Tous les jours de la semaine, invités et chroniqueurs sont autour du micro de Pierre de Vilno pour débattre des actualités du jour.
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00:00 - Europe 1 Soir - 19h21, Pierre De Villeneuve
00:04 Premier sujet d'actualité bien sûr la Nouvelle-Calédonie avec la situation sur place.
00:08 On part tout de suite en Nouvelle-Calédonie rejoindre le dépusté renaissance de Nouvelle-Calédonie, Philippe Dunoyer.
00:14 - Bonsoir. - Bonjour.
00:16 - Merci d'être avec nous. Oui bonsoir, bonjour, on ne sait plus. Il est tellement tard aujourd'hui.
00:20 - C'est un jour aujourd'hui. - Exactement, exactement.
00:22 - Effectivement avec le décalage. Vous étiez encore il y a très peu de temps sur les barricades, sur... Quelle est la situation sur place ?
00:31 - On en est au 9ème jour des meutes et de prise en otage des Calédoniens qui vivent dans l'agglomération.
00:38 Il y a moins, bien moins de ravages, d'incendies, de pillages, de saccages qu'on en a connus dans les tout premiers jours.
00:47 Et les forces de l'ordre arrivent nombreuses en masse pour renforcer celles qui étaient déjà présentes.
00:54 Elles font un travail qui est très compliqué, très dangereux au quotidien.
00:59 Il faut leur rendre hommage parce que c'est effectivement dans des conditions très difficiles qu'elles évoluent.
01:04 Mais aujourd'hui, autant on peut dire que la situation ne s'aggrave pas.
01:09 On ne peut pas forcément dire qu'elle s'améliore non plus.
01:13 Il y a toujours cette nuit, les citoyens qui défendent leur rue ou leur maison,
01:18 il y a toujours des quartiers ou des zones dans l'OMEA qui sont pour l'instant inaccessibles.
01:24 Et c'est pareil sur Dumbéa, Pallitano d'Or, sur l'agglomération.
01:27 - Est-ce que le climat est toujours aussi dangereux ?
01:30 - Oui, bien sûr. Il y a toujours le couvre-feu.
01:34 Que ce soit d'ailleurs pendant la période du couvre-feu, c'est-à-dire pendant la nuit ou dans la journée,
01:39 il y a des zones qu'il faut clairement éviter, qui sont inaccessibles.
01:43 Par exemple, des quartiers sur Nouméa, ça ne vous parlera peut-être pas mes camérées,
01:49 comme Mont-Ravel, comme Rivière-Salée par exemple, qui sont des points chauds,
01:52 reconnus par les forces de l'ordre comme des points très chauds.
01:54 Et ensuite, sur d'autres endroits, il peut y avoir en tout cas des barrages à la circulation,
02:00 il peut y avoir des entraves qui se transforment après en difficultés plus fortes.
02:04 Il y a du carjacking, il y a encore de temps en temps des départs d'incendies sporadiques.
02:09 Donc la situation évolue très lentement, la ligne vers l'aéroport n'est pas rétablie non plus.
02:15 - Est-ce qu'on arrive, Philippe Dunoyer, à identifier les émeutiers ?
02:19 Est-ce que ce sont des jeunes isolés ?
02:21 Est-ce que ce sont des personnes qui sont instrumentalisées par les indépendantistes ?
02:26 - Il n'y a pas de jeunes isolés.
02:28 La population des émeutiers, la catégorie, est très jeune.
02:33 On apprenait tout à l'heure que certains peuvent avoir jusqu'à 13 ans.
02:39 On le sait parce que certains se blessent ou sont blessés en manipulant les cocktails Molotov.
02:44 Il y a bien sûr des majeurs, évidemment.
02:48 Certains sont très très organisés ou très militarisés.
02:52 D'autres profitent des situations pour piller, saccager, voler.
02:57 Et puis il doit y avoir aussi certains qui sont là.
03:01 - Donc il y a plusieurs catégories. Il y a ceux qui ont des convictions politiques et des convictions indépendantistes.
03:06 Et d'autres qui ont plutôt l'envie de casser et de voler.
03:09 - Oui, je pense. En tout cas, il y en a beaucoup qui ont envie de casser et de voler, c'est sûr.
03:14 Je constate aussi que les partis indépendantistes localement ont condamné dès le premier jour les exactions qui sont commises.
03:23 Même si ça n'enlève pas les convictions, comme vous les appelez, indépendantistes de certains émeutiers.
03:30 Aujourd'hui, la situation est très compliquée parce que le territoire, l'agglomération est très vaste.
03:36 Il y a 180 000 personnes qui résident sur cette zone.
03:40 Beaucoup, trop nombreux caïdonniens ont peur.
