surtout lorsque, 17 ans plus tard, le même pays dispose d'une note encore très favorable sur le marché des fonds souverains,
00:42élève sans difficulté et avec un spread très faible par rapport à l'Allemagne, plus de 250 milliards d'euros par an.
00:50C'est toute la difficulté du gouvernement aujourd'hui.
00:53Il en appelle à l'urgence quand les grandes agences de notation font preuve de mensuétude
00:58et alors même que le spread des OAT à 10 ans ne témoigne d'aucune perception d'une montée du risque par les opérateurs de marché.
01:07Or, la donne a changé et les messages d'alerte ne doivent pas être pris à la légère cette fois-ci.
01:13Il y a d'abord le niveau de la dette publique, à près de 111% du PIB.
01:18Personne ne sait dire quel est le bon ou juste niveau de la dette publique, certes.
01:23Tout dépend du rendement économique et social des investissements qui sous-tendent cet endettement.
01:29Et un sous-investissement est sans doute plus préjudiciable aux générations futures
01:34qu'une dette contrôlée qui sacrifierait le potentiel de croissance et de soutenabilité.
01:40Cependant, depuis 2007, l'essentiel du surcroît de dette a été dédié au soutien aux revenus courants des agents privés,
01:49pour éviter que nos économies ne sombrent.
01:52Nos capacités productives ont ainsi été préservées, évitant une destruction massive de matière fiscale.
01:59Mais nos économies doivent maintenant affronter un service de dette très nettement supérieur à capacités productives pratiquement inchangées.
02:08Et ce, alors que l'artifice des taux zéros ne joue plus comme facilitateur.
02:14Ensuite, si l'on tente de se projeter dans un futur proche,
02:17il est raisonnable de penser que l'inflation reviendra graduellement sur un sentier de 2%,
02:23sur fond d'une croissance potentielle dont il serait très hasardeux de supposer qu'elle décollera de sa tendance de 1%.
02:30Ni la démographie, ni l'arrière-plan de productivité n'incitent à l'optimisme aujourd'hui.
02:37Être raisonnable en matière de projection de dette, c'est donc miser sur une croissance nominale tendancielle de 3%.
02:44Or 3%, c'est précisément le niveau des taux que sert l'État français à 10 ans, si l'on se réfère à l'emprunt phare.
02:53Un palier de taux qui résiste à la décrue anticipée des taux courts.
02:58Partant de ces hypothèses, la formule qui détermine le niveau de déficit qui stabilise la dette en pourcentage du PIB est sans appel.
03:07Quand le taux d'intérêt est égal à la croissance nominale, le déficit hors charge d'intérêt qui stabilise la dette est de 0%.
03:17Si l'on ajoute à cette estimation le poids des charges d'intérêt, entre 1,5 et 2% du PIB, cela donne la cible de déficit à atteindre.
03:27A 5,5% fin 2023, nous en sommes loin.
03:31L'État a besoin d'un ajustement de près de 4 points du PIB pour s'en approcher.
03:37Un ajustement qui s'engage alors même que les probabilités de ralentissement l'emportent sur celles d'accélération de la croissance,
03:45et alors même que tous les pays développés sont confrontés au même agenda de consolidation.
03:51Penser dans ce contexte qu'un hypothétique rebond en 2025 ou 2026 nous sauvera, constitue une hypothèse héroïque.
03:59Ajoutons à cela les coûts induits par un cahier des charges qui s'alourdit au plan sécuritaire et climatique,
04:06et le risque d'emballement qui s'amplifie avec le niveau de dette rapporté au PIB.
04:10Alors oui, la France est en situation alarmante.
04:14Ni le timing, ni l'environnement de croissance internationale, ni les risques géopolitiques ne sont favorables à la maîtrise de la dette.
04:23Crier à la faillite est prématuré, mais cela a tous les attributs d'un ajustement mal timé, mal dosé,
04:31ceux sur lesquels s'effrite décennie après décennie le potentiel de croissance hexagonale,
04:37et qui hypothèque les investissements qui pourraient redonner souffle à son économie.