03:44 Les problèmes d'alimentation perdurent.
03:46 Les questions de santé posent des soucis.
03:49 Il y a des gens qui ont perdu la vie parce qu'ils n'ont plus accès au centre de soins.
03:52 Les écoles sont fermées, la circulation est pas rétablie.
03:54 On est vraiment dans une progression très lente du rétablissement des libertés individuelles.
03:59 Vous l'avez dit, les forces de l'or sont encore arrivées en renfort.
04:03 Là, c'est le président lui-même qui se déplace.
04:05 Est-ce que potentiellement, ça peut changer quelque chose ?
04:10 La venue d'un président de la République, est-ce que tout d'un coup, il y a une espérance, un espoir de calme ?
04:17 Alors, il y a une exigence et un espoir.
04:21 Les deux doivent se combiner.
04:23 L'exigence, bien sûr, c'est le rétablissement le plus vite possible.
04:29 Quelque soit le temps que ça prendra de l'ordre, bien sûr, et de la sécurité,
04:32 surtout des Calédoniens qui sont pris en otage.
04:35 L'espoir, il est que le sujet qui a abouti, pour certains en tout cas,
04:41 comme justification et qui sert de blocage,
04:46 et à la fin des discussions, c'est le sujet de la loi constitutionnelle,
04:50 il doit prendre un tournant dans sa gestion pour qu'on ait une reprise en main politique,
04:56 qu'on trouve une solution politique à une situation qui nous échappe.
04:59 C'est en ce sens que la venue du président de la République est très importante.
05:02 Vous attendez du président qu'il annonce un report du DGEL, du corps électoral ?
05:10 On demande deux choses.
05:12 Une mission du dialogue, et on a déjà l'annonce faite que cette mission sera constituée,
05:18 sera annoncée et constituée par le président de la République lors de ses déplacements.
05:22 Et pour que cette mission puisse renouer des films du dialogue,
05:25 dont vous comprenez bien qu'ils sont très très distendus,
05:28 il va falloir certainement un temps qui n'est pas compatible
05:32 avec la fixation de la date aujourd'hui prévue du congrès de Versailles.
05:37 Donc oui, je demande que cette mission soit accompagnée de l'annonce du report
05:42 de la date du congrès de Versailles, parce que c'est à cette double condition
05:46 qu'on va pouvoir avoir, et je le souhaite évidemment le plus vite possible,
05:49 le retour de toutes les formations politiques indépendantistes et non-indépendantistes,
05:52 canadiennes, autour de la table pour parvenir à un accord global,
05:56 ce qui est l'objectif de tout le monde, à l'intérieur duquel le sujet électoral trouvera sa place.
06:00 Merci beaucoup Philippe Dunoyer d'avoir été avec nous sur Europe.
06:03 C'est moi qui vous remercie.
06:04 Et on va en parler justement de cette situation sur place avec les débatteurs.
06:08 Bonsoir Lou Fritelle.
06:09 Bonsoir Pierre, bonsoir à tous.
06:11 Journaliste politique à Paris-Mage, bonsoir Jean-Yves Leborgne.
06:13 Bonsoir.
06:14 Avocat et observateur de la vie politique,
06:17 vous connaissez bien d'ailleurs Jean-Yves la Nouvelle-Calédonie.
06:21 Philippe Dunoyer fait partie avec Philippe Gomez,
06:26 qui d'ailleurs donne des précisions sur les contours de ce voyage présidentiel.
06:32 Alors ils sont Renaissance, mais ils sont en plus de cela sur place ?
06:36 C'est-à-dire qu'il y a les partis nationaux comme Renaissance,
06:40 et c'est le classement de Philippe Dunoyer à l'Assemblée Nationale,
06:45 mais il y a aussi les partis locaux.
06:47 Et Calédonie Ensemble, partie auquel appartient Philippe Dunoyer,
06:52 est un parti qui prône en quelque sorte l'entente,
06:57 qui n'est pas pour l'indépendance d'une manière farouche,
07:01 ou pour une certaine forme de domination coloniale,
07:05 oserais-je dire, d'une manière tout aussi farouche.
07:08 Il y a une volonté de faire en sorte que les populations diverses de la Calédonie
07:16 se parlent et s'envolent.
07:18 Ils veulent et croient encore à vivre ensemble.
07:20 Alors justement, Philippe Gomez qui donne les contours,
07:23 "dialoguer, écouter, reconstruire",
07:25 voici le triptyque du voyage présidentiel.
07:28 Triple objectif de ce voyage, renouer les fils du dialogue,
07:32 écouter les Calédoniens et reconstruire le pays.
07:36 Bon, ça a l'air simple comme ça, Lou Fritelle, mais on part de loin.
07:39 Le problème aussi, c'est que la Nouvelle-Calédonie,
07:42 ce n'est pas seulement l'action d'Emmanuel Macron ou même de François Hollande,
07:47 ça date quand même de 88 au départ,
07:50 qui repousse les accords de Matignon.
07:52 - Bien avant, bien avant.
07:53 La situation les émeutes, c'était dans les années 80.
07:55 - Bien sûr, mais ça aboutit aux accords de Matignon,
07:58 donc en 88, de façon à pouvoir ouvrir un processus peut-être d'indépendance,
08:02 avec un référendum.
08:03 On a repoussé en 98 à horizon 2018,
08:08 et ensuite on se retrouve avec un processus de décolonisation,
08:13 parce que c'est comme ça que ça s'appelle, selon les textes en vigueur.
08:18 - C'est-à-dire que ce n'est plus une colonie depuis 1946 ?
08:23 - Je ne sais plus quel est l'instant exactement,
08:25 mais l'ONU a classifié, enfin, pas classifié, mais appelle ce...
08:30 - Ça vous étonne ?
08:31 - Non, mais c'est vrai que ça s'appelle texto.
08:35 Ça s'appelle texto, un processus de décolonisation.
08:37 - Oui, mais vous me permettrez de souligner que la décolonisation telle qu'elle est vécue à l'ONU,
08:43 est souvent une manière de contester la présence de la France pour la remplacer par d'autres.
08:48 Et soyons clairs, devant ce qui se passe en Nouvelle-Calédonie,
08:52 on a par exemple un certain nombre de regards chinois,
08:56 disons les choses comme elles sont,
08:57 qui sont des regards de désir mettant un peu de sel, s'il se peut, sur la plaie,
09:04 pour récupérer les choses après.
09:06 - Alors, tout le monde, tenez, la notion de colonisation,
09:11 la notion de colonie,
09:12 ça suppose qu'une minorité se soit infiltrée en quelque sorte par la force,
09:19 dans un territoire où une majorité est mise à l'écart.
09:22 Mais le grand problème, et c'est le problème d'ailleurs de la liste électorale,
09:25 c'est que les canards sont minoritaires.
09:28 Alors le problème, qui est chez lui en Nouvelle-Calédonie ?
09:32 Vous savez, vous avez beaucoup de blancs qui sont...
09:35 - Mais vous parlez de façon philosophique,
09:38 il se trouve que nous étions jusqu'au dernier référendum
09:42 dans un processus transitoire, dit de décolonisation,
09:46 ce qui fait que la Nouvelle-Calédonie a un statut extrêmement particulier aujourd'hui
09:51 dans notre constitution, qu'il faut absolument refonder,
09:57 parce que depuis le dernier référendum,
10:00 la Nouvelle-Calédonie se trouve hors la loi d'une certaine façon.
10:03 - Bien, moi je propose qu'on marque une pause,
10:05 on va en reparler, parce que les débats sont vifs,
10:07 on avait prévu plein de sujets, mais on va rester sur celui-ci
10:09 parce que c'est extrêmement important,
10:11 et avec Lou Frittel bien sûr, et avec Jean-Yves Le Born,
10:14 juste après le rappel de l'actualité.
10:16 A tout de suite sur Europe 1.
10:17 Pour parler de la Nouvelle-Calédonie,
10:25 et pas que, je suis avec Jean-Yves Le Born et Lou Frittel.
10:28 Tenez, on va écouter Brigitte, elle habite au Vanuatu,
10:32 elle est coincée en Nouvelle-Calédonie,
10:34 elle ne peut pas rentrer au Vanuatu,
10:35 voilà ce qu'elle nous dit ce soir sur Europe 1.
10:37 J'essaye de venir en Calédonie une à deux fois par an,
10:41 parce que j'ai des amis.
10:42 Je devais reprendre l'avion mercredi 15,
10:44 et on se sent un petit peu coincée.
10:47 C'est stressant, c'est très stressant,
10:49 parce qu'il y a les forces armées qui ont dégagé,
10:52 qui ont nettoyé la route,
10:54 mais les barrages se refont automatiquement,
10:57 et de façon un petit peu plus agressive,
10:59 avec des bonbonnes de gaz piégées,
11:03 ils aiment bien s'armer de tournevis pour faire peur.
11:06 La dernière nouvelle ce matin,
11:08 c'est finalement l'aéroport fermé jusqu'à samedi.
11:10 Oh non !
11:12 Je fais des simulations de vol,
11:14 la petite notice qu'ils nous mettent,
11:16 c'est "erreur fatale".
11:19 Ce n'est pas encourageant du tout.
11:21 Voilà, Alban Leprince qui annonce des bonnes nouvelles à Brigitte.
11:24 Si l'on peut dire, situation désastreuse,
11:27 on l'a entendu par la voix de Brigitte,
11:29 on l'a entendu par la voix de Philippe Dunoyer.
11:31 Qu'est-ce qu'on attend du président de la République ?
11:34 Un "je vous ai compris", un "Ich bin ein Berliner",
11:38 comme je l'ai dit tout à l'heure en introduction,
11:40 Lofritel ?
11:41 Est-ce que ce serait suffisant,
11:44 dans la mesure où de toute façon la Nouvelle-Calédonie souffre,
11:46 on le disait hors antenne,
11:48 vous nous avez rappelé à l'ordre.
11:50 On ne fait pas l'émission avant l'émission.
11:52 Copyright Dominique Souchy, on t'enverra du mil.
11:54 La situation en Nouvelle-Calédonie est aussi un problème socio-économique,
11:59 par-dessus lequel s'est ajoutée cette scission identitaire.
12:05 Aujourd'hui, on se retrouve dans les rues de Nouvelle-Calédonie
12:07 à entendre des cris abominables,
12:09 de "morts aux blancs", "salauds de blancs".
12:12 Ça va sans doute créer aussi, par effet de balancier,
12:17 un retour de bâton sévère de la part des Kaldosh.
12:21 Je ne suis pas sûre qu'Emmanuel Macron, en y allant,
12:25 ait même une légitimité aux yeux
12:27 de ceux qui sont pour l'indépendance
12:29 et qui, de toute façon, ont basculé dans une logique racialiste.
12:34 - Clive Lebrun.
12:35 - Je pense poser la question,
12:38 je vous ai compris ce qu'était un mot de solidarité avec les pieds noirs.
12:44 À l'époque du général de Gaulle,
12:46 "Ich bin ein Berliner" c'était aussi un mot de solidarité.
12:50 Je suis à peu près sûr que le président ne commettra pas l'erreur
12:54 de vouloir être solidaire d'une quelconque faction.
12:58 Il est en quelque sorte, dans cette sorte de résurgence,
13:04 la tradition monarchique,
13:05 le président de la République de la Ve est la France.
13:09 Et à partir du moment où il y a un désordre profond
13:13 qui est dans une région de France,
13:15 il faut non pas qu'il aille soutenir une quelconque faction,
13:19 mais qu'il aille dire qu'il prend en considération
13:22 les difficultés des uns et des autres.
13:25 Là où je vous suis,
13:27 lorsque vous dites qu'il y a un problème sociologique,
13:29 c'est vrai, c'est que cette notion d'indépendance
13:32 consistant à revendiquer un pouvoir sur un territoire
13:38 par une population qui est minoritaire,
13:40 ce qui est inconcevable et antidémocratique,
13:43 est en réalité un problème sociologique,
13:46 car les canaques sont tenus un peu à la lisière,
13:49 à la périphérie de la société calédonienne.
13:52 - Lou Fritelle ?
13:53 - Pour revenir sur le fait qu'Emmanuel Macron
13:58 ne doit pas se mettre dans la posture d'un camp,
14:01 il ne doit pas incarner un camp,
14:03 c'est sans doute aussi ce qui fait que les indépendantistes
14:06 ont pu se radicaliser.
14:07 Une fois que les trois référendums ont abouti...
14:14 - Beaucoup ne comptent pas le troisième,
14:15 ils disent qu'il a été boycotté, qu'il a été alloué.
14:17 - Emmanuel Macron qui avait gardé une certaine neutralité,
14:21 qui avait juste glissé pendant un déplacement,
14:23 "la France serait moins belle sans la Nouvelle-Calédonie",
14:26 là prend par exemple Sonia Baques au gouvernement,
14:28 qui est une représentante loyaliste très connue,
14:31 très marquée, et ça a pu braquer,
14:34 alors même qu'il était encore dans des négociations
14:36 avec les indépendantistes pour trouver un moyen
14:39 de sortir du processus que je décrivais auparavant,
14:42 qui est un processus, encore une fois, transitoire.
14:44 Aujourd'hui, la Nouvelle-Calédonie a des compétences
14:48 bien plus élargies que la Catalogue.
14:52 - Non mais c'est un sujet passionnant,
14:57 et malheureusement, dristement passionnant.
14:59 - Il faut inviter Benjamin Morel sur la question.
15:00 - Non mais vous savez, on va surtout parler à Anne Lauvergeon,
15:03 qui a été le chairpad de François Mitterrand tout à l'heure,
15:05 et elle nous dira sans doute quelques mots sur la Calédonie,
15:08 c'est un dossier qu'elle a suivi également,
15:11 en tout cas de ses compétences de chairpad